9 mars 2011

Papillon - Yukio Mishima


"Papillon" se compose de deux nouvelles publiées en 1948 et tirées du recueil "Une matinée d'amour pur" de l'écrivain japonais Yukio Mishima.

"Papillon" évoque l'amour de l'officier Kiyohara pour la jeune Hanako avec laquelle il assista avant la guerre à une représentation de Madame Butterfly. Le souvenir de cet émouvant récital se confond avec la réalité de sa propre vie lorsque bien des années plus tard, il revoit la jeune femme désormais mariée.

Dans "La lionne", Shigeko décide de faire souffrir Hisao, son mari volage avec qui elle a eu un fils, lorsqu'elle apprend son intention de la quitter pour Tsuneko, la fille de son patron.

Mishima a choisi de reprendre à son compte deux célèbres tragédies pour aborder dans ces nouvelles le thème de l'amour passionnel et non-partagé.
" Mais ne rien vouloir croire, ce n'est pas ça, l'amour. Admettre le désintérêt de son mari conduit parfois à douter de son propre amour. En ce monde, croire seulement en l'amour est un doux rêve. Passe encore s'il s'agit d'un amour réciproque, mais si l'un n'est pas aimé par l'autre..." p.71

La première revisite Madame Butterfly de Puccini, l'histoire de Cio-Cio-San (Papillon en japonais), une jeune geisha tombée amoureuse d'un marin de passage du nom de Pinkerton.
Alors que tous deux sont mariés et parents d'un enfant, Pinkerton s'en va pour ne revenir que 3 ans plus tard, marié à une américaine.
Madame Butterfly n'encaisse pas le choc et choisit de se suicider.

"La lionne" s'inspire quant à elle de la tragédie grecque "Médée" d'Euripide. Totalement éprise de Jason qu'elle aidera à obtenir la Toison d'Or, Médée sacrifie tout à son amour et n'hésite pas à trahir les siens.
Mais lorsqu'elle apprend que Jason a jeté son dévolu sur la fille du roi Créon, elle décide de se venger de la pire des manières.

Les personnages en souffrance occupent le devant de la scène. Entièrement dominés et guidés par la violence de leurs sentiments, ils trouvent refuge dans la nostalgie ou, au contraire, dans la cruauté, non par fatalité mais par choix.
Fidèle à lui-même, Mishima dresse ici une vision désenchantée du genre humain dans le Japon d'après-guerre.
" Elle était belle sans aucun doute. Mais c'était la beauté d'une femme dont la confiance en son apparence avait été anéantie par un homme, une beauté insaisissable, une beauté à laquelle plus rien ne s'appliquait. Les cernes noirs de ses yeux clamaient assez nettement sa terrible souffrance. Shigeko avait fini par avoir l'habitude déplaisante de voir les gens comme à travers des paupières mi-closes." p.65

Mon avis sur ce recueil est mitigé, comme c'était le cas pour "Dojoji et autres nouvelles". "Papillon" est assurément plus originale que "La lionne" mais j'ai eu un peu de mal à différencier les époques et à distinguer la cantatrice d'Hanako dans l'histoire. Même si en la relisant une seconde fois, j'ai compris que cette impression de flou était voulue, j'ai trouvé dommage que le sens de l'histoire ne me soit pas apparu directement.
"La lionne" est une nouvelle assez terrifiante mais dont l'issue se révèle sans surprises tant le profil de Shigeko multiplie les indices quant aux événements à venir.

Je me rends compte que la littérature japonaise me renvoie toujours à ce même sentiment d'inaccessibilité. Les romans et nouvelles que j'ai lus jusqu'à présent m'ont tous à la fois intrigué et perturbé, sans que je n'arrive jamais vraiment à me l'expliquer.
Je crois que ce qui me dérange notamment dans la littérature japonaise (et la littérature asiatique en général) est cette éternelle mise en scène de la mort.
Tout semble calculé, ritualisé. Les suicides exigent une préparation au préalable, les meurtres sont prémédités.
Les personnages qui peuplent cette littérature sont souvent torturés par une lourde souffrance mais parviennent pourtant à agir de sang-froid, n'outrepassant jamais les limites de la dignité, si bien que j'ai souvent l'impression d'un manque de naturel, de spontanéité.
En termes de communication, cela se traduit par une absence totale d'épanchement, un goût prononcé pour le secret, le repli sur soi, la fermeture à l'autre, les actes symboliques prévalant bien souvent sur les mots.

Cela étant dit, je ne renonce pas aux romans japonais pour autant. Je continuerai à en lire avec curiosité car, malgré mes réserves, j'aime la confrontation culturelle et les réflexions que suscitent en moi mes lectures de "touriste" :)

12 commentaires:

  1. La reprise de mythes occidentaux par un asiatique ?? Il n'en faut pas plus pour m'allécher !!!

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  2. Oh, je note, c'est tout à fait pour moi ça !

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  3. en même temps, Mishima était allé très très loin dans le glauque avec Patriotisme, en décrivant avec force détails le seppuku,je ne pense pas que ça puisse être pire... mais c'est vrai que du coup, je méfie un peu de cet auteur :/

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  4. C'est surtout Mishima qui est particulier je pense. Peut-être finiras-tu par trouver ton coup de coeur japonais.:) Moi j'adore la littérature japonaise. J'aime ce sentiment d'étrangeté qui ne m'empêche cependant pas de m'identifier parfois.

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  5. Pas attirée ...c'est grave, docteur ?

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  6. Je pense aussi que tu as choisi le japonais le plus particulier. J'avais lu "Le pavillon d'or" de cet auteur et j'avais trouvé ça très beau mais trop hermétique et glauque !

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  7. @Lili Galipette : oui, cet ouvrage a eu au moins le mérite de me les remettre en mémoire ;)

    @@Irrégulière : dans ce cas bonne lecture !

    @Purple Velvet : oui mais il fait quand même très fort dans "La lionne"...

    @A girl from earth : c'est vrai que Mishima est spécial, sans doute plus que les autres auteurs japonais que j'ai découvert jusqu'à présent...

    @Clara : non je ne pense pas ^^

    @Manu : il est difficile d'accès c'est certain ! Pas sûre de tenter "Le pavillon d'or"...

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  8. Je partage ton avis sur les romans japonais, c'est sans doute pour ca que je n'en ai pas lu depuis plusieurs annees (meme si j'ai un Kawabata - Les belles endormies - dans ma LAL).

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  9. kikoo !
    Ce livre me tente vraiment :) Un livre de cet auteur que j'avais adoré le premier que j'ai lu d'ailleurs (pour le moment j'en ai lu que deux mais j'ai bien l'intention d'en lire d'autre !) C'est "une soif d'amour", je le trouve juste magnifique. C'est sur le fil du rasoir, c'est vraiment jolie, enfin je trouve. Si jamais un jour tu le croises n'hésite pas. Tu as essayé sinon Kawabata ? Peut être que tu aimeras ? Enfin moi je trouve ça plus bof, mais certain aime beaucoup.
    Bonne lecture et bon dimanche.
    Florel

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  10. je viens de le finir aussi et je n'ai pas du tout accroché alors que j'aime tout ce qui touche au Japon.

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  11. Ton billet ne m'encourage pas vraiment à dépoussierer ma PAL... Ce livre y est depuis deux ans, et je comptais justement sur ton challenge pour le lire.... A suivre !

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  12. Et bien, tu as su pointer du doigt ce qui fait partie de l'essence japonaise : la tendance au secret et aux bonnes manières, la difficulté de communication, et du coup le manque de naturel et les relations très codifiées. ça fait partie de leur héritage culturel, à des milliers lumière de la notre !

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