30 août 2012

La Fausse Veuve - Florence Ben Sadoun


Publié en 2008, "La Fausse Veuve" est le premier roman de la journaliste française Florence Ben Sadoun.

" Aucun son ne sort de votre gorge. C'est moi qui joue tous les rôles, et tu ne t'en rends même plus compte. Mais tu as continué à me vouvoyer en clignant. Presque jusqu'à la dernière minute de notre histoire." p.36

Attirée par le thème et la très belle citation en exergue tirée de la chanson "Le bonheur" de Léo Ferré ("Madame, Le chagrin ça n'est pas grand chose. Madame, C'est du bonheur qui se repose. Alors. Il ne faut pas le réveiller."), j'ai acheté ce livre il y a 2 ans, ignorant tout du caractère autobiographique et du buzz médiatique ayant entouré ce "roman" au moment de sa parution.
Ce n'est qu'après avoir tourné la dernière page du livre et jeté un oeil sur le net que j'ai appris que l'auteure avait largement puisé dans son histoire personnelle pour rédiger ce texte.
Ainsi, la narratrice ne serait autre que l'auteure elle-même s'adressant à Jean-Dominique Bauby, journaliste et auteur du roman autobiographique "Le Scaphandre et le Papillon", qui fut son amant 10 ans plus tôt.
Marié, il avait apparemment quitté sa femme pour pouvoir vivre sa relation adultère au grand jour.
Malheureusement, les deux amants ne goûteront pas longtemps à cette nouvelle liberté puisque 9 mois plus tard, le journaliste sera victime d'un AVC qui le plongera dans un état végétatif qualifié de "locked-in syndrome".
A partir de ce moment-là, tandis que l'épouse légitime reprend ses droits, la narratrice endosse le double rôle de "fausse veuve". Maîtresse insignifiante aux yeux de l'entourage et des médecins, elle passe la plupart de ses journées à faire le deuil de son histoire révolue, au chevet d'un homme à moitié mort, aux facultés intellectuelles intactes mais désormais incapable de se mouvoir et de s'exprimer autrement qu'en clignant d'un oeil.
Elle revient sur cette liaison largement vécue dans la clandestinité et dont elle est "la seule survivante". Une relation pas franchement romantique mais dans laquelle leurs ego se complaisaient et continuaient de s'enliser tous deux.

" Tu m'envoies une lettre sadique par fax, et pas dans mon bureau mais dans celui de la direction. Bravo, deux coups au lieu d'un. Dans ta lettre, forcément écrite à la main par une autre, il y a une phrase dont la cruauté est exacerbée par cette écriture étrange et par ce tutoiement inconnu de nous : "Un an, ça suffit pour les petites jalousies en ce qui te concerne et les petites mesquineries en ce qui me concerne." Tu as trouvé un nouveau moyen d'exercer ta violence sans bouger un petit doigt.
Tant que tu me fais du mal, tu vis. Ca veut aussi dire que tu m'aimes, alors je vis. Et si tu vis, je vous aime. Tous les moyens sont bons pour faire vibrer une relation amoureuse impossible.
N'importe quoi pour maintenir en mouvement cette histoire immobile.
Tu aimes me voir pleurer un peu, beaucoup, me voir sourire aux autres hommes et voir l'effet que cela leur fait tant que je reste à toi. Mon sourire, mon arme de guerre.
Tu me le réclames comme si tu appuyais sur la touche "sourire" de ton clavier personnel.
Tu aimes aussi me mettre en colère, me rendre follement jalouse. Ton plaisir, ce sont toutes ces femmes autour de toi qui se chamaillent ton amour, deux clignements pour un non, un clin d'oeil pour un oui." p.60

Elle se rappelle cette femme toujours en retrait qu'elle fut autrefois pour protéger sa vie à lui, oscillant entre le vouvoiement adressé à l'homme public et le tutoiement réservé à l'amant.
Se mêlent les souvenirs d'enfance qui convergent vers le portrait d'une femme ni vraiment juive ni marocaine, jamais à sa place nulle part.

Pourquoi Florence Ben Sadoun a-t-elle choisi de publier ce récit 10 ans après les faits sinon pour revendiquer la place qu'elle occupait dans la vie et "l'entre-deux-vies" de cet homme à qui elle semble pourtant tellement en vouloir ?
Si j'ai au départ adhéré au choix original de l'alternance entre le tu et le vous pour caractériser la nature "schizophrène" de la relation adultère, j'ai fini par me lasser de ce qui se transforme selon moi en une manie stylistique pas toujours justifiée.
" Votre pauvre papa, cet éternel dandy, beau seigneur et grand vieillard, qui ne voulait pas que ton immobilité figeât ma vie, et que ta disparition ne la ralentisse.
Je crois qu'il n'a pas pu prononcer le mot "mort". C'est le seul de ta famille à qui tu m'avais présentée fièrement comme la femme qui t'avait rendu le sourire et l'envie d'écrire.
Il m'a donné une place particulière, très près de lui, peu de temps avant de s'étouffer de chagrin de t'avoir perdu.
Lui qui avait manifesté un courage et une sagesse hors pair pendant votre maladie jusqu'au matin où il a appris votre mort. Seul." p.72

Mais ce qui m'a surtout dérangée dans ce livre au bout du compte, c'est le manque de spontanéité et de tendresse, la jalousie mal placée vis-à-vis des infirmières doublée d'un soupçon de cruauté de la part de cette femme qui se pose sans cesse en victime et ne s'apitoie que sur elle-même, occultant l'immense détresse qu'a du éprouver cet homme luttant avec lui-même.
En 10 ans, Florence Ben Sadoun a certainement eu le temps de ressasser, et non de s'abandonner à sa douleur, de triturer les mots jusqu'à être totalement gagnée par l'amertume.
Certains passages sont certes stylistiquement percutants mais là où je m'attendais, si pas à une déclaration d'amour, à un témoignage émouvant tout du moins, je me suis retrouvée à lire une revanche personnelle de l'auteure vis-à-vis de tous ces gens qui l'ont écartée mais surtout à l'égard de cet homme qui, n'y pouvant malheureusement rien, a fait obstacle une seconde fois à leur relation.
Finalement, j'ai trouvé le titre on ne peut plus approprié.


D'autres avis : Liliba - Cécile QD9 - Lili Galipette - Ys - et bien d'autres liens ici

28 août 2012

Je fabrique des livres - N.Palmaerts et M.Paruit


En librairie dès le 5 septembre, "Je fabrique mes livres" est un album jeunesse signé par Nadine Palmaerts et l'illustratrice Marie Paruit.

Comme le laisse deviner le titre, "Je fabrique mes livres" propose aux enfants dès l'âge de 3 ans de confectionner leurs propres livres à l'aide d'un matériel simple mais surtout, et c'est bien ce qui a retenu mon attention dans cet ouvrage, grâce à leur imagination.
Attention tout de même à rester près de votre enfant lorsque celui-ci manipule des ciseaux ou une aiguille...
Après avoir découvert dans l'introduction les différentes parties composant un livre (page de garde, couverture, tranches,...) et son processus de fabrication, l'enfant peut rapidement reproduire ce qu'il a appris au travers d'exercices manuels (signalés par une petite main rouge).
Beaucoup d'idées sont proposées : le livre de ma semaine (qui se rapproche du journal intime ou cahier secret) qui permet de raconter les événements importants des 7 derniers jours; le livre d'une couleur, une façon ludique d'apprendre à l'enfant à fixer et distinguer les différentes teintes de l'arc-en-ciel; ou encore les livres "j'aime" et "collages à gogo" qui mélangent photos, dessins et découpages, une sorte d'initiation au scrapbooking que l'enfant peut très bien entreprendre à côté de ses parents pendant que ceux-ci remanient les photos des dernières vacances.
Le livre "Ce jour-là, à cet endroit" qui allie dessin et éléments puisés dans la nature m'a fait penser à une version remaniée du traditionnel herbier, plus originale puisque c'est bien l'enfant qui choisit ce qu'il veut y voir apparaître et comment il souhaite agencer ses trouvailles.


Plus on avance dans l'ouvrage, plus les livres proposés en appellent à plus de dextérité. Livre à histoires, pop-up, livre accordéon ou éventail, il y en a vraiment pour tous les goûts et tous les âges !
Au delà des différents canevas proposés par une petite mascotte sympathique, aucun contenu n'est "imposé", l'enfant pouvant suivre les suggestions proposées ou se laisser aller à imaginer toutes sortes de livres au gré de ses envies et de sa créativité. La création de livres permet également de faire travailler la mémoire (grâce au "livre de ma semaine" par exemple) ou encore de créer des carnets à thèmes pour l'initier aux couleurs, aux animaux ou pourquoi pas à l'élaboration d'un arbre généalogique ludique ?


En attendant de pouvoir le tester sur un petit loup, je conserverai précieusement ce petit album coloré et malin pour le jour où j'aurai des enfants. Je suis certaine que j'y trouverai de bonnes idées à piocher !


MERCI aux éditions de m'avoir offert ce livre !



27 août 2012

Mon amie, Sophie Scholl - Paule du Bouchet


Publié en 2009, "Mon amie, Sophie Scholl" est un roman de l'écrivaine française Paule du Bouchet, également auteure du "Journal d'Adèle".

Durant quelques mois de l'année 1943, Elisa rédige un journal dans lequel elle évoque à rebours la montée en puissance du régime nazi, la disparition de son oncle et de son fiancé juif, l'engagement de son frère, de sa meilleure amie Sophie et de cette bande d'amis qui, ayant rejoint La Rose Blanche, distribuent des tracts attestant de leur opposition au pouvoir en place.
Le 18 février 1943, Sophie et son frère Hans sont arrêtés et interrogés par la Gestapo pour être finalement guillotinés quelques jours plus tard.

" C'est cela, la guerre. Nous disparaissons les uns pour les autres. Et c'est peut-être cela, vivre : faire des efforts de tous les instants pour ne pas disparaître. Se souvenir.
(...) La guerre, c'est aussi avoir conscience de certaines choses beaucoup trop jeune." p.36

Autour de la figure de Sophie Scholl, véritable héroïne de la résistance hitlérienne, l'auteure a imaginé le personnage d'Elisa, une jeune femme qui à l'inverse de Sophie et de leurs camarades de la Rose Blanche ne se sent pas l'âme d'une révolutionnaire, trop effrayée à l'idée de prendre des risques inconsidérés au nom de la liberté.
Toutes les nuits, alors qu'elle attend et s'inquiète pour ses amis partis distribuer des tracts au péril de leurs vies, elle retrace dans son journal la progression insidieuse d'Hitler, figure admirée puis redoutée lorsque surviennent les premières interdictions à l'égard des juifs, la synagogue incendiée, les vitrines brisées lors de la Nuit de Cristal, les arrestations massives, les déportations, la mystérieuse disparition de son oncle et le départ forcé de Leo, son premier amour.
Bien sûr, Elisa a bien conscience de ce qui se passe. Mais les choses s'arrêtent là, malgré la culpabilité éprouvée. Peu vaillante et défaitiste, elle fait partie de ces citoyens allemands qui, mus par un instinct de survie, ont préféré rester dans l'ombre, s'abstenant de se compromettre en adhérant ou en s'opposant au régime nazi.

Allez savoir pourquoi, alors qu'était rendu il y a quelques jours le jugement à l'égard de 3 membres des Pussy Riot, j'ai subitement voulu sortir ce roman de ma PAL...
Le point de vue envisagé par l'auteure par le biais du journal de sa narratrice est plutôt original tant il est rare me semble-t-il de donner la parole à cette partie de la population allemande qui en ayant pleine conscience de ce qui se jouait dans son pays, a choisi...de ne pas choisir.
Si Elisa ne participe pas activement aux actions menées par ses amis, il existe toutefois entre elle et eux une franche amitié, une solidarité de coeur qui tient une grande place tout au long du roman.
S'agissant des horreurs que l'on connaît, l'auteure a pris soin de ne pas trop rentrer les détails, privilégiant surtout l'esprit de camaraderie et la défense des idéaux anti-nazis au travers d'un récit fait de phrases courtes au vocabulaire relativement peu élaboré.
Un roman que je recommanderais donc plutôt aux jeunes lecteurs qu'aux adultes qui, habitués à bien pire sur le sujet, risqueraient comme moi de le trouver un peu trop édulcoré.

24 août 2012

Les morsures de l'ombre - Karine Giebel


Publié en France en 2007, "Les morsures de l'ombre" est le second roman de l'écrivaine française Karine Giebel, également auteure des romans "Terminus Elicius", "Chiens de sang", "Jusqu'à ce que la mort nous unisse" ou "Meurtres pour Rédemption".

Sur la route du retour, Benoît Lorand aperçoit Lydia, une automobiliste en panne, et la raccompagne chez elle.
La jeune femme lui propose un verre et fidèle à lui-même, Benoît succombe à ses charmes.
Mais le lendemain matin, il se réveille comateux au milieu d'une cave aménagée telle une cage.
La sensuelle Lydia a maintenant cédé la place à une désaxée animée par une furieuse soif de vengeance et bien décidée à le torturer jusqu'à ce qu'il passe aux aveux.
Mais Benoît sait-il seulement ce qu'elle lui reproche ?

Au vu du titre, on pourrait croire à un énième roman bit-lit sauf qu'il s'agit bien ici d'un policier voire même d'un thriller (je trouve d'ailleurs que la distinction entre ces deux genres se veut de plus en plus mince).
Le titre à lui seul (qu'à ce jour je n'ai toujours pas compris...) m'aurait certainement fait passer mon chemin si Canel, à qui était destiné ce livre, ne m'avait pas convaincue de m'y plonger avant de lui envoyer.

Après un début à la "Saw", le lecteur fait connaissance en même temps que Benoît avec Lydia la géolière. A partir de là, le récit bascule dans un genre de remake de "Misery" ainsi que nous le rappelle la quatrième de couverture : Lydia et Annie présentent ce même goût pour la torture et affichent une personnalité aussi sadique qu'imprévisible.
Sauf que Lydia est quand même bien plus séduisante que Kathy Bates et qu'elle n'a pas du tout dans l'idée de faire écrire un roman à son otage mais bien de lui infliger d'atroces souffrances pour le faire parler.
Mais de quoi au juste ? On tarde à le découvrir. Les jours passent au gré des chapitres et Benoît continue de clamer son innocence malgré la faim, le froid, la fatigue, les décharges au taser, les coups, les cafés arrosés de strychnine et les conséquences psychologiques dues à la séquestration.
Entre les " Tu vas payer. Souffrir. Agoniser lentement. Crever." de Lydia et les "Je te jure que je vais te tuer ! T'étrangler ! Défoncer ta jolie petite gueule !" de Benoît, les séances de psy de Lydia et l'enquête sur la disparition de Benoît qui ne dégage aucune piste, on piétine.
Heureusement, Lydia finit par laisser échapper quelques indices qui nous permettent de mieux comprendre sa violence contre Benoît.
Pour un flic, je m'étais d'ailleurs attendue à un peu plus perspicace...

Je ne vous en dirai pas plus si ce n'est que j'ai trouvé la chute (à comprendre dans les deux sens) too much et la pirouette finale un peu trop tirée par les cheveux.
Je me suis par ailleurs demandée comment Lydia avait fait pour réussir à harponner Benoît pile au bon moment le long de la route alors qu'il ne parcourait pas son chemin habituel. Comment a-t-elle su ?
Bien que sommairement esquissés, les différents personnages sont décrits sous l'angle de la suspicion, ce qui permet à l'auteure de laisser planer le doute quant à l'implication de l'un ou l'autre dans la disparition de Benoît.
Comme c'est souvent le cas dans les policiers et thrillers, le roman est rédigé dans une écriture simple, déclinée en phrases courtes, les personnages s'exprimant volontiers dans un style plutôt familier.
Certes, je dois quand même avouer avoir dévoré ce roman en à peine une journée. Il faut dire que l'auteure parvient à insuffler à cet oppressant huis-clos un climat de tension grandissante, torturant ainsi autant son personnage principal que son lecteur.


Voyons ce que Canel en a pensé de son côté.

20 août 2012

Les soeurs Andreas - Eleanor Brown


Publié aux USA en 2011 et paru en français le 6 juin dernier, "Les soeurs Andreas" est le premier roman de l'écrivaine américaine Eleanor Brown.

A l'annonce du cancer de leur mère, trois soeurs - Cordelia (Cordy), Rosalind (Rose) et Bianca (Bean) - retournent vivre à Barnwell dans la maison familiale.
Entre une mère épuisée par les traitements et un père passionné de Shakespeare qui ne s'exprime qu'au travers de répliques du 'Barde Immortel', toutes les 3 fuient leurs responsabilités et se posent des questions quant leur avenir. Rose serait-elle prête à voler de ses propres ailes pour rejoindre son fiancé en Angleterre ? Cordy ferait-elle une bonne mère ? Bean trouvera-t-elle son équilibre ?

Dans un premier temps, à part Rose, toujours fidèle au poste, les soeurs ne se rendent pas vraiment utiles dans la maisonnée, trop absorbées qu'elles sont par des problèmes qu'elles cachent volontiers au reste de la famille.
Ainsi, durant plus de la moitié du roman, chacune prend sur elle tant bien que mal pour supporter les autres.
Il faut dire que les 3 soeurs sont radicalement différentes. Rose, l'aînée, apparaît comme la rabat-joie de service. Responsable, organisée, elle éprouve sans cesse le besoin de tout contrôler et de s'occuper des autres. Infantiles, Bean, fashion-victim, et Cordy, festivalière effrenée, sont des électrons libres incapables de se fixer quelque part et de garder un job bien longtemps.
Leur seul point commun, la lecture, qui fait l'effet d'une tradition familiale.
Au fur et à mesure, elles se rendent compte qu'à trop vouloir attirer l'attention, en se rendant parfaites ou au contraire insupportables, et à se définir les unes par rapport aux autres, elles n'ont finalement pas fait grand chose de leurs vies. Chacune d'entre elles sera amenée à prendre la décision nécessaire à un nouveau départ.

Mon avis sur ce roman ? Pas vraiment d'histoire mais beaucoup de questionnements. Une bonne dose de morale bien pensante. Des tirades de Shakespeare à la pelle, surtout dans les dialogues, parfois obscures pour les quidam. Des jeunes femmes censées approcher la trentaine qui se comportent, se disputent et s'expriment encore comme des ados attardées (vous me direz que c'est un peu le thème du roman mais bon j'ai trouvé cet aspect-là trop poussé).
Une narration à la 1ère personne du pluriel qui laisse croire à une voix à l'unisson pour raconter les perceptions et souvenirs communs aux trois soeurs.
Contrairement à d'autres, ce point-là ne m'a pas spécialement dérangée.
Ce qui m'a surtout gênée, c'est le rythme trèèèèèès lent et le manque de consistance du récit.

D'autres avis : Mango - Keisha - Leiloona - Stephie

Je remercie néanmoins Laetitia Joubert et les éditions Marabout de m'avoir offert ce livre

14 août 2012

Meurtres entre soeurs - Willa Marsh


Publié en 1996 et traduit en français en 2009, "Meurtres entre soeurs" est un roman de l'écrivaine britannique Willa Marsh, également auteure des romans "Le journal secret d'Amy Wingate" et de "Meurtres au manoir".

Devenues soeurs par alliance, le père de l'une ayant épousé la mère de l'autre, Liv et Em ne se cachent pas de leur rivalité et mènent la vie dure à leurs parents. Adeptes du chantage affectif, elles fraternisent volontiers lorsqu'il s'agit de se faire gâter en l'échange d'une complicité familiale feinte. Mais la naissance impromptue de leur petite soeur Rosy chamboule entièrement leurs existences d'enfants roi.
La "petite princesse" parvient si bien à monopoliser l'attention de ses parents que les deux fillettes voient leurs privilèges disparaître et se sentent complètement écartées.
Unies par leur haine viscérale pour cet ennemi commun, elles comptent bien ne pas se laisser éclipser par la nouvelle venue.
Mais Rosy est-elle si innocente qu'elle le paraît ?

On éprouve au départ de la sollicitude pour Rosy, cette petite fille dont la seule naissance équivaut à un crime pour ses deux pestes de demi-soeurs, égoïstes, capricieuses et sournoises en dépit de leur jeune âge, lesquelles donneraient cher pour la voir disparaître.
Mais c'est sans compter sur le virage à 360 degrés que prend le récit dès lors que l'on découvre que la petite dernière surpasse largement ses aînées en matière de manipulation et de cruauté.
Si ses deux soeurs ont souhaité à une époque la voir morte, Rosy s'obstine quant à elle à leur pourrir la vie un maximum sans en éprouver le moindre scrupule.

Adieu les petites filles modèles. L'innocence et la gentillesse généralement associées à l'enfance sont ici complètement occultées au profit d'une méchanceté qui fait d'autant plus froid dans le dos qu'on ne s'y attend pas de la part de fillettes. Chaque enfant présent dans ce roman se révèle mauvais à court ou long terme au point de laisser croire à une défaillance génétique...
Liv et Em, de même que leurs parents, sont loin de soupçonner que Rosy, appuyée par son abruti de mari, tire les ficelles de leurs vies à tous et s'emploie à "diviser pour mieux régner".
Comme d'autres avant moi, j'ai d'ailleurs trouvé les deux soeurs plutôt longues à la détente pour ce qui est de déjouer les plans machiavéliques de Rosy.
Heureusement, Liv et Em se rapprochent sensiblement au fil du roman. Leur relation, en réaction à leurs malheurs respectifs et à la nécessité de prendre en charge leur mère, évolue positivement pour devenir solidaire, fraternelle, plus profonde qu'une simple complicité dans le crime.
Ainsi, malgré l'implacable gravité qui règne tout au long du roman, je me suis surprise à encourager leur vengeance et bien que j'espérais vraiment un volte-face final entre ces 3 soeurs, j'ai néanmoins apprécié l'humour caustique distillé par l'auteure jusque dans les dernières lignes.


D'autres avis : Aifelle - Alex - Brize - Choco - Clara - Kathel - Canel - Keisha - Mango - Manu - Theoma

10 août 2012

La vie - Régis de Sa Moreira


A paraître le 22 août prochain, "La vie" est le cinquième roman de l'écrivain français Régis de Sa Moreira, également auteur des romans "Pas de temps à perdre", "Zéro tués", "Mari et femme" et du très commenté "Le Libraire".

Reposant sur le concept selon lequel chacun d'entre nous est lié à quelqu'un qui se veut lui-même lié à quelqu'un, etc, "La vie" est un roman construit en cascade, chaque narrateur prononçant un court monologue, souvent sur le ton de la confession, pour exprimer un petit bout de vie avant de céder la parole à son mari/son chien/ sa fille/son psy/son ex/ses voisins,...

A noter que la figure de la blogueuse en prend un sacré coup :

"
Je l'ai su dès que je l'ai vue qu'elle ne tiendrait pas le rythme. Nous sommes des lectrices professionnelles, pas des ménagères romantiques.
Même les auteurs ont peur de nos invitations, ils préfèrent se cacher chez eux et envoyer leurs romans à ces connes de bloggeuses...

Si j'ai envie que le monde entier sache que mon plat préféré est le rôti de porc aux pruneaux, c'est mon droit, non ? Il faut bien s'occuper quand on n'a personne dans son lit..." p.13

Animaux, bébés, hommes et femmes de tous bords, défunts ou vivants, exerçant toutes sortes de professions, les êtres croisés au détour des pages partagent en quelques mots la lassitude au sein de leur couple, le souvenir nostalgique d'un amour de jeunesse, la solitude de toute une vie, l'envie d'aller voir ailleurs, le deuil, le récit d'une rencontre fortuite dans le métro, tous ces événements de la vie qui participent du quotidien.
Mises bout à bout, leurs solitudes se chevauchent, se répondent pour rendre compte d'une solitude commune.

" Ma femme m'appelait sa moitié. Ca me faisait froid dans le dos à chaque fois. Si j'étais sa moitié, comment elle fait pour vivre à présent ? Elle savait à peine cuire un oeuf...

J'ai appris depuis, rien de tel qu'un divorce pour vous secouer un peu. Je sais même faire les soufflés au fromage maintenant, c'est plus facile seule évidemment, personne n'arrive en retard pour le dîner. Presque tout est plus facile seule en fait, à part être seule.
Je commence tout juste à comprendre ce que ma mère essayait de me dire...

Hélas, l'expérience n'est pas communicable. Le pire pour moi c'était de mettre la table pour une personne, j'avais l'impression d'être une actrice dans un film mais que personne ne me filmait.
Le week-end j'allais au restaurant, au moins il y avait des figurants..." p.21

Si j'étais au départ séduite par le concept de ce roman, je me suis assez vite lassée sur la longueur.
Peut-être n'aurait-ce pas été le cas dans le cadre d'une nouvelle. Mais bâtir tout un roman sur ce seul concept était selon moi une entreprise un peu trop mince.
J'ai déploré que tous les personnages s'expriment tour à tour d'une même voix et que l'écriture de l'auteur ne parvienne pas vraiment à retenir mon attention.
Comme ce fut le cas pour "Tu n'es pas seul(e) à être seul(e)" ou encore "La Patience des buffles sous la pluie" sur le même thème, il m'est arrivé de trouver quelques bonnes idées, de sourire à certaines réflexions dans lesquelles je me reconnaissais mais je garderai toutefois comme souvenir de ce roman celui d'une lecture globalement fade, vite lue et oubliée, qui selon moi ne vaut pas les 15 euros demandés...

J'espère être davantage conquise par "Le Libraire" qui se trouve dans ma PAL depuis un bon moment.
Je remercie néanmoins de m'avoir offert ce livre à l'occasion d'une opération Masse Critique spéciale.

PS : ce livre peut voyager si vous le souhaitez et pour autant que je vous connaisse un minimum.
J'avais pensé à créer éventuellement une chaîne de livres spéciale rentrée littéraire afin que nous puissions faire tourner nos acquisitions mais je n'ai malheureusement pas le temps de m'en charger.
Ceci dit, l'idée est lancée, avis aux amateurs qui souhaiteraient tenter l'aventure ;)


tous les livres sur Babelio.com



5 août 2012

Les trois lumières - Claire Keegan


Paru en français en 2011, "Les trois lumières" est le premier roman de l'écrivaine irlandaise Claire Keegan, également auteure du recueil de nouvelles "Antarctique".

Par une lourde après-midi d'été, une petite fille se fait emmener par son père à la ferme des Kinsella, un couple sans enfants auprès duquel elle séjournera le temps que ses parents règlent leurs problèmes d'argent.
Au contact de cette famille d'accueil provisoire, la fillette découvre des sensations nouvelles comme celle de prendre un bon bain chaud ou de se voir offrir de beaux vêtements mais surtout cette tendre bienveillance à nulle autre pareille dont l'ont toujours privée ses parents.
Mais elle le sait, ce bonheur ne pourrait durer qu'un temps seulement...

" Je me demande pourquoi mon père ment sur le foin. Il a tendance à mentir sur des choses qui seraient bien si elles étaient vraies. Quelque part, plus loin, quelqu'un a mis une tronçonneuse en marche et elle vrombit là-bas un moment comme une grosse guêpe agressive. J'aimerais être dehors, en train de travailler.
Je n'ai pas l'habitude de rester tranquille et je ne sais pas quoi faire de mes mains. Une partie de moi voudrait que mon père me laisse là pendant qu'une autre partie voudrait qu'il me ramène, vers ce que je connais.
Je suis dans une situation où je ne peux ni être ce que je suis toujours ni devenir ce que je pourrais être." p.17

Tout au long de ce court roman, nous partageons l'émerveillement mais aussi les doutes de cette jeune narratrice dont le sentiment d'appartenir enfin à une vraie famille, d'être choyée cotoie la crainte de voir son bonheur prendre fin d'un jour à l'autre.
J'ai aimé le regard tour à tour enfantin et mature que cette enfant un peu sauvage mais pas contraire porte sur le monde des adultes.

Toutefois, deux choses m'ont tout de même dérangée dans cette lecture.
J'ai été étonnée du manque de jugement de cette petite fille par rapport à l'abandon de ses parents. Le lecteur sait que sa mère est à nouveau enceinte et que celle-ci se serait volontiers passée de cette bouche à nourrir supplémentaire.
Mais pourquoi cette fillette doit-elle aller vivre chez des inconnus alors que ses soeurs peuvent rester à la maison ?
Celle-ci ne semble pas percevoir l'injustice de la situation ni en vouloir à ses parents comme le ferait une enfant de son âge. J'ai trouvé ce comportement un peu trop sage, passif.

Lorsque son père la conduit auprès des Kinsella, il ne se retourne même pas pour lui dire aurevoir (et il oublie de lui donner ses affaires) ou remercier les Kinsella de prendre soin de sa fille.
Même chose au retour, aucun témoignage de reconnaissance à ce couple qui a quand même veillé à tous les besoins de l'enfant - sans parler des cadeaux - et pas la moindre manifestation de joie des parents en revoyant leur fille.
Qui plus est, le père se permet de dire aux Kinsella qu'ils ne seraient pas capable de gérer une famille, un comble quand on sait qu'il leur a justement abandonné sa fille et qu'il sait pertinemment bien quel malheur les habite ! Certes, les Kinsella sont présentés comme de braves gens prêts à rendre service mais tout de même, se laisser traiter de la sorte sans broncher ? Je n'ai pas trouvé cela crédible.

Dans le cas d'une nouvelle, le lecteur accepte que seul un aspect/moment déterminant d'une histoire soit traité. En revanche, lorsqu'on lit un roman, on s'attend quand même à ce que l'histoire se déploie davantage et à ce que la majorité des questions trouve réponse.
Je pense que j'aurais du lire ce trop court roman comme une nouvelle. Peut-être n'aurais-je pas été rappelée à l'ordre par un certain pragmatisme.
Une jolie lecture, portée par une plume délicate malgré un thème assez dur, mais à laquelle il manquait néanmoins selon moi un peu de consistance.


D'autres avis : Clara - Sandrine - Noukette - Choco - Lili Galipette - Keisha - Leiloona - Kathel - Canel - Brize - Liliba - Alex - Voyelle et consonne