7 juin 2012

Le triomphe du singe-araignée - Joyce Carol Oates


Publié aux USA en 1976 et traduit en français en 2010, "Le triomphe du singe-araignée" est un court roman de l'écrivaine américaine Joyce Carol Oates, notamment auteure des romans "Délicieuses pourritures", "Viol, une histoire d'amour", "Premier amour" , "Reflets en eau trouble" ou plus récemment du recueil de nouvelles "Le Musée du Dr Moses".

"Le triomphe du singe-araignée" nous plonge et nous aspire dans les méandres d'un cerveau "qui vit de l'autre côté de la santé mentale".
LienAbandonné à la naissance par sa mère tandis que son père purgeait une peine de prison, Bobbie Gotteson fut retrouvé par la police dans le casier d'une consigne.
Confié à plusieurs familles, il atterrit finalement chez Melva où il tient à la fois le rôle de l'amant et celui de père de substitution pour ses 2 fils.
A la suite de longs séjours en prison et de multiples déconvenues artistiques, voilà que Bobbie troque sa guitare contre un autre instrument, une machette dont il se sert pour découper des femmes...
" Il était de toute façon trop tard pour moi à l'époque, j'avais abandonné ce monde, alors...Oui, je pense que j'avais déjà fait le saut dans mon destin...
J'avais programmé sur Vengeur. Et Héros-des-Gros-Titres. Et même Maniaque sexuel. Et : Le Singe-Araignée triomphe." p.81

Bon sang mais quel bouquin...A peine 130 pages mais croyez-moi, c'est bien suffisant pour rentrer dans la tête de celui qui durant tout le roman portera les surnoms de "taré", "monstre", "créature" ou encore "métèque".
Bobbie c'est le nouveau-né abandonné à son sort dans une consigne, le petit garçon qui devient la risée de ses camarades parce qu'il s'est oublié dans son pantalon, le jeune homme dont les blagues font rire les autres taulards et le charme attire les femmes, le bouffon qui amuse la galerie.
Privé d'amour durant toute sa vie, Bobbie développe une haine envers les femmes, à commencer par la malsaine Melva, sa "mère" d'adoption qui se plait à débattre avec ses fils du rôle de frère ou de père dont héritera Bobbie.
Le jeune homme se montre volontiers enjôleur auprès des femmes en ne perdant pas de vue que toutes se jouent de lui. Le petit singe se fait alors multiple, convoque ses "pouvoirs", tisse une toile et escalade leurs balcons pour leur faire payer leur mépris.

Les romans de Oates que j'ai pu lire jusqu'à présent exerçaient sur moi un curieux mélange de fascination et de malaise. Ici le malaise domine.
Ce qui m'a véritablement bousculée, ce ne sont pas tant les détails sanguinolents (relativement peu nombreux finalement) que tous ces souvenirs marquants qui ressurgissent à l'improviste et rendent compte d'une cruauté connue dès le plus jeune âge et dont on peut se dire qu'elle a certainement contribué à renforcer sa nature violente.

" Je vais te remettre dans le foyer pour jeunes garçons ici même dans cette ville et tu éviteras les rues et seras quelque temps à l'abri de ta vicieuse nature. Tu veux bien arrêter de pleurer ? Tu n'as pas de mouchoir ? C'est répugnant, vraiment, de devoir assister à un comportement comme le tien...un homme dans mon genre nourrit d'emblée de grands idéaux, passe ses diplômes pour se consacrer à l'humanité, et avec qui il se retrouve nez à nez ? - des petits salopards à menton bleu, musclés, avec une gueule de macaque comme Bobbie Gadsen...ou Gotsen...ou Gotteson, bref un nom à la con, illisible, la sténo en a biffé la moitié. Tu es un mot qui a été à moitié biffé, Bobbie ! Pauvre petit salopard !" p.29

Sans parler de toutes ces choses qui passent par la tête de Bobbie lorsqu'il procède à leurs exécutions.
Comment vous dire ? C'est comme si on y était, comme si l'on pouvait lire la terreur dans les yeux de ses victimes.
On sent combien l'auteure s'est attachée à creuser loin dans la noirceur, d'autant que son écriture vertigineuse, délirante accompagne horriblement bien le récit des événements et la personnalité dérangée de Bobbie.
Le roman ne s'encombre d'aucune chronologie, laissant place à une "confession désarticulée" dont j'ai peiné à m'extirper.
J'étais soulagée de finir ce roman insoutenable, de sortir ce type de ma tête, c'est vous dire comme le procédé est fort réussi...

" Un Taré est immortel. Il ne peut être tué que par ses propres manipulations." p.18


17 commentaires:

  1. Je le note... quitte à éprouver le même malaise ! :)

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  2. Je trouve que les courts romans de Oates sont souvent plus noirs, et souvent le malaise prend le pas, c'est un condensé de son style et contrairement aux gros romans elle ne nous laisse guère souffler! Je ne suis pas sûre d'être capable de lire celui-ci même si comme tu le dis les détails sanglants sont peu nombreux,mais parfois plonger dans la tête du tueur est pire que ses gestes ! merci pour ta participation.

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    1. Oui, ici c'est clairement l'état d'esprit du personnage qui est mis en avant et l'on peut dire que son psychisme est très...perturbé. Je fais le tour de ses romans courts avant de m'attaquer aux briques.
      J'espère que je ne les trouverai pas trop gentillets du coup ;)

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  3. Rien que la couverture fait frémir...

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    1. Effectivement elle relaie fort bien le contenu...

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  4. Encore un roman ou Oates frappe fort visiblement...! Je note !

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    1. Oui je pense que c'est le plus dérangeant que j'ai lu d'elle. Les autres n'étaient pas piqués des vers non plus mais celui-ci est particulièrement tordu !

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  5. J'ai lu et aimé un roman de Oates... mais on dirait que j'ai peur de la relire. Peur de ce malaise, justement.

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    1. Oui, à moins d'être maso comme moi et de le lire dans une grande maison, à la lueur d'une faible lampe parce que l'homme essaie de dormir, il vaut mieux bien s'accrocher !

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    2. A moins d'être maso comme moi et de le lire le soir dans une petite pièce avec très peu de lumière (parce que l'homme essaie de dormir...), il vaut mieux s'accrocher pour celui-là !

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  6. Je pense comme George, c'est pour ça que je préfère ses pavés !

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  7. Je m'étais dit que celui-ci je ne le lirais pas... et finalement, ton avis me donne envie de tenter ! bizarre !

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  8. Je suis en train de lire un roman d'elle non traduit encore.

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  9. Une auteure qui sait mettre mal à l'aise...

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  10. BEURK ! Ton billet me suffit amplement, j'imagine assez bien comme ça l'"insoutenable" du bouquin !

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