Ouvrage épistolaire publié en 1824, "Vingt-Quatre Heures d'une femme sensible" est l'oeuvre de Constance de Salm, femme de lettres française particulièrement admirée pour sa beauté et fondatrice d'un salon littéraire fréquenté par Stendhal et Alexandre Dumas fils.
Il est ici question de la jalousie d'une femme laquelle, ayant aperçu son cher et tendre au bras d'une autre à l'opéra, attend impatiemment de ses nouvelles afin de pouvoir couper court à sa terrible attente.
Au fil de 46 lettres, la narratrice passe par tous les états possibles. A la vue de son bien aimé en compagnie d'une autre femme et parce que celui-ci ne lui a adressé qu'un salut furtif au terme de la soirée, son sang ne fait qu'un tour. Elle cesse de dormir et de s'alimenter. Elle en veut à cette mystérieuse Madame de B. de s'être fait remarquer. Elle essaie de se convaincre que son amant ne la trahira pas, lui fait porter ses lettres et apprend qu'il est parti avec Madame de B. durant la nuit sans laisser un mot.
Elle culpabilise, se demande ce qu'elle a bien pu faire de travers pour mériter qu'il l'abandonne ainsi alors qu'il ne lui a jamais adressé quelque reproche.
Que faire alors ? Se rendre chez lui pour découvrir le fin mot de l'histoire? Oui, non, oui.
Après avoir remué de fond en comble son cabinet, elle trouve enfin ce qu'elle était venue chercher. Mais cette découverte la calmera-t-elle pour autant?
Déni, adieux virant au tic de langage, supplication, renoncement, elle n'est pas encore au bout de ses peines...
Il est curieux de constater comme à partir d'un seul événement, l'ignorance doublée d'une imagination des plus fertiles peut donner lieu à toute une série de réactions extrêmes.
Même si la narratrice reconnaît volontiers que peu de choses suffisent à la rendre jalouse, elle n'arrive cependant pas à se raisonner pour pouvoir contrôler sa dépendance affective.
Exclusive, elle se laisse consumer par cette jalousie qui lui empoisonne l'existence.
Que son amant soit ou non à ses côtés, elle tremble à l'idée que 1000 choses puissent les séparer et le moins que l'on puisse dire, c'est que le dénouement de cette histoire lui donnera une bonne leçon.
Nul doute que Stefan Zweig se soit inspiré de ces lettres en écrivant "Vingt-quatre heures de la vie d'une femme" voire même "Lettre d'une inconnue" mais il se dégage de l'écriture de Constance de Salm des accents tragiques totalement absents de l'oeuvre de Zweig.
Le monologue de cette femme jalouse laisse transparaître toutes les facettes de son obsession et ce dans toute sa démesure, un comportement qui se veut d'autant plus amplifié par le caractère très théâtral de ses interventions (raison pour laquelle certaines lectrices ont jugé ce portrait de femme trop artificiel).
Là où les personnages de Zweig semblent garder un certain orgueil, le personnage de Constance de Salm se montre incapable de conserver une forme de dignité. Certaines la plaindront, d'autres lui reprocheront son manque de self-control voire la trouveront vraiment trop sacrificielle et égocentrique.
J'ai ressenti un peu de tout ça durant ma lecture et je ne le regrette absolument pas.
Il faut dire que je me délecte toujours de cette prose élégante du 19ème :)
" Si je ne vous écrivais pas, que ferais-je de mon temps, de moi-même? L'amour tient tant de place dans la vie ! C'est quand il n'est plus là que l'on sent le poids de ces longues minutes qui doivent s'écouler sans lui ; c'est quand nous l'avons perdu que nous voyons qu'il était le motif de toutes nos actions, le charme de toutes nos pensées, le foyer de tous nos sentiments ; c'est alors seulement que nous comprenons bien ses véritables délices, et que, privés de la plus chère moitié de nous-mêmes, nous errons dans le vide de notre âme, et ne jetons plus autour de nous que des regards tristes et désenchantés.
Voilà ce que j'éprouve. Vous ne m'aimez plus, tout est changé pour moi ; je ne suis plus même ce que j'étais avant de vous connaître. Je n'ai plus cette force, ce courage qui me distinguait, disait-on, des autres femmes.
J'ai perdu jusqu'à ce noble orgueil qui tant de fois a fait bouillonner mon sang à la seule pensée d'un affront souvent imaginaire. Vous m'abandonnez, et je pleure ; vous m'outragez, et je veux mourir.
Déchue des grandeurs de l'amour, je suis aussi déchue de moi-même ; je rentre dans la route commune de la vie, je ne suis plus qu'une femme ordinaire." p.95
En lisant ces lettres, j'ai repensé à "L'Enfer", terrible film de Claude Chabrol avec Emmanuelle Béart et François Cluzet et qui s'achevait sur l'air de "Et si tu n'existais pas" de Joe Dassin.
D'autres avis : Keisha - Pascale - Stephie - Emmyne - Lili Galipette - Clarabel - Liliba
J'aime beaucoup les romans épistolaires et ton article me donne très envie de découvrir celui-ci! Je le note, pour le jour où ma PAL aura retrouvé une hauteur raisonnable!
RépondreSupprimerTon billet est très intéressant, je viens de le relire car je n'ai absolument pas été sensible à ce texte ( alors que j'adore l'épistolaire ), j'y suis restée totalement extérieur. Justement parce que trop connoté 19ème à mon goût, alors que les textes de Zweig me paraissent toucher à l'universel et l'intemporel. J'ai eu la chance d'assiter à une représentation sur scène de 24H de la vie d'une femme, c'était frappant ( je reconnais que je ne suis pas objective, Zweig est l'un de mes auteurs fétiche et Lettre d'une inconnue mon texte favori )
RépondreSupprimerJe dois dire que ce roman ne me tente pas mais maintenant je veux connaître la fin ouiiiiiiiiinnn.
RépondreSupprimerJ'en ai entendu parler. Ce me tente bien mais je vais d'abord lire Zweig.
RépondreSupprimerOhoh, je note Miss ! Ca me permettra de replonger dans une certaine élégance après Apocalyspse Bebe...
RépondreSupprimerje le note (soupir soupir), ton billet me donne envie de le découvrir
RépondreSupprimerCes lettres auraient pu inspirer Zweig? Je note très vite!
RépondreSupprimerje note le titre et je mets un lien vers chez toi pour le challenge :)
RépondreSupprimer@Pimprenelle : la mention "épistolaire" suffit généralement à me convaincre aussi. Et si tu aimes le 19ème, tu devrais te régaler !
RépondreSupprimer@Emmyne : disons qu'à côté des personnages de Zweig, celui-ci a l'air d'en faire 3 tonnes.
Il y a très peu de pathos chez Zweig finalement.
Mais pour la défense de cette chère Constance, il faut quand même dire que Zweig est plus proche de nous dans le temps.
Mais je te comprends, Zweig est aussi mon chouchou ;)
@Manu : il va falloir le lire pour ça héhé
@Mélusine : Ah Zweig...(soupirs^^)
@Clara : oui c'est sûr qu'entre Constance de Salm et Virginie Despentes, il y a un sacré décalage qui n'est pas que temporel ^^
@Niki : hé oui encore un ^^ Heureusement que les LAL ne s'effondrent pas, elles ;)
@Mango : elles l'ont forcément inspiré et je dirais même que l'élève a dépassé le maître !
@Anneso : bonne lecture alors ! Je crois que je suis loiiiiin d'avoir fini ce challenge !
Voilà un livre que j'ai lu il y a quelques années et que j'avais vraiment beaucoup aimé !
RépondreSupprimerJ'ai également beaucoup aimé "Lettre d'une inconnue" de Zweig mais, en revanche, je n'ai pas encore lu "Vingt-quatre heures de la vie d'une femme" que j'ai dans ma PAL... Une prochaine lecture sans doute... ;-)
Au fait, j'adore cette chanson de Dassin et, au risque de passer pour une affreuse "Réac", je dois avouer que c'était même la chanson de mon mariage... ;-)
RépondreSupprimerTres attiree par les romans epistolaires en general mais le theme principal de celui-ci me fait fuir !
RépondreSupprimerAhlala il faut à tout prix que je le lise, une de mes meilleures amies m'a l'air de coller parfaitement à ce portrait de femme !
RépondreSupprimerUn film terrible, en effet. Des années après, on s'en souvient.
RépondreSupprimerla plume de ce siècle restera toujours un délice, mais les histoires me semblent un peu trop dépassée pour notre époque, cependant, toujours intéressant à lire ou à étudier
RépondreSupprimerj'en garde un bon souvenir
Encore une gonzesse trop honnête et trop naïve qui se fait avoir par un mec ^^
RépondreSupprimerComme L'Ogresse j'aime les romans épistolaires mais là je suis dubitative! Par contre le Zweig est dans ma LAL.
RépondreSupprimerQuant au film je m'en souviens, il m'a beaucoup plu et marqué! Une version antérieure avec Romy Schneider je crois avait été commencé mais jamais finie!
Et moi puisque j'en ai fait un livre voyageur :
RépondreSupprimerhttp://liliba.canalblog.com/archives/2008/10/01/10259784.html
j'ai vu sur le blog de clara que tu souhaites lire apocalypse bébé. je te l'offre volontiers ! envoie moi ton adresse et il est à toi !
RépondreSupprimerJ'avais aimé mais quelques mois après je n'en ai plus que peu de souvenirs...
RépondreSupprimerJ'ai un faible pour les romans épistolaires, je n'ai pas encore lu celui-ci mais je pense bien qu'il pourrait facilement me toucher...
RépondreSupprimer@Lounima : ça n'est pas ma préférée de Zweig mais c'est une très belle histoire !
RépondreSupprimer@L'Ogresse : ah le thème de la jalousie n'attire pas les foules ^^
@Restling : heu...je ne l'envie pas ^^
@Alex : c'est clair !!! Je crois que ça fait bien 10 ans que je l'ai vu et je me rappelle encore très bien une certaine scène ;)
@Pascale : disons qu'avec deux siècles dans les dents, on voit ça d'un autre oeil c'est sûr. La petite dame fait l'effet d'une drama-queen ;)
@Choco : hé bien non en fait mais je ne peux rien dire, lis-le ! ^^
@Sabbio : oui c'est vrai, le film avait au départ été réalisé par Clouzot et Romy Schneider et Serge Reggiani partageaient l'affiche
@Liliba : j'ai vu mais je ne trouvais pas le billet vers le livre (?)
@Lucie : merci, je t'ai envoyé un mail à ce sujet ;)
@Stephie : ah je pense que je retiendrai surtout la fin qui fait office de morale
@Hathaway : ah les femmes, les lettres, les hommes, l'amour, forcément ça intrigue ;)
Liliba m'a prêté ce roman épistolaire ! Cela fait deux avis positifs concernant cet ouvrage de Constance de Salm ... Je vais me dépêcher de le lire pour voir si je trouve une quelconque analogie avec les romans cités de Stefan Zweig !
RépondreSupprimer