
"Neige" est le premier roman de l'écrivain français Maxence Fermine, paru en 1999.
L'auteur nous emmène dans le Japon du 19ème siècle, à la rencontre de Yuko Akita, un jeune homme de 17 ans qui décide, contre la volonté de son père prêtre, de préférer la poésie à l'armée ou à la religion.
Deux mots gouvernent alors le quotidien de Yuko : haikus (courts poèmes de 3 vers et de 17 syllabes) et neige.
Au printemps, alors que Yuko achève son 77ème haiku consacré à la neige, le poète officiel de la cour lui rend visite et découvre avec émerveillement les écrits de Yoko.
Seule ombre au tableau : ses poèmes manquent de couleur.
Yoko reste inflexible. Fermement décidé à faire lire à l'empereur 10 000 syllabes exclusivement dédiées à la neige, le jeune homme se donne 7 ans avant de franchir le seuil du palais impérial.
Le poète de la cour revient au printemps suivant et réussit à le convaincre de rendre visite à Soseki, celui qui fut son maître et sera celui de Yoko...
A son contact, Yoko prend conscience que ce vieillard aveugle a beaucoup plus de choses à lui apprendre qu'il ne le croyait et que lui aussi a un jour aimé une femme. Une funambule prénommée... Neige.
Un roman de circonstance vu les conditions climatiques actuelles... Moi qui d'ordinaire ai toujours aimé la neige et sa façon si singulière d'embellir les paysages même les plus sinistres, j'avoue avoir passé toute la semaine à pester contre cette même mélasse, cause de pieds paralysés, de robi-nez et de pètage de tronche à répétition (répétition signifiant bien entendu ici "plusieurs fois", je n'ai pas l'ambition de figurer dans le prochain "Holiday on ice" ni même dans le bêtisier de "Videogag" d'ailleurs...).
Bref. C'est donc confortablement assise contre le radiateur, loin de tout danger, que j'ai découvert avec plaisir ce court roman de Maxence Fermine.
Si vous n'aimez pas la neige ( je veux dire même au chaud chez vous), passez directement votre chemin car ce récit est bel et bien une ode à la poudreuse (évidemment, l'auteur s'abstient de mentionner les aspects décrits par ma catastrophique personne...).
Il est également question d'une belle histoire d'amour ou plutôt de deux histoires d'amour croisées mais je n'en dirai pas plus pour ne pas gâcher votre bon plaisir.
Mais plus que cela, "Neige"est également un petit conte philosophique qui invite le lecteur à prendre son temps, à se regarder vivre, à contempler la nature et ce qu'elle a à lui offrir, à réfléchir à l'art qui ne se trouve pas seulement dans les musées mais tout autour de lui ou mieux, en lui.
J'y ai trouvé un magnifique passage sur l'écriture :
" En vérité, le poète, le vrai poète, possède l'art du funambule. Ecrire, c'est avancer mot à mot sur un fil de beauté, le fil d'un poème, d'une oeuvre, d'une histoire couchée sur un papier de soie.
Ecrire, c'est avancer pas à pas, page après page, sur le chemin du livre.
Le plus difficile, ce n'est pas de s'élever du sol et de tenir en équilibre, aidé du balancier de sa plume, sur le fil du langage. Ce n'est pas non plus d'aller tout droit, en une ligne continue parfois entrecoupée de vertiges aussi furtifs que la chute d'une virgule, ou que l'obstacle d'un point.
Non, le plus difficile, pour le poète, c'est de rester continuellement sur ce fil qu'est l'écriture, de vivre chaque heure de sa vie à hauteur du rêve, de ne jamais redescendre, ne serait-ce qu'un instant, de la corde de son imaginaire.
En vérité, le plus difficile, c'est de devenir un funambule du verbe." p.80
A l'image des haikus dont il est question dans tout le roman, l'auteur nous offre ici un court roman aux phrases concises et aux chapitres espacés, une tentative de saisir cette neige si éphémère et l'occasion de laisser au lecteur le temps de la réflexion tandis que la magie opère.
J'ai retrouvé dans "Neige" cette même poésie qui m'avait tant plue dans "Soie" d'Alessandro Baricco.
Si vous n'avez encore lu ni l'un ni l'autre, n'attendez plus! Voilà deux lectures assurément magnifiques!
Un autre avis : Gio