"Quelqu'un d'autre" est un roman publié en 2002 et issu de la plume de l'écrivain et scénariste français Tonino Benacquista, auteur de "Malavita" et de sa suite "Malavita encore", "La Maldonne des sleepings" ou encore de "La Commedia des râtés".
A l'issue d'une partie de tennis, Thierry Blin et Nicolas Gredzinski, deux quadragénaires grisés par leur morne existence, font le pari assez improbable de devenir en 3 ans les hommes qu'ils auraient rêvé d'être.
Dès le lendemain, le compte à rebours commence. Tandis que Nicolas semble se réjouir de la nouvelle assurance que lui procure l'alcool, Thierry Blin entreprend de changer de nom, de visage, de femme, de métier pour se glisser dans la peau de Paul Vermeiren, un détective privé.
Les deux hommes trouveront-ils le bonheur grâce à leurs nouvelles existences?
Un pari entre deux inconnus? Quel curieux point de départ me suis-je dit en commençant ma lecture.
Si quelqu'un s'adressait à moi dans la rue en me disant "Chiche que tu changes de vie!", il est clair que je me contenterais de passer mon chemin.
Or il y a entre ces deux personnages une reconnaissance instantanée de la détresse de l'autre, une complicité à demi-mots qui laisse penser que tous deux attendaient cette rencontre depuis un moment.
Nicolas est assistant d'un directeur de clientèle. C'est un homme effacé, anxieux, incapable de dire non et d'un pessimisme naturel.
Au contact de l'alcool (de l'ivresse même), il découvre cet Autre qui vit à l'intérieur de lui, plus détendu, plus prolixe, plus affirmé.
" L'Autre savait tout rendre passionnant, une conversation de bistrot, un trajet en métro, la lecture d'un quotidien. Il rendait magique la rencontre d'une silhouette dans un ascenseur, il savait trouver les mots pour calmer les esprits échaudés et ranimer les enthousiasmes perdus. Ce n'était pas la noirceur de Nicolas qui se libérait mais bien l'inverse : sa bienveillance face à l'humanité, sa curiosité pour tout ce qui n'était pas son petit monde, sa douceur trop longtemps contenue.
Les rares moments où il laissait l'Autre s'éloigner, Nicolas se sentait vite nostalgique de ses frasques, de ses idées brillantes et saugrenues, de sa morgue." p.277
Thierry n'aime pas son boulot d'encadreur et se sait pertinemment bien incapable de toute inventivité. Il aspire à une vie plus palpitante, qui laisse place à l'inattendu et fonde tous ses espoirs dans son métier de détective privé. Complexé par son physique, il se rend chez un chirurgien qui le métamorphose et il s'attache à faire disparaître toute trace de son ancienne vie, y compris son identité.
" Les esprits malades qui divorcent d'eux-mêmes sont répertoriés par la psychiatrie qui leur a donné des noms compliqués, son cas devait sûrement en porter un.
S'il avait connu ce fameux mot, peut-être aurait-il été tenté de se faire soigner, il suffisait de changer de service. Rodier lui avait laissé une chance de tout arrêter sur-le-champ, pourquoi pas Joust? Lequel entra, se fendit de quelques paroles d'usage et traça, en silence, des lignes sur le visage de son patient. Le tranquillisant commençait à faire effet ; s'il en avait encore le désir, Blin ne pouvait déjà plus se rétracter. Ses épaules tombèrent d'un coup et son corps entier se mit à flotter. Le sourire du ravi se dessina sur ses lèvres quand il vit arriver le brancardier.
Dans le bloc, il croisa une dernière fois le regard de Joust, ça n'avait déjà plus d'importance, comme si la conscience de Blin quittait lentement son corps pour rejoindre celui de Vermeiren.
L'anesthésiste lui injecta dans les veines un liquide blanchâtre qui lui chauffa le bras, lui demanda de compter jusqu'à cinq.
Ce fut le dernier visage qu'il vit avant de perdre le sien." p.203
Thierry et Nicolas mènent des existences parallèles qui finiront pourtant par se croiser.
Les chapitres se consacrent alternativement aux deux personnages qui progressent vers une identité nouvelle et le rythme diffère énormément d'un portrait à l'autre.
Si j'ai aimé la façon dont Nicolas remettait brillamment en place son collègue insupportable, j'avoue avoir été davantage captivée par la franche détermination et les changements opérés par Thierry, sans doute parce que sa démarche s'avère beaucoup plus radicale et pleinement assumée.
Contrairement à Thierry, Nicolas ne souhaite pas que son quotidien s'arrête brutalement, il reste attaché à lui-même, à cet Autre qui fait néanmoins partie de lui là où Thierry crée cet Autre de toutes pièces et fait entièrement table rase de son passé (même si la tentation est bien là quant à savoir ce que ses proches pensent de son ancien lui et comment ils interprètent sa disparition).
A dire vrai, à chaque fois que je débutais un chapitre "Nicolas", je n'avais qu'une hâte : passer au chapitre suivant et retrouver Thierry ainsi que le suspense insoutenable qui entourait sa nouvelle vie ! Je comprends que l'auteur ait voulu recourir à des personnalités diamétralement opposées mais je n'ai pas vraiment réussi à me projeter dans le mal-être de Nicolas, l'impression de stagner ne m'ayant pas quittée.
Avis mitigé donc même si je reconnais que "Quelqu'un d'autre" reste un roman intéressant, moins pour l'histoire que pour les questions qu'il pose sur le sujet de la reconstruction identitaire
D'autres avis : Pimprenelle - Mélusine - Lili Galipette
"Quelqu'un d'autre" fait partie de la sélection française du Prix QD9 lancé par Cécile.
Comme j'aime beaucoup ce qu'écrit cet auteur,je ne vais pas tarder à lire ce livre-ci. Je ne sais pas s'il y a mis autant de second degré et d'humour que dans Malavita par exemple mais de toute façon le thème en soi me plaît bien .
RépondreSupprimerLe souvenir profond d'une lecture qui remue !
RépondreSupprimerAs-tu lu Saga du même auteur ? Une plongée dans le monde de la télévision, un délice !
ce livre ne me tente pas trop pour le moment. peut etre plus tard
RépondreSupprimerAu contraire d'autres livres de lui, celui-là, je ne l'ai jamais terminé...
RépondreSupprimerJ'ai beaucoup aimé ce livre, malgré quelques longueurs et lassitudes qui font que je me reconnais un peu dans ton commentaire.
RépondreSupprimerMoi aussi, j'aime beaucoup le conteur Benacquista ! Celui dont je garde le souvenir le plus présent reste Saga, plongée dans le monde des scénaristes de séries, écrit bien avant le boum des séries dites différentes…
RépondreSupprimerTon billet m'intrigue ! J'avais bien aime 'La maldonne des sleepings' et j'aime le principe de ces deux narrations paralleles, j'irai donc le feuilleter en librairie ou en bibli.
RépondreSupprimerJe n'ai pas encore découvert la plume de cet auteur même si j'ai "Saga" dans ma PAL. Ce que tu dis sur celui-ci m'intrigue !
RépondreSupprimerRien à voir, mais j'ai été contente de te voir hier même si ce fut bref. Bien rentrée ? Et Gunzig ?
Et tu sais quoi ? Je me suis chopée la crève !
Lu aussi, et apprécié, bien que son souvenir s'efface un peu de ma mémoire... !
RépondreSupprimerA voir...peut-être en lisant 1 chapitre sur 2!
RépondreSupprimerJe l'ai lu dans le cadre d'un club de lecture et j'avais moyennement aimé mais la majorité avait adoré. Comme toi, j'ai préféré suivre les aventures de Thierry dont le changement était plus captivant
RépondreSupprimerencore jamais lu l'auteur, mais j'ai La comédia des ratés dans ma pal.
RépondreSupprimer@Mango : ah je ne saurais te dire, c'était ma première découverte de cet auteur ;)
RépondreSupprimer@Lili Galipette : il n'est pas exclus que je lise un jour "Saga" ;)
@Anneso : plus tard alors ;)
@Delphinebooks : ah oui carrément...Qu'est ce qui t'avait donc tant déplu/ennuyé?
@Mélusine : ah tu ma rassures là ;)
@Ficelle : +2 pour "Saga" alors !
@L'Ogresse : c'est encore le meilleur moyen pour se faire une idée avant de craquer
@Manu : ah mince ! Une bonne crève à ajouter au reste, pas de bol ça :/ Bien rentrée oui mais j'ai dormi presque toute la journée du lendemain. Mais je ne regrette pas, j'ai eu toutes mes dédicaces ;)
@Neph : je ne crois pas ce soit un roman qui marque les esprits (mais je peux me tromper;))
@Clara : héhé oui pourquoi pas ^^ Mieux vaut tout de même essayer de lire le tout ;)
@Kikine : oui dans le cas de Nicolas, on a l'impression que les changements opérés dans sa vie interviennent un peu "malgré lui"...
@Lilibook : bonne lecture prochaine alors ;)
Je crois que je vais rester sur mes bonnes impressions de Malavita, alors.
RépondreSupprimerJ'aime beaucoup cet auteur et ce roman me tente depuis quelques temps...
RépondreSupprimerIl est dans ma PAL et je n'ai encore rien lu de cet auteur... Tu me donnes envie de m'en faire ma propre idée !
RépondreSupprimerUn petit tag t'attend chez moi ;-D
RépondreSupprimerJ'avais adoré. Mais c'est vrai que mon petit préféré reste "Saga".
RépondreSupprimerUn excellent roman ! Merci pour ta critique !
RépondreSupprimerContrairement à toi, il me semble (car la lecture remonte à assez loin) que je préférais les chapitres Nicolas aux chapitres Thierry ! :) J'imagine que chacun retrouve un peu de soi dans les différents personnages...
J'ai également lu Malavita du même auteur. Plus drôle, plus léger, c'est une lecture agréable mais qui n'équivaut pas Quelqu'un D'Autre !