Publié en 1999, "Labyrinthe des sentiments" est un roman de l'écrivain marocain de langue française Tahar Ben Jelloun, notamment auteur des romans "L'Enfant de sable", "La Nuit sacrée" ou de "Le Racisme expliqué à ma fille".
En visite à Naples à l'occasion d'un récital de poésie qu'il anime, Gharib fait la connaissance de Wahida et de sa cousine Sakina, deux jeunes marocaines venues trouver exil dans la vieille ville.
Intrigué par Wahida qui lui rappelle tant son premier amour perdu trente ans plus tôt, Gharib la prend sous son aile, l'emmène au musée, lui fait découvrir la poésie mais malgré son désir pour elle, repousse toutefois ses avances.
Un voeu d'abstinence qui se heurte à la vision des hommes que connaît la jeune femme, habituée à ce que ceux-ci ne lui témoignent ni respect ni refus.
Lorsque celle-ci disparaît pour rejoindre la branche albanaise de la Camorra, Gharib prend conscience de ses véritables sentiments pour elle.
"Le souvenir d'une douleur est aussi une douleur" écrit Tahar Ben Jelloun. Le chagrin de Gharib, même après plusieurs décennies, est encore très vif. Bien sûr, il y a eu d'autres visages, d'autres corps mais depuis "Gazelle", aucun n'avait plus exercé sur lui la même fascination que celle qu'il éprouve au contact de Wahida.
Gharib et Wahida sont deux êtres que tout oppose. Lui, beaucoup plus âgé, se réfugie dans les mots, dans la contemplation de la beauté, dans l'art là où la jeune Wahida n'a soif que de vie et d'amour vrai.
Ayant basculé tôt dans la prostitution, elle est arrivée à Naples en compagnie de sa cousine et d'un homme d'affaires du Proche-Orient qu'elle pensait épouser. Mais c'est une toute autre réalité qui l'attend.
Aussi lorsqu'elle rencontre Gharib, elle voit en lui un homme respectueux, digne de confiance et d'une très grande sensibilité, le seul capable de l'aimer sans intérêt aucun. Mais Gharib se croit incapable de lui offrir cet amour trop grand pour lui et ne lui concède qu'un amour platonique.
Une histoire qui m'a beaucoup fait penser à "Mémoire de mes putains tristes".
Récit d'un amour avorté, "Labyrinthe des sentiments" prend place dans une Naples toute en contrastes, personnage à part entière, une ville bruyante, corrompue, sale, encore largement marquée par le séisme de 1980, mais une ville qui au détour d'une ruelle, peut être le théâtre de la poésie, de l'art et de l'amour.
Au milieu de cette ambiance désolée, entre Paradis et Enfer, violence et beauté, deux êtres, l'un trop sanguin, l'autre trop raisonnable se perdent dans le dédale de leurs sentiments.
Et le résultat est très beau sur le moment. Délicat et poétique (de jolis vers de Gharib et de nombreux dessins au fusain d'Ernest Pignon parsèment d'ailleurs le roman).
Ceci dit, je ne pense pas que je conserverai ce roman longtemps en mémoire. Peut-être m'aura-t-il tout de même manqué quelque chose. Il faut dire que le texte est assez court (146 pages).
" Wahida était une image qui se superposait à une autre image, en se décalant un peu. J'étais persuadé qu'il fallait revisiter avec elle les lieux de l'amour. Sa présence était pour moi comme le reflet d'un souvenir, l'ombre d'une histoire, le double d'une image qui flottait dans le vent.
Chacun de nous garde secrètement au fond de lui-même un amour qu'il aurait aimé vivre. Ce fut le visage de Wahida qui réveilla ce désir au point d'y croire, confondant la réalité napolitaine et l'imaginaire lointain, non situé, un imaginaire de tous les espaces et de toutes les époques.
Naples me fait souvent cet effet : me renvoyer à mes fantaisies, m'éloigner du réel ou le confondre avec des images venues d'ailleurs.
Naples crée chez moi un besoin d'exorciser le passé."
C'est un peu le reproche que je fais à cet auteur : je n'ai pas encore lu de romans vraiment marquant.
RépondreSupprimerJe n'ai pas lu celui-ci, mais c'est un auteur qui m'a plu avec "Sur ma mère" et "Au pays". Alors je note ce roman-ci pour une prochaine fois ...
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