"Le Voyage dans le passé" est une nouvelle inédite - exhumée en 1976 et traduite en français en 2008 - de l'écrivain autrichien Stefan Zweig.
" En vieillissant, on cherche sa propre jeunesse et on éprouve des joies stupides à partir de petits souvenirs." p.59
Après de brillantes études de chimie financées par de longues années de labeur, le jeune Louis entre au service du conseiller G., directeur de la grande usine de Francfort, dont il finit par devenir le secrétaire particulier.
Installé dans la maison du conseiller, le jeune homme ne se sent pas à sa place dans cet endroit qui le renvoie à son enfance servile et démunie. Il lui faudra faire la connaissance de l'épouse du conseiller pour que cette demeure lui devienne si familière qu'il n'aura plus envie de la quitter.
A l'annonce de son départ au Mexique pour deux ans, Louis prend conscience de son amour pour celle qu'il nommera sa "bien-aimée".
Forcés de vivre leur amour dans la clandestinité puis à distance, les deux amants connaîtront la guerre et avec elle, une séparation qui aboutira à des retrouvailles près de 9 ans plus tard...
Louis et sa bien-aimée retrouveront-ils cette flamme qui les liait autrefois ?
Il est des nouvelles qu'on apprécie pour ce qu'elles sont, des histoires courtes dont on sait qu'elles n'auraient pu être autrement.
Et puis il y en a d'autres comme "Le Voyage dans le passé" qui nous laissent cette impression frustrante de roman avorté, comme si quelqu'un avait arraché certaines pages pour les remplacer par un résumé de deux lignes.
J'ai eu le sentiment de lire en accéléré, au point qu'en tournant la dernière page je me suis dit "quoi, c'est tout?".
Je me suis demandée si au fond ce n'était pas là la volonté de l'auteur que de balayer la guerre d'un revers de plume pour nous faire ressentir à quel point cette période bien que grave apparaisse comme vide de sens pour les deux héros dès lors qu'ils sont séparés, comme si en plus de ne pas être présents l'un pour l'autre, ils s'absentaient de leur propre vie.
J'ajouterais que l'épouse du conseiller m'est apparue comme un personnage secondaire qui n'est d'ailleurs jamais nommé autrement que par la "bien-aimée" (alors qu'elle est bel et bien partie prenante dans cette histoire); le récit étant avant tout centré sur Louis dont on ne sait même pas si il s'inquiète pour elle durant la guerre...
Certes, il n'en reste pas moins que l'histoire se tient, que le style de Zweig est toujours aussi beau et précis pour ce qui est de décrire la palette de sentiments humains dans leurs moindres nuances.
Ici encore, il est question de passion intense mais contrariée - à croire que les héros de Zweig ont de l'amour une expérience qui n'est jamais à la hauteur de la puissance de leurs sentiments - et la fin ouverte de cette nouvelle laisse croire à une interrogation dont la réponse est laissée à la libre appréciation du lecteur : l'amour traverse-t-il le temps, les épreuves, la distance ?
" Cependant l'amour ne devient vraiment lui-même qu'à partir du moment où il cesse de flotter, douloureux et sombre, comme un embryon, à l'intérieur du corps, et qu'il ose se nommer, s'avouer du souffle et des lèvres. Un tel sentiment a tant de mal à sortir de sa chrysalide, qu'une heure défait toujours d'un coup le cocon emmêlé et qu'ensuite, tombant de tout son haut dans les plus profonds abîmes, il s'abat, avec une telle force décuplée, sur un coeur terrorisé." p.27
Une nouvelle que j'ai aimée mais que j'aurais voulu un peu plus dense.
D'autres avis chez BOB !
Comme une impression de roman avorté,tu as raison! C'est aussi ce que j'ai ressenti! C'est malgré tout intéressant et agréable à lire!
RépondreSupprimerJe comprends ce sentiment de frustration finale dont tu parles. Peut être que je ne l'ai pas autant ressenti parce que l'écriture si douce et poétique m'a complétement charmée ?! Une belle lecture en tout cas !
RépondreSupprimerTrop court, oui, mais il m'a semblé tout de même dense, j'ai aimé ce choix presque anonyme de la bien-aimé, les ellipses temporelles, l'épilogue finalement frustrant mais surtout sombre, ces pages qui n'annoncent que des nouveaux temps difficiles, qu'ils soient personnels ou historiques, qui disent que le monde a changé, les personnages aussi, peut-être.
RépondreSupprimer" les héros de Zweig ont de l'amour une expérience qui n'est jamais à la hauteur de la puissance de leurs sentiments ", c'est tout-à-fait ça.
@Mango : oui, ce n'est pas une déception comme pour "Un soupçon légitime" mais j'ai eu un goût de trop peu durant le passage où l'auteur aborde la guerre.
RépondreSupprimer@Hathaway : oui pour ce qui est de l'écriture, je n'ai décidément rien à redire ;)
@Emmyne : oui comme je le disais la nouvelle se tient, il n'y a pas de trous dans l'histoire mais je regrette que l'auteur ait un peu trop vite expédié le sujet de la guerre.
A croire qu'avec Zweig, on en a jamais assez, on en redemande ;)
Le dernier Zweig que j'ai aimé ... après je n'ai été que déçue. :/
RépondreSupprimerJ'ai lu ce roman quand il est sorti en grand format et j'avais beaucoup aimé mais bon, j'adore Stefan Zweig alors je ne suis donc peut-être pas assez critique.D'ailleurs je l'achèterais bien en livre de poche pour le garder dans ma bibliothèque.
RépondreSupprimerAnne (De poche en poche)
Merveilleux Zweig ! ..; soupirs!
RépondreSupprimer@Leiloona : ah mince...Quel titre t'a-t-il déçu?
RépondreSupprimer@Anne : tu as raison, c'est un auteur que je relirai moi aussi volontiers dès que j'aurai fait le tour de son oeuvre ;)
@Clara : oui, il reste merveilleux, bien évidemment ;)
Une perle rare parce qu'elle a été découverte récemment, mais c'est tout.
RépondreSupprimerj'ai acheté récemment qq poches de zweig... tu me donnes envie.
RépondreSupprimer@Alex : tu n'es pas très enthousiaste sur ce coup-là ;)
RépondreSupprimer@Theoma : on peut donc s'attendre à ce qu'une vague Zweig s'abatte sur ton blog d'ici peu, chouette ! ;)
J'hésite beaucoup moins que pour leo et emmi. Zweig, je lirais tout de lui. Pour l'instant, j'en suis à l'apéro mais je vais prendre mon temps et tout déguster.
RépondreSupprimerJ'ai hésité tout à l'heure en le croisant au détour d'un étal de librairie... Je crois que j'ai bien fait, vu ton billet, je n'aime pas trop ce genre d'impressions de lecture... :)
RépondreSupprimerJ'ai eu le même ressenti que toi. Un roman très bien écrit, certes, mais trop rapide, qui laisse sur sa faim.
RépondreSupprimerIl m'avait quand même beaucoup plu. Mais je comprends tout à fait ce que tu veux dire quand tu parles de roman auquel il manque un petit quelque chose...
RépondreSupprimerJ'avais été bien déçue et pourtant je suis une Zweigophile convaincue !
RépondreSupprimer@Cécile : oui, celle-ci et "Un soupçon légitime" sont décevantes lorsqu'on a lu d'autres nouvelles de l'auteur. Deux nouvelles inédites publiées après la mort de Zweig,comme par hasard !
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