30 octobre 2013

Le chat noir et autres nouvelles - Edgar Allan Poe



"Le chat noir et autres nouvelles" rassemble 8 nouvelles écrites par l'écrivain américain Edgar Allan Poe.

"Le chat noir" ou la confession d'un homme dont la vie a basculé le jour où il a adopté Pluton.
Alors qu'il s'est établi dans un château décoré de nombreuses toiles, un homme croise "Le portrait ovale", un tableau qui recèle une terrible histoire...
En visite chez un ami ayant sombré dans la folie, un homme fera une étrange rencontre et assistera à "La chute de la maison Usher".
Fuyant un fléau qui sévit dans tout le pays, le prince Prospero se retire avec ses gens dans une abbaye fortifiée et y donne un grand bal. Un étrange convive y fait une troublante apparition, affublé du "Masque de la Mort Rouge".
Dans "Le coeur révélateur", un homme décide de supprimer un vieil homme dont l'oeil le terrorise. La police le soupçonnera-t-il ?
Les familles hongroises Metzengerstein et Berlifitzing se détestent depuis des siècles. La prophétie annonçant le triomphe de "Metzengerstein" n'arrange rien à l'affaire...
"Le puits et le pendule" : confession d'un condamné à mort rudement mis à l'épreuve...
En voyage dans le sud de la France, un homme est pris de l'envie subite de visiter un asile d'aliénés aux méthodes peu ordinaires. Il découvre ainsi "Le système du docteur Goudron et du professeur Plume".

" Il y avait des figures vraiment arabesques, absurdement équipées, incongrûment bâties; des fantaisies monstrueuses comme la folie; il y avait du beau, du licencieux, du bizarre en quantité, tant soit peu terrible, et du dégoûtant à foison.
Bref, c'était comme une multitude de rêves qui se pavanaient ça et là dans les sept salons.
Et ces rêves se contorsionnaient en tous sens, prenant la couleur des chambres; et l'on eût dit qu'ils exécutaient la musique avec leurs pieds, et que les airs étranges de l'orchestre étaient l'écho de leurs pas.
Et, de temps en temps, on entend sonner l'horloge d'ébène de la salle de velours. Et alors, pour un moment, tout s'arrête, tout se tait, excepté la voix de l'horloge. Les rêves sont glacés, paralysés dans leurs postures.
Mais les échos de la sonnerie s'évanouissent, - ils n'ont duré qu'un instant,- et à peine ont-ils fui, qu'une hilarité légère et mal contenue circule partout.
Et la musique s'enfle de nouveau, et les rêves revivent, et ils se tordent ça et là plus joyeusement que jamais, reflétant la couleur des fenêtres à travers lesquelles ruisselle le rayonnement des trépieds.
Mais, dans la chambre qui est là-bas tout à l'ouest, aucun masque n'ose maintenant s'aventurer; car la nuit avance, et une lumière plus rouge afflue à travers les carreaux couleur de sang et la noirceur des draperies funèbres est effrayante; et à l'étourdi qui met le pied sur le tapis funèbre l'horloge d'ébène envoie un carillon plus lourd, plus solennellement énergique que celui qui frappe les oreilles des masques tourbillonnant dans l'insouciance lointaine des autres salles." p.73
L'automne (et l'hiver aussi en fait) est une saison qui se prête fort bien à la (re)lecture de récits aux ambiances brumeuses et carrément flippantes.
C'est donc tout naturellement que je me suis tournée vers ce recueil d' Edgar Allan Poe, considéré comme le précurseur du genre fantastique mais pas que (je vous en reparle dans mon prochain billet).
Les 8 nouvelles dont il est question ici présentent de nombreux thèmes communs : au-delà,  perversité, résurrection et apparitions surnaturelles, diabolisation de l'art et des animaux, enfermement volontaire ou non, matériel ou mental.
Les décors et les lieux choisis par Poe (cave, manoir, asile, prison, château isolé ou maison à l'abandon) et le parti de situer ses histoires principalement la nuit participent au caractère sombre de chacune.
Sans compter que l'auteur excelle dans l'art de ces menus détails qu'on n'oublie pas de sitôt...
La narration à la première personne sous forme de confession ou par un témoin saisi d'effroi implique d'autant plus le lecteur dans ces récits de l'étrange qui le laisseront un peu paranoïaque (dans mon cas du moins).
Un régal que ce recueil, contrairement à ses nouvelles policières que je n'ai pas trop appréciées et dont je vous parlerai dans mon prochain billet.

Notez que la collection Folio Junior destine ce recueil à un jeune public dès 11 ans. N'ayant pas d'enfants, je ne suis pas très bien placée pour déterminer des limites d'âge en matière de lecture.
Mais il me semble que 11 ans est un âge un peu jeune pour découvrir certaines de ces nouvelles.

http://www.milleetunefrasques.fr/challenge-classiques-la-page/



18 octobre 2013

La petite poule rouge vide son coeur - Margaret Atwood


Publié en 1993 et traduit en français en 1996, "La petite poule rouge vide son coeur" rassemble une vingtaine de nouvelles de la romancière canadienne Margaret Atwood, notamment auteure des romans "La Servante écarlate", "Le dernier homme" ou "Le Temps du déluge".

" Ce que nous voulons, bien sûr, revient toujours à la même vieille histoire. Les arbres qui font pousser leurs feuilles, les agitent, les font tomber, l'eau qui tourbillonne dans les océans, les trilles des oiseaux, les limaces qui se déplient, les vers qui siphonnent la terre.
Les zinnias et la lente exploration de leur parfum poivré. Nous voulons que tout continue et continue, de la même manière chaque année, monotone et étonnant, comme si nous-mêmes vivions toujours sous la tente, faisant paître des moutons, les égorgeant au nom de Dieu et refusant d'inventer le plastique.
L'incrédulité et les salles de bains ont un prix qu'il nous faut payer. Si la pomme avait été le seul appât du Mal, nous pourrions encore dire que nos âmes nous appartiennent, mais l'aiguillon du désir nous a donné le tout-à-l'égoût en prime et depuis nous sommes condamnés." p.133
27 textes qui interpellent et interrogent, jouant avec les consciences et croyances populaires. Margaret Atwood s'essaie au conte ("La petite poule rouge vide son coeur", "Il était une fois..."), rend hommage aux sottes ("Rendons grâce aux sottes"), aux "sorcières" laissées pour compte ("Les vilaines") et aborde les représentations du "Corps féminin".

" Il fait vendre des voitures, de la bière, des crèmes à raser, des cigarettes, des alcools; il fait vendre aussi des régimes amaigrissants et des diamants, ainsi que du désir en minuscules bouteilles de cristal. Est-ce bien ce visage qui a servi à la promotion d'un millier de produits ? Tu parles ! Mais ne t'illusionne pas, ma chérie, ton sourire ne vaut pas cher.
Il ne fait pas que vendre, il est vendu. L'argent rentre à pleines brassées dans ce pays ou dans cet autre, il y atterrit, il s'y infiltre pratiquement à pleines valises, attiré par toutes ces jambes lisses de pré-adolescentes.
Ecoute-moi, tu veux réduire la dette nationale, n'est-ce pas ? Tu aimes ton pays ? Voilà qui est bien. T'es une brave fille.
Elle est une ressource naturelle, une ressource renouvelable, heureusement. Ces choses-là s'usent si rapidement. On ne les fait plus comme avant. Marchandises de pacotille." p.38

Elle nous explique comment "Fabriquer un homme" ou pratiquer "La chasse aux souches".
L'auteur examine les notions de bien, de mal et de paradis ("Théologie") et crée de nouvelles mythologies ("La troisième main", "L'ange", "La Danse des lépreux", "Ma vie comme chauve-souris").
Elle évoque la mort à travers certaines coutumes ("Scènes de mort", "Quatre petits paragraphes", "De bons os"), la guerre entre les hommes ("Les épaulettes", "Les coquelicots : 3 variations") et leur peur de l'inconnu ("En territoire étranger").
Ecologiste dans l'âme, elle attire notre attention sur le comportement irresponsable de l'homme vis à vis de son environnement ("Boule dure", "De sang froid", "Terre natale", "Insatiables").

" Qu'y a-t-il d'autre à manger ? Eh bien, il n'y a plus de hamburgers. Les vaches prennent trop de place. On élève encore, ici et là, quelques poulets et quelques lapins qui se multiplient vite et qui sont de petite taille. Il y a aussi, bien sûr, aux étages inférieurs, des rats, mais il vous faut les attraper.
Imaginez-vous la terre sous la forme d'un navire du XVIIIème siècle, rempli de passagers clandestins, mais sans aucune destination.
Et puis, inutile de le préciser, il n'y a plus de poissons. Impossible d'en trouver un seul dans cette eau sale qui clapote en bordure des océans et au travers des ruines de ce qui fut New-York.
Si vous disposez de beaucoup d'argent, vous pouvez y faire de la pêche sous-marine pendant vos vacances. Emprunter le sas. Plonger dans le romantisme d'un âge révolu.
Mais c'est un mauvais vent qui ne fait de bien à personne. Il n'y a plus de crimes dans les rues.
C'est un progrès, voyez-le comme ça." p.88


Il m'est assez difficile de résumer les 27 textes qui composent ce recueil. Non seulement parce que la plupart ne sont pas des "histoires" à proprement parler mais aussi parce que quelques-uns d'entre eux sont tout simplement restés des énigmes pour moi.
J'ai beau avoir déjà lu 3 romans de cette auteure et connaître ses thèmes de prédilection (féminisme, "pessimisme" écologiste et politique), j'ai parfois été déroutée durant ma lecture.
Heureusement, la plupart de ces textes m'ont plu de par leur humour et leur ton sarcastique voire même désabusé.
Sans se montrer moralisatrice, Margaret Atwood pose un regard très critique sur notre époque, livrant ici un patchwork de constats alarmants visant à nous conscientiser sur des problématiques actuelles.
Je ne sors jamais complètement indemne une fois un livre refermé de cette auteure et malgré une déception par rapport à certains textes, je ne regrette pas cette lecture.
A recommander à ceux qui apprécient l'univers et l'impertinence de la dame.

15 octobre 2013

36 heures de la vie d'une femme - Agnès Bihl


En librairie dès le 17 octobre prochain, "36 heures de la vie d'une femme" est le premier recueil de nouvelles de l'auteur interprète française Agnès Bihl.

"36 heures de la vie d'une femme" qui a donné son titre au recueil aborde la difficulté d'être une femme plurielle à notre époque et de pouvoir mener de front tous les rôles que lui impose la société (ou qu'elle s'impose à elle-même ?).
"Pleure pas, Casanova" ou l'étrange attirance des femmes envers les bad boys.
Difficile pour un couple de trouver du temps à soi, surtout avec une ado à la maison. Les moments pour "La sieste crapuleuse" sont plutôt rares.
"Bon dieu, mon vieux" ou le lynchage d'un vieil homme à son propre enterrement.
"Les imbéciles", discussion hautement alcoolisée de deux hommes au sujet de leurs épouses.
Un psychanalyste dévoile une méthode radicale et infaillible pour soulager ses patients dans "Toubib or not toubib".
"Le baiser de la concierge" ou l'histoire vraie de 3 enfants enfermés durant plusieurs mois pendant la seconde guerre mondiale.
Dur de faire face à "La déprime". Une jeune femme se confie à un psy. A moins que...?
Et si les nouveaux nés pouvaient parler, que diraient-ils ? Peut-être "La plus belle, c'est ma mère".
Une membre des bénévoles du Bienheureux Calvaire des Foetus Anonymes écrit à Jésus pour lui parler de "La manif" qui se prépare.
"Gueule de bois 2 : le retour" : tout est dans le titre ou presque...
Blandine est infidèle, ragoteuse, égocentrique, menteuse, langue de vipère, vénale. Bref elle a décidément "Tout pour plaire".
"Ciné-club" et les rêves de gloire d'une figurante de pub.
Victimes d'"Insomnie", une mère veille son enfant, un homme lève la main sur sa femme, une adolescente songe au suicide. Ca ira mieux demain (ou pas).
Dans "Faites l'amour, pas la vaisselle", une femme annonce à ses enfants qu'elle est amoureuse et qu'elle quitte leur père pour commencer enfin sa vie de femme.

"36 heures de la vie d'une femme" signe pour moi une double rencontre avec Agnès Bihl puisque la lecture de ce recueil m'aura non seulement permis de la découvrir en tant qu'auteure mais aussi en tant que chanteuse.




Une artiste que je placerais dans le même registre que Juliette, Anaïs ou Rose, des chanteuses dont j'apprécie généralement les textes.
S'agissant de ce recueil, autant le dire tout de suite, ce fut globalement un coup de coeur !
Par globalement, j'entends que si tous les textes m'ont plu, certains se sont davantage détachés du lot comme "Bon dieu, mon vieux", "Insomnie", "Tout pour plaire" et "Faites l'amour, pas la vaisselle".
Le moins qu'on puisse dire est qu'Agnès Bihl n'a pas la plume dans sa poche, s'amusant avec les mots (chaque texte commence d'ailleurs par la définition d'un mot en rapport avec la suite) et rehaussant des scènes de la vie quotidienne (pour la plupart) d'un humour très second (voire troisième) degré.

"Je, soussignée Vénus Dersch, saine de corps et d'esprit, déclare vouloir mettre un terme à mes jours dès cette nuit.
Cher papa, chère maman, surtout ne culpabilisez pas de m'avoir enfoncée toujours plus profondément dans l'angoisse et la dépression, ce n'est pas votre faute.
Il ne faut pas pleurer, je meurs en bonne santé et je suis à présent en paix avec le monde.
Je ne vous dis pas adieu, je vous dis au revoir car vous n'êtes plus tout jeunes et plutôt gros fumeurs,
Votre fille qui vous aime plus que sa propre vie." p.111

Ma nouvelle préférée fut sans conteste "Bon dieu, mon vieux", un petit bijou d'humour noir.

" Ma femme...enfin, ce qu'il en reste. Avec ses colliers de mentons qu'elle porte autour du cou, son regard en trou de pine et ses bajoues bouffies, c'est vrai qu'elle a morflé. Dire qu'elle aime la nature...elle n'est pas rancunière. Moi si. Quand je pense aux années qu'on a perdues ensemble, oh mon amour, allez ! Laisse-moi te regarder. On s'amuse comme on peut.
Ton charme est faisandé depuis pas mal de temps mais c'est vrai qu'à vingt ans, ton rire était une vague, une cascade, un torrent...et moi comme un grand con, je me noyais dedans.
C'est drôle. Maintenant, ta bouche en cul-de-poule n'est plus qu'une flaque d'eau tiède. Ton rouhe à lèvres est rose comme du papier cul, c'est moche mais ça te va bien.
Dire qu'on tue les baleines pour maquiller des thons.
J'aime assez l'ironie, décidément la veuve est l'avenir de l'homme." p.39

A travers ces nouvelles (rédigées au départ des chansons que l'auteure avait écrites pour le cd du même nom), Agnès Bihl aborde de nombreux thématiques actuelles comme la peur de l'engagement, l'homosexualité, la maternité, la solitude, le Mouvement Pro Vie, la violence, l'adolescence, le syndrôme de la "super woman", souvent sous la forme d'un monologue, confession ou cri du coeur.

Un recueil à découvrir de toute urgence !

Merci à l'agence LP Conseils et aux éditions Don Quichotte de m'avoir envoyé ce recueil !


challenge album


12 octobre 2013

Le gang des mégères inapprivoisées - Tom Sharpe


Publié en Angleterre en 2009 et traduit en français l'année suivante, "Le gang des mégères inapprivoisées" est un roman de l'écrivain britannique Tom Sharpe, particulièrement connu pour sa série "Wilt".

Au sein de la famille Grope, de nombreuses générations de femmes se sont succédées, relayant la coutume familiale qui consiste à kidnapper un homme pour ensuite le séquestrer, l'épouser et se faire engrosser. Autant dire que si le malheureux tient à la vie, il a plutôt intérêt à être fertile et à produire des filles.
Si Belinda Grope n'a pas du avoir recours à la tradition pour se faire passer la bague au doigt, elle a du renoncer à l'espoir de tomber enceinte de son mari Albert.
Lorsque sa belle-soeur Vera leur envoie son fils Esmond en pension, Belinda y voit là une occasion en or de pouvoir enfin réaliser son rêve...

Pourquoi cette couverture me fait-elle rire à chaque fois ?
La première partie dresse un portrait de la famille Grope sur plusieurs générations, l'occasion de faire connaissance avec ces Amazones d'un genre particulier et de comprendre le milieu matriarcal dans lequel Belinda a grandi.
J'ai vraiment trouvé cette première partie cruellement drôle tant les ruses déployées par ces femmes au fil des siècles ne manquaient pas d'inventivité inattendue.
La seconde partie est consacrée à la famille Burnes, composée de Vera, mère poule au foyer éprise de romans à l'eau de rose, de son mari Horace - employé de banque timide et pas très malin - et de leur fils Esmond, copie conforme de son père au point de lui donner des envies de meurtre.
Lorsque Esmond part s'installer chez sa tante et son oncle, les comportements des uns et des autres changent au point que chacun pètera un câble à sa manière, laissant ainsi parler un instinct trop longtemps enfoui.
Chacun passe ainsi pour un "dingo", l'occasion pour l'auteur d'égratigner au passage les flics et les psys assimilés ici à des crétins finis.
Les péripéties ne manquent pas dans ce roman et pourtant, j'ai fini par m'en lasser, les trouvant trop grosses et pas forcément drôles.
Je n'ai pas non plus adhéré à la fin de l'histoire tant j'ai eu l'impression que l'auteur laissait ses personnages en berne.
Une déception donc ! Dommage car la première partie n'était pas sans me rappeler cet humour anglais savoureux façon "Willa Marsh".

"Le gang des mégères inapprivoisées" était une lecture commune avec Liliba dont je file voir le billet !
 

10 octobre 2013

Au bal de la chance - Edith Piaf


En librairie depuis le 18 septembre, "Au bal de la chance" est une réédition réalisée à l'occasion des 50 ans de la mort d'Edith Piaf, ce 11 octobre.
Parue pour la première fois en 1958, l'édition s'est vue augmentée d'une préface signée par Jean Cocteau, d'une postface, de plusieurs témoignages de proches de la chanteuse, ainsi que de deux cd's contenant les enregistrements de ses chansons à l'Olympia entre 1955 et 1963.

Edith Piaf revient sur ses débuts, dans la rue, en 1935, avant que Louis Leplée, directeur du Gerny's, ne la remarque et l'engage dans son cabaret où elle devient alors "La môme Piaf".
En lisant "Au bal de la chance", on se rend compte à quel point la vie de Piaf fut marquée par une série de rencontres dont elle se souvient, non sans émotion.
Ainsi en va-t-il de Marguerite Monnot - meilleure amie et parolière -, Raymond Asso - qui lui offre "Mon légionnaire" et lui décroche son premier contrat de music-hall -, Michel Emer - auteur de "L'accordéonniste", Yves Montand - qu'elle contribuera à faire connaître -, Les Compagnons de la chanson - avec lesquels elle interprétera notamment "Les Trois Cloches"-, Marlene Dietrich - précieuse amie-, Jacques Pills - son premier mari-, Jean Cocteau - qui lui écrira la pièce "Le Bel Indifférent", mais aussi Charlie Chaplin, la princesse Elizabeth d'Angleterre, le général Eisenhower ou encore Sacha Guitry.
Elle retrace également sa conquête de l'Amérique ainsi que du public grec qui la surnommait "la chanteuse de poche".

C'est la deuxième fois que je lis un ouvrage consacré à Edith Piaf et la deuxième fois que je m'en mords les doigts.
"Mon amour bleu", qui exposait sa correspondance désespérée avec le cycliste Louis Gérardin, m'avait plutôt agacée et mise mal à l'aise de par son contenu "trop intime" et je m'étais jurée de ne plus rien lire d'aussi personnel la concernant.
"Au bal de la chance" n'évoque quasiment pas les hommes qui ont traversé sa vie (c'est à peine si Marcel Cerdan est cité), ce qui m'a franchement étonnée compte tenu de l'importance de l'amour dans la vie de Piaf mais aussi soulagée pour la raison évoquée plus haut.
Je préfère généralement les autobiographies aux biographies (bien souvent subjectives de par les interprétations de leur auteur). Lorsque j'ai eu vent de la réédition de "Au bal de la chance", j'ignorais alors qu'il s'agissait plutôt d'une compilation d'entretiens avec un journaliste, certes validée par Edith Piaf de son vivant mais pas écrite de sa main comme le laisse penser la narration à la première personne.
Première déception donc.
Ma deuxième déception est allée aux notes de bas de page et à la postface qui semblent prendre plaisir à reprendre "l'auteure" dans sa narration en relevant ses petits mensonges, incohérences et contradictions.
Rien de bien scandaleux mais pourtant de petites révélations qui ont suffi à entacher la sincérité que je prêtais par défaut à Edith Piaf. Comment dès lors dissocier le vrai des petits arrangements mis au service du mythe et corroborés par la principale intéressée ? Qu'apprendra-t-on dans 50 ans ? Que Piaf chantait en play-back ?!?
Ce qui m'a donc amenée à m'interroger quant au but de cet ouvrage censé lui rendre hommage à l'occasion de l'anniversaire des 50 ans de sa mort.
Curieux hommage tout de même...
En écoutant les deux magnifiques cd's présents dans cette édition (charme des grésillements, impression d'assister à un concert d'époque), je me suis dit qu'il valait mieux à l'avenir me contenter des airs de la chanteuse et laisser la vie de la femme de côté. 

Je remercie l'agence LP Conseils et les éditions de m'avoir envoyé ce livre.

challenge album


8 octobre 2013

Soldat Peaceful - Michael Morpurgo






Publié en Angleterre en 2003 et traduit en français l'année suivante, "Soldat Peaceful" est un roman jeunesse de l'écrivain britannique Michael Morpurgo, notamment auteur de "Cheval de guerre" (adapté par Spielberg en 2011), "Le Royaume de Kensuké" ou encore de "Monsieur Personne".

Comme le suggère la (jolie) couverture, "Soldat Peaceful" se présente sous la forme d'un journal tenu par le jeune Thomas - dit Tommo - Peaceful. Il y consigne ses dernières heures à la manière d'un compte à rebours, alternant présent et souvenirs d'enfance.
Après la mort de son père des suites d'un accident dont il fut témoin, Tommo a grandi auprès de sa mère, de sa tante (surnommée Grand-Mère Loup en raison de sa méchanceté) et de ses deux frères, Big Joe et Charlie.
Tommo et Charlie veillent l'un sur l'autre, protègent leur frère Big Joe né "différent" et partagent une profonde amitié pour Molly. Une jeunesse insouciante - même si pas dénuée de drames - à laquelle la première guerre mondiale mettra brutalement fin.
Tommo - pourtant trop jeune que pour s'enrôler - choisit d'accompagner Charlie au front...

Lorsque Ys a lancé son rendez-vous d'anniversaires d'auteurs, j'y ai vu l'occasion idéale pour sortir ce roman resté trop longtemps dans ma PAL.
Certes, je suis en retard puisque Michael Morpurgo a fêté ses 70 ans le 5 octobre dernier (après tout, c'est l'intention qui compte hein).
Comme déjà expliqué, je ressens toujours une certaine appréhension lorsque j'ouvre un roman estampillé jeunesse : peur d'une histoire trop gnangnan, de personnages manichéens, d'un style infantilisant qui me donne l'impression d'être plus bête que je ne le suis.
Rien de tout cela ici heureusement.
J'ai aimé la construction de ce roman qui met en balance les joies simples de l'enfance et la dureté de la guerre et qui recourt aux figures d'autorité (professeur, Colonel, tante, supérieur dans l'armée) pour encourager la solidarité. La chanson "Oranges et Citrons", véritable bande-son du livre, semble tisser un fil entre ces deux univers.
Ce roman défend de nobles valeurs : tolérance et respect de l'autre et de la différence, importance de la famille et de l'amitié, respect de la nature, réaction face à l'injustice.
"Soldat Peaceful" ne m'a pas éblouie par son style (il n'y a rien à faire, j'ai besoin d'un discours adulte à méditer) mais il m'a beaucoup plu par les messages et les belles émotions qu'il véhicule, sans en faire trop.
Et parce que lorsque l'on songe bien volontiers aux soldats morts sur le champ de bataille à cause d'un tir de baillonnette, d'un gaz mortel ou d'un éclat d'obus, il nous rappelle un aspect de la guerre qu'on aurait tendance à oublier.

Une belle lecture en somme !

D'autres avis : Ys - Theoma - Sandrine - Karine

Prochain rendez-vous anniversaire le 5 novembre avec Joyce Maynard (yes !)



6 octobre 2013

Manuel de survie à l'usage des incapables - Thomas Gunzig


En librairie depuis le 22 août, "Manuel de survie à l'usage des incapables" est un roman de l'écrivain belge Thomas Gunzig, notamment auteur de "Mort d'un parfait bilingue", "De la terrible et magnifique histoire des créatures les plus moches de l'univers" ou encore du recueil de nouvelles "Assortiment pour une vie meilleure".

Jean-Jean, agent de sécurité dans un supermarché, installe des caméras de surveillance pour tenter de surprendre la liaison entre la caissière Martine Laverdure et Jacques Chirac Oussomo, responsable du rayon primeurs.
Lorsque la DRH leur annonce leur intention de les licencier pour faute grave, un incident ôte la vie à Martine.
Pendant ce temps, une bande de 4 frères loups (Blanc, Noir, Gris et Brun) issue d'une cité braque un supermarché.
A l'annonce de la mort de leur mère, la meute décide de se venger et se lance à la poursuite de Jean-Jean, se heurtant au passage à Marianne, la femme de celui-ci, dotée de gênes de mamba vert...

" On avait beau tourner la chose dans tous les sens, la seule réponse possible à l'existence de l'homme sur terre, c'est qu'il est là pour contrôler le système, c'est ce qu'il fait de mieux, c'est son plus grand talent.
Et le contrôle du vivant n'a été qu'une étape dans un processus beaucoup plus large, un processus qui plonge ses racines dans cette longue évolution qui dure depuis la domestication du feu, la maîtrise de l'agriculture, l'économie de marché, la copyright de la recette des nuggets par Ray Croc, la privatisation de l'eau potable par Nestlé, la privatisation de l'eau de mer par Apple, la privatisation de la reproduction humaine et l'immense marché qu'elle a ouvert à tous les grands groupes industriels...
Le vivant n'est qu'une étape et d'autres choses se passent à très très haut niveau ! " p.364
Tout comme dans "Mort d'un parfait bilingue", Thomas Gunzig nous dévoile à nouveau une vision désabusée du monde, qui s'incarne cette fois dans un supermarché corrompu par les lois du capitalisme.
Pourquoi s'emmerder à licencier une caissière au motif qu'elle scanne un peu trop lentement alors qu'on peut lui coller une liaison sur le dos et la virer pour faute grave sans indemnités ?
Quant à Jacques Chirac Oussomo, peu importe ses années d'ancienneté, c'est malheureusement "un dommage collatéral"...
Après tout, c'est chacun pour soi. Le rendement passe avant l'humain, interchangeable et relayé à un simple maillon de la grande chaîne de distribution.
Symbole par excellence de ce monde sans scrupules, Marianne se révèle prête à tout pour servir au mieux ses intérêts.
En marge de cet univers implacable, une meute de 4 loups qui n'obéissent qu'à la féroce loi de la jungle sèmeront un bordel tout sauf joyeux dans cette organisation bien rôdée.
La police ? Nul besoin d'intervenir, les assurances rembourseront...
Cible au centre de cette chasse à l'homme, Jean-Jean compte sur l'aide de Blanche de Castille, agent au service Sécurité et Protection qui, contrairement à sa femme ne possède pas des gênes de mamba vert mais de loutre...
Certains humains (mais pas tous, pourquoi ?) ont ainsi fait l'objet de croisements génétiques avec des animaux mais je n'ai pas compris en quoi le recours aux gênes de loup constituait un délit par rapport à d'autres animaux, comme je n'ai pas saisi cette histoire d'upgrade HP (si quelqu'un peut éclairer ma lanterne à ce sujet ?)...
Tout est ainsi placé sous copyright, y compris la vie après la mort (rachetée par Ikea...).

Si l'on s'en tient strictement à son histoire, "Manuel de survie à l'usage des incapables" n'offre rien de bien particulier : récit d'une chasse à l'homme pimenté d'une dose de romance et de science-fiction.
Non ce qui m'a surtout intéressé dans ce roman, c'est précisément son emballage, la façon dont l'auteur inscrit son histoire dans un contexte économique et social aussi glaçant que réaliste sur bien des points, dressant ainsi la chronique d'un monde sans pitié.
Au lecteur d'en tirer les conclusions qui s'imposent, l'auteure ne se pose ici pas en juge.
Sujet sombre voire carrément noir auquel viennent pourtant brillamment se greffer l'humour de l'auteur et cette écriture visuelle qui me parle toujours.


Un roman qui vaut le détour !

MERCI à Babelio de m'avoir envoyé ce roman !





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