18 octobre 2013

La petite poule rouge vide son coeur - Margaret Atwood


Publié en 1993 et traduit en français en 1996, "La petite poule rouge vide son coeur" rassemble une vingtaine de nouvelles de la romancière canadienne Margaret Atwood, notamment auteure des romans "La Servante écarlate", "Le dernier homme" ou "Le Temps du déluge".

" Ce que nous voulons, bien sûr, revient toujours à la même vieille histoire. Les arbres qui font pousser leurs feuilles, les agitent, les font tomber, l'eau qui tourbillonne dans les océans, les trilles des oiseaux, les limaces qui se déplient, les vers qui siphonnent la terre.
Les zinnias et la lente exploration de leur parfum poivré. Nous voulons que tout continue et continue, de la même manière chaque année, monotone et étonnant, comme si nous-mêmes vivions toujours sous la tente, faisant paître des moutons, les égorgeant au nom de Dieu et refusant d'inventer le plastique.
L'incrédulité et les salles de bains ont un prix qu'il nous faut payer. Si la pomme avait été le seul appât du Mal, nous pourrions encore dire que nos âmes nous appartiennent, mais l'aiguillon du désir nous a donné le tout-à-l'égoût en prime et depuis nous sommes condamnés." p.133
27 textes qui interpellent et interrogent, jouant avec les consciences et croyances populaires. Margaret Atwood s'essaie au conte ("La petite poule rouge vide son coeur", "Il était une fois..."), rend hommage aux sottes ("Rendons grâce aux sottes"), aux "sorcières" laissées pour compte ("Les vilaines") et aborde les représentations du "Corps féminin".

" Il fait vendre des voitures, de la bière, des crèmes à raser, des cigarettes, des alcools; il fait vendre aussi des régimes amaigrissants et des diamants, ainsi que du désir en minuscules bouteilles de cristal. Est-ce bien ce visage qui a servi à la promotion d'un millier de produits ? Tu parles ! Mais ne t'illusionne pas, ma chérie, ton sourire ne vaut pas cher.
Il ne fait pas que vendre, il est vendu. L'argent rentre à pleines brassées dans ce pays ou dans cet autre, il y atterrit, il s'y infiltre pratiquement à pleines valises, attiré par toutes ces jambes lisses de pré-adolescentes.
Ecoute-moi, tu veux réduire la dette nationale, n'est-ce pas ? Tu aimes ton pays ? Voilà qui est bien. T'es une brave fille.
Elle est une ressource naturelle, une ressource renouvelable, heureusement. Ces choses-là s'usent si rapidement. On ne les fait plus comme avant. Marchandises de pacotille." p.38

Elle nous explique comment "Fabriquer un homme" ou pratiquer "La chasse aux souches".
L'auteur examine les notions de bien, de mal et de paradis ("Théologie") et crée de nouvelles mythologies ("La troisième main", "L'ange", "La Danse des lépreux", "Ma vie comme chauve-souris").
Elle évoque la mort à travers certaines coutumes ("Scènes de mort", "Quatre petits paragraphes", "De bons os"), la guerre entre les hommes ("Les épaulettes", "Les coquelicots : 3 variations") et leur peur de l'inconnu ("En territoire étranger").
Ecologiste dans l'âme, elle attire notre attention sur le comportement irresponsable de l'homme vis à vis de son environnement ("Boule dure", "De sang froid", "Terre natale", "Insatiables").

" Qu'y a-t-il d'autre à manger ? Eh bien, il n'y a plus de hamburgers. Les vaches prennent trop de place. On élève encore, ici et là, quelques poulets et quelques lapins qui se multiplient vite et qui sont de petite taille. Il y a aussi, bien sûr, aux étages inférieurs, des rats, mais il vous faut les attraper.
Imaginez-vous la terre sous la forme d'un navire du XVIIIème siècle, rempli de passagers clandestins, mais sans aucune destination.
Et puis, inutile de le préciser, il n'y a plus de poissons. Impossible d'en trouver un seul dans cette eau sale qui clapote en bordure des océans et au travers des ruines de ce qui fut New-York.
Si vous disposez de beaucoup d'argent, vous pouvez y faire de la pêche sous-marine pendant vos vacances. Emprunter le sas. Plonger dans le romantisme d'un âge révolu.
Mais c'est un mauvais vent qui ne fait de bien à personne. Il n'y a plus de crimes dans les rues.
C'est un progrès, voyez-le comme ça." p.88


Il m'est assez difficile de résumer les 27 textes qui composent ce recueil. Non seulement parce que la plupart ne sont pas des "histoires" à proprement parler mais aussi parce que quelques-uns d'entre eux sont tout simplement restés des énigmes pour moi.
J'ai beau avoir déjà lu 3 romans de cette auteure et connaître ses thèmes de prédilection (féminisme, "pessimisme" écologiste et politique), j'ai parfois été déroutée durant ma lecture.
Heureusement, la plupart de ces textes m'ont plu de par leur humour et leur ton sarcastique voire même désabusé.
Sans se montrer moralisatrice, Margaret Atwood pose un regard très critique sur notre époque, livrant ici un patchwork de constats alarmants visant à nous conscientiser sur des problématiques actuelles.
Je ne sors jamais complètement indemne une fois un livre refermé de cette auteure et malgré une déception par rapport à certains textes, je ne regrette pas cette lecture.
A recommander à ceux qui apprécient l'univers et l'impertinence de la dame.

4 commentaires:

  1. Une piqûre de rappel pour "La servante écarlate" qui est toujours dans ma PAL.

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  2. Je vais déjà lire la servante écarlate qui dort dans mal PAL depuis ton billet

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  3. Je ne suis pas fan de nouvelles, mais pour cette auteure, je pourrais faire une exception.

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  4. Cette histoire pourra bien me plaire. Bref, ça reste à découvrir!

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