29 mai 2013

Zarbie les yeux verts - Joyce Carol Oates







Publié aux USA en 2003 et traduit en français en 2005, "Zarbie les yeux verts" est le second roman pour adolescents - le premier étant "Nulle et Grande Gueule" - de l'écrivaine américaine Joyce Carol Oates.

Au cours d'une soirée, Francesca (qui s'est elle-même rebaptisée Franky) rencontre un jeune homme plus âgé qui la saôule et tente d'abuser d'elle. Heureusement, l'adolescente est sauvée de justesse grâce à la détermination de Zarbie qui n'est autre que son moi idéal.
L'année suivante sera loin d'être facile pour Franky qui, en même temps que sa jeune soeur Samantha et son frère ainé Todd, verra ses parents se séparer un peu plus chaque jour.
Il faut dire que dans la famille Pierson, tout tourne autour du père, ancien athlète reconverti en présentateur sportif sur une chaîne à grande audience.
Non content de voir toute sa famille fière de lui, Reid Pierson exige que tous marchent au pas, que sa femme l'accompagne en toute occasion (alors qu'elle déteste les mondanités) et que ses filles se montrent obéissantes.
Gare à celui ou celle qui oserait le contredire, au risque de se voir corrigé par la force...
Mais malgré sa forte autorité, Reid semble accepter que sa femme s'éloigne plusieurs jours par semaine pour retaper un bungalow dont elle compte faire son atelier de sculpture.
Jusqu'au jour où celle-ci disparaît mystérieusement...

C'est le billet de Canel qui m'a poussée à me jeter sur ce roman, pourtant dans ma PAL depuis au moins deux ans.
Bien décidée à lire toute l'oeuvre de Oates y compris ses deux romans pour ados, j'avais donc acheté celui-ci en connaissance de cause même si je constatais que j'en repoussais sans cesse la lecture pour privilégier les romans pour adultes de l'auteure.
Je me tiens généralement à l'écart des romans pour ados car, les rares fois où je m'y suis risquée, j'ai trouvé ceux-ci soit gnangnan (loin des préoccupations de mon âge en somme) soit trop matures que pour être crédibles (je ressentais trop la plume adulte derrière les propos d'ados).
Même si j'ai eu l'impression ici de me retrouver dans le second cas de figure, j'ai relativisé en raison du contexte décrit ici et au comportement de Franky.
Franky, jeune narratrice de 15 ans, reste quand même une ado dans sa façon de tout ramener à elle, dans sa rébellion intérieure et dans sa naïveté première.

Dès les premières lignes, on sent que l'extravagance du père ne parvient pas à dissimuler le malaise qui règne dans cette famille.
Et cette ambiance ne fera que s'alourdir au fil des pages...
Lunatique et control freak, Reid Pierson décide de tout au motif de prétendre à une famille unie.
Voyant sa mère s'éloigner de plus en plus de la maison familiale, Franky lui reproche secrètement de tout faire pour provoquer son père et voit dans son éloignement progressif l'annonce d'un abandon définitif.
Bien sûr pendant ce temps-là, le père prêche pour sa paroisse, répétant à ses enfants que leur mère a préféré "se retirer dans son univers", ne s'intéresse plus à eux et qu'elle a toujours été libre de faire ce qu'elle voulait.
Aveuglée par un mélange de peur et d'admiration pour son père, Franky se retranche de son côté.
Jusqu'à ce que Zarbie lui ouvre les yeux...

Comme toujours chez Oates, la figure masculine se veut à nouveau malmenée. S'agissant des hommes, l'auteure les représente très souvent en hommes de pouvoir charismatiques (un politicien dans "Reflets en eau trouble", un professeur dans "Délicieuses pourritures", un homme de foi dans "Premier amour",...) capables, par un jeu d'influence et de manipulation affective, de faire gober et tout accepter à leur proie.
On le comprend assez vite : il y a clairement un contexte de violence domestique dans ce roman, plus "soft" néanmoins que dans les romans pour adultes de l'auteure (à part quelques brèves scènes, il est surtout suggéré).
C'est surtout la tension psychologique née d'un climat d'incertitude qui règne dans ce roman : la peur des réactions imprévisibles du père si ses enfants le contredisent ou n'agissent pas comme il le voudrait.
S'agissant de l'histoire en elle-même, elle est pratiquement cousue de fils blancs, il n'y a que Franky (comme j'ai eu envie de la secouer !) pour ne pas avoir conscience du malheur à venir.
Mais Zarbie attend son heure pour agir. Mais qui est Zarbie ? Elle n'est pas une amie imaginaire, plutôt une partie de la personnalité, de la conscience de Franky qui se montre plus téméraire et n'est pas dupe de ce qui se passe.
L'occasion pour Oates d'opter une nouvelle fois pour le double discours (en italique) qui oppose déni et raison.
C'est Zarbie que le lecteur attend avidement afin que justice soit enfin rendue. Et le dénouement psychologique est à cet effet, fort bien amené.

Contre toute attente, je ressors vraiment satisfaite de cette lecture !







27 mai 2013

Le bal - Irène Némirovsky


Publié en 1930, "Le bal" est un roman d'Irène Némirovsky, écrivaine d'origine ukrainienne, notamment auteure des nouvelles "Ida" et "La comédie bourgeoise" ou encore des romans "Jézabel" et "Suite française".

Suite à un coup de chance à la Bourse, les Kampf peuvent enfin mener la grande vie dont ils ont toujours rêvé.
Pour fêter en grandes pompes leur entrée dans le monde des nantis, le couple décide d'organiser un grand bal.
Leur fille Antoinette, qui voit dans cet événement l'occasion inespérée de rencontrer des jeunes hommes de son âge, est mortifiée lorsque sa mère lui annonce qu'elle devra rester confinée dans la lingerie le soir du bal.
La vengeance d'Antoinette sera à la hauteur de sa lourde déception...

La relation qu'entretient Antoinette avec sa mère est tout sauf tendre et lorsqu'on constate l'acharnement avec lequel Madame Kampf corrige et persécute sa fille, on ne peut que songer à de la jalousie de la part d'une mère qui ne supporte pas de la voir devenir une belle jeune fille.
Véritable diva de la maison, Madame Kampf fait plus l'effet d'une marâtre (on songe au conte Cendrillon) que d'une mère, volontiers cruelle et de plus en plus hystérique à mesure qu'approche la date du bal.
S'il tente de temps à autre de calmer son épouse, on ne peut pas dire que Monsieur Kampf intervienne en faveur d'Antoinette.
Même sa nourrice ne lui témoigne aucune compassion pour éviter les problèmes, de sorte qu'Antoinette ne bénéficie d'aucune alliée dans la maisonnée.
Seule avec ses rêves d'amour qui s'obstinent à ne pas se réaliser, elle saisit un jour l'occasion de se venger de sa mère en lui donnant une bonne leçon.
Et malgré la sévérité de celle-ci, je n'ai pas pu m'empêcher de lui donner raison !

J'ai beaucoup aimé la façon dont l'auteure esquissait ses personnages, particulièrement Antoinette, personnage ambivalent qui revendique des aspirations au monde adulte mais à la façon d'une petite fille.
Une caractéristique que l'auteure a su préserver avec talent jusqu'à l'extrême fin du récit.
L'univers dépeint ici est celui des nouveaux riches, parvenus à l'opulence par "accident" et désireux de revendiquer leur nouveau statut.
Revanchard et hypocrite, le couple Kampf est complètement tourné en ridicule, se vouvoyant devant leurs domestiques pour respecter les usages et invitant n'importe qui pour briller en société.
Autant dire que la vengeance de leur fille réduira leurs espoirs à néant...

Un petit roman brillant à découvrir si ce n'est pas encore fait !


D'autres avis : Choco - Mango - Cécile QD9 - Canel

25 mai 2013

Claustria - Régis Jauffret


Publié en 2012, "Claustria" est un roman de l'écrivain français Régis Jauffret, également auteur de "Cet extrême amour", "Lacrimosa", "Tibère et Marjorie" ou encore de "Sévère".

Le 26 avril 2008, l'Autriche découvre avec horreur le portrait de Josef Fritzl, un père de famille accusé d'avoir séquestré et violé sa fille Angelika dans sa cave durant 24 ans. Celle-ci mettra au monde 7 enfants dont 3 vivront au sous-sol avec elle. L'un y perdra la vie. Trois autres seront élevés dans la maison par l'épouse de Fritzl.
A partir de faits réels, de témoignages et d'une visite sur les lieux, Jauffret imagine la relation entre Fritzl et son avocat lorsque celui-ci est emprisonné et retrace le quotidien de "l'ogre" et du "petit peuple de la cave", "cette famille broyée, extraite en charpie de son terrier".

Bien que je savais que "Claustria" mêlait réalité et fiction, j'ai été horrifiée (qui ne le serait pas ?) mais aussi révoltée de bout en bout par ce roman.
Le portrait que l'auteur dresse de Josef Fritzl est pour le moins glaçant. Libidineux, autoritaire et brutal, le jeune Fritzl tente d'abuser de sa mère et la séquestrera par la suite au grenier durant 21 ans avec la complicité de sa femme et de sa belle-soeur.
Quelques années plus tard, il écope d'une peine de prison pour viol. Son épouse finance ses cours par correspondance afin qu'il puisse étudier en prison et passer son diplôme d'ingénieur en construction.
Il commence à abuser de sa fille aînée lorsque celle-ci a 12 ans et l'enferme dans la cave la veille de sa majorité, disant à sa femme que celle-ci s'est enfuie pour rejoindre une secte.
Durant près d'un quart de siècle et sans remords aucun, il règnera en maître absolu dans cette cave dépourvue de fenêtre, privant sa fille et ses (petits)enfants de nourriture, d'eau, d'électricité quand ça lui chante.
Le quotidien de cette "seconde famille" tourne autour de la télévision et se veut ponctué par l'attente des visites de Fritzl.
Bien sûr les voisins, et surtout les locataires, entendent des bruits venant d'en bas. Mais tous finissent par s'en aller sans poser de questions.

Epouse avant tout, Anneliese Fritzl (peut-être jalouse de sa fille ?) jouera le jeu de son mari jusqu'au bout, allant jusqu'à renier ses 5 sens et son instinct maternel (en avait-elle un au départ ?) pour feindre de ne rien savoir de ce qui se passe juste en dessous de ses pieds.
Et pourtant, Fritzl est loin de se comporter avec elle en gentil mari...
Considérée comme une victime par la justice, elle choisira de ne pas témoigner au procès (!)

Angelika présente une personnalité ambivalente, tantôt victime, tantôt maîtresse consentante.
J'ai préféré ranger la seconde option dans un coin de ma tête, me disant que l'instinct de survie s'exprimait différemment chez chacun (impossible de juger de son comportement).


Sans jamais verser dans la perversité ou la violence gratuite, l'écriture de Jauffret colle parfaitement à toute l'horreur du récit. Une écriture qui emprisonne le lecteur, avant de l'asphyxier.
La brièveté des chapitres permet à peine au lecteur de reprendre son souffle avant de replonger dans les profondeurs de la cave.

Là où j'ai moins adhéré aux propos de l'auteur c'est lorsqu'il multiplie les sous-entendus, particulièrement dans les propos de l'avocat chargé de la défense de Fritzl, concernant les moeurs autrichiennes ("Claustria" étant la contraction de "claustration" et "Autriche").

" Récemment encore, il n'était pas rare de voir dans un lieu public des parents jeter par terre un enfant désobéissant et s'acharner sur lui dans l'indifférence générale." p.46

" Vous savez très bien que chez nous l'inceste est une peccadille. Vous risquez trois ans de prison, et encore avec un très mauvais avocat.
Si l'on procédait à des tests ADN dans tout le pays, on s'apercevrait que nombre de nos concitoyens sont le fruit d'un inceste.
C'est une affaire typiquement autrichienne que nous devrions régler en famille afin de rendre au plus vite leur père à ces enfants déjà assez désorientés par leur soudain débarquement dans la communauté humaine." p.89

" Remarquez, il faudrait peut-être que la police songe à fouiller toutes les caves du pays. Qui sait si certains de nos concitoyens n'y sont pas enfermés depuis trente ou quarante ans ? Il y a peut-être même des vieillards qu'on a enfermés enfants avant-guerre ? "p.94

Et c'est sans compter les allusions aux falsifications de preuves, aux omissions et aux témoignages écartés, de nombreuses anomalies qui se greffent au récit et tendent à faire penser que les autorités autrichiennes souhaitaient, à défaut d'étouffer l'affaire, en minimiser certains aspects.
Un écrivain peut se permettre beaucoup de choses au nom de la liberté d'expression et sous l'angle de la fiction.
Et je peux comprendre que l'Autriche, dont l'image fut déjà bien assombrie par l'affaire Natacha Kampusch, ait mal accueilli la parution de ce roman.
Après tout, quel pays peut se vanter de n'abriter aucun désaxé ? En Belgique, nous avons connu les affaires Dutroux et Pandy. Aux USA, trois jeunes femmes qui avaient été séquestrées par un homme durant 10 ans, ont été libérées il y a quelques jours.

Où s'achève la réalité et où commence la fiction ? "Claustria" est en tous cas un roman troublant à bien des égards...
 
D'autres avis : Ys - Lili Galipette


23 mai 2013

Les Tribulations d'une caissière - Anna Sam



Publié en 2008, "Les Tribulations d'une caissière" est le premier roman de la française Anna Sam, également auteure des ouvrages " Conseils d'amie à la clientèle" et "Mon tour de France des blogueurs".

Pour financer ses études, Anna Sam opte pour le métier d'hôtesse de caisse. Une fois son diplôme en poche, faute de trouver un autre métier malgré un BAC+5, elle travaillera durant 8 ans dans une grande surface.
Après avoir ouvert un blog dédié à son métier, elle se voit proposer de compulser ses anecdotes dans un livre.
M'étant moi-même retrouvée derrière une caisse à plusieurs reprises lorsque j'étais étudiante, je m'attendais à ce que plusieurs histoires trouvent écho dans ma mémoire.
Et effectivement, j'ai connu ou entendu beaucoup de choses similaires à celles qu'a vécues Anna Sam.
La formation express, le tee-shirt difforme arborant un joli message du type "Nous sommes là pour vous servir" (ah cette phrase-là ressort à tous les coups quand le client est mécontent !), le comptage de la caisse après la fermeture (on ne part pas tant que le compte n'est pas juste, véridique), les horaires changeants et bien sûr les clients irrespectueux et impolis.
Je me souviens encore d'un sacré emmerdeur qui m'a tenu la jambe pendant 20 minutes pour discuter d'un prix qu'il jugeait trop élevé. Comme si les caissières y étaient pour quelque chose.
Ah oui...ne pas oublier les clients coquins. J'en ai rencontré un un jour, le genre homme d'affaires pressé qui se pointe à la caisse juste avant la fermeture avec un ravier de fraises, une bouteille de champagne et une boîte de capotes.
J'avais pouffé de rire en lui souhaitant une bonne soirée :P
D'ailleurs, si vous avez du temps à perdre (et dieu sait qu'on en a quand on se retrouve coincé dans une file à la caisse), examinez le contenu des caddies devant vous et imaginez un instant le genre de vie que mènent leurs propriétaires.
Un petit jeu qui m'amuse encore beaucoup aujourd'hui :) J'avais à l'époque une fidèle cliente que je soupçonnais de tenir une ménagerie tant ses achats de nourriture pour animaux divers étaient impressionnants (je l'avais d'ailleurs secrètement surnommée "La gardienne de zoo").

En revanche, comme je ne travaillais comme caissière qu'un mois par an, je n'ai pas eu le temps d'expérimenter les maux de dos et tours de reins dont se plaint Anna Sam mais je n'en suis guère étonnée vu le poids des articles scannés chaque jour (beaucoup doivent être soulevés pour que le code-barre puisse être scanné).
J'ai été étonnée d'apprendre que les clients se montraient gênés d'exposer leur papier wc sur le tapis roulant à la vue de tous et qu'ils s'empressaient de le planquer une fois l'article scanné.
Ce doit être un phénomène typiquement français (^^) car je n'ai aucun souvenir de ce type de gêne à la caisse. J'ai même fait attention quelques fois quand je me trouvais à la caisse de mon supermarché et non, personne ne semblait embarrassé par son PQ :P
En revanche, s'agissant des préservatifs, tampons et serviettes hygiéniques, c'est une autre histoire :)

Compte tenu du sujet de ce livre, on peut se demander si il vaut mieux en rire ou en pleurer.
Anna Sam a en tout cas pris le parti d'en rire, offrant au lecteur un patchwork d'anecdotes souvent savoureuses, même si l'on devine bien l'exaspération et la frustration derrière le cynisme de l'auteure.

" Alors si vous entendez une mère dire à son enfant en vous pointant du doigt : "Tu vois chéri, si tu ne travailles pas bien à l'école, tu deviendras caissière, comme la dame", rien ne vous interdit d'expliquer que ce n'est pas un sot métier, que vous ne voulez pas rester au chômage et que vous avez même fait des études brillantes (Un bac+5? Tout ça ?)
Sinon, ne vous étonnez pas si après les enfants vous manquent de respect ou vous voient comme une ratée...
J'ai un scoop pour toutes ces personnes bien pensantes : il est loin le temps où avoir fait des études conduit à un emploi de rêve.
Aujourd'hui, les diplômés universitaires occupent aussi bien souvent des petits boulots.
Merci, chers parents clients, de vous servir de nous comme épouvantail pour élever vos enfants !
Réactualisez un peu votre copie." p.103

"Les Tribulations d'une caissière" n'est pas un "objet littéraire" à proprement parler et j'ai trouvé un peu dommage que l'auteure n'ait pas poussé un peu plus le constat vers une analyse approfondie.
Néanmoins, je pense qu'Anna Sam s'est livrée ici sans prétention et avec une sincérité évidente.
Et ma foi, si cet ouvrage a pu élever quelques consciences, le pari est gagné !

"Les Tribulations d'une caissière" a fait l'objet d'une adaptation cinématographique en 2011.

 


21 mai 2013

Nos vies désaccordées - Gaëlle Josse






Publié en 2012, "Nos vies désaccordées" est le second roman de l'écrivaine française Gaëlle Josse, également auteure des romans "Les heures silencieuses" (2011) et "Noces de neige" (2013).

François Vallier, célèbre pianiste, vivait une relation tumultueuse et passionnée avec Sophie qui lui pardonnait volontiers sa jalousie maladive.
Mais arrive au couple un drame tel que Sophie plonge dans la dépression. Désemparé, François décide pourtant de partir en tournée.
A son retour, Sophie a disparu sans laisser de traces.
Trois années s'écoulent et François, en couple avec une autre femme, enchaîne les concerts.
Mais un commentaire laissé par un admirateur sur son site web l'interpelle. L'internaute, infirmier dans une institution psychiatrique, prétend avoir découvert ses enregistrements de Schumann grâce à l'une de ses patientes qui les écoute en boucle toute la journée.
Cette femme, qui n'a plus prononcé un mot depuis son internement et passe son temps à peindre une toile en blanc puis en noir, serait-elle Sophie ?


" Aimer comme on écrit une icône. On l'écrit avec du temps, du temps infini, avec des couleurs comme du rouge, de l'orange, du brun, avec des traces d'or et infiniment d'amour.
On l'écrit pour se souvenir d'un amour plus fort que le poids des jours, plus fort que ces fragments de mosaïque que nous tentons de rassembler afin que nos vies rencontrent un jour leur visage.
Il s'y mêle toutes les larmes et le souvenir des musiques oubliées." p.90


C'est Marilyne qui, le mois dernier, m'avait donné envie de découvrir la plume de Gaëlle Josse. Lorsque j'ai eu vent de la parution en poche de ce titre-ci, je me suis dit que c'était là l'occasion de découvrir cette auteure tant plébiscitée sur la toile pour son premier roman "Les heures silencieuses".
Peut-être me suis-je un peu trop laissée contaminer par l'enthousiasme de Marilyne ? Toujours est-il que si j'ai apprécié l'écriture de ce roman, je n'ai malheureusement pas été bouleversée comme je m'y attendais.
Format trop court (120 pages) ? Histoire pas assez prenante ?

Je dirais que j'ai surtout été exaspérée par le personnage de François. Malgré quelques passages émouvants, ses remords ne m'ont pas convaincue.
Alors qu'il la savait fragile psychologiquement et que Sophie vivait une situation des plus traumatisantes (certes lui aussi mais disons que ce n'était pas tout à fait pareil et qu'il la gérait avec beaucoup plus de recul), il s'est conduit en lâche et est parti entretenir sa carrière.
Pourquoi ne l'a-t-il pas emmenée avec lui ?
Je n'ai pas eu l'impression qu'il ait remué ciel et terre pour la retrouver, d'autant qu'il ne perd pas vraiment de temps avant de se jeter sur la première belle plante qui passe.
Ensuite, 3 années passent et voilà qu'il re-débarque dans la vie de Sophie sur son beau cheval blanc.
Comme si ce n'était pas assez de l'abandonner, il fallait en plus lui imposer son retour !
Il se met en tête d'acheter une maison non loin de l'hôpital psychiatrique avec dans l'idée de mettre de côté sa carrière pour se consacrer à Sophie et revivre avec elle à sa sortie.
A en juger par la fin, c'est loin d'être du tout cuit, sauf que lui semble le penser.
Je l'ai détesté pour ça : pour sa possessivité et sa façon de décider pour deux (quand il part et quand il décide de rester).
Et quand je l'écoutais (oui j'ai vraiment eu l'impression d'entendre une confession à voix haute grâce à l'écriture lyrique de l'auteure) qualifier Sophie de "Mon allégresse", "Mon fleuve", "Ma Shéhérazade", je croyais plutôt entendre "Ma chose. Ma vie. Mon oeuvre".
A-t-il appris de ses erreurs au bout de ses trois années ? A-t-il vraiment changé ?
Ce qui est sûr, c'est que dès qu'il retrouve Sophie, sa compagne passe complètement à la trappe. C'est qu'en voyant tous ses appels restés sans réponse et ses caisses sur le palier, elle finira bien par comprendre...


" Il va falloir aménager cette baraque maintenant. Faire mes cartons chez Cristina, emballer mes tableaux et faire descendre le Steinway par la fenêtre.
Il y aura des cris et des larmes, je n'en suis pas très fier mais les choses vont ainsi.
Nous sommes tous pris dans nos parties d'échecs solitaires." p.121


Vous pensez bien qu'en lisant un tel passage, j'ai eu du mal à croire que François soit devenu un homme meilleur...
Je n'ai pas compris en quoi la mention de la tutelle du frère de Sophie apportait quelque chose à l'histoire.
J'ai souffert du manque d'informations concernant Sophie : quel est son passé ? pourquoi ne parle-t-elle plus ? pourquoi peint-elle une toile en blanc et puis en noir ?
Trop de silences dans ce petit roman qui se veut musical et trop peu de pages pour que je puisse m'en imprégner.

Ceci dit, comme j'ai été sensible à l'écriture de l'auteure, il n'est pas inconcevable que je la relise à nouveau. Avec plus d'intérêt, je l'espère.


D'autres avis : Clara - Theoma 

19 mai 2013

Broken - Karin Slaughter


Publié aux USA en 2012 et traduit en français cette année, "Broken" est un roman de l'écrivaine américaine Karin Slaughter. Elle est l'auteure de 6 romans regroupés sous le cycle "Grant County" et consacré aux enquêtes de Sara Linton, ainsi que de 3 romans appartenant à la série "Atlanta" dont le héros est l'inspecteur Will Trent.
Après "Genesis" qui avait signé une première rencontre entre les deux héros, "Broken" les réunit à nouveau.
Cette fois, Sara Linton, de retour à Grant County pour passer un peu de temps en famille, apprend le suicide de Tommy, un jeune déficient mental qui venait de confesser en cellule le meurtre d'Alicia Cooper.
Sara, qui a autrefois bien connu le jeune garçon, doute de sa culpabilité et demande à Will de faire toute la lumière sur cette affaire comme sur les agissements des deux inspecteurs qui ont appréhendé et placé Tommy en cellule.

Autant dire que la police locale n'apprécie pas vraiment que le GBI vienne mettre son nez dans une affaire qu'elle estime classée.
Il était déjà question de conflits entre flics et fédéraux dans "Genesis" ("C'est mon affaire !" Na c'est la mienne" et pendant ce temps-là, le psychopathe court toujours...) sauf qu'ici, la guéguerre des polices se trouve être au coeur du roman.
Un inspecteur chef alcoolique (comme c'est étonnant) et une co-équipière pas nette non plus sont rapidement tourmentés par les découvertes de Will Trent.
Et voilà que l'ex petit-ami d'Alicia Cooper est sauvagement assassiné dans son appartement.
Quel peut bien être le lien entre ces 2 affaires ? Et que dissimulent les deux agents de police de Grant County ?
Si "Genesis" m'avait moyennement plu, je l'ai tout de même largement préféré à celui-ci...
Dans le premier, j'avais aimé découvrir les personnalités et le passif de Sara et Will mais je n'ai malheureusement strictement rien appris sur eux dans "Broken" (on fait équipe et puis chacun rentre chez soi, merci au revoir).
J'ai trouvé l'intrigue très pépère et ennuyeuse et, hormis quelques passages plus haletants sur la fin, j'ai plutôt eu l'impression de lire un policier classique qu'un thriller.
Je n'ai pas du tout vu venir la fin, ce qui est parfois une bonne chose sauf que dans ce cas-ci, le dénouement est tombé comme un cheveu dans la soupe.

Je remercie néanmoins les éditions  de m'avoir envoyé ce livre.

L'avis de Clara





17 mai 2013

Genesis - Karin Slaughter

Publié aux USA en 2009 et traduit en français en 2012, "Genesis" est le 9ème roman de l'écrivaine américaine Karin Slaughter. Elle est l'auteure de 6 romans regroupés sous le cycle "Grant County" et consacré aux enquêtes de Sara Linton, ainsi que de 3 romans appartenant à la série "Atlanta" dont le héros est l'inspecteur Will Trent.
"Genesis" est le dernier tome paru au sein de cette série et signe la rencontre entre les deux héros principaux de la romancière : Sara Linton, pediatre et médecin légiste qui, après la mort de son mari, a quitté Grant County pour s'installer à Atlanta et devenir medecin urgentiste, et Will Trent, l'un des meilleurs enquêteurs du Georgia Bureau of Investigation.

Judith et Henry Coldfield roulent vers le centre d'Atlanta lorsque leur voiture percute violemment une femme nue sortie de nulle part.
La victime est conduite aux urgences et confiée à Sara Linton qui constate que la jeune femme présente de nombreuses contusions et brûlures qui donnent à penser que celle-ci a été torturée pendant une longue période.
Qui plus est, on semble lui avoir arraché la 11ème côte...
L'inspecteur Will Trent, déjà sur place alors qu'il accompagnait sa coéquipière victime d'un malaise, prend l'affaire en charge et découvre qu'"Anna" n'est sans doute que la première proie d'un tueur en série particulièrement cruel...

Je ne connaissais pas du tout Karin Slaughter. Aussi, quand le Livre de Poche et les éditions Grasset m'ont proposé un double partenariat visant à découvrir cette auteure, je me suis dit que c'était là une double occasion de faire connaissance.
J'ai donc reçu "Genesis" et "Broken" dont je vous parlerai dans mon prochain billet.

Pour commencer, je peux vous dire qu'il n'est pas nécessaire d'avoir lu les aventures de Sara Linton ou de Will Trent pour connaître ces personnages puisque l'auteure en dresse ici les portraits en cours de route.
Malgré que 3 ans se soient écoulés depuis la mort de son mari, Sara Linton reste encore très affectée par sa disparition et n'a pas vraiment réussi à tourner la page. Son quotidien se résume à se noyer dans le travail en enchaînant les tours de garde à l'hôpital.
Will Trent est un personnage qui m'a d'emblée semblé sympathique : un inspecteur peu loquace du genre qu'on ne voit pas arriver, très malin pour ce qui est de résoudre des enquêtes mais décidément mal à l'aise avec les femmes. Manque de bol pour lui, il est entouré de caractères forts ! Attendez-vous à croiser ici beaucoup de personnages féminins d'une dureté peu commune.
Faith Mitchell, sa co-équipière, n'a pas la langue dans sa poche mais lui est d'une aide inestimable, particulièrement lorsque Will se trouve en présence d'indices écrits.  Heu...oui c'est la première fois que j'entends parler d'un flic dyslexique et je dois dire que cette caractéristique m'a plutôt laissée perplexe.
Même si son épouse se charge de la paperasse et qu'il est aidé par sa co-équipière, comment fait-il pour rédiger ses rapports d'enquête ? Je vois mal comment il a pu réussir à cacher sa dyslexie durant si longtemps...

Sara, Will et Faith possèdent chacun leur part d'ombre, un talon d'Achille qui ajoute une dimension humaine non négligeable à leur métier.
De nombreux passages y sont consacrés, ce qui explique le volume assez conséquent de ce thriller (662 pages) dont l'enquête ne s'étale pourtant que sur 4 jours.
Si je soupçonnais que les métiers de flic et de médecin urgentiste devaient être éreintants, j'ai trouvé que l'auteure poussait ici le bouchon un peu trop loin (il faut quand même bien qu'ils dorment de temps en temps !).

S'agissant de l'intrigue en elle-même, je l'ai trouvée bien ficelée, menée par une écriture efficace, mais malheureusement bien trop longue au démarrage parce que ralentie par les soucis personnels des 3 personnages principaux et les "mises au point" un peu trop nombreuses (comme si l'auteure s'adressait au lecteur en lui disant : "Bon alors, vous me suivez toujours ?).
Autre bémol : un manque d'explication quant aux motivations du coupable (pourquoi les victimes vont-elles par paire ?)
Après lecture, je trouve aussi que le titre français met un peu trop le lecteur sur la piste.
Je ne ressors pas complètement déçue de cette lecture mais bon j'ai clairement lu mieux...

D'autres avis : Asphodèle - Clara

Merci aux éditions de m'avoir offert ce livre.