Publié en mars dernier, "Sugar Baby" est le premier roman de l'écrivain français Philippe Bartherotte, également auteur de l'essai " La tentation d'une île, derrière les caméras de la téléréalité".
Les journées de David Ruskin, parisien trentenaire au chômage, se suivent et se ressemblent, partagées entre les dvd's loués au vidéoclub du coin, les nombreuses heures passées sur internet à se masturber devant des films (pédo)pornographiques et les 3 minutes de conversation téléphonique avec sa mère.
Pour tromper son ennui et sa solitude, il décide de s'inscrire à l'Association Nationale de Tir pour y obtenir sa licence. Son rêve ? Perpétrer un massacre aux Galeries Lafayette le premier jour des soldes.
Mettra-t-il ce fantasme à exécution ou se laissera-t-il rattraper par la réalité ?
" On les appelle les locked in, les "enfermés à l'intérieur", ceux qui ne peuvent rien faire d'autre que cligner des paupières pour vous parler. Je n'ai pas comme eux perdu la mobilité de mes jambes et de mes bras, ni l'usage de la parole, mais considérez-moi comme un locked in. Dans la ville, la multitude n'est là que pour définir et mettre en relief mon incapacité à nouer des contacts avec les autres.
Dans ma solitude, au milieu de la ville, devant mon ordinateur, j'ai parfois l'impression que l'effort que je fais pour raconter ma vie - compte tenu de mes facultés intellectuelles - est équivalent à celui que devrait produire un tétraplégique qui entreprendrait l'ascension de l'Everest. Mais cet effort est la seule chose qu'il me reste. La seule chose qui me permet d'affirmer mon identité et d'être un homme. " p.73
Antihéros par excellence, David Ruskin est un individu qui dès le départ ne suscite pas la moindre sympathie.
Eternel chômeur dénué d'ambition si ce n'est celle d'écrire un jour un roman, pervers à outrance, incapable de la moindre émotivité (si ce n'est peut-être vis-à-vis de sa tortue d'eau), on le perçoit à la fois comme insignifiant au regard d'une société homogène et marginal en ce qu'il en refuse les règles du jeu.
En décrochage social complet, David se nourrit presque exclusivement de fantasmes sexuels ou violents (voire sexuellement violents) qui le conduisent petit à petit à commettre des crimes.
Narrateur de sa propre histoire, il balade le lecteur dans une logique et une réalité qui lui sont propres, résultat de sa perception de l'actualité comme de comportements dictés avant tout par ses pulsions.
Réfléchi, il échafaude un plan bâti sur une série de rêves dans lesquels il endosse le rôle vedette de l'exterminateur ouvrant le feu avec sang froid sur toutes les personnes rencontrées sur son passage.
Je me suis présenté David Ruskin comme le personnage central d'un jeu video évoluant dans un monde où les autres n'existeraient qu'en tant que cibles potentielles.
Comme d'autres lecteurs avant moi, j'ai souvent pensé à Patrick Batman, personnage de "American Psycho" de Bret Easton Ellis ( que je n'ai pas encore lu mais dont j'ai vu l'adaptation ciné).
Il y a cette même violence tour à tour refoulée puis assumée, cette même amoralité et ce même goût pour la modernité et les citations de marques (qui ne me dérangent pas outre-mesure mais qui m'ont carrément énervée dans un passage "sponsorisé" du roman).
Les références à l'actualité sont légion dans la bouche du narrateur, abonné à des alertes infos SFR, qui se sert de faits divers pour appuyer son raisonnement.
Fidèle au genre transgressif, "Sugar Baby" apparaît comme un concentré de tous les dysfonctionnements propres à notre société. Un monde animé par une déshumanisation toujours plus flagrante et au sein duquel la violence côtoie une sexualité constamment assimilée à de la pornographie. Aussi attendez-vous à quelques scènes trash à la Despentes...
Malheureusement le récit souffre de quelques coquilles et fautes d'orthographe (certains s'en fichent éperdument mais moi ça m'agace). Le thème de la crise identitaire et du pétage de plombs des 30-40 ans sur fond de solitude urbaine commence doucement à s'émousser (Beigbeder, Rizman, Laurain et j'en oublie certainement...).
La fin retombe un peu à plat (tant qu'à faire, je m'attendais à ce que l'auteur pousse le sensationnalisme et assume les travers de son personnage jusqu'au bout).
Je peux néanmoins affirmer qu'au-delà des scènes violentes (peu plaisantes mais néanmoins nécessaires pour coller au récit et au profil du coco), d'autres m'ont franchement fait sourire comme celle où David demande un coffret des plus beaux viols de l'histoire du cinéma à une vendeuse de la FNAC (avec l'explication qui s'ensuit) ou quand il jauge les gens dans les administrations ou les endroits publics.
" Hier il faisait pas loin de 40 degrés. C'est la canicule, les vieux tombent comme des mouches et pourtant, il y a toujours autant de vieilles peaux aux cours d'aérobic.
Le fait de nager juste après qu'elles se sont largement ébrouées dans la piscine avec leurs vagins ménopausés a quelque chose de dégoûtant. J'ai fait une allusion plus ou moins fine au type qui surveille le bassin. " Ne vous inquiétez pas on met beaucoup de produits dans l'eau !" m'a-t-il répondu avec un large sourire très maître nageur bien dans sa peau. Cela ne m'a pas rassuré pour autant.
A chaque fois que je bois la tasse, je me demande si je n'ai pas en même temps avalé un bout de muqueuse." p.54
MERCI à Philippe Bartherotte de m'avoir proposé son roman !
D'autres avis : Alex - Mango - Alienandcult
je l'ai reçu aussi, mais je t'avoue que la violence me fait hésiter quelque peu !
RépondreSupprimerL'ensemble de ce roman, du titre au thème en passant par la couverture ne me tentait pas. Et à la lecture de ton billet, j'ai ma confirmation : ce livre n'aurait pas été ma tasse de thé ! :)
RépondreSupprimerEmétique, ton deuxième extrait. Pas sûre que ce soit un livre pour moi ;)
RépondreSupprimerBof, suis pas friande du genre et je n'ai pas réussi à finir American Psycho (sauf qu'il n'y avait plus rien de trash après l'endroit où j'ai déclaré forfait mdr)
RépondreSupprimerC'est un roman qui dépote, en effet. Et qui m'a dérangé, parfois même.
RépondreSupprimerJe pense que j'ai bien fait de le refuser...
RépondreSupprimer@George : il y en a...beaucoup dans ce roman c'est sûr mais bon c'est comme dans la vie (un lecteur a d'ailleurs souligné la ressemblance entre ce roman et le tueur d'Oslo...).
RépondreSupprimer@Leiloona : c'est le genre de thème peu réjouissant qui ne plait pas à tout le monde c'est certain
@Reka : je ne le pense pas non plus ;)
@Manu : je ne l'ai pas encore lu, il m'attend dans ma PAL.
Je ne sais plus si c'est toi ou Ys qui avait évoqué une scène de rat particulièrement éprouvante...
@Alex : pas étonnant, tout est dérangeant dans ce roman en fait...
@Clara : oui, pas sûr qu'il t'aurait plu...
Hello, j ai beaucoup aimé Sugar Baby. Pour une première fiction , c est pas mal du tout. Beaucoup de violence c est vrai, et des fois c est limite insupportable de le lire ahahah, mais c est vraiment bien écrit et des fois je me demande ou il a pu trouver tout ça... On dirait que c est écrit par le psychopathe lui même! L histoire est bien trouvée, donc je conseille de ne rien penser avant d avoir lu. ;)
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