Publié en 1945, "Saint-Gengoul" est un roman épistolaire signé Frédéric Dard, romancier français célèbre pour la série des "San Antonio".
Parmi les décombres d'un accident ferroviaire, deux cheminots trouvent la dépouille d'un homme à l'expression étrangement sereine et qui tient dans ses mains un journal destiné à son épouse.
Achille se livre à Armande, cette femme qu'il a passé sa vie à essayer de conquérir, en vain.
A croire qu'elle a détourné les yeux de lui dès le jour de leur mariage pour lui préférer Maurice, voisin et ami de longue date dont il s'est toujours demandé si ils avaient eu une liaison.
Armande s'est toujours montrée d'une cruelle indifférence vis-à-vis de tout ce qui exaltait Achille.
Au lieu de resserrer les liens entre eux, la naissance de leur fils les éloigne encore davantage et Armande n'a d'yeux que pour lui.
Achille est bien décidé à régler ses comptes.
" Le jour meurt sous la pluie, un jour triste comme tous ceux que nous vivons ensemble.
Je sens ta présence dans la maison, elle pèse sur mes épaules, elle me poigne.
Et Joël n'est pas encore rentré.
Je te parlerai également de lui, plus loin. Car tu es tout de même mère. C'est une faiblesse à exploiter. Oh, je ne t'épargnerai rien.
Tu as peut-être cru que ma mort serait une amnistie ? Eh bien tu t'es trompée.
C'est une déclaration de guerre. Et je t'écraserai comme une vipère, à coups de talon, à coups de dégoût, à coups de vérités, à coups d'amour perdu." p.35
"Saint-Gengoul" est la confession amère d'un homme délaissé par sa femme et qui, à l'heure de revenir sur leurs 25 années de rendez-vous manqués, oscille entre amour et haine, sur un ton tantôt intime tantôt détaché. L'écriture est étonnamment poétique au vu du sujet au point qu'Achille donne l'impression de détester sa femme aussi intensément qu'il l'a aimée.
Autant dire que Frédéric Dard expose une vision très pessimiste du couple, dominée par la souffrance et la jalousie.
" Cette vengeance que je vais te préparer, lentement, jour à jour; que je vais penser, que je vais travailler, c'est la suprême joie de mon existence.
Une énergie nouvelle coule en moi, je vais vivre pour elle désormais comme pour une oeuvre.
Je m'apprête à la nourrir de mon corps, à lui consacrer mon temps et mon intelligence.
Quelles preuves d'amour plus grandes puis-je te donner ? " p.23
Animé par un sentiment de vengeance, Achille veut rendre à Armande la monnaie de sa pièce, la frapper là où ça fait mal, pour enfin réussir à la toucher, à lui faire ressentir quelque chose, même si au fond il n'y gagnera pas grand chose.
Et pour ce faire, il jubile et prend son temps pour lui tendre en plein visage le miroir de leurs années de couple. Mais connait-il vraiment sa femme ?
"Saint-Gengoul" apparaît comme le monologue de l'amour à sens unique, d'abord idéalisé puis déçu.
J'ai adoré ce livre jusque dans les dernières pages qui m'ont vraiment déconcertée car je ne m'attendais pas à ce genre de revirement superficiel, ce désaveu, qui rend le final d'autant plus cruel.
L'amour et la jalousie peuvent-ils rendre à ce point aveugle ?
Je n'y ai tout simplement pas cru au vu de tout le reste.
J'ajouterais aussi que je n'ai pas saisi le pourquoi de la date mentionnée à la toute dernière page.
Si vous avez lu ce livre, n'hésitez pas à me faire signe ici :)
Du reste, "Saint-Gengoul" mérite d'être lu et il est une bonne occasion de découvrir la plume de Frédéric Dard dans un tout autre registre que celui des San Antonio.
Il est vrai que je ne connais de cet auteur que les San-Antonio.
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