10 septembre 2009

SOBIBOR - Jean Molla



" Aujourd'hui, j'ai vomi pour la dernière fois." C'est sur cette phrase que commence et s'achève l'histoire d'Emma Lachenal, une jeune femme de 17 ans souffrant d'anorexie et de boulimie mais aussi celle de Sobibor, un camp d'extermination nazi situé en Pologne où périrent 250 000 juifs entre mai 1942 et juillet 1943.
A l'origine des troubles du comportement alimentaires réside bien souvent un manque de communication avec l'entourage, thèse confirmée dans le cas d'Emma dont les parents ne semblent pas relever les multiples appels à l'aide.
Heureusement, la jeune femme s'entend à merveille avec ses grands-parents, ce couple aimant dont elle admire la solidité et l'histoire de vie.
Mais un jour, alors qu'Emma veille sur sa grand-mère mourante, elle l'entend prononcer en rêve ces quelques mots dont elle cherchera à expliquer le sens : Eva Hirschbaum - Jacques - Sobibor.
C'est en rangeant les affaires de sa grand-mère défunte qu'Emma découvre un journal qui l'amènera à tisser les liens entre ces noms inconnus mais aussi, et surtout, à découvrir un lourd secret de famille.
Un secret en filigrane dont elle ne mesurait pas le poids mais avec lequel elle a grandi tout en cherchant à s'en délester.

Je me disais "Encore un livre sur les camps, n'a-t-on pas déjà tout dit à ce sujet?" Non pas que j'amoindrisse l'importance des atrocités commises durant le régime nazi mais j'avais l'impression que le sujet avait été traité de toutes les façons possibles et que d'une certaine manière, on en avait fait le tour.
L'auteur avait anticipé ma question ( qui est peut-être aussi la vôtre) en répondant ceci :
" Ce n'est pas qu'un livre sur les camps, précisément. C'est un livre sur l'après. Sur la mémoire. Sur le mensonge. Sur cette lame de fond qui n'en finit pas d'avancer. Sur le silence."
Ce livre montre à quel point l'histoire familiale peut constituer un poids non seulement pour les personnes qui ont vécu directement les faits mais aussi pour les générations suivantes qui en héritent malgré elles. Les psychologues parlent de "transmission générationnelle".
Dans ce roman se trouve le témoignage d'un SS employé de Sobibor dont les impressions naïves puis irréelles d'atrocité se voient contrebalancées par le jugement péremptoire d'Emma qui est aussi, je l'espère, celui de tous les lecteurs.

Un roman poignant qui à mon sens mérite autant d'attention que "Le Journal d'Anne Frank".

Extraits :

" Je ne crois pas qu'elle a fait un mouvement quand il a posé son arme sur son front et qu'il a tiré. Je ne pense pas qu'elle l'a seulement vu. Eva avait déjà pris congé de l'humanité. Cet homme par son geste avait aboli le monde des hommes." p.9

" Je n'avais pas encore compris que ne plus manger signifie très exactement souhaiter se mettre à l'écart. C'est une sorte de ghetto que l'on s'invente pour soi seul et dans lequel on s'enferme avec un mélange pervers d'aveuglement et de ravissement. C'est une forme de distinction absurde, pour se différencier à tout prix, se dessaisir du banal. On ne peut plus partager ce qu'il y a de commun. On ne peut plus communier dans la célébration des choses mortes. On a le regard qui s'est tordu. On ne voit plus les aliments avec innocence et l'on s'étonne que les autres ne nous suivent pas." p.55

" Je me suis heurtée à l'opacité des êtres. Ma vision a trouvé ses limites. Mes yeux ne pouvaient plus voir, alors mon corps inventait à leur place. Il ménageait au centre de moi un vide dans lequel loger ce que l'on avait si bien su évacuer. Sobibor." p.148

" Je sais enfin que je suis entre parenthèses. Moi, j'ai au moins cette chance. Je suis comme je suis parce que je suis en instance de vie. Une anorexique n'est pas en marge. Elle s'est faite aussi mince que le trait qui sépare la marge de l'espace où l'on écrit. Un jour ou l'autre, si tout va bien, elle revient sur la page. C'est ce que je m'efforce de faire." p.152


D'autres avis : Carnet de lectures - Passion des livres

8 commentaires:

  1. Un roman jeunesse que j'avais adoré !

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  2. J'en avais entendu parler, mais je l'avais oublié ! Merci pour la piqure de rappel. :)

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  3. Je l'ai lu quand j'étais en Terminal et j'avais adoré. En fait je te conseille tous les autres livres cet auteurs, il est génial !
    Comme Felicidad, un génial roman d'anticipation !

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  4. Oui je dois dire que ce roman m'a laissée sur une très bonne impression que j'aimerais poursuivre ;)

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  5. Très bon roman pour adolescents, je ne viendrai pas démentir ici l'excellence de Jean Molla. Au passage, je viens de découvrir ce blog, très sympa !

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  6. J'ai finit de lire ce roman avant hier et j'avoue avor été bouleversé. Si je n'était pas obligé de le lire pour le collège je ne l'aurai pas fini car je l'ai trouvé, comment dire? Choquant. Très bien écrit en tout cas, c'est peu être pour ca que qu'on a toujours la boule au ventre lors de la lecture...

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  7. je suis tout à fait d'accord avec vous

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  8. Ce livre est vraiment une belle découverte pour moi : il est à la fois intelligent et touchant... Par contre, Emma ne m'a pas particulièrement plu.

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