En librairie depuis le 3 septembre, "Le jeu des ombres" est un roman de l'écrivaine américaine Louise Erdrich, notamment auteure de "La Chorale des maîtres bouchers", "La Malédiction des colombes" ou encore du recueil de nouvelles "La décapotable rouge", également paru en français cette année.
A la naissance de leur premier enfant, Gil avait offert à sa femme Irène un carnet rouge qu'elle continue d'alimenter depuis 15 ans. Mais au cours d'un repas de famille, un détail a priori insignifiant attire l'attention d'Irène. Pas de doute possible, en son absence, Gil lit son journal en cachette.
D'un naturel possessif et jaloux, son peintre de mari dont elle est la muse depuis des années, est en effet persuadé que sa femme le trompe.
Irène décide alors de rentrer dans son jeu en poursuivant la rédaction de son carnet rouge tout en entamant en parallèle un second carnet, adressé directement à Gil, qu'elle consigne dans un coffre à la banque.
" Il est possible de capturer une âme grâce à une ombre. C'était inscrit dans la langue ojibwé. Waabaamoojichaagwaan - le mot pour dire miroir peut également désigner l'ombre et l'âme : votre ombre est visible et peut-être vue.
Gil avait posé le pied sur l'ombre d'Irène, quand il la peignait. Et elle avait beau chercher à s'écarter, il lui était impossible de dégager cet écheveau d'obscurité de sous son pied." p.45
Première rencontre pour moi avec Louise Erdrich et pas des moindres puisqu'il m'a fallu deux jours et deux nuits avant de commencer à songer à formuler mon ressenti par écrit.
J'ai vraiment été déroutée par cette lecture qui d'entrée de jeu nous annonce la couleur. Le couple formé par Gil et Irène bat sérieusement de l'aile, principalement à cause de l'exclusivité réclamée par Gil qui va jusqu'à jalouser ses propres enfants qui l'ont selon lui détourné de sa femme.
Imprévisible et colérique, il s'en prend à eux pour se faire pardonner l'instant d'après.
Gil a toujours placé Irène sur un piedestal, la choisissant pour modèle de toutes ses toiles, une égérie peinte sous toutes ses coutures et à tous les âges mais dont une partie demeurée insaisissable nourrit l'obsession du peintre.
Irène étouffe et, lorsqu'elle découvre que Gil lit son journal, plutôt que de le confronter, décide de le manipuler en se servant de sa jalousie contre lui. Car elle le connaît bien et si elle sait à tout moment comment l'amadouer et canaliser ses humeurs, elle sait également appuyer là où ça fait mal en remuant d'anciens souvenirs et en semant le doute en lui.
Bien que Gil ignore qu'Irène soit au courant de ses agissements, il sent bien que sa femme s'éloigne davantage de lui et fait tout ce qu'il peut pour la reconquérir, là où Irène savoure l'instant en attendant le bon moment pour le quitter.
" Gil avait un point de vue sentimental alors que celui d'Irène était tragique. L'association du tragique et du sentimental engendre le kitsch. Irène avait le sentiment que dès qu'elle ouvrait la bouche en public pour juger de son mariage, elle donnait voix au kitsch.
(...) Le kitsch est pire que le mauvais goût, Gil, c'est de l'hypocrisie. Je suis sérieuse, là.
C'est représenter quelque chose et lui donner une apparence solide, charmante et lisse alors qu'elle est fracturée, douloureuse et malsaine. Comme nous." p.96
"Le jeu des ombres" ou la dérive extrême du manque de communication au sein d'un couple animé par l'énergie du désespoir.
Voilà un homme et une femme qui s'enlisent dans une relation destructrice et malsaine qui n'a plus rien de naturel tant chaque geste se veut pesé, calculé d'avance pour atteindre l'autre.
Seul l'alcool, dont tous deux s'imprègnent allègrement au quotidien, leur fait baisser la garde. Mais pour un temps seulement.
Autant dire que l'ambiance, amplifiée par l'écriture sèche de l'auteure, se veut des plus tendues. La psychologie des personnages est tellement bien rendue que j'ai vraiment eu l'impression de vivre leur histoire de l'intérieur, de les connaître intimement sans toutefois pouvoir présager de leur comportement.
Suspendue à ce roman de la première à la dernière page, je me suis demandée jusqu'au bout comment tout cela allait finir.
Pour ma part je me serais bien arrêtée à l'issue réservée à Gil et Irène plutôt qu'aux réflexions finales du narrateur. Mais pour une fois je ne bouderai pas mon plaisir vis-à-vis de cette lecture qui fut pour moi un coup de coeur !
D'autres avis : Clara - Aifelle - Jules - Keisha
Il est assez différent de ses romans précédents, mais tout aussi fort ! j'ai beaucoup apprécié cette lecture.
RépondreSupprimerJe serais curieuse de découvrir ses autres romans mais je suis freinée par les avis négatifs des uns et des autres :/
SupprimerEssaie "ce qui a dévoré nos coeurs" assez représentatif de ce qu'elle écrit. La narration y est plus complexe que dans celui-ci, mais c'est passionnant sur la communauté amérindienne.
SupprimerDu malaise quand même à voir comment ce couple se déchire!
RépondreSupprimerOh oui, particulièrement dans certaines scènes, incompréhensibles pour qui n'a jamais vécu pareille situation
SupprimerTitre noté, il va sans doute me réconcilié avec l'auteure dont je n'avais pas aimé le dernier lu.
RépondreSupprimerJe te le souhaite, c'est un roman fort que je ne suis pas prête d'oublier
SupprimerJe n'avais pas envie de le lire mais vous finissez par m'intriguer.
RépondreSupprimerJe n'étais pas spécialement intriguée par l'auteure mais c'est le thème qui m'a donné envie d'essayer. Et je ne regrette pas :)
Supprimerje l'ai noté après le billet d'aifelle - le tien confirme mon intérêt pour le roman
RépondreSupprimerFonce !
SupprimerAh, ton billet fait plaisir !
RépondreSupprimerA moi aussi :P Car les occasions de pouvoir dire beaucoup de bien d'un livre sont plutôt rares de mon côté
SupprimerMalgré tous ces avis élogieux, je n'ai pas envie de relire cette romancière qui m'a ennuyé avec "La malédiction des colombes".
RépondreSupprimerAh mais celui-ci pourrait te plaire :) En revanche, je note de m'abstenir pour les colombes ^^
SupprimerJ'avais beaucoup aimé les maîtres bouchers, mais pas pu terminer Love medicine... du coup, je ne sais plus quoi décider : lis-je ou ne lis-je pas ?
RépondreSupprimerIdem que pour Manu : celui-ci te plairait :) En revanche, vu vos avis, je me demande ce que je vais pouvoir encore lire d'elle à présent :P
SupprimerC'est une auteure que j'aime beaucoup et j'ai noté de le chercher à la bibli après les fêtes !
RépondreSupprimerA moins que tu ne l'aies reçu sous le sapin ?
SupprimerLa fin m'a bouleversée, je ne m'y attendais pas du tout! Merci d'avoir ajouté mon lien.
RépondreSupprimerL'écriture de cet auteur est particulièrement dense, à chaque fois j'ai mis du temps avant d'entrer dans ses histoires.
SupprimerLe thème de ce roman me fait un poil peur tout de même ...
Oui on se doute que tout ça finira mal sans savoir de quelle façon. Triste pour les enfants qui en font les frais...
SupprimerCe livre me tente beaucoup et j'ai trouvé l'auteure, lors de son passage à Rennes, très classe et passionnante; Mais j'ai un autre livre d'elle dans ma PAL qui doit être lu avant de laisser entrer un autre titre ! J'en profite pour te souhaiter un bon reveillon !
RépondreSupprimerTrès joli billet, ça me donne envie surtout que j'entends parler de cette romancière depuis un certain temps. J'en profite pour te souhaiter une belle année 2013 ;-)
RépondreSupprimerBon, moi j'ai lu ce roman avant sa sortie et je n'ai pas fait de billet... En fait, j'ai été très déçue ! De l'eau a coulé sous les ponts depuis et je suis incapable d'argumenter mon opinion lol mais bon voilà, je ne te rejoins pas sur ce coup de coeur, ma chère Zaz ! (Je viens de finir L'arbre du voyageur : beaucoup aimé par contre ! ;) )
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