Publiées respectivement en 1990 et 1991, "Un thé qui ne refroidit pas" et "Le réfectoire un soir et une piscine sous la pluie" composent ce recueil de l'écrivaine japonaise Yoko Ogawa.
Dans Le réfectoire un soir et une piscine sous la pluie, une femme sur le point de se marier emménage avec son chien dans la maison qu'elle rénove avant le retour de son futur mari.
Alors qu'elle s'affaire à repeindre la salle de bain, un jeune garçon et son père sonnent à sa porte.
L'homme lui pose une question avant de s'en aller, sans que la jeune femme ne sache au juste la raison de sa venue.
10 jours plus tard, elle les revoit postés devant le réfectoire d'une école. L'homme lui explique alors pourquoi le spectacle d'un réfectoire le soir lui évoque les mêmes sensations qu'une piscine sous la pluie...
" Au moment où il a prononcé ces mots, après un silence alors que nous avions épuisé le sujet des chiens, je n'ai pas du tout compris ce qu'il voulait dire. Cela m'a fait l'effet d'un vers extrait d'un poème contemporain ou d'une de ces phrases qui ponctuent les contes de notre enfance.
- Une piscine, sous la pluie? ai-je répété, en insistant sur chaque syllabe.
- Oui, une piscine sous la pluie. Vous n'avez jamais nagé dans une piscine sous la pluie?
- Eh bien...J'ai l'impression que oui, mais je me trompe peut-être.
- Quand je pense à une piscine sous la pluie, je suis pris d'une nostalgie difficilement supportable." p.35
Dans Un thé qui ne refroidit pas, une jeune femme se rend à l'enterrement d'un ancien camarade de classe et en sortant, revoit K. qui l'invite à dîner en compagnie de son épouse.
Charmée par le bonheur serein qui se dégage de ce couple, elle songe à son quotidien morne auprès de l'homme qui partage sa vie depuis 3 ans et décide de faire du rangement dans sa chambre.
Elle retombe alors sur un livre emprunté à la bibliothèque du lycée 10 ans plus tôt et apprend qu'il est le seul rescapé d'un incendie...
" Mes sentiments se succédaient avec la régularité et la sécheresse du sable s'écoulant dans un sablier. C'était sans doute parce que je ne perdais rien à cause de sa mort. Celle-ci était inorganique. Il n'y avait aucune tristesse larmoyante. C'était propre et sec. (Il s'agissait pourtant d'une noyade.) Pendant ces dix dernières années, ce garçon n'avait été présent que dans mon souvenir. Il n'y a rien d'organique dans la mémoire. Et il est très difficile d'y effacer le souvenir d'une personne en particulier. Même si la mémoire est personnelle, il est impossible, volontairement, d'y mettre de l'ordre en brûlant ou en jetant certains souvenirs. C'est pourquoi, malgré sa mort, je m'en souvenais encore." p.60
Ces deux nouvelles présentent un canevas pour ainsi dire identique. Les deux personnages féminins à l'avant-centre de ces récits sont des jeunes femmes isolées - l'une vivant seule dans une maison en attendant son fiancé, l'autre étant en ménage avec un homme qu'elle ne voit jamais - comme c'était déjà le cas dans "L'annulaire".
Toutes deux sont auréolées d'un certain mystère et trouvent un curieux réconfort dans le rangement associé à la tentative de mise en ordre de leurs souvenirs.
Des bribes de leur passé ne sont dévoilées au lecteur qu'à travers leur rencontre avec un tiers, une personne extérieure à leur entourage proche qu'elles croisent à un moment clé et qui s'avèrera déterminante pour la suite de leur vie.
On retrouve dans ces deux nouvelles ce goût de l'auteure pour ces décors nus, aseptisés par le rangement et qui permettent de se dégager d'une vue d'ensemble pour se focaliser sur certains objets significatifs.
Les thèmes abordés sont encore une fois ceux de la mémoire (principalement sensorielle), des traumatismes vécus durant l'enfance, de la solitude et de la mort, déclinés dans une écriture ciselée, méthodique, qui laisse volontiers place aux silences et aux zones d'ombres pour déboucher sur une fin propice à la circonspection.
Une fois de plus avec cette auteure, j'avais l'impression de savoir où elle voulait en venir au fil de ma lecture et puis est arrivée la chute (qui n'en est jamais vraiment une) qui m'a fait remettre en question ce que j'avais jusque là cru comprendre.
Mais comme nous le signale l'auteure, "dès qu'on essaie de définir quelque chose, la vérité se dérobe". Peut-être devons-nous accepter, dans la littérature comme dans la vie, que certaines choses nous échappent :)
J'ignore si tout cela vous paraît très clair mais il est certain que je souhaite prolonger ma découverte de cette auteure !
Ça n'est pas forcément hyper clair mais ça n'est pas étonnant, avec cette auteur, je crois qu'on est plutôt au niveau du ressenti que de la théorie. A l'inverse de toi, je crois que je m'en tiendrai à ma première expérience.
RépondreSupprimerJ'ai noté plein de titres lors de la découverte auteur qui lui a été consacrée. Mais je n'ai pas encore trouvé le temps de les lire. J'ajoute celui-ci!
RépondreSupprimerOui, oui, tout est clair ! :D
RépondreSupprimerCe que tu dis me donne envie de lire ce recueil, vu que j'avais aimé "l'annulaire "! ;)
Je ne sais pas pourquoi mais l'image d'une piscine sous la pluie me plait infiniment et rien que pour ça, j'ai envie de découvrir ces nouvelles...
RépondreSupprimerQuel joli billet ! C'est que tu me donnerais envie de lire des japonais... c'est fou ça ! ^^
RépondreSupprimerDes titres très poétiques qui laissent déjà deviner l'écriture qui va suivre.
RépondreSupprimerJ'ai lu "Hôtel Iris" de cette auteure et même si il peut paraître un peu particulier, j'ai beaucoup aimé. Et comme toi, j'ai bien l'intention de poursuivre avec cette auteure. J'ai dans ma PAL "La formule préférée du professeur" et j'aimerais bien y ajouter "La marche de Mina", "L'annulaire", "Les tendres plaintes", "Cristallisation secrète",...
RépondreSupprimerTu es à fond dans la littéraure japonaise!
RépondreSupprimerC'est un monde très particulier que ce lui de Yoko Ogawa. On croit savoir, on ne sait pas on croit tout comprendre et...
RépondreSupprimerVoilà qui m'intrigue! J'ai plusieurs de ses livres dans mes LAL et PAL, j'ai hâte de découvrir.
RépondreSupprimerMais dis donc, c'est que tu deviendrais accro aux japonais toi ;-)
RépondreSupprimerJ'aime beaucoup Yoko Ogawa !
@Ys : oui, je reconnais avoir toujours un peu de mal à écrire mes billets sur des romans japonais.
RépondreSupprimerDifficile de figer avec des mots des impressions pour le moins nébuleuses ;)
@Pimprenelle : dans ce cas, comme dirait ma mère "commence par lire ce que tu as déjà".
Et ne m'écoute surtout pas ^^
@Leiloona : "L'annulaire " reste mon préféré pour l'instant mais je crois que celui-ci devrait te plaire !
@Gwenaelle : attention, il n'en parle pas spécialement d'une manière positive ^^
@Choco : mouhahahaha la bonne blague ^^
@Alex : et assez énigmatiques aussi, à l'image du contenu ;)
@Anne : comme toi, j'ai noté pas mal de titres encore à découvrir ;)
@Clara : la faute à Choco ^^
@Yv : une auteure insaisissable mais je ne désespère pas ^^
@Sabbio : tu as ce qu'il faut pour t'y mettre on dirait !
@Manu : je ne dirais pas accro mais intriguée certainement ;)
Je comprends parfaitement (sans doute à ma manière), cette fameuse nostalgie difficilement supportable... je l'ai vécue. Oh, l'époque où je me baignais toute l'année dans des piscines, dans la mer, sous le soleil ou sous la pluie, peut importe, on est déjà mouillé et il ne fait jamais froid !!!
RépondreSupprimerBref, j'adore ce titre et ne connais pas l'auteur, deux bonnes raisons de noter !
J'aime beaucoup Yoko Tsuno, pardon, Ogawa.
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