4 août 2014

Réparer les vivants - Maylis de Kerangal



Publié en janvier 2014, "Réparer les vivants" est le dernier roman de l'écrivaine française Maylis de Kerangal, notamment auteure de "Naissance d'un pont" paru en 2010.

Une séance de surf entre copains au petit matin et, l'instant d'après, un accident de voiture qui plonge rapidement Simon en état de mort cérébrale.
Se pose alors la question du don d'organes, alors qu'à l'autre bout du pays Claire figure sur la liste d'attente pour recevoir un nouveau coeur.

" Le sens de ce transfert dont elle bénéficie par le jeu d'un hasard invraisemblable - la compatibilité inouïe de son sang et de son code génétique avec ceux d'un être mort aujourd'hui -, tout cela devient flou.
Elle n'aime pas cette idée de privilège indu, la loterie, se sent comme la figurine en peluche que la pince saisit dans le fatras de bidules amoncelés derrière une vitrine de la fête foraine.
Surtout, elle ne pourra jamais dire merci, c'est là toute l'histoire.
C'est techniquement impossible, merci, ce mot radieux chuterait dans le vide." p.257

"Réparer les vivants" emprunte son titre à une phrase tirée de la pièce "Platonov" de Tchekhov : "Enterrer les morts, réparer les vivants".
Déployé sur 24 heures, "Réparer les vivants" apparaît comme un roman de l'urgence : urgence d'une jeunesse éprise de vagues et de vitesse, urgence d'une mère pour rejoindre son fils, encaisser le choc et décider qu'il ne sera peut-être pas tout à fait mort pour rien.
Urgence des médecins pour disperser un corps dans plusieurs autres puisque Simon n'a que 19 ans, ce qui le dispose à un prélèvement multi-organes : deux reins, deux poumons, un foie et un coeur dont nous suivons le parcours jusqu'à Claire, une quinquagénaire souffrant de myocardite.
Etrange renversement de situation : Simon si jeune et si proche de la vie, Claire tendant vers la mort. Un accident qui inverse la donne. Une vie pour une autre, l'une s'éteint, l'autre s'éveille bon sang, j'écris comme une pub Volvic.

" Combien de temps sont-ils restés assis de la sorte après l'annonce, affaissés au bord de leurs chaises, pris dans une expérience mentale dont leurs corps jusque là n'avait pas la moindre idée ?
Combien de temps leur faudra-t-il pour venir se placer sous le régime de la mort ?
Pour l'heure, ce qu'ils ressentent ne parvient pas à trouver de traduction possible mais les foudroie dans un langage qui précède le langage, un langage impartageable, d'avant les mots et d'avant la grammaire, qui est peut-être l'autre nom de la douleur, ils ne peuvent s'y soustraire, ils ne peuvent lui substituer aucune description, ils ne peuvent en reconstruire aucune image, ils sont à la fois coupés d'eux-mêmes et coupés du monde qui les entoure." p.103

Dès le moment où les parents de Simon marquent leur accord pour les greffes, la procédure est lancée et tout le corps médical s'active pour trouver et contacter des receveurs compatibles.
Qui sont ces médecins hormis des ingénieurs de la vie ? (et ça on ne risque pas de l'oublier car le roman comporte de nombreux passages assez techniques).
Des hommes et des femmes auxquels l'auteure prête une vie intérieure et affective - la seconde s'avérant assez réduite et instable, ce qui contraste avec la précision qu'exige leur métier.

Si j'ai bien saisi que l'auteure souhaitait présenter l'envers du décor en "humanisant" ces spectateurs mais surtout ces acteurs de cette valse constante entre la vie et la mort, j'ai bien souvent été tentée de "biffer les mentions inutiles".
Il faut dire que dès le départ, ça avait mal commencé pour moi puisque j'étais déjà essoufflée au bout du premier chapitre et de ses phrases kilométriques.
Maylis de Kerangal possède indéniablement un style bien à elle et une parfaite connaissance de la langue française qui transparaît un peu trop selon moi.
J'ai senti le travail d'écriture et l'empathie souhaitée par l'auteure mais je n'ai pas ressenti grand chose, freinée par ce style très travaillé.
Les portraits des différents médecins intervenants se succèdent si vite qu'ils m'ont fait l'effet de digressions tandis que les aspects purement cliniques, bien qu'intéressants, m'ont semblé laborieux à la lecture.
Pour ma part, j'ai donc trouvé ce roman globalement assommant. Globalement parce que j'ai tout de même aimé les passages consacrés aux parents de Simon et à Claire.

Je sens que vu mon manque de sensibilité vis-à-vis de ce roman, certains vont me conseiller une transplantation cardiaque :)



D'autres avis : Liliba (une lecture commune manquée :() - Leiloona - Clara - MangoKathel - Valérie 

Curieuse de lire les billets à venir de Noukette et de Jérôme :)


Je remercie Babelio de m'avoir envoyé ce roman dans le cadre de son opération Masse Critique.

24 commentaires:

  1. Aucun des articles et billets enthousiastes lus jusqu'à présent ne m'a donné envie de lire ce livre, ni de lire cet auteur. J'en ai lu/entendu des extraits et rien ne me tente dans cet écriture sur-travaillée.

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    1. Aucun de ses romans ne me tentait hormis celui-ci vu son sujet. Donc là, je ne pense pas que je remettrai le couvert. Ce genre d'écriture n'est pas pour moi non plus :)

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  2. Ce roman ne m'a jamais tentée et il ne me tente toujours pas ... ton billet ne va pas me faire changer d'avis.

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    1. Il faut aimer ce style d'écriture et puis le thème est particulier.

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  3. Je ne te critiquerai pas, j'ai abandonné ce roman, l'écriture, je pense.

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    1. Je l'aurais sans doute abandonné aussi dans d'autres circonstances ;)

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  4. Un style trop travaillé pour moi qui gâche à chaque fois la lecture.

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    1. Pour moi pas à chaque fois, au contraire je suis toujours contente de lire des romans bien écrits :)

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  5. J'ai tout aimé ! Envoûtée par l'écriture, l'histoire... Une de mes plus belles lectures de ces derniers mois !

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    1. Justement, je trouve que l'histoire ne tient à pas grand chose et du coup comme le style ne me plaisait pas, ça ne pouvait pas marcher entre nous :)

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  6. C'est très bien aussi d'avoir des billets moins enthousiastes sinon ça paraît suspect à force. Tu me fais rire, je suis sûre que tu as tout de même un coeur, ou plutôt du coeur. Ce n'est pas tant que j'ai été émue par ce roman qui est pour moi un coup de coeur, c'est surtout que je n'avais jamais rencontré un roman si bien écrit je crois. Et il m'a littéralement embarqué mais je crois que mon coeur n'a rien à voir là-dedans. ;)

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    1. Oui je me pose quand même des questions car la majorité des lecteurs ont été pris par l'émotion durant cette lecture alors que moi pas du tout ;) Je m'en suis voulue tu sais de dire que ce roman était trop bien écrit. D'habitude je me plains plutôt de l'inverse. Jamais contente la fille :)

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  7. Tiens, c'est amusant je viens de lire un roman dont je n'avais lu que des avis enthousiastes (les faibles et les forts de Judith Perrignon) et je suis restée complètement hermétique... Pas comme avec Réparer les vivants qui pour moi est pas moins qu'un coup de coeur ! ;-)

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    1. Il en faut pour tous les goûts. Pour ma part, que le livre ait ou non été plébiscité, ça ne change rien à mon avis ;)

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  8. Je découvre avec ton billet d'autres avis mitigés voire négatifs, du coup mon envie de le lire recule, je verrai quand il sera sorti en poche !

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    1. Sage décision je pense, d'autant que tu ne manques pas de livres en attendant :P

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  9. une lecture que j'aie abandonnée, pour l'instant je n'ai pas fait d'article.

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    1. Si je ne l'avais pas reçu de Babelio, je ne suis pas sûre que je serais allée jusqu'au bout. Et je te comprends, il est assez difficile de parler d'un livre abandonné car on a l'impression de ne pas avoir toutes les cartes en main :)

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  10. Je l'ai lu il y a 15 jours. Il faut que j'écrive mon billet ;)

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  11. Ah mais oui, nos ressentis sont effectivement très similaires, me voilà rassurée ! C'est fou quand même comme l'écriture peut bloquer le lecteur... Je suis restée complètement à la marge de l'émotion que je voulais pourtant vraiment ressentir...

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    1. Je le voulais aussi mais je me suis finalement retrouvée dans une course d'obstacles :)

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  12. Décidemment, les avis sont très tranchés sur ce roman : soit ++++ soit - - - !
    Va falloir que je le lise un jour pour me faire mon avis, au risque d'être assommée !

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    1. Oui, je pense que cela tient surtout au style : flamboyant ou assommant d'un lecteur à l'autre :)

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