14 mars 2010

Cet homme-là, Eve de Castro


"Cet homme-là" est le nouveau roman de l'écrivaine française Eve de Castro, paru aux éditions Robert Laffont.
Au fil des chapitres, le lecteur découvre l'enfance puis le quotidien de Marie del Prato et de Romeo Ange. Elle est française et a reçu une éducation stricte. Elle a appris sur le tard que son père n'était pas son vrai père. Elle est un brillant écrivain. Lui est mauricien. Son père frappait et malmenait sa mère. Il n'a pas de diplôme et n'a d'autre ambition que celle de vivre au jour le jour.
Ces deux-là vont s'aimer en dépit de nettes différences d'éducation, de milieu, de culture. Mais, alors qu'ils semblaient avoir reconnu en l'autre le remède à ce qui leur manquait tant dans la vie, tous deux vont se déchirer jusqu'à s'empoisonner l'existence...

Le roman est divisé en deux parties. "Enfances" se présente comme une série de "morceaux choisis", souvenirs d'enfance répartis dans de courts chapitres consacrés en alternance à Marie et à Roméo.

" Pendant cette semaine écoulée, Roméo n'a pas vu Jésus à ses côtés, pas dans la joie, pas dans le découragement, pas dans l'inquiétude, et le vent du cyclone souffle à son oreille : Jésus, il fait comme ton père, il vit chez les autres.
Quand le vent souffle comme ça, la mer se met à rugir et Roméo devient sourd. Il ne veut pas écouter la parole du Seigneur, il ne veut pas enrichir son amour. Son amour, il le garde pour sa mère qui est démariée. En plus, une divinité faite homme, un père sans corps qui est son propre fils avec corps et en même temps un esprit saint pour l'éternité, c'est incompréhensible et Roméo n'arrive pas à croire ce qu'il ne comprend pas." p.58

J'ai beaucoup aimé cette partie qui déploie au fil des pages le trop rapide passage à l'âge mûr et son lot de souvenirs (et dans ce cas-ci de traumatismes) qui forgent la personnalité adulte.
Bien que je l'ai estimée nécessaire à la compréhension de la suite de l'histoire, j'ai toutefois trouvé cette partie un peu trop longue (la moitié du roman tout de même) et j'avoue m'être impatientée à l'idée de "vraiment entrer dans le roman".

En débutant la seconde partie intitulée "Spirales", j'avais une toute autre idée de ce qu'il en était réellement. Cette couverture rouge-vif m'avait laissée croire à une histoire de passion destructrice mais j'étais loin d'en soupçonner le tournant insidieux.
Marie a l'impression de tout faire pour que Roméo se sente à l'aise en tentant de gommer les différences qui les opposent. Lui de son côté a le sentiment de ne pas être assez bien pour elle mais au lieu de lui faire part de sa frustration, Roméo se conduit en véritable salaud.
Alors qu'il vit à ses crochets, il joue les ingrats. Au fil des jours, il s'immisce dans ses affaires et se permet de plus en plus de choses jusqu'à la casser dans son être.

" Roméo prétend "tenir à elle envers et contre tout", mais il ne supporte pas son éducation, ses rigidités, ses contradictions, ses incohérences. Ses contraintes logistiques, ses évasions mentales, sa santé capricieuse. Les mots et les élans qui scandent en elle des mesures dissonantes.
Son désir d'être prise en charge, d'être prise en mains, d'être prise tout court, et son obstination à porter la culotte.
Marie s'est lancée à corps et âme perdus dans l'aventure de cet amour. Elle y a entraîné ses trois enfants. Elle a laissé Pauline et Charles s'éprendre d'un père de substitution qu'elle pensait indéfectible. En l'imposant à Côme, elle a détérioré ses relations avec ce fils lié à elle par une confiance, une intimité, une complicité exceptionnelles.
Depuis qu'elle connaît Roméo, elle ne croit plus être une femme parfaite, elle a abandonné ses certitudes et la vitrine derrière laquelle elle se mettait en scène.
En échange, elle voudrait simplement être respectée et acceptée. Elle voudrait un compagnon qui ne hausse pas la voix. Qui se réjouisse de ce qu'elle offre au lieu de regretter, ce dont, en la choisissant, il se prive." p.253
L'auteur parle d'abord de "maltraitance émotionnelle" avant d'évoquer la perversion narcissique et son pendant, la dépendance affective.
Marie s'accroche à cet homme qui souffle le chaud et le froid en même temps et de son côté lui n'arrive pas à réellement la quitter. Tous deux ne parviennent pas à lâcher prise, à renoncer définitivement l'un à l'autre, chose qui est d'autant plus troublante pour le lecteur que, pris à témoin, il ne peut pas réellement comprendre ce qui les lie si ce n'est comme le dit l'auteure :

" Le principe du bouquin, d'après ce qu'il a compris, c'est de montrer que quand ils étaient mômes, ils se sont construits autour de vides, de manques, et que ce qui les a accrochés l'un à l'autre, c'est l'intuition qu'ensemble ils allaient combler ces manques-là, ces vides-là, et se guérir mutuellement de ce qu'ils n'avaient pas vécu ou mal vécu." p.306

Pour moi ce livre fut criant de vérité à bien des niveaux. J'ai été sensible à la prose de l'auteure, à sa façon si juste de décrire les ravages causés par un amour torturé et de coller au plus près aux angoisses de la femme passionnée (et délaissée).
J'ajouterais toutefois que l'appréciation de ce roman n'est pas garantie tant elle dépendra du vécu de chaque lecteur/trice.
Un roman que de mon côté je ne suis pas prête d'oublier...

D'autres avis : Lolo - Jostein - Sita - Valérie - Anneso - Gio - Lilith

Un grand MERCI à et aux de m'avoir offert ce livre !

10 commentaires:

  1. Je le garde dans un coin de ma tête, je vais voir les autres avis.

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  2. Effectivement, il a l'air très tentant ce livre-là. Reste à savoir si tes condisciples de lecture seront aussi emballées que toi !

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  3. Je ne suis pas fan des passions destructrices, donc je passe !

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  4. On ne peut pas dire que ta lecture soit très adapté à ton humeur du moment hein...
    Surtout que je lis entre les lignes et que ça me fait penser à ce que tu sais.
    En tout cas, même si je ne suis pas spécialement attirée, je vois pourquoi il t'a pris aux tripes. Comme quoi, finalement, on vit chacun notre lecture différemment selon notre expérience. Pour moi, ce fut le Deghelt, pour toi celui-là.
    Et rien que pour ça, je suis curieuse de le lire ! :)
    Biz ma Zaz !

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  5. Les histoires d'amour finissent mal en général...

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  6. @Aifelle : le sujet est particulier et les ressentis ont été très différents.

    @Clara : ce sont des choses qui arrivent ;)

    @Manu : justement on a un Zweig prévu pour bientôt ^^

    @Mélopée : pas toutes justement, je te conseille de lire les autres avis ;)

    @Choco : je t'ai répondu par mail (oui oui vraiment ^^)

    @La plume et la plage : oui et je pense d'ailleurs que l'amour devrait être interdit.
    Je rédige de ce pas un projet de loi en ce sens ;)

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  7. J'ai beaucoup aimé lire ton commentaire! Car tu es enthousiaste, alors que moi : pas du tout ! J'ai vraiment apprécié de découvrir ce qui t'a séduite dans ce roman ! Il y a un point que tu n'abordes pas, et que j'ai justement souligné dans mon propre commentaire : c'est la responsabilité de Marie dans ce tourbillon de douleur émotionnelle. Je me suis interrogée durant ma lecture..l'auteure a-t-elle réalisé une autobiographie-fiction ? Car on ne constate que très rarement la culpabilité de Marie dans cette relation. Cependant, en amour il faut être deux, et je pense que dans la haine c'est pareil. Le roman m'a déçu à ce niveau : j'aurais préféré que Roméo, "ce salaud", soit moins 'cliché' et que Marie soit moins 'parfaite'... Le roman est plutôt noir, mais je pense que la réalité l'est encore plus car la responsabilité d'une rupture incombe inévitablement aux deux parties, d'une manière ou d'une autre... Bref ^^ Si tu as envie de découvrir une conception différente de la tienne je t'invite sur mon blog :D ! Merci pour ton avis, vraiment agréable à découvrir !!

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  8. Je viens de lire beaucoup de commentaires négatifs sur ce livre et je suis ravie de lire le tien ! Parce que ce livre me fait envie et savoir qu'au moins une personne l'a aimé est plutôt engageant ! ;o)
    Reste plus qu'à trouver le temps !

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