17 janvier 2012

La troisième Miss Symons - Flora M. Mayor


Publié en 1913 et traduit en français en 2009, "La troisième Miss Symons" est un roman de l'écrivaine britannique Flora M.Mayor.

Cinquième enfant d'une famille nombreuse, Henrietta Symons ne peut compter sur l'attention de ses parents comme de ses frères et soeurs.
Sans cesse mise à l'écart, elle tente malgré tout de se faire aimer, sans succès. La constante indifférence dont elle fait l'objet ne fait qu'exacerber son tempérament irascible et la jeune fille devenue femme traverse les années à tâtons, multipliant les voyages à l'étranger, les collections en tous genres, les occupations pour autant que son investissement soit minime.
Tout est bon pourvu qu'elle parvienne à combler ce vide affectif qui la poursuit depuis l'enfance.

C'est grâce à Manu que j'ai pu découvrir ce court roman victorien qui brosse le portrait d'une mal-aimée qui, il faut bien le dire, n'a pas grand chose pour elle si ce n'est un sens aigu de l'organisation et le caractère autoritaire qui l'accompagne.
Pas vraiment belle ni intelligente, elle se trouve en plus affublée d'un caractère difficile qui a tôt fait d'éloigner toutes les personnes croisées sur son passage.
L'auteure donne le ton dès les premières lignes et si Henrietta suscite la sympathie de prime abord, elle inspire au mieux de la pitié, au pire de l'antipathie dans les dernières.
Si ses caprices et ses accès de colère lui sont volontiers pardonnés durant sa jeunesse alors qu'elle essuie plusieurs déceptions amicales et sentimentales, on s'attend néanmoins à ce que la maturité lui offre une chance d'adoucir son caractère.
Financièrement à l'abri grâce à la fortune familiale, sans réelle pression pour se faire passer la bague au doigt, elle a la possibilité d'aller où elle veut pour faire ce que bon lui semble.
Or, malgré les conseils de tout un chacun, elle n'en fait qu'à sa guise et ses choix ne lui sont dictés que par cette tendance compulsive à remplir le vide de sa vie par des activités qu'elle juge elle-même sans intérêt.
Et quand elle n'est pas en voyage à critiquer tous les hôtels où elle descend, elle passe sa frustration sur les domestiques de la maison familiale.

Roman bourgeois, "La troisième Miss Symons" dresse un regard particulièrement cruel sur ces femmes laissées de côté par une société qui condamne sévèrement le célibat avec le sous-entendu que ce dernier soit directement lié à un manque de débrouillardise voire un refus de se plier aux exigences nécessaires pour se faire une place dans le monde.
Dans le cas d'Henrietta, sujette aux moqueries de la part de ses proches, c'est son caractère marginal et peu aimable qui est ici pointé du doigt pour justifier sa condition de vieille fille.

" Elle était plus irritable et tatillonne que jamais, toujours prête à livrer bataille, flairant l'entourloupe, persuadée qu'on cherchait à profiter d'elle.
Vivre seule ne lui convenait pas et, sous des dehors dominateurs, elle était faible, indécise et timide. Coupée de toute obligation, de toute responsabilité, de tout lien naturel, elle n'avait rien pour épancher sa bienveillance et sa sympathie.
Qu'elle ait pu mener pareille vie de son plein gré paraît inconcevable.
Cependant, elle était beaucoup plus satisfaite d'elle-même, et de la vie en général, qu'elle ne l'avait jamais été. Elle n'avait plus ces crises de repentir ni ces accès de rébellion contre son sort; elle ne désirait plus ce qui était inaccessible.
Si elle n'était pas très exigeante vis-à-vis de son bonheur ou d'elle-même, le reste du monde non plus, estimait-elle.
Non qu'elle songeât beaucoup à ces choses-là. Trop de ruminations et de désirs l'avaient rendue malheureuse autrefois, et elle répugnait à rouvrir toutes ses blessures.
Elle affrontait les faits aussi peu que possible. Elle vivait au jour le jour, et ce qu'elle était véritablement n'était pas franchement différent de ce qu'elle semblait être, absorbée dans le minuscule tourbillon des événements qui la concernaient.
Les jours, les mois, les années passaient. Elle les voyait partir sans regrets, n'en conservant aucun souvenir. Rien n'était arrivé, de bon ou de mauvais, pour laisser une trace." p.91

Si j'ai lu ce roman sans déplaisir, je trouve toutefois excessif le qualificatif d'"enfant littéraire de Jane Austen" apposé à l'auteure dans la quatrième de couverture.
Là où Jane Austen se laisse porter par son affection pour ses personnages et sa plume généreuse en ce qu'elle s'attarde à la description de leurs émois et du milieu dans lequel ceux-ci évoluent, Flora M.Mayor dépasse difficilement le stade purement descriptif.
Aussi, malgré un style élégant et une histoire sombre qui tient ses promesses d'un bout à l'autre, j'ai déploré cette économie de mots et ce manque de relief qui m'ont donné l'impression de lire en accéléré une Austen fatiguée.

J'espère que Manu me pardonnera mon manque d'enthousiasme sachant que je ne me suis pas ennuyée pour autant.

D'autres avis : Manu - Keisha - Cathulu - Amanda Meyre - Aifelle

9 commentaires:

  1. petite piqûre de rappel bien nécessaire car j'avais complétement oublié que ce roman sommeille dans ma PAL,je crois l'avoir acheté précisément après le billet de Manu !

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  2. Je me souviens d'un roman plutôt bien écrit, mais assez glacial, à cause de sa personnalité.

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  3. voilà un livre qui devrait me plaire, je le note :)

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  4. Tu vas rire, mais en lisant ton billet, je m'aperçois que je ne me souviens plus du tout de ce roman ! A part du caractère imbuvable de cette bonne femme ;-)

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  5. Je crains que ce personnage ne soit un peu trop droite pour moi. Je passe mon tour.

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  6. Jamais entendu parler de cette auteure. La couverture est très laide je trouve.

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  7. je me souviens surtout de l'écriture superbe!

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  8. @George : en même temps, tu as tellement de choses/livres à penser ;)

    @Aifelle : c'est bien écrit oui mais la prose d'Austen est quand même bien meilleure. C'est sûr que l'auteure ne nous rend pas son personnage fort attachant.

    @Niki : ça n'est pas un mauvais livre mais sachant que tu aimes Austen, tu risques tout de même d'être un brin déçue. Te voilà prévenue ;)

    @Clara : curieuse de lire ton avis !

    @Manu : effectivement je ris en te lisant mais bon j'ai remarqué que mon souvenir d'un livre pouvait diminuer voire même altérer au bout de quelques semaines.
    Le temps est un bon indicateur d'appréciation d'un livre. Au bout de quelques semaines, il suffit de penser à ce qu'il nous reste de telle ou telle lecture pour y voir plus clair ;)

    @Alex : ça n'est pas un personnage qui attire forcément la sympathie donc je te comprends !

    @Val : ah ah c'est une couverture jeune avec un semblant de rendu vieux ^^ 3 tapisseries, 2 bibelots et un "prenez la pose victorienne" :P

    @Keisha : mouais je n'irais pas jusqu'à superbe, enfin c'est mon avis bien sûr ;)

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