18 avril 2013

Au commencement était la vie - Joyce Carol Oates


Publié aux USA en 1991 et traduit en français 3 ans plus tard, "Au commencement était la vie" est un roman de l'écrivaine américaine Joyce Carol Oates, notamment auteure des romans "Délicieuses pourritures", "Viol, une histoire d'amour", "Premier amour" , "Reflets en eau trouble" , "Un amour noir" ou plus récemment de "Le Mystérieux Mr Kidder".

A l'âge de 11 ans, Kathleen Hennessy est hospitalisée, présentant une commotion cérébrale, des côtes cassées et de multiples contusions sur tout le corps.
Le responsable n'est autre que son père qui, dans un accès de rage et sous l'effet de l'alcool, après que sa femme l'ait quitté, s'en est pris à ses petites filles.
Kathleen s'en est mieux sortie que Nola, sa petite soeur de 6 ans qui n'a pas survécu à la violence paternelle.
Alors que son père est reconnu coupable et emprisonné pour meurtre, la jeune Kathleen quitte l'hôpital, fait un bref séjour à l'Assistance publique avant d'être ballottée d'un foyer d'accueil à un autre.
Devenue une jeune femme, elle obtient son diplôme et travaille comme aide-soignante à l'hôpital de Detroit où elle est réputée pour son professionnalisme.

Kathleen Hennessy est une jeune femme qui a tour à tour vécu et fait de terribles choses. Comme beaucoup d'enfants battus et victimes d'abandon, elle porte en elle une violence qui l'a fait grandir plus vite que les autres enfants de son âge.
La petite fille puis la jeune femme qu'elle est devenue se sont toutes deux promis de ne jamais revenir sur le passé, ce qui a radicalement bien fonctionné puisque Kathleen semble avoir complètement occulté certains souvenirs de son passé ainsi que les personnes qui y sont liées.
Néanmoins, son comportement tend à indiquer que la jeune femme a bel et bien des choses à se faire pardonner. Sans compter qu'elle se doit de se montrer digne de ce Dieu auquel elle croit à sa manière.
Petite fille silencieuse, complexée, docile voire même amorphe, toujours prête à rendre service, elle passe pour une sainte aux yeux de ses mères adoptives et des enseignantes qui l'aideront à prendre davantage confiance en elle, répondant avec affection à son constant besoin d'approbation et de reconnaissance.
Arrivée à l'âge adulte, elle se révèle une aide-soignante très consciencieuse, mettant toute son énergie et son coeur au service de ses patients.
Oates attire particulièrement l'attention du lecteur sur le zèle de Kathleen, en détaillant les procédures médicales que la jeune femme s'applique à suivre à la lettre.
Une qualité qui ne manque pas d'être reconnue parmi ses pairs mais laquelle, si elle est remise en cause, suffit à faire vaciller la jeune femme.
Et s'agissant de son succès inattendu auprès des hommes, ses collègues s'étonnent de ce que son physique peu flatteur puisse plaire à la gente masculine.
Objet de jalousies et de moqueries de la part du personnel hospitalier, Kathleen ne laisse rien paraître de son mal-être mais vit pourtant très mal la chose...

"Au commencement était la vie" apparaît plus comme une longue nouvelle destinée à dresser le portrait de Kathleen sur quelques années que comme un roman.
Kathleen est assurément une jeune femme impulsive et fragile psychologiquement. Elle n'a pas conscience de sa folie (contrairement au lecteur qui en est rapidement alerté au travers d'une scène assez choquante) - sauf peut-être à la toute fin du roman - et n'en laisse rien paraître autour d'elle.
Tout au plus la juge-t-on passive voire un peu étrange, mais comme elle se montre toujours particulièrement accommodante, ça fait l'affaire de tout le monde.
Comme dans "Viol, une histoire d'amour" ou "Un amour noir", Oates plonge son personnage central dans un isolement psychologique complet, le présentant comme une brebis impuissante au milieu d'une foule de loups vulgaires, profiteurs, hypocrites, mesquins et sans compassion aucune.
Un entourage malsain qui détermine et explique en partie le comportement de Kathleen sans pour autant l'excuser.
On dirait que Oates passe son temps à vouloir prouver à ses lecteurs combien le genre humain peut être vil et la vie cruelle.
A travers le personnage de Kathleen, elle nous montre le visage du déni, de la marque inconsciente mais pourtant indélébile laissée par le passé, de ce qu'il reste de la violence après la violence.
Le tout sans jugement aucun, ce qui m'a vraiment troublée et empêchée de décider d'avoir pitié ou au contraire de condamner Kathleen.
Si ce roman ne se distingue pas par la densité ou l'éclat de son écriture, j'ai trouvé qu'il parvenait toutefois à saisir suffisamment toute la complexité de son personnage.
Un petit roman assez désarmant que je ne recommanderais toutefois pas à tout le monde, tant l'une des premières scènes et la dernière me font encore froid dans le dos...




L'avis de George

11 commentaires:

  1. Tu lis tout de cette auteure , non?? Tu vas être incollable sur toute son oeuvre !!!

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    1. Effectivement je crois que je finirai par lire toute son oeuvre (il me faudra un peu de temps :))
      Je viens de commencer son journal !

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  2. j'adore cet auteur, mais celui-là me fait hésiter... Le sujet...brr...

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    1. Comme tous ses romans courts, il faut aimer le genre glauque :)

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  3. Moi aussi ce roman me fait hésiter...

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  4. Une lecture qui m'avait été difficile, comme toi notamment à cause des deux scènes que tu évoques. C'est vrai que le portrait de cette jeune femme entraîne un sentiment étrange, et que si on peut l'excuser on ne parvient pas quand même à l'absoudre.

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    1. La première scène m'a laissée paf...la seconde un peu moins car je connaissais le personnage.
      Mais bon, il est très délicat de juger...

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  5. Je suis très sensible au monde que dépeint JCO et si en général, je ne suis pas fan des bio, je lirai peut-être aussi son journal. J'attends ton avis ! Mais que cette couverture est moche !

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  6. Je n'ai encore lu que deux romans de cette auteur mais je me suis promis aussi d'en lire d'autres. Celui-ci me tente beaucoup.

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  7. J'ai bien envie de découvrir ce personnage de Katleen, je note ce titre.

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