
"Le Voyage d'hiver" est le 18ème roman d'Amélie Nothomb.
Après une brève considération de la couverture, voici que je découvre l'identité du graphiste, un nom qui mérite d'être mentionné ne fut-ce qu'en regard du sentiment inspiré par la dite couverture.
Le graphiste en question s'appelle Philippe Narcisse!
Habituée de l'auto-dérision façon Nothomb, je m'empresse de vérifier l'exactitude de cette source. Il existe bel et bien!
Et la romancière d'ajouter à la page 39 : "J'appréciais par ailleurs qu'il n'y ait pas de photo de l'auteur sur la jaquette, en cette époque où l'on échappe de moins en moins à la bobine de l'écrivain en gros plan sur la couverture".
Amélie Nothomb et ses éternelles contradictions, une qualité que j'apprécie beaucoup chez l'auteur!
Bon et l'histoire dans tout ça?
Le roman s'ouvre sur l'acte que s'apprête à commettre Zoile (prononcé ZOHIL) : faire exploser un Boeing 747 sur la Tour Eiffel.
Comme le disait l'auteur dans
"La Grande Librairie", le livre représente la boîte noire de l'avion, un best of des meilleurs moments destiné au monteur qui sera en charge du film dédié au drame.
Zoile dément toute comparaison de son geste avec un attentat terroriste : son crime à lui est simplement pulsionnel et ne revendique rien.
Mais pourquoi donc faire exploser un avion?
Quelques mois plus tôt, en décembre, Zoile, conseiller EDF, se rend dans un appartement parisien situé sous les toits.
L'habitation est occupée par deux femmes, l'une est une romancière jolie et intrigante, l'autre semble être une assistante pour le moins "spéciale".
Très vite, Zoile comprend que les rôles sont en fait inversés. Aliénor, atteinte d'une forme d'"autisme gentil" appelé maladie de Pneux, est l'écrivain tandis qu'Astrolabe, en plus de son rôle de nounou, est l'assistante chargée de taper les romans dictés par Aliénor.
Zoile tombe éperdument amoureux d'Astrolabe et se donne beaucoup de mal pour convaincre la jeune femme de vivre cette passion.
Astrolabe accepte à une condition : qu'Aliénor puisse être présente lors de leurs échanges.
S'enchaînent alors des rencontres dont le caractère platonique finit par développer un profond sentiment de frustration chez Zoile.
Il décide alors d'organiser un déjeuner hors du commun et composé uniquement de psilocybes guatémaltèques, mieux connus sous le nom de champignons hallucinogènes.
Malheureusement, le trip ne réussit pas à décoincer Astrolabe dont le corps demeure habité par la froideur de l'hiver.
C'en est trop pour Zoile! Interdit d'accès à cette beauté par excellence, il se met en tête de détruire à son tour un objet de contemplation : la Tour Eiffel.
Comment? Avec une bouteille de champagne. Avec qui? Avec Schubert et son "Voyage d'hiver".
Mais pourquoi la Tour Eiffel? Pourquoi le champagne? Pourquoi Schubert?
Il faudra lire le roman pour le savoir :)
Graphomane, stakhanoviste, métronome, Amélie Nothomb se veut sans cesse critiquée pour son abonnement aux rentrées littéraires.
Est-ce un mal? Est-ce là tout ce qui caractérise l'auteur?
Qui connaît rien qu'un peu l'auteur sait que la fantaisie est chez elle une marque de fabrique, qui ne se réduit pas à l'étrangeté de son alimentation, de ses chapeaux ou encore des prénoms de ses personnages.
Chaque roman est un univers peuplé de personnalités contraires et contradictoires soumises à des situations tragiques ou grotesques voire tragiquement grotesques.
Amélie Nothomb est un écrivain qu'on aime pour sa capacité à transmettre beaucoup en peu de pages ou qu'on déteste pour ce qui fait penser à de la fainéantise ou un simple manque de talent.
Mais ce qui est sûr c'est que de ses romans, on ne sort jamais complètement indemne.
"Le Voyage d'hiver" n'est certes pas le meilleur des opus nothombiens mais je l'ai préféré au "Fait du prince", sans doute en partie car l'auteur y glisse quelques réflexions sur l'écriture et la lecture.
Extraits :
" Je ne pense pas que la médiocrité m'ait eu. J'ai toujours réussi à maintenir une vigilance de ce côté-là, grâce à quelques signaux d'alarme.
Le plus efficace d'entre eux est le suivant : aussi longtemps qu'on ne se réjouit pas de la chute de quelqu'un, c'est qu'on peut encore se regarder dans la glace.
Se délecter de la médiocrité d'autrui reste le comble de la médiocrité." p.23
" Il faisait si froid dans cet appartement que j'avais l'impression que l'on pourrait y découper l'air en cubes. A l'idée d'abandonner cette fille dans cette geôle glacée, mon coeur se serra." p.43
" Tout lecteur devrait recopier les textes qu'il aime : rien de tel pour comprendre en quoi ils sont admirables." p.48
" En écrivant, elle parvient à formuler ce qu'elle ne voit pas dans le quotidien." p.49
" Il y a des femmes qu'il faut aimer malgré elles et des actes qu'il faut accomplir malgré soi." p.55
" Il n'y a pas d'échec amoureux. C'est une contradiction dans les termes. Eprouver l'amour est déjà un tel triomphe que l'on pourrait se demander pourquoi l'on veut davantage." p.56
" Tomber amoureux l'hiver n'est pas une bonne idée. Les symptômes sont plus sublimes et plus douloureux. La lumière parfaite du froid encourage la délectation morose de l'attente.
Le frisson exalte la fébrilité. Qui s'éprend à la Sainte-Luce encourt trois mois de tremblements pathologiques." p.63
" Les femmes aiment toujours à contretemps." p.126
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