29 mai 2013
Zarbie les yeux verts - Joyce Carol Oates
Publié aux USA en 2003 et traduit en français en 2005, "Zarbie les yeux verts" est le second roman pour adolescents - le premier étant "Nulle et Grande Gueule" - de l'écrivaine américaine Joyce Carol Oates.
Au cours d'une soirée, Francesca (qui s'est elle-même rebaptisée Franky) rencontre un jeune homme plus âgé qui la saôule et tente d'abuser d'elle. Heureusement, l'adolescente est sauvée de justesse grâce à la détermination de Zarbie qui n'est autre que son moi idéal.
L'année suivante sera loin d'être facile pour Franky qui, en même temps que sa jeune soeur Samantha et son frère ainé Todd, verra ses parents se séparer un peu plus chaque jour.
Il faut dire que dans la famille Pierson, tout tourne autour du père, ancien athlète reconverti en présentateur sportif sur une chaîne à grande audience.
Non content de voir toute sa famille fière de lui, Reid Pierson exige que tous marchent au pas, que sa femme l'accompagne en toute occasion (alors qu'elle déteste les mondanités) et que ses filles se montrent obéissantes.
Gare à celui ou celle qui oserait le contredire, au risque de se voir corrigé par la force...
Mais malgré sa forte autorité, Reid semble accepter que sa femme s'éloigne plusieurs jours par semaine pour retaper un bungalow dont elle compte faire son atelier de sculpture.
Jusqu'au jour où celle-ci disparaît mystérieusement...
C'est le billet de Canel qui m'a poussée à me jeter sur ce roman, pourtant dans ma PAL depuis au moins deux ans.
Bien décidée à lire toute l'oeuvre de Oates y compris ses deux romans pour ados, j'avais donc acheté celui-ci en connaissance de cause même si je constatais que j'en repoussais sans cesse la lecture pour privilégier les romans pour adultes de l'auteure.
Je me tiens généralement à l'écart des romans pour ados car, les rares fois où je m'y suis risquée, j'ai trouvé ceux-ci soit gnangnan (loin des préoccupations de mon âge en somme) soit trop matures que pour être crédibles (je ressentais trop la plume adulte derrière les propos d'ados).
Même si j'ai eu l'impression ici de me retrouver dans le second cas de figure, j'ai relativisé en raison du contexte décrit ici et au comportement de Franky.
Franky, jeune narratrice de 15 ans, reste quand même une ado dans sa façon de tout ramener à elle, dans sa rébellion intérieure et dans sa naïveté première.
Dès les premières lignes, on sent que l'extravagance du père ne parvient pas à dissimuler le malaise qui règne dans cette famille.
Et cette ambiance ne fera que s'alourdir au fil des pages...
Lunatique et control freak, Reid Pierson décide de tout au motif de prétendre à une famille unie.
Voyant sa mère s'éloigner de plus en plus de la maison familiale, Franky lui reproche secrètement de tout faire pour provoquer son père et voit dans son éloignement progressif l'annonce d'un abandon définitif.
Bien sûr pendant ce temps-là, le père prêche pour sa paroisse, répétant à ses enfants que leur mère a préféré "se retirer dans son univers", ne s'intéresse plus à eux et qu'elle a toujours été libre de faire ce qu'elle voulait.
Aveuglée par un mélange de peur et d'admiration pour son père, Franky se retranche de son côté.
Jusqu'à ce que Zarbie lui ouvre les yeux...
Comme toujours chez Oates, la figure masculine se veut à nouveau malmenée. S'agissant des hommes, l'auteure les représente très souvent en hommes de pouvoir charismatiques (un politicien dans "Reflets en eau trouble", un professeur dans "Délicieuses pourritures", un homme de foi dans "Premier amour",...) capables, par un jeu d'influence et de manipulation affective, de faire gober et tout accepter à leur proie.
On le comprend assez vite : il y a clairement un contexte de violence domestique dans ce roman, plus "soft" néanmoins que dans les romans pour adultes de l'auteure (à part quelques brèves scènes, il est surtout suggéré).
C'est surtout la tension psychologique née d'un climat d'incertitude qui règne dans ce roman : la peur des réactions imprévisibles du père si ses enfants le contredisent ou n'agissent pas comme il le voudrait.
S'agissant de l'histoire en elle-même, elle est pratiquement cousue de fils blancs, il n'y a que Franky (comme j'ai eu envie de la secouer !) pour ne pas avoir conscience du malheur à venir.
Mais Zarbie attend son heure pour agir. Mais qui est Zarbie ? Elle n'est pas une amie imaginaire, plutôt une partie de la personnalité, de la conscience de Franky qui se montre plus téméraire et n'est pas dupe de ce qui se passe.
L'occasion pour Oates d'opter une nouvelle fois pour le double discours (en italique) qui oppose déni et raison.
C'est Zarbie que le lecteur attend avidement afin que justice soit enfin rendue. Et le dénouement psychologique est à cet effet, fort bien amené.
Contre toute attente, je ressors vraiment satisfaite de cette lecture !
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je serais plus tentée de la lire en livre pour ado.
RépondreSupprimerCe roman-ci en tout cas est moins sombre que ses romans pour adultes. Mais bon ça reste du Oates avec des thèmes assez durs.
SupprimerJe l'ai acheté il n'y a pas longtemps, ce que tu en dis me branche bien.
RépondreSupprimerJe reprends ton lien !
Merci m'dame ! Bon ben j'attends ton avis ;)
SupprimerJe viens de le finir ce matin, avis à suivre en fin de semaine, normalement !
SupprimerBon, ouf, tu as qd même apprécié cette lecture.
RépondreSupprimerJe trouvais ça trop dur, en lecture 'ado'.
Tu dis que c'est + 'soft' ici que dans certains autres de ses écrits ? ouch (la scène entre Frankie et son père chez les amis, éloquente et dure... mais il est vrai que les violences conjugales sont évoquées + que décrites explicitement) !
C'est celui qui m'a le plus secouée, sur les 4-5 lus.
Ah, je n'ai pas trouvé ça cousu de fil blanc. Je comprends l'attitude de Frankie, totalement dans le déni, et 'obligée' de trancher tant son père est effrayant et manipulateur. J'ai bcp aimé une image à propos de la petite soeur : à un moment elle se fait rabrouer, F. dit que c'est comme si elle était sur le terre-plein central d'une autoroute avec la circulation de chaque côté en sens inverse.
Oui mais apparemment ses romans courts sont réputés pour être plus hard que ses pavés. Et comme je n'ai lu que ceux-là, j'aurais tendance à dire que celui-ci est plus soft :)
SupprimerVu le comportement du père, je savais que l'histoire prendrait cette tournure mais par contre, je ne savais pas trop quelle serait la réaction de Franky.
PS : j'aime bcp la couv de l'édition Folio (mais pas du tout celle-ci), par contre le titre :-(... Ca me fait trop penser à 'Tistou les pouces verts'... On s'attend à un truc niais, gentillet... non ? ;-)
RépondreSupprimerC'est vrai que cette couverture-ci met en avant un autre personnage important de l'histoire. Oh moi tu sais les couvertures, m'en fous un peu ;)
SupprimerMais je te comprends pour le titre, il fait assez enfantin !
Quand je pense que je n'ai toujours rien lu de cette auteure ... Il faut absolument que je m'y mette !
RépondreSupprimerAh ben oui et grande nouvelle, un large choix s'offre à toi ^^
SupprimerComme toi, j'ai bien l'intention de tout lire (mais je me dis aussi qu'il faudrait que je m'y remette ahah) car c'est vraiment ma romancière favorite. Mais par contre ses livres ado ne me tentaient pas trop. Tu me ferais changer d'avis là !
RépondreSupprimerC'est vrai que la narratrice est une ado mais crois-moi on reconnaît bien la patte de Oates.
SupprimerLaisse-toi tenter :)
Sans doute est-elle plus abordable dans ses ouvrages pour la jeunesse.
RépondreSupprimerCertainement. Peut-être qu'ils peuvent réconcilier certains lecteurs qui n'apprécient pas le côté trop malsain de ses romans.
SupprimerÀ lire donc! J'en ai un ou deux de l'auteur dans la pile... quelque part.
RépondreSupprimerOates fait partie de mes écrivains préférés
RépondreSupprimerje n'ai pas encore lu Zarbie, mais je le note
ma fille lit en ce moment nulle et grande gueule elle aime beaucoup.
Tiens ? jamais entendu parler de ce Oates...
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