29 juin 2010

Papier machine - Corinne Roche


"Papier machine" est le 6ème roman, paru en 2010, de l'écrivaine française Corinne Roche à qui l'on doit notamment les titres "Une petite fête sur la planète", "Tu devrais te maquiller" ou encore "Tout va bien dans le service".
Alors que sa fille Tali rentre de vacances, sa mère lui annonce que son père est décédé quelques jours avant.
Ne sachant comment réagir à la mort de cet homme dont elle était séparée depuis 15 ans, brouillée avec son amie d'enfance qui ne semble pas la comprendre, elle décide de raconter les tenants et aboutissants de ces deux relations tout en distillant au fil du récit son rapport particulier et indispensable à l'écriture.

Ah une histoire d'écrivain qui parle d'écriture! Voilà qui avait de quoi m'intriguer !
Au centre de ce roman se trouve une femme qui apparaît rapidement comme une femme forte, capable de mener plusieurs vies de front. Entre son métier d'infirmière (un job alimentaire à défaut d'être une vocation), ses responsabilités de mère célibataire et sa vie de femme, elle tient à ce moment privilégié qui lui donnera l'occasion de prendre la plume.
Et cette fois, elle se lancera dans le récit de sa propre vie.
" - Qui veut du Coca et des cookies au chocolat?" dis-je en soupirant, tandis que mes pensées filent de nouveau vers l'amie, ennemie jurée du Coca et des graisses cachées.
Qui veut du jus de pamplemousse et une pomme? aurait-elle demandé en croquant elle-même dans une granny-smith. Qui veut rester mince et jeune, qui me pourrit la vie depuis quinze jours et plus de trente ans? Et tout naturellement, comme une réponse à mon désespoir, une merveilleuse, une monstrueuse idée éclot dans mon cerveau fatigué. Une idée de génie.
ECRIRE.
Seule l'écriture me sauvera." p.29
De sa rencontre avec Antoine lors d'un atelier d'écriture à leur étrange séparation, en passant par la naissance de sa fille Tali, événement qui lui permet de dresser un parallèle entre création et procréation...Si cette femme semble pouvoir gérer les événements, on se rend compte au fil du récit qu'elle n'agit pas pour autant sans se poser de questions.

" Mais qu'est-ce que je vais faire? C'est foutu, je ne m'extasie pas devant les petites brassières, je ne lis pas Un prénom pour la vie. Il me manque quelque chose. Je ne suis même pas sûre de l'aimer, cet enfant. Après tout, on ne s'est jamais vus, on ne se connaît pas.
- J'ai eu une mère dans le genre de ces folles, dit-il en m'embrassant. Oublie toutes leurs conneries. Je suis un homme et je crève de peur, moi aussi ! Mais je sais au moins une chose, c'est que l'amour maternel ne se trouve pas dans un bocal de cornichons." p.95

Mais mais mais... il y a quelque chose qui m'a manqué dans ce récit. Je n'ai pas ressenti de réelle émotion chez cette femme.
Au contraire, j'ai eu l'impression que seule l'écriture comptait pour elle et qu'elle l'utilisait comme échappatoire pour souffler, s'évader de sa vie et des autres. Si elle assume tant bien que mal son rôle de mère, elle semble à peine atteinte par le départ de son mari (on ne connaîtra d'ailleurs pas sa réaction à ce sujet) et sa dispute avec son amie d'enfance.
Mais après avoir aperçu la mention en couverture "L'écriture ou la vie", je me dis que le dessein de l'auteure était sans doute d'exposer la difficulté à concilier réalité et fiction...
" Ecrire, c'est comme boire ou presque. L'alcool appelle l'alcool et l'écriture engendre une soif que seule l'écriture apaise. Une soif dévorante. Boire tout court, voilà où les ennuis commencent.
Dans mon cas aussi, écrire est intransitif." p.164
Malgré de jolies idées, je suis donc restée quelque peu à distance de ce récit que j'aurais voulu un brin plus intimiste.

D'autres avis : Cathulu - Un livre à la main - Calypso

Un grand MERCI à et aux éditions de m'avoir offert ce livre !

La frontière de l'aube - Philippe Garrel


"La frontière de l'aube" est un film de Philippe Garrel, sorti sur nos écrans en 2008.
Carole, actrice et femme délaissée par un mari qu'elle ne voit jamais, entame une liaison avec François, photographe.
Très vite, les amants ne se quittent plus, entraînés dans une passion incontrôlable, extrême. Mais la jalousie pousse François à prendre de la distance tandis que de son côté, Carole sombre dans une folie qui exigera son internement.
Effrayé par la condition de la jeune femme, François ne la visite pas et préfère attendre qu'elle soit sur le point de sortir.
Mais entretemps, il a rencontré une autre femme, plus équilibrée et avec laquelle il peut construire une relation. Carole ne le supporte pas et finit par se donner la mort.
Alors que François continue à vivre sa vie, le fantôme de Carole revient le hanter...

"La frontière de l'aube" est un drame consacré à deux êtres en souffrance, instables, torturés par un bonheur pourtant à portée de main et à qui une vie simple ne suffirait sans doute pas.
Le choix du noir et blanc (qui d'ordinaire a sur moi un pouvoir hautement soporifique) ajoute à la dimension tragique du destin de ces jeunes amants.
Le film est porté par deux acteurs talentueux, Louis Garrel (fils du réalisateur) et Laura Smet qui a décidément l'habitude d'endosser des rôles difficiles ("Les Corps impatients" qui m'avait bouleversée ou encore "La Demoiselle d'honneur", tout aussi sombre).
Que dire si ce n'est que j'ai été complètement happée par ce film, par ces personnages insaisissables en proie à la fatalité, extrêmes, empreints de doutes et dépassés par des sentiments qui semblent trop lourds à porter mais des êtres entiers, vrais.
"La frontière de l'aube" offre une vision sombre de l'amour et qui n'est pas sans rappeler les tragédies shakespeariennes, tout en lui apportant une résonance très actuelle, symptomatique d'une époque qui encense la notion de liberté, encourage à multiplier les expériences tout en cherchant à réunir des êtres de plus en plus effrayés par toute forme d'engagement.
Un film magnifique mais à éviter quand on a le moral dans les talons...


25 juin 2010

Focus sur mon blog

MERCI à Géraldine d'avoir consacré un billet à ma modeste personne ! Pour découvrir les questions-réponses, cliquez sur l'image ci-dessous.


20 juin 2010

L'amour secret - Paola Calvetti


"L'amour secret" est le premier roman de la journaliste italienne Paola Calvetti. Sorti en Italie en 1999, soit 10 ans avant "L'amour est à la lettre A", il vient d'être publié en français aux éditions des Presses de la Cité.
Depuis sa maison en Provence, Costanza écrit à son amie Gabriella pour lui raconter en détails le séjour de Lucrezia, la fille de son ancien amant violoncelliste.
C'est qu'à la mort de son père, Lucrezia est tombée sur une boîte remplie de lettres et s'est montrée curieuse de rencontrer cette femme dont l'existence, de même que le lien qui l'unissait à son père, lui était jusque là demeurée inconnue.

Inutile je pense de préciser pourquoi j'ai accepté de découvrir ce roman. La seule mention du genre épistolaire suffit généralement à me donner envie...
La première chose qui m'a assez vite sauté aux yeux dans ce roman, c'est sa construction étrange.
Déclinée en quatre mouvements entrecoupés d'entractes et clôturés par une finale, à la manière d'une symphonie, cette structure n'est pas sans évoquer le métier du père et amant disparu, cet homme qui réunit Costanza et Lucrezia dans un lieu où chaque souvenir se voit empreint d'une certaine musicalité.
Jusque là, tout va bien. Mais...ce roman se présente avant tout comme la correspondance adressée par Costanza à son amie. Non seulement elle y retranscrit dans son intégralité les conversations entre elle et Lucrezia, mais elle y distille également ses souvenirs appuyés d'extraits de lettres et de propos tenus par son amant.
Plusieurs fois, j'ai du relire une phrase pour savoir à qui s'adressait Costanza. Malgré la présence de guillemets et de phrases en italique, cette histoire m'a fait l'effet d'un sacré mic-mac.

S'agissant des personnages, il n'y a pas grand chose à dire. Lucrezia est venue visiter Costanza dans le seul et unique but d'en apprendre davantage sur son père. C'est une femme réservée qui n'intervient que très peu dans le récit. Il faut dire qu'elle se trouve être à la merci d'une femme dont elle attend les révélations.

" A nous voir ainsi, on aurait pu croire à une jeune femme rendant une visite de courtoisie à un ancien professeur." p.26

Costanza est une vieille dame de 74 ans, habituée des théâtres et qui donne l'impression d'être en éternelle représentation.
Dans la mesure où elle assure le rôle de narrateur, toute l'histoire n'est jamais envisagée que de son point de vue à elle, situation qui l'avantage d'autant plus qu'elle occupe la position d'hôtesse.

" Ma maison, mon point faible, le miroir de ma vanité..." p.100

Lorsqu'elle parle de son ancien amant à Lucrezia, ce n'est que pour souligner à quel point il se montrait peu démonstratif et parcimonieux en déclarations, contrairement à elle qui ne manquait pas une occasion de lui clamer son amour.

" Quand je côtoie durablement quelqu'un de taciturne, son mutisme finit par m'imprégner. Ou alors, je parle sans arrêt pour combler le vide - avec les hommes, surtout. Puis, avec le temps, je parle de moins en moins. Je me rappelle d'interminables voyages en voiture où pas une parole n'était prononcée. Je finis par édifier un mur de silence intérieur.
Absence de communication, rejet de l'autre, jusqu'à l'indifférence définitive. Et la rupture. L'analyse m'a sauvée d'une longue chaîne de monologues." p.73
Ou pas...

" Pour m'encourager, je feuillette des recueils de lettres célèbres, celles que Wagner écrivait à Mathilde Wesendonck, celles de Stendhal à ses maîtresses, ou encore celles, débordantes d'une folle tendresse, qu'échangèrent George Sand et Musset.
Tu ne me réponds jamais. En lisant les grands, je cherche une justification à mes monologues épistolaires. " p.127

Aussi n'apprend-t-on pas grand chose sur cet homme finalement, d'autant qu'à aucun moment, Costanza ne pose de questions à Lucrezia sur l'homme qu'était son père.
Au contraire, elle se contente d'étaler ses souvenirs enrichis de détails à l'intérêt souvent discutable.

Des personnages lisses. Un long monologue de la part d'une vieille femme qui radote pour se mettre en avant. Beaucoup de clichés et un sentiment d'inertie qui ne m'a pas quittée jusqu'à la dernière page.

Je crois que je vais laisser passer un peu/ beaucoup de temps avant de m'atteler à "L'amour est à la lettre A" qui se trouvait déjà dans ma PAL...

D'autres avis : Virginie - Keisha - Pascale - Saxaoul - Clara
Un grand MERCI à Suzanne de et aux éditions de m'avoir offert ce livre !

17 juin 2010

Tag limonade

Voilà un tag que je vois circuler depuis quelques temps sur la blogosphère et auquel je pensais miraculeusement avoir échappé...Mais c'était sans compter l'oeil de lynx de Manu (et de Choco aussi en fait) ^^

Signe particulier

Tout comme Manu, je mesure moins d'1m60 et compense ma petite taille par une immeeeense pile à lire...J'affiche des tâches de rousseur uniquement sur le visage et comme j'ai toujours voulu une mouche, j'ai un piercing à cet endroit. Le jour où il me faudra l'enlever, je compte bien y tatouer une mouche à la place.
Et si de loin vous apercevez quelqu'un dans la rue qui s'extasie devant le moindre matou du quartier, il y a des chances que ce soit moi...

Mauvais souvenir

" Epargne-toi du moins le tourment de la haine;
A défaut du pardon, laisse venir l'oubli " Alfred de Musset
Je fais de mon mieux pour les oublier et ce n'est pas en les exposant ici que j'y parviendrai ;)
Cela dit, comme d'autres peut-être, il m'est arrivé bien des aventures avec mon cartable trop lourd pour moi qui, quand je me baissais, avait le malheur de passer au-dessus de mes épaules pour me faire chuter...Sans oublier la mini-jupe qui se relève et se coince dans le sac à dos ou encore la fois où j'ai décidé de m'improviser coiffeuse...

Film bonne mine

Je ne boude jamais "Dirty Dancing", "Dikkenek", "Mission Cléopâtre" et "Le silence des jambons" mais je suis plutôt bon public !

Défauts

Quand quelque chose ne va pas dans ma vie, j'ai tendance à ne plus voir que cela. D'ailleurs dans ces moments-là, je préfère m'obnubiler seule le temps de vider mon sac.
Du coup je déteste qu'on essaie de me changer les idées ou qu'on me dise de relativiser. Ca n'est pas parce que ça pourrait être pire que du coup je devrais me sentir mieux (non mais).

Souvenirs d'enfance

"Derrick" le vendredi soir, "La dernière licorne", "Labyrinthe", les chips poivre et sel, Disneyworld et les Iles Canaries avec papa et frérot - les courses avant la rentrée des classes pour acheter les nouvelles affaires - la Chance aux Chansons (beurk) et les Chiffres et les Lettres chez mes grands-parents - les sandwiches à la boue dans le jardin avec mon frère - la fugue à 20m de l'école juste pour aller manger des bonbons - les histoires le soir avant d'aller dormir - le papier nuages de ma première chambre - la terrible attente du marchand de glaces le mercredi après-midi - les bonshommes de neige - les lettres adressées au père Noël pour avoir un chien (ça n'a jamais marché^^).
La liste est longue !

Comme il semblerait que ce tag ait déjà bien bien fait le tour de la blogosphère, je le dédie à qui veut ! Pour le coup, je vous offre une tournée de bières bien de chez moi ! Non, ne me remerciez pas ^^

16 juin 2010

Bonnes vacances à tous et toutes !

A tous ceux/celles qui s'apprêtent à se froisser une côte sur la danse des tongs, à subir les kilomètres de bouchons sur l'autoroute en jouant à Uno sur le capot de la Picasso, à se faire manger la plante des pieds par les méduses, à siroter des cocktails agrémentés de glaçons à l'eau non-potable, à se faire ensevelir dans le sable jusqu'au coucher du soleil, à collectionner les traces de maillot/les coups de soleil/la peau de serpent, à s'essoufler sur le matelas pneumatique crocodile des marmots, à courir derrière les parasols volants, à consoler les mômes parce que la glacière avait tout prévu sauf ces maudits Calipo...

BONNES VACANCES BANDE DE VEINARDS ;)

Malgré une blogosphère au ralenti en cette période de vacances, ce blog conservera sa vitesse de croisière étant donné que je ne ferai pas partie des heureux élus ( c'est trop injuste comme dirait le piaf à la coquille).
Il y en a au moins une qui apprécie de rester sous les cocotiers de la maison ^^


12 juin 2010

Lettres à Fanny - John Keats


"Lettres à Fanny" est un recueil de 37 lettres signées du poète anglais John Keats et adressées à Fanny Brawne, une femme qu'il n'aura pu aimer que durant les deux dernières années de sa vie.
La correspondance qui nous est présentée ici est à sens unique, les lettres de Fanny ayant été détruites par le poète juste avant sa mort.
La première lettre est datée du 1er juillet 1819. Fanny et John se sont déjà avoués leurs sentiments mais la maladie a forcé le poète à quitter Hampstead pour se reposer sur l'île de Wight.
Cette séparation cause une intense douleur au poète qui fait souvent montre de jalousie à l'idée que Fanny se voit courtisée par d'autres hommes que lui.
L'attente de la guérison tout comme celle de voir son talent enfin reconnu par ses pairs sont autant d'obstacles au bonheur des amants.
Durant les deux années que durera leur relation principalement vécue à distance, Fanny Brawne et John Keats n'auront de cesse que de se rassurer sur la constance de leur amour, en entrevoyant une félicité que la vie ne leur accordera que trop peu.

Les lettres de John Keats mettent en lumière la fragilité comme la profonde sensibilité du poète, un homme qui fait figure d'éternel angoissé dont l'état de santé précaire influence bien souvent les propos. L'homme en devient agaçant par moments mais comment ne pas lui pardonner en regard d'une telle écriture?

" Je voudrais tant que vous puissiez instiller dans mon coeur un peu de confiance en la nature humaine... Je ne parviens pas à en rassembler même un soupçon; le monde est trop brutal pour moi, je suis heureux qu'il existe un endroit tel que la tombe; je suis persuadé que je ne connaîtrai pas la tranquillité avant d'y reposer.
Quoi qu'il en soit, je vais m'octroyer la satisfaction de ne plus jamais revoir Dilke, Brown ou l'un de leurs amis. Je voudrais être ou bien dans vos bras empli de confiance, ou bien frappé par la foudre. " p.134
Une magnifique correspondance romantique au service d'une histoire d'amour pure, contrariée, intense, impossible.

" Dites, mon amour, s'il n'est pas très cruel à vous de m'avoir ainsi pris dans vos filets, d'avoir détruit ma liberté. L'avouerez-vous dans la lettre que vous devez sur-le-champ m'écrire et où vous devez par tous les moyens me consoler; quelle soit aussi envoûtante qu'une bouffée de pavots et me fasse tourner la tête; tracez les mots les plus doux et baisez-les, que je puisse du moins poser mes lèvres là où les vôtres ont été.
Quant à moi j'ignore la manière de témoigner mon ardeur à une personne d'une telle beauté; il me faudrait un mot plus éblouissant qu'éblouissante, plus magnifique que magnifique.
J'en viendrais presque à souhaiter que nous fussions papillons dotés seulement de trois journées d'été à vivre - ces trois jours avec vous, je les emplirais de plus de délices que n'en pourraient jamais receler cinquante années ordinaires." p.43

Je dois avouer que pour une fois, j'ai commencé par visionner le film avant de m'atteler à la lecture. Et grand bien m'en a pris finalement car il m'a permis de m'imprégner du contexte entourant cette oeuvre épistolaire et de l'apprécier ainsi en connaissance de cause !

Le film

Sorti sur nos écrans en janvier de cette année, "Bright Star" est signé Jane Campion, scénariste et réalisatrice néo-zélandaise à qui l'on doit notamment "La leçon de piano".
Le film retrace les dernières années de la vie de John Keats et débute en 1818. John Keats alors âgé de 23 ans essuie de nombreuses critiques quant à son recueil de poésie, "Endymion".
S'ajoute à la détresse du poète la maladie de son frère qui occupe toutes ses pensées.
D'ordinaire insensible à toute forme de poésie, Fanny Brawne n'en est pas moins touchée par les mots du poète qui l'intrigue autant que l'homme. Les deux jeunes gens tombent éperdument amoureux.
Mais tandis que le jeune couple commence à peine à goûter aux joyeuses prémisses de l'amour, John Keats contracte la tuberculose et se voit contraint de renoncer à la rudesse de l'hiver anglais pour rejoindre l'île de Wight dont il finira par revenir quelques mois plus tard, pour repartir ensuite vers Rome.
Prisonniers d'un amour dont même la distance ne saurait diminuer l'intensité, les deux amants vivront leur idylle tant bien que mal, malgré la sombre fatalité qui pèse sur leur avenir et qui ne prendra fin qu'à la mort du poète en 1821, alors qu'il n'avait que 25 ans.

" A thing of beauty is a joy forever "

Des paysages anglais tous plus enchanteurs, des dialogues à couper le souffle servis par des acteurs de talent, de nombreux extraits issus de la correspondance de Fanny et John.
Que dire si ce n'est que ce film est un petit bijou qui a su aisément conquérir mon coeur de guimauve et m'a fait verser plus d'une larme (particulièrement la scène des papillons morts pour ceux qui ont vu le film...).

Du coup, j'ai bien envie de découvrir l'oeuvre du bonhomme même si, comme certains le savent, je suis loin d'être une amatrice de poésie. Après tout qui sait si, à l'image de Fanny, je saurai entendre ces mots-là :)






9 juin 2010

A l'ombre de la fête - Marie-France Versailles



"A l'ombre de la fête" est un recueil de nouvelles de l'auteure belge Marie-France Versailles, paru en 2010 aux éditions Quadrature.
Ce recueil se propose de nous faire découvrir les tranches de vie de Frank, Fanny, Pauline, Laurence, Youri et Louis, tous unis par les liens du sang.
Tandis que Frank pense avoir perdu sa fille et réalise qu'il a été un père absent à l'image de son propre géniteur, Fanny nourrit des rêves d'écriture et se voit offrir l'occasion de donner un nouveau souffle à son métier.
Pauline doute de la fidélité de son compagnon. Laurence, l'aînée sur laquelle compte toute la fratrie, se demande quelle forme prendra le discours à l'intention de son père.
Youri en veut à son père de les avoir quittés lui et sa mère et décide d'ouvrir un blog pour y décharger son ressenti.
Louis, octogénaire dont l'anniversaire réunit toute la famille autour d'une même table, est sur le point de dévoiler un vieux secret qui pourrait bien jeter une ombre sur la fête...

Frank, Fanny, Pauline, Laurence, Youri, Louis. Autant de prénoms qui en place de servir de titre à chacune de ces 6 nouvelles auraient pu constituer les chapitres d'un même roman.
Si les différents portraits brassés dans ce recueil sont singuliers, il n'en reste pas moins que mis bout à bout, ils nous aident à mieux saisir le poids du secret révélé par l'aieul et qui touchera tous les personnages à différents degrés.
Au centre de ce recueil, la figure d'un absent aux multiples visages (mais toujours un homme, cela dit).

" Dès l'aube du lundi, il a téléphoné à Clara, partie pour une quinzaine chez une cousine en Espagne. Elle a d'abord minimisé, comme tout le monde, "Tu connais ta fille, c'est une impulsive! Une virée, une crise, une escapade, c'est l'âge"...C'est fou, les mots qu'ils ont tous pour travestir l'absence." p.12

Mais aussi des personnages en proie à l'incompréhension de leurs proches et dont ils devront outrepasser les jugements pour avancer.
Tous arrivés à un carrefour de leur vie, ils se verront contraints de prendre une décision dont ils savent bien que les conséquences ne toucheront pas que leur propre personne.
Parce qu'il le faut. Parce qu'ils n'en peuvent plus de renoncer à leurs rêves pour épargner leur entourage.
J'ai particulièrement aimé le portrait de Fanny qui m'a plus touchée que je ne saurais le dire.

" - Fanny ne vous dit pas tout.
Jean-Luc suit son idée.
- Ma femme écrit.
Une distance nouvelle s'est glissée entre les chaises. Si le dessin de mode a délié les langues, l'écriture intimide les questions.
- Tu écris quoi?
- Oui, raconte, c'est intéressant, des romans?
Fanny connaît la suite. Tu as déjà publié? Tu as un éditeur? Comme si on demandait à l'amateur qui joue de la flûte ou de la batterie quand il donnera son premier concert.
Elle affiche son plus beau sourire, en plus doux, mais en plus faux, celui qu'elle compose devant un patient désagréable :
- C'est pour moi, mon évasion..." p.34
6 nouvelles. 6 personnages qui nous semblent proches tant leurs préoccupations comme leur façon de les exprimer auraient pu être les nôtres.
Marie-France Versailles signe là un joli recueil empreint d'humanité.

D'autres avis : Keisha - Sylire - Cathulu - Clara

Un grand MERCI aux éditions de m'avoir offert ce livre !

8 juin 2010

Béa de Capri à Carnon - Paul Villach



"Béa de Capri à Carnon" est un roman de l'écrivain français Paul Villach (également connu sous le patronyme de Pierre-Yves Chereul), paru aux éditions Lacour.
Lors d'un voyage scolaire à Capri, deux professeurs se rapprochent l'un de l'autre et entament une liaison. Béa est une femme dans la fleur de l'âge, belle, sensuelle et qui ne connaît les hommes qu'à travers des relations éphémères et vouées à l'échec.
Lui (le narrateur) est un homme marié qui aime sa femme mais se résout à la quitter pour se lancer dans la grande aventure "Béa".
Les amants sillonnent l'Italie, se perdent et communiquent avant tout à travers le langage du corps. Leur relation survivra-t-elle aux contingences du quotidien?

Voici deux personnages qui a priori étaient faits pour se rencontrer. Il semble y avoir entre eux un feeling, une alchimie, quelque chose qui fait que leurs corps sont naturellement attirés l'un vers l'autre comme des aimants. Sans compter qu'au delà de l'amour charnel, tous deux sont animés par le même goût du voyage, comme le laisse d'ailleurs deviner cette couverture à l'allure de guide touristique.
Nous suivons donc le couple à Capri, Venise, Rome, Florence, au détour d'excursions qui s'affirment bien souvent comme autant de prétextes à éveiller le désir sexuel des deux amants.
J'ai aimé découvrir ces escales italiennes qui flairent bon le soleil, la nourriture légère, le vino bianco frizzante et qui sous la plume de l'auteur revêtent une allure de fête.
Malheureusement, si le début de ma lecture s'est avéré prometteur, j'ai fini par me lasser à force de ces échanges physiques frisant le voyeurisme. J'ai vraiment eu l'impression de rentrer dans l'intimité de deux personnes, comme si j'étais tombée par mégarde sur la version non-censurée d'un film de vacances.
Ce que je trouvais beau au départ m'est devenu gênant en raison de l'abondance de détails et de la répétition de formules d'un cru certain, dont l'auteur ne se cache d'ailleurs pas.
" Donne-moi ta queue, oh! donne-moi ta queue!" a-t-elle imploré, selon la formule désormais sacramentelle qu'elle a inaugurée." p.96
Les nombreuses tirades qui accompagnent les galipettes des amants m'ont semblé hallucinantes et tout bonnement irréalistes, contribuant pour ma part à un effet surjoué.
" Oh! Donne-moi ton sperme, mon amour! Tu bois bien ma cyprine par lampées ! Nous avons mélangé nos salives. J'ai soif de la crème de ton foutre. Je veux l'incorporer à ma chair." p.135

A plusieurs reprises, je me suis demandée où l'auteur voulait en venir exactement et j'ai été soulagée de découvrir une 3ème partie dissonante en regard des précédents chapitres.
Alors que les deux premières parties m'avaient laissée perplexe quant à la possibilité pour un couple de faire perdurer une relation basée exclusivement sur le sexe (si ce n'est durant leurs ébats, les amants faisaient volontiers l'économie des mots), cette 3ème partie m'a confirmé qu'au bout d'un certain temps, les corps se lassent.
Une divergence de vue professionnelle sonnera le départ d'une lourde désillusion chez les deux personnages qui commencent à apercevoir les premières failles dans leur couple, leur conception différente de la vie à deux, leurs ambitions professionnelles divergentes, leurs cultures opposées.
" Béa a du mal à devoir assumer ses erreurs. Au pis, elle les nie, au mieux elle exhume celles des autres pour les mettre en regard, comparer et décréter un match nul.
Ce dissentiment entre Béa et moi se ravive par moments. Il m'arrive avec impatience de la mettre en garde maladroitement en lui rappelant une maxime que nous avons lue ensemble sur une façade de San Miniato, à la crête d'une colline hérissée de flammes noires de cyprès en Toscane : veillons à ne pas être "pointilleux dans le détail et négligents dans l'essentiel! " p.175

Et quel hasard, le sexe ne trouve plus sa place dans la relation !
Fatalité? Sans doute. Il est certain qu'une entente sur le plan physique ne se dispense pas d'autres affinités pour faire vivre le couple.
Alors que le narrateur ne tarissait pas d'éloges sur Béa, éprouvant pour elle jusqu'à la fascination, il découvre qu'elle est aussi un être imparfait, avec ses lâchetés et ses contradictions.
Tout le récit n'est envisagé que de son point de vue à lui, alors qu'il se rend compte que sa maîtresse lui échappe. Elle qui acceptait volontiers de se laisser guider à travers l'Italie et de se voir dicter ses choix professionnels semble se rebiffer, appuyée par une famille qui ne peut tolérer son amant.
Nul ne sait ce qui se passe au juste dans la tête de Béa, dont l'attitude nous apparaît détestable à travers les propos de l'amant éconduit qui soudainement se révèle fragile et d'autant plus touchant.

" J'attends avec angoisse ses coups de fil qui ne viennent pas. Quand à l'occasion de l'un d'eux, elle m'apprend ce qu'elle vit, je m'effondre en larmes. Je voudrais être près d'elle. Je peux partir tout de suite. "Surtout pas!" m'intime-t-elle. J'entends dans son injonction un peu hautaine toute la pudeur et l'intimité sourcilleuse d'une famille qui se referme sur ses secrets et qui repousse l'étranger que je suis devenu." p.220

Quand ce roman m'a été proposé par son auteur, je n'avais pas saisi que l'érotisme tiendrait une telle place dans le récit. J'ai mis un certain temps à rédiger ce billet (je m'en excuse d'ailleurs auprès de l'auteur) tant cette lecture avait suscité en moi des sentiments contrastés.
Si le récit permet d'initier plusieurs réflexions intéressantes sur les relations humaines et le caractère fallacieux du système éducatif et qu'il nous offre de jolis panoramas de l'Italie, je n'ai absolument pas été conquise par cette intimité imposée et ponctuée d'envolées lyriques qui à mon sens ont davantage contribué à alourdir le récit qu'à l'embellir.
Mais comme je le dis toujours, mon opinion n'engage que moi !

L'avis de Daniel Fattore.

Un grand MERCI à Paul Villach de m'avoir offert ce livre !

2 juin 2010

La flèche du temps - Martin Amis


"La flèche du temps" est un roman de l'écrivain britannique Martin Amis, paru en 1991.
Alors qu'il était plongé dans un sommeil pressenti comme éternel, Tod Friendly réintègre le monde des vivants, affublé d'une conscience présentée comme indépendante de lui et qui s'exprime à travers la voix du narrateur.
Loin de continuer son chemin de vie, Tod revit chaque moment de son existence.
Et d'aventure en aventure, de train en train, de port en port comme dirait l'autre, il apparaît sous différentes identités, accumule les conquêtes féminines, exerce étrangement son métier de médecin, traverse la vie en sens inverse avec une telle nonchalance qu'on se demande quel est son secret...

Si tout comme ce fut mon cas, vous vous demandez si cette histoire est un remake de "L'étrange histoire de Benjamin Button", autant vous le dire tout de suite, la réponse est non.
Tous les événements vécus par Tod Friendly ont déjà eu lieu même si le personnage ne semble pas s'en apercevoir. Seul sa conscience en est avisée mais elle ne peut entrer en contact avec lui.
Partie de ce constat, il m'a donc fallu intégrer un monde particulier doté d'une logique propre et plus complexe qu'il n'y paraît.
Dans ce récit, la flèche du temps a rebroussé chemin ce qui implique que les conséquences sont devenues les causes et que certaines situations du quotidien sont revisitées de façon plus ou moins cocasse...

" Les taxis jaunes, voilà un système imbattable. Ils sont toujours là quand on en a besoin, même sous la pluie ou quand les théâtres ferment. Ils vous paient immédiatement, sans poser de questions. Ils savent toujours où vous allez. Ils sont formidables. Pas étonnant qu'après, on reste là, pendant des heures, à leur dire au revoir de la main, pour les saluer eux et leur excellent service. Les rues sont pleines de gens le bras levé, trempés, fatigués, qui remercient les taxis jaunes. " p.97

Mais au-delà d'une suite de situations peu banales, j'ai également été confrontée à un personnage qui, contrairement à ce que son nom le laisse croire, ne s'est absolument pas attiré ma sympathie. Tod Friendly semble mener une vie tracée d'avance (logique me direz-vous) et se montre à ce point passif qu'il se voit réduit à un pantin officiant dans le théâtre d'une existence solitaire.
Je me suis d'autant moins prise d'affection pour ce personnage qu'il affiche un mode de vie "aseptisé" (que j'attribuais à son métier) et une attitude totalement insensible, notamment envers la gente féminine.

" J'ai déjà remarqué bien sûr que la plupart des conversations seraient beaucoup plus compréhensibles si on les repassait à l'envers. Mais avec ces histoires d'homme-femme, on peut les passer dans n'importe quel sens sans jamais rien y comprendre de plus.
"Je t'en prie. Tu peux rester dormir ici.
_ Au revoir, Tod.
_Bet, dit-il. Ou Trudy ou autre.
_Je ne peux plus, c'est tout.
_Donne-moi juste une autre chance. "
Puis ils se lancent dans cette routine. Cela dure du début à la fin. Ne vous méprenez pas : Tod a ses bons côtés. Tout le monde reconnaît qu'il est "très affectueux" (je pense savoir ce que ça veut dire. Mais elles, comment pourraient-elles le savoir?).
Et elles ne parlent pas de ses défauts évidents, comme d'être médecin et d'avoir trois douzaines de petites amies.
Non, l'ennui apparemment, c'est que Tod n'éprouve rien, qu'il n'établit pas de lien, qu'il ne s'ouvre jamais, ne se laisse jamais aller. Ce que Trudy, Juanita et les autres essaient de dire, à mon avis, c'est que Tod leur donne la chair de poule. Mais quoi que ce soit quoi qu'elles disent ou essaient de dire, cela n'embarrasse jamais Tod." p.80

Heureusement que sa conscience était là pour remettre les pendules à l'heure si je puis dire et que j'ai pu trouver en elle l'écho de ma propre incompréhension.
Sans cela je crois que je serais restée bloquée dans un autre continuum espace temps où ce roman n'aurait sans doute pas été achevé.
L'histoire se décline en trois parties et pour en comprendre le fin mot, il faut pouvoir traverser le premier morceau en acceptant de se laisser balader par l'auteur.
Vu le peu de temps dont je dispose pour lire, ce roman a du se satisfaire d'une lecture morcellée, ce qui m'a amenée plusieurs fois à déplacer mon marque-page d'avant en arrière (ou d'arrière en avant, tout dépend du point de vue envisagé) au risque de perdre le fil de l'histoire.
Ce n'est qu'arrivée à la seconde partie que j'ai enfin pu situer l'époque à laquelle vivait Tod, découvrir les mystères entourant l'homme et mieux saisir les causes de son comportement (sans pour autant l'excuser).

Même si je dois reconnaître à ce roman un concept original, ingénieux même, qui donne lieu à de multiples clins d'oeil et éclairages à l'Histoire, à des situations justes bien que contraires à la normale, le tout décliné dans un ton qui fait souvent froid dans le dos, certains passages nébuleux (surtout dans la première partie) m'ont toutefois laissé quelques réserves.

"La flèche du temps" est un roman à tenter à condition de bénéficier d'un peu de temps devant soi et d'avoir les nerfs solides car la seconde partie est loin d'être piquée des vers.
Ce roman m'a rappelé le clip de la chanson "The Scientist" de Coldplay.





D'autres avis : Lili Galipette - Reka - Soukee

Un grand MERCI à et à de m'avoir offert ce livre !