Publié en 2006, "King Kong Théorie" est un essai autobiographique résolument féministe, seul ouvrage non-fictionnel de Virginie Despentes.
Mêlant vécu personnel et références bibliographiques, l'auteure nous livre ses réflexions sur le rôle et la condition de la femme dans la société actuelle, sur son rapport à la maternité, au travail
et bien entendu aux hommes mais également sur les sujets plus délicats que représentent le viol, la pornographie et la prostitution.
Un essai réparti en 7 chapitres chacun introduit par une citation d'auteur et basé sur la lecture d'une trentaine d'ouvrages repris dans une bibliographie.
Autant j'avais détesté "Mordre au travers", un recueil reprenant des nouvelles toutes plus trash les unes que les autres, autant j'ai beaucoup aimé cet essai! Preuve que j'ai bien fait de ne pas renoncer à l'auteure sur base de ce simple recueil.
Despentes n'a cette fois-ci pas confondu "trip" et "tripes". Elle continue de cracher mais elle crache juste!
Loin de se contenter d'un déballage purement agressif, l'auteure puise dans des souvenirs dont elle tire de très justes réflexions exprimées avec verve et dans un style certes "despentesque" mais efficace.
Pas d'étalage dégoulinant de souffrance mais une expérience de vie, certes assez singulière, mais qui, utilisée de manière à dénoncer les contradictions inhérentes à notre société, se voit dotée d'une dimension universelle.
J'ai eu l'occasion de lire certains avis sur le web et j'ai ainsi appris que beaucoup reprochaient à l'auteure la faible longueur de cet essai.
Cet aspect ne m'a pas dérangée dans la mesure où j'ai pris ce livre pour ce qu'il est : un essai et non une thèse.
Je crois que le but de l'auteure, en plus de distiller ses souvenirs, était surtout de lancer des flèches aux lecteurs, de les pousser à la réflexion quitte à ce qu'ils continuent de chercher ailleurs si le sujet les inspire...
Bien que je ne partage pas son vécu (heureusement d'ailleurs!) ni l'entièreté de ses opinions (je ne pense pas que tous les hommes soient des homos refoulés), je conseille cette lecture à toutes les femmes qui, j'en suis sûre, se retrouveront à un moment ou l'autre dans cet essai.
Je dirais même plus : si vous ne deviez lire qu'un seul ouvrage de Despentes, optez pour celui-ci!
Extraits :
" Ca vaut le coup de porter des tenues inconfortables, des chaussures qui entravent la marche, de se faire péter le nez ou gonfler la poitrine, de s'affamer. Jamais aucune société n'a exigé autant de preuves de soumissions aux diktats esthétiques, autant de modifications corporelles pour féminiser un corps.
En même temps que jamais aucune société n'a autant permis la libre circulation corporelle et intellectuelle des femmes. " p.22
" Je suis furieuse contre une société qui m'a éduquée sans jamais m'apprendre à blesser un homme s'il m'écarte les cuisses de force, alors que cette même société m'a inculqué l'idée que c'était un crime dont je devais ne pas me remettre." p.47
" Entre la féminité telle que vendue dans les magazines et celle de la pute, la nuance m'échappe toujours. Et, bien qu'elles ne donnent pas clairement leurs tarifs, j'ai l'impression d'avoir connu beaucoup de putes, depuis.
Beaucoup de femmes que le sexe n'intéresse pas mais qui savent en tirer profit.
Qui couchent avec des hommes vieux, laids, chiants, déprimants de connerie, mais puissants socialement. Qui les épousent et se battent pour avoir le maximum au moment du divorce.
Qui trouvent normal d'être entretenues, emmenées en voyage, gâtées. Qui voient même ça comme une réussite.
C'est triste d'entendre des femmes parler d'amour comme d'un contrat économique implicite." p.76
" Il y a une forme de force, qui n'est ni masculine, ni féminine, qui impressionne, affole, rassure. Une faculté de dire non, d'imposer ses vues, de ne pas se dérober.
Je m'en tape que le héros porte une jupe et des gros nibards ou qu'il bande comme un cerf et fume le cigare." p.144
J'ai également adoré cet essai lu l'an dernier et c'est sans doute (paradoxalement (ou pas)) pour cette raison même que je n'ai encore rien écrit à son sujet. Mais je l'ai offert plein de fois.
RépondreSupprimerJ'inclue ton message dans ma sélection blogesque de demain.
Mais c'est que tu as réussi à me donner envie de lire du Despentes ! Bel effort lol !
RépondreSupprimerC'est mon côté Simone de Beauvoir qui ressort... (mon sujet de maitrise :D )
@Cécile : Je l'ai "traîné" toute la semaine à force de lire un chapitre puis de reposer le livre pour réfléchir à ce que je venais de lire.
RépondreSupprimerIl y a tellement d'idées pouvant être soumises au débat que faire un résumé de cet essai était assez difficile. Je comprends ta réaction et je crois qu'il n'est pas exclus que je reprenne ce livre dans quelques temps.
Tu as raison, c'est un livre à offrir! Je connais quelques femmes de mon entourage que ça intéresserait!
@Choco : Lis-le ;) Simone est citée en plus!
Quelle couverture, mon dieu !
RépondreSupprimer@Ys : héhé,si tu le lis tu verras que la couverture est très à propos ;)
RépondreSupprimerJe ne suis pas fan des essais... mais pourquoi pas :)
RépondreSupprimerCà fait un moment que j'ai envie de le lire celui-là. J'avais entendu Virginie Despentes à la télé et avait été étonnée par la justesse de ses propos.
RépondreSupprimerTiens, il me tente bien. Le côté trash annoncé de l'auteur m'avait tjs fait reculer, mais là... ça donne envie, ce que tu dis ! merci ! :-))
RépondreSupprimerS'il est en poche, il n'y a pas de raison pour que je ne le lise pas! Tu m'as convaincue!
RépondreSupprimerJe l'ai lu au moment de sa sortie et l'ai beaucoup aimé. (Dans l'ensemble, j'aime assez les bouquins de Virginie Despentes, dérangeants mais assez justes.)
RépondreSupprimerEn revanche, même si comme tu le dis, toute femme se retrouve à un moment ou à un autre dans ses propos, je n'adhère pas tellement à ce qu'elle dit: toutes les femmes ne se soumettent pas à la société, non ça ne vaut pas le coup de céder aux diktats, tous les hommes ne sont pas des homos refoulés, et surtout surtout: toutes les "putes" n'exercent pas de leur plein gré...
J'ai beaucoup tiqué à son chapitre sur la prostitution. Certaines filles, comme elle, ont fait ce travail volontairement. Mais depuis, les choses ont évolué et aujourd'hui, ce milieu est une telle horreur qu'on ne peut pas dire ce qu'elle dit. Le commerce de la femme est littéralement immonde.
(J'ai d'ailleurs un billet en préparation là-dessus.)
Jamais été très attirée par les écrits de Virgine Despentes mais pourquoi pas celui-ci un jour, il a l'air différent des autres.
RépondreSupprimer@Hérisson : je ne lis pas souvent non plus mais celui-ci vaut le coup!
RépondreSupprimer@Aifelle : j'avais vu une interview de l'auteur mais pas de passages télé, je vais aller voir!
@Canel : Despentes ne se cache pas d'aimer le trash comme elle l'a déjà dit en interview mais ce livre-ci se distingue vraiment des autres.
@Mango : bonne lecture! Hâte de connaître ton avis!
@Marie-L : Bien que je trouve ses réflexions bien argumentées,je n'adhère pas non plus à tout ce qu'elle dit notamment à sa vision de la prostitution.
Cela dit, elle reconnaît elle-même dans certains passages que son expérience et son ressenti sont particuliers notamment lorsqu'elle évoque le "fantasme du viol".
Je crois que même si il est pratiquement impossible de d'identifier à toutes les lignes, chaque femme sera amenée à réfléchir aux différents thèmes évoqués.
@A girl from earth : Comme je le disais, j'ai détesté son recueil de nouvelles et il n'est pas garanti que j'apprécie "Les chiennes savantes" ou "Bye bye blondie". Celui-ci est vraiment différent!
Despentes? J'en ai lu plusieurs autres (trois ou quatre même, correspondant à différentes "périodes"), ça m'a suffi... donc je passe mon tour sur ce coup-ci.
RépondreSupprimerTon billet m'a convaincue ! Ce livre ne m'échappera pas !
RépondreSupprimerQu'est-ce qu'on ne me ferait pas lire quand même dès qu'on appuie sur le levier féministe... ;-)
@Daniel : Je n'ai lu que "Mordre au travers" (détesté) et celui-ci.
RépondreSupprimerJe ne suis pas certaine d'aimer les autres mais je conseille vraiment cet essai (je serais d'ailleurs curieuse de connaître un avis masculin sur le sujet) ;)
@Marie : Hâte de lire ton avis!
Tu as bien fait de ne pas m'écouter alors car, contrairement à toi, j'avais été très déçue par cet ouvrage alors qu'habituellement, je suis assez bonne cliente de la prose provoc' de Despentes.
RépondreSupprimerJ'en attendais beaucoup de "King Kong Theory" que j'ai trouvé finalement très creux.
Comme quoi !
J'ignorais que Virginie despente s'essayait à l'essai. J'avoue que je garde un très mauvais souvenir de l'ambiance plus que malsaine du seul livre que j'ai lu d'elle. Malgré ton bon billet, je ne suis pas tellement motivée pour retourner ver elle.
RépondreSupprimerLu et aimé, merci Cynthia pour cette découverte ! Bravo pour ton billet, il fait bien le tour du livre, je trouve. Désolée, je n'ai pas triché sur toi pour l'idée de ne pas partager ses théories... Je suis en effet loin de ses propos sur la prostitution (que je continue à trouver sordide) et la pornographie (très malsaine à haute dose chez certains jeunes, ce qu'elle n'envisage pas ici)... Mais comme tu dis, on n'a pas son expérience (dieu merci !)...
RépondreSupprimerCela fais peut-être longtemp, mais je suis un homme et j'ai lu toute les livres de poche ou non de Virgini Despente, pour moi c'est une personne qui dis la vérité sur des sujets caché par la réalité j'adore !
RépondreSupprimerEn fait en ayant lu Mordre au travers et Baise-moi je partais un peu dans cet à priori de fiction pornographique et dérangeante, je ne m'attendais pas du tout à lire un essai. Au final si on passe outre la façon dont elle s'exprime j'ai trouvé ça bien documenté en général donc intéressant.
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