3 mars 2012

Ils étaient tous mes fils - Arthur Miller


Parue aux USA en 1947 et disponible en français depuis le 2 février dernier, "Ils étaient tous mes fils" est une pièce en 3 actes de l'écrivain et dramaturge américain Arthur Miller, auteur notamment de "Mort d'un commis voyageur", "Les Sorcières de Salem" ou encore de "Les Misfits".

Assis à lire les petites annonces dans son jardin, Joe Keller voit débarquer son fils Chris qui lui annonce l'arrivée imminente d'Annie, la jeune femme qu'il a l'intention de demander en mariage.
Devant la surprise de son père, Chris tente de le convaincre de lui témoigner son soutien au moment où il annoncera la nouvelle à sa mère.
Il faut dire que Kate Keller aurait certainement des raisons de s'opposer à ce mariage compte tenu du fait qu'Annie était auparavant fiancée à Larry, son autre fils disparu durant la guerre et dont elle n'a jamais accepté de reconnaître la mort.
Alors que les messes basses vont bon train, la petite famille reçoit la visite impromptue de George, le frère d'Annie qui est bien décidé à confondre Joe dans une affaire de joints de culasse défectueux vendus durant la guerre.
Se pourrait-il que la justice ait mis à tort son père derrière les barreaux en lieu et place de Joe, son ancien associé ?

Bien que je connaissais Arthur Miller de nom et de par son mariage avec Marilyn Monroe, je ne l'avais encore jamais lu.
C'est maintenant chose faite et je ne regrette absolument pas le voyage dans cette Amérique d'après guerre aux valeurs douteuses !
J'ai été soufflée par la capacité de l'auteur à évoquer tant de sujets en si peu de pages et par la seule force du dialogue.
Au centre de la pièce (et du débat) se trouve Joe Keller, un homme pressenti comme pragmatique, préférant les petites annonces aux informations et qui, au motif de faire le bonheur et la fierté de ses enfants, semble substituer l'argent à toute valeur morale.
Sa femme Kate, qui occupe le rôle de "Maman", se fait la complice tourmentée de son mari, l'accompagnant dans ce souci de sauver les apparences, de protéger sa famille en dépit des circonstances tandis que son mari et son fils tâchent de préserver ses nerfs.
Bien que dépourvue de lucidité quand il s'agit d'évoquer son fils disparu, cette maman poule se montre plus clairvoyante qu'elle n'y paraît.
Leur fils Chris aspire à vouloir mener une vie à contre-courant tout en restant l'obligé de son père. Avec Anne et George, il incarne la naïveté et la jeunesse trahie par les secrets du monde adulte.
Tous les personnages de ce huis-clos assument parfaitement leurs penchants naturels, à commencer par Joe Keller qui tirera une énorme leçon de ses actes passés mais pas de la meilleure manière qui soit car ce sera encore une fois son individualisme, la conscience d'avoir perdu ses biens les plus précieux, qui lui fera mesurer toute l'ampleur d'une décision qu'il pensait être la bonne.

" Franck a raison dans un sens : tout homme a son étoile. L'étoile de son intégrité morale. Et toute sa vie, il essaie de s'y accrocher.
Une fois qu'elle est éteinte, elle ne se rallume plus." p.172

Les secrets de famille prennent ici une tournure dramatique. L'admiration des enfants pour leurs aînés vole en éclats et l'on entend d'ici Arthur Miller ironiser sur les profits tirés de la guerre et le beau modèle d'honnêteté transmis à la nouvelle génération.
Même si j'ai senti le vent venir au fil de cette tension croissante, je me suis demandée sur quelle leçon Miller ferait tomber le rideau.
La conclusion s'avère pour le moins amère dans ces dernières lignes qui voient rapidement se succéder le déni de responsabilité, la prise de conscience mal placée et finalement la lâcheté tandis qu'il se murmure que quand la justice des hommes fait mal son boulot, une autre s'en charge.

Autant vous dire que je compte bien découvrir d'autres oeuvres d'Arthur Miller !



MERCI à Cécile Ruelle et aux éditions de m'avoir offert ce livre !

14 commentaires:

  1. Très intéressant: je ne connais pas non plus vraiment bien Arthur Miller. Je vais retenir cette pièce et peut-être même que j'irais jusqu'à lire les Misfits aussi,pourquoi pas?

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    1. Je suis moi aussi candidate pour "les Misfits" ;)

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  2. Ah oui, je n'avais jamais été vraiment tentée. A tort visiblement.

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  3. Je ne connais pas cet auteur ... enfin que de nom, bien sûr.
    Je me tournerai plutôt vers un poche pour ma découverte ! ;)

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  4. Un souvenir fort que Les sorcières de Salem, et tu me rappelles que je n'étais aussi promise de découvrir d'autres oeuvres.

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    1. Et toi tu m'encourages à faire connaissance avec ces sorcières !

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  5. Tiens, je n'ai jamais lu Miller! Très bonne idée, d'ailleurs je vais choisir celui-là : valeurs douteuses, fiançailles, intrigue... tout y est!

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  6. Je ne connais pas du tout mais il me tente vraiment bien!

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    1. Cette pièce est fort bien construite et les thèmes de fond donnent à réfléchir !

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