26 octobre 2011

Coeur volé - Lauren Kelly (aka Joyce Carol Oates)


Publié en 2005 et traduit en français l'année suivante, "Coeur volé" est un thriller de Lauren Kelly alias Joyce Carol Oates, romancière américaine notamment auteure de "Délicieuses pourritures" ou encore "Premier amour".

A l'annonce du grave état de santé de son père, Merilee Graf plaque sa vie à New-York pour retourner à Mount Olive.
Elle y recroise la famille de son père quittée sans trop de regrets, son excentrique Oncle Jedah ainsi que Roosevelt Jimson, le frère aîné de Lilac, une petite fille noire enlevée 10 ans plus tôt et dont le corps ne fut jamais retrouvé.
Les souvenirs d'enfance ressurgissent : le décès d'Edith, cette mère qui ne l'aimait pas, la vie secrète de son père, le manque d'amour et de communication avec ses parents, la terreur dans laquelle elle et les autres fillettes de son âge vivaient suite à la disparition de Lilac, cette petite-fille que Merilee ne parvient pas à oublier...

Merilee Graf ne sera plus jamais la même après la disparition de Lilac Jimson. Se heurtant au mur de silence qu'ont érigé ses parents (père toujours absent, mère angoissée et accro aux médicaments), elle se met à offrir des cadeaux à ses camarades de classe pour gagner leur affection et dissuader quiconque de lui faire du mal.
Merilee grandit mais reste une petite fille qui nourrit un profond besoin d'amour, quitte à se contenter du peu que lui offrent les hommes.

Si "Coeur volé" est signé Lauren Kelly, la patte de Oates reste toutefois pleinement reconnaissable !
Déboussolée, fragile, Merilee trouve en un homme de son entourage l'épaule paternelle sur laquelle reporter son manque d'affection et sa détresse.
Mais, parce que c'est Oates, on se doute que cet homme-là n'est évidemment pas si bien intentionné qu'il ne le laisse croire.
Excentrique, manipulateur, il exerce sur Merilee un sentiment étrange, mélange d'attirance et de répulsion.
Encore une fois on retrouve dans ce roman la figure de l'homme plus âgé (à nouveau décrit comme un serpent), autorité supérieure qui fascine, effraie et finit par isoler une jeune femme en pleine confusion. Cet homme qui la cerne si bien qu'il peut ensuite la manipuler à souhait, prétextant toujours oeuvrer pour son bien.

Les récits de Oates se partagent entre les songes, ambigus, qui disent les souvenirs enfouis, et cette petite voix intérieure qui tente d'avertir la jeune femme du danger à venir si elle ne se détourne pas de la voie sinueuse dans laquelle elle s'est engagée.
La chronologie brouillonne utilisée par Merilee, la narratrice, ne fait qu'appuyer le désordre de son esprit.
Le climat est à la méfiance ( ici au racisme aussi !) et au secret. Il y règne toujours une ambiance brumeuse qui se dégage d'une région aux endroits dangereux (les Chutes du Niagara dans "Les Chutes, un ravin dans le cas présent), porteurs du drame passé.

A l'instar d'un film d'horreur où l'on se cache les yeux tout en écartant les doigts, "Coeur volé" a exercé sur moi ce curieux magnétisme. Attirant et repoussant à la fois, comme ce bourreau qui attire insidieusement Merilee dans ses filets.
Joyce Carol Oates excelle à nouveau dans l'art d'évoquer un drame profondément intime.
J'ai beau identifier des caractéristiques communes dans chacun de ses romans, je me demande toujours : "Mais jusqu'où ira-t-elle cette fois ?"
C'est sans doute en cela, plus que dans le déploiement lent de l'intrigue, que "Coeur volé" répond efficacement au critère du thriller.



9 commentaires:

  1. Tiens, je ne savais pas qu'elle publiait sous différents noms ! Mais quel intérêt de sortir un livre avec un pseudo si l'éditeur ajoute son véritable nom derrière ?

    Sinon je ne sais pas si j'oserai lire ce livre, quand cela touche aux enfants, j'ai du mal. ;)

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  2. Sais-tu pourquoi elle a pris un pseudonyme pour ce livre-là?

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  3. J'avais entendu dire que ses romans sous pseudos étaient moins bons. Tu n'as pas l'air de cet avis.

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  4. @Leiloona : aucune idée...
    Mais les romans signés Lauren Kelly sont clairement plus des thrillers.

    Il y a bien une histoire d'enlèvement d'enfants mais c'est surtout de Merilee que traite ce roman ;)

    @Niki : chic alors !

    @Tiphanie : peut-être pour se diversifier et écrire exclusivement des thrillers sous pseudos (simple hypothèse)

    @Manu : pas celui-là en tout cas, enfin d'après moi ;)

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  5. Je ne savais pas qu'elle avait écrit des thrillers. Je note ce titre, si il est bon.

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  6. et dire que je n'ai encore rien lu de cette auteure, ni sous son vrai nom, ni sous son pseudo... Je voudrais qu'on me donne du temps !

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  7. @Stephie : eh oui, sur les blogs, ça ne s'arrête jamais :P

    @Alex : si tu aimes l'"ambiance Oates", tu devrais l'aimer ;)

    @Géraldine : rien que pour les romans de Oates et pseudos, il te faudrait quelques années ^^

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