Disponible en librairie depuis le mois de mars, "L'Art difficile de rester assise sur une balançoire" est un roman de l'écrivaine française Emmanuelle Urien, notamment auteure de "Toute Humanité mise à part", "Tu devrais voir quelqu'un", "Court, noir, sans sucre" ou encore de "Tous nos petits morceaux".
Le couple formé par Pauline et Yann tendait à l'équilibre parfait jusqu'à ce que Yann saute précipitamment de la balançoire en marche, laissant sa femme sur le cul, pour rejoindre la salle de jeux de Mélanie, la meilleure amie de Pauline.
Manque de bol pour Yann mais belle revanche pour son ex-femme, Mélanie est retrouvée assassinée dans son appartement.
Loin de se laisser aller au chagrin lié au décès de son ex-meilleure amie (qui n'a apparemment eu que ce qu'elle méritait), Pauline pleure sur son sort, entretient cette "doulhaine" née de sa colère d'avoir été doublement trahie.
Et on peut dire qu'elle ne mâche pas ses mots, chose qu'on lui pardonne bien volontiers parce que l'expression de la colère, ça reste quand même plus sain que le déni ou la fuite en avant et parce qu'elle se traduit ici en de savoureuses touches de cet "humour du désespoir" qui me plaît tant.
" Il m'a demandée en divorce dans la buanderie. La machine à laver venait de passer en mode essorage.Sauf qu'au bout de 50 pages, on apprend brusquement que 8 mois se sont déjà écoulés depuis l'affaire.
Un instant plus tôt, j'étais une femme épanouie, heureuse. J'étais dotée d'un beau mari, le plus aimant du monde. Le meilleur père qui soit. Autrement dit, un homme idéal, parfaitement assorti à sa parfaite épouse.
A croire que je vivais recluse sous la couverture rose d'un roman de gare.
La seconde d'après, assise sur la machine à laver vrombissante, il n'y avait plus qu'un volatile grotesque.
Les yeux exorbités, le cou tendu, le bec ouvert et les ailes mortes, attendant encore qu'on le farcisse des fadaises dont il s'était inconsciemment nourri jusqu'alors.
Le dindon de la farce, plumé à souhait, prêt à rôtir. Une pintade, plutôt.
Et en face se tenait un mâle qui venait d'abattre son double-jeu; un beau mâle, assez costaud pour satisfaire deux femelles à la fois, assez malin pour berner celle qui se croyait l'Elue, assez sûr de lui pour penser qu'il pouvait tout faire basculer, en sa faveur bien entendu, et balancer sa vieille poule pour la nouvelle.
Qui, soit dit en passant, a presque un an de plus que moi. Avait.
La première partie de son plan a fonctionné à merveille : le coq quitte la basse-cour, abandonnant la poule n°1.
Pour la seconde partie, le coq s'est fait pigeonner : on a tordu le cou de la poule n°2 avant qu'il ait pu l'emmener pondre ailleurs. Mélanie s'est fait occire.
Pauvre coq. Le voilà seul, maintenant.
Privé de poules, autant dire châtré. Avec les poussins à mi-temps." p.40
Et là j'ai quand même tiqué...Parce que je n'ai tout simplement pas ressenti le passage du temps en 50 pages et que j'ai du coup réalisé à quel point Pauline n'avait absolument pas évolué d'un pouce depuis le début.
Evidemment, certaines personnes mettent plus de temps à se relever d'une chute que d'autres...
Tout son quotidien tourne autour de sa "doulhaine" qui l'absorbe complètement au point qu'elle en délaisse ses 3 enfants dont elle a la garde partagée avec son ex-mari. Un ex-mari avec lequel elle n'entretient plus aucun contact, préférant passer par une nounou (dénommée le "Sas") pour récupérer ses enfants.
Sur les conseils de sa mère psychiatre qui la traite plus comme une patiente que comme une enfant à consoler et semble prendre les choses avec une certaine dérision (évitant de dramatiser davantage la situation, chose que sa fille fait très bien toute seule), elle choisit de se considérer veuve.
Mais comment faire le deuil de sa colère ?
Du fait de son statut de femme au foyer, Pauline n'est pas tenue de se lever tous les matins pour se rendre au boulot et faire bonne figure. Elle dispose donc de tout son temps pour ruminer et psychoter entre 4 murs.
Pour cette seule raison-là, je pense qu'elle risque d'exaspérer plus d'une lectrice.
S'ajoute à cela le fait que sa "doulhaine" devient obsessionnelle et la rend complètement égocentrique.
A aucun moment Pauline ne se remet en question, n'essaie de comprendre comment son couple s'est cassé la gueule, n'interroge son ex-mari sur ce qui s'est passé.
On ne saura d'ailleurs rien de lui, si ce n'est qu'il est le méchant de l'histoire, ni de sa meilleure amie.
Cette absence de contextualisation et de développement des personnages secondaires m'ont dérangée.
Pauline m'est apparue de moins en moins sympathique, malgré ses efforts pour se reconstruire.
Alors qu'au départ je me sentais unie à elle par une franche solidarité féminine, j'ai fini par ne plus voir en elle qu'une petite fille trop gâtée qui faisait un gros caprice et à me désolidariser de sa cause.
Pour ce qui est de la fin, hum...je ne l'ai pas vue venir et je dois dire qu'elle m'a franchement déçue.
Je ne regrette pas cette lecture pour autant, parce qu'il y a de bonnes idées (l'image de la balançoire, le recours au théorème de Schrodinger), que j'ai adoré le personnage de la mère psy maladroite et parce que quand j'arrivais à faire abstraction de l'égocentrisme de Pauline, j'ai pu apprécier de nombreux passages cyniques et drôles à souhait.
Néanmoins, j'en attendais malheureusement plus de ce roman.
D'autres avis : Clara - Liliba - Leiloona
Je remercie Emmanuelle Urien de m'avoir envoyé son roman.
J'aime beaucoup les couvertures avec les chats, mais bon, malgré les avis positifs, je ne suis pas tentée d'aller ouvrir les livres.
RépondreSupprimerTu n'es pas la première à avoir un avis dans ce sens. De toute façon, j'ai toujours Court, noir et sans sucre dans ma PAL !
RépondreSupprimerLa couverture est vraiment sympa, en plus on dirais que le chats souri sur la photo, ca fait un effet un peu bizarre!
RépondreSupprimerComme toi, j'ai aimé le personnage de la mère ;)
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