Publié en 2009, "Dernière adresse" est le premier roman de la française Hélène Le Chatelier.
A 17 ans, Niamh a quitté son Irlande natale pour rejoindre la France où elle rencontrera Georges, cet homme merveilleux qui deviendra son mari et le père de ses enfants.
Bien des années plus tard, Niamh se voit contrainte de quitter son foyer pour rejoindre une maison de retraite, sa dernière adresse.
Dans cet endroit où rôde la mort, Niamh raconte ce quotidien ennuyeux et sans tendresse dont elle s'échappe en se remémorant les peines et les joies qui peuplèrent sa vie.
" Je me ramollis de partout. Je me répands, je me liquéfie. "Tu redeviendras poussière." Mon cul, oui ! Tu te ramolliras, tu te liquéfieras et tu te répandras. Rien de grave, rassure-toi !
Quelqu'un viendra et passera un coup de serpillière.
Et puis, comme tous ceux qui sont passés avant toi, et tous ceux qui viendront après toi, on t'oubliera. C'est aussi simple que ça !
Tu te répands. Hop ! Un coup de serpillière, et voilà. Ni vu, ni connu ! " p.37
"Dernière adresse" débute par la déclaration ouverte de Niamh à ce mari qui l'a aimée jusqu'à respecter chaque jour son besoin d'indépendance et à ses enfants qu'elle a mis au monde, aimés, protégés.
Mais à l'évocation de ces souvenirs succède rapidement le constat d'un quotidien qui - elle se l'avoue à demi-mots - devient difficile à gérer.
Si elle conserve encore une lucidité et un sens de l'humour intacts, devant ce corps qui la lâche petit à petit, la vieille femme impuissante est bien obligée de se rendre à l'évidence : les trajets en voiture lui deviennent pénibles, sa démarche se veut moins assurée et se nourrir exclusivement de Flanby n'est pas vraiment raisonnable...
" Dans tous les cas, vieillir c'est perdre. Perdre et se résigner à perdre. Se dépouiller de toutes ces choses parfois si chèrement acquises. C'est ça.
On passe la fin de sa vie à se défaire de ce qu'on a mis tant de temps à acquérir." p.81
Niamh représente typiquement la vieille dame "entre deux chaises", désormais incapable de se suffire à elle-même parce que son corps la lâche mais en pleine possession de ses facultés intellectuelles.
En songeant à ma vieillesse à venir, je me suis toujours dit que je préférerais mille fois finir dans une chaise que de perdre la boule !
Mais finalement à l'issue de ce roman, j'ai revu mon jugement...
Car cette femme-là n'est pas plus heureuse que le légume à côté d'elle. Que du contraire, lui ne se rend compte de rien alors qu'elle, entre les regards vitreux des autres pensionnaires, l'air toujours coupable et obligé de ses proches et l'absence de chaleur du personnel soignant, elle sent seule et aimerait bien qu'on la remarque, qu'on lui prodigue de la tendresse, qu'on la laisse encore faire montre de coquetterie.
" Merveilleuse utopie : je rêve d'une maison de retraite où le personnel prendrait le temps de gestes dérisoires pour maquiller les femmes en fin de vie, les vieilles peaux, les poches sous les yeux et les cous de chien.
Les femmes en fin de vie n'en demeurent pas moins des femmes.
Et la prochaine fois que quelqu'un me maquillera, je serai sûrement complètement refroidie." p.58
Je me suis beaucoup attachée à cette vieille dame lucide et pleine de vie qui ne demande qu'à en profiter jusqu'au bout. Un portrait beaucoup plus réaliste que celui de "Cora Sledge"(dont j'avais certes apprécié l'humour).
Si "Dernière adresse" s'achève par l'aveu d'un lourd secret (loin d'être indispensable comme l'ont dit certaines avant moi), ce court roman apparaît avant tout comme un témoignage terriblement juste qui porte en lui de belles réflexions sur la vieillesse - qui n'est ici pas synonyme de sénilité - et sur le sort qui lui est bien souvent réservé à force de généralisations et d'idées fausses.
" Quitter le réel, c'est ce que je cherche justement ! Je parle toute seule, et alors ? J'assaisonne ma vie à ma façon. Je ne suis pas démente, j'ai de l'imagination. C'est tout. Ce n'est pas la même chose." p.83
Un roman que je recommande à tout le monde, particulièrement à Clara, non pas à cause de son âge (^^) mais parce que je suis certaine qu'elle sera conquise par le thème et l'écriture de ce roman ;)
Je suis en plein dans un roman bourré d'humour où deux vieux se paient un dernier road-movie au nez et à la barbe de leur entourage. Je vais peut-être attendre avant d'enchaîner sur une autre histoire de vieillissement.
RépondreSupprimerApparemment, un beau récit tendre et poignant dont tu parles très bien; Je le note pour l'an prochain. Merci
RépondreSupprimerPas très joyeux tout ça ! Je préfère du léger, donc je passe.
RépondreSupprimer@Aifelle : ça me dit quelque chose cette histoire mais impossible de me rappeler le titre...
RépondreSupprimerJ'attendrai donc ton billet ;)
@Argali : l'an prochain c'est tout bientôt ;)
@Manu : pas très joyeux mais pas si triste que ça en fait ^^
Le thème me touche, je le note, merci ! :D
RépondreSupprimerTu as raison, le thème me touche et les extraits "montrent" une écriture comme j'aime! Je te fais totalement confiance et je l'ajoute à ma LAL !!! Merci Miss !!!
RépondreSupprimerMême si le sujet ne me tente pas plus que cela (j'ai en fait une peur bleue et un dégoût de la vieillesse), je fais confiance à cette maison d'édition pour publier de bons livres. Alors pourquoi pas ?!
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