7 mars 2010

Embuscade à Fort Bragg - Tom Wolfe


"Embuscade à Fort Bragg" est un court roman publié en 1996 et rédigé de la plume de l'écrivain américain Tom Wolfe, également auteur de "Moi, Charlotte Simmons" et du célèbre "Le Bûcher des Vanités".
Ce roman nous emmène au Fort Bragg, une base militaire établie en Caroline du Nord, qui fut le théâtre du meurtre de Randy Valentine, un jeune homosexuel battu à mort par 3 G.I.
Irv Durtscher, producteur d'un célèbre show télévisé, s'empare de l'histoire et décide de tendre une embuscade aux 3 hommes dans le but de leur faire reconnaître les faits...

"Embuscade à Fort Bragg" est, malgré son court format, un roman assez explicite quant au pouvoir de manipulation des médias.
Le récit débute sur les chapeaux de roue. Les conversations compromettant les 3 soldats ont déjà été enregistrées et le producteur ainsi que la présentatrice de l'émission "Day&Night" sont en train de les visionner.
Les déclarations laissent entrevoir des hommes vraisemblablement homophobes et pour le moins rustres et vulgaires.
Attirés dans un van truffé de caméras par une stripteaseuse engagée par la chaîne, ils tombent dans le panneau et rencontrent Mary Cary Brokenborough, la présentatrice de l'émission, qui tente de leur faire avouer leur culpabilité.
La confrontation prend un tournant inattendu car les 3 hommes se montrent moins bêtes que prévu.
Mais le grand Irv Durtscher en a vu d'autres et est bien décidé à leur faire dire ce qu'il souhaite à grand renfort de scènes coupées et de montages.

"Moi, Irv Durtscher, je suis le véritable artiste de l'ère moderne, le producteur, le metteur en scène, celui qui peut d'un seul et même coup ramener une audience prodigieuse et satisfaire la gloutonnerie de bénéfices de la chaîne - tout en faisant avancer la cause de la justice sociale...
Le grand truc désormais, dans les magazines télé, c'étaient les opérations venimeuses et perverses, nécessitant des préparatifs inouïs, caméras cachées et micros planqués, pour incriminer des gens en enregistrant leurs affirmations sur bande vidéo, et le cas présent en était l'illustration parfaite." p.18

"
On continue à voir remuer les lèvres de Ziggefoos, mais on n'entend pas ce qu'il dit sur le couple d'homos sur le toit qui "grognent et gémissent", ni sur la manière dont ils étaient "nus comme deux gogos" ni sur l'un d'entre eux qui "enculay l'aut' à mort". A la place, on entend Mary Carry qui dit "Les deux enfants étaient perplexes. Et donc...".
Puis la voix de Ziggefoos revient : "Alors on a r'veillé l'vioque, l'a r'gardé par une f'nêt et y dit bondieud'bondieu, les gars, c'est des tantouzes."
La voix de de Ziggefoos est à nouveau submergée par la musique, et on entend Mary Carry déclarer, d'une voix de stentor : "Telle fut la première et inoubliable leçon de Virgil Ziggefoos...enseignée par son propre père...lui apprenant l'horreur...et l'abomination _ Mary Carry donnait tant de puissance ironique à l'intonation de ces mots que pas même le cerveau le plus faiblard de toute l'Amérique ne risquait de la louper _ de l'amour homosexuel. " p.123

Des premières conversations enregistrées à la diffusion de l'émission, tout se passe très vite. Le roman est construit en 4 parties qui défilent sous les yeux à la manière de 4 épisodes télévisés. Je me suis retrouvée à tourner les pages frénétiquement pour savoir si oui ou non les 3 soldats allaient craquer et tout avouer.
La tentation est grande de les désigner comme coupables tant ceux-ci se montrent carrés et grossiers (cette sensation est d'autant plus accentuée que leurs propos sont reproduits en langage "rural" parfois difficile à suivre).
Or le lecteur ne saura jamais de source sûre si ces 3 hommes ont bel et bien assassiné Randy Valentine.
D'ailleurs tout le monde se fiche de la victime comme de la cause homosexuelle. La seule chose qui compte n'est pas LA vérité mais l'aveu des 3 soldats.
On ne s'attache pas plus aux 3 "acteurs" de ce récit (le producteur, la présentatrice et la stripteaseuse) qui sont des personnages en quête de pouvoir, de cette gloire qui nécessite une reconnaissance de la part d'un public.
Aux commandes de ce trio se trouve un producteur sans scrupules dont l'ambition est entièrement tournée vers les chiffres d'audience quitte à instrumentaliser tout et tout le monde pourvu que le sensationnalisme soit prévu au programme.

" Et maintenant, sur l'écran, de retour à New-York, apparaît le grand vainqueur, Mary Carry Brokenborough, derrière son pupitre futuriste dans le poste de commandement de la chaîne.
L'expression sur son visage : la Justice Triomphante personnifiée. Elle entame sa conclusion - qu'elle avait ré-enregistrée - et qu'Irv avait écrite - le jour-même, un peu plus tôt." p.118

Un roman efficace et au thème très actuel en ce qu'il dénonce cette tendance des médias à construire des vérités en recourant au sensationnalisme et à la manipulation d'informations et de témoignages.
J'ai particulièrement aimé les deux dernières parties opposant les vrais propos des 3 soldats à la déconstruction de ces mêmes propos et au recours aux scènes coupées par le producteur.

A lire si le sujet vous botte !


Un grand MERCI à et aux de m'avoir offert ce livre !

10 commentaires:

  1. J'avais adoré charlotte simmons et je dois dire que si y'avait pas eu Gallmeister dans le partenariat, j'aurais surement choisi celui-là. Je me demande bien pourquoi je n'ai pas pensé à lire d'autres romans de cet auteur avant...
    Bonne piqure de rappel !

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  2. mi figue, mi-raisin, le sujet ne me dit trop rien...

    Bises à toi la Miss!

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  3. je ne connais pas du tout l'auteur mais le thème me plait assez

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  4. La première de couv' est drôle... Photoshop ou patience du modèle?

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  5. Je n'ai jamais rien lu de cet auteur mais ton billet me donne envie !

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  6. Ce titre n'avait pas retenu mon attention mais en te lisant, je suis intriguée.

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  7. J'aime assez Tom Wolfe. Mais que cette couverture est moche !

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  8. @Choco : J'ai justement acheté "Moi,Charlotte Simmons" et je me suis dit qu'un jour je lirais aussi "Le Bucher des vanités".
    Je te proposerai une lecture commune en temps voulu Miss ;)

    @Clara : ça arrive ;)

    @Bénédicte : c'était pour moi aussi une première rencontre avec l'auteur et je ne regrette pas !

    @Lili Galipette : oui on dirait qu'il dit au photographe " bon ça y est je peux arrêter de tirer la langue, t'as eu ta photo?" ^^

    @L'Ogresse : tant mieux dans ce cas ;)

    @Pimprenelle : héhé lance toi dans ce cas ;)

    @Manu : je n'en suis pas fan non plus je dois dire mais elle a attiré l'attention dans le metro en tout cas ^^

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  9. Je n'ai encore jamais lu cet auteur mais plusieurs de ses romans me tentent. Pourquoi pas commencer par celui-là.

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  10. Bizarrement, pas trop tentée par ce livre... La couverture me fiche à moitié la trouille!

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