8 avril 2010

Fourrure - Adélaïde de Clermont-Tonnerre


"Fourrure" est le premier roman de la française Adélaïde de Clermont-Tonnerre.
Le récit s'ouvre sur le décès de Zita Chalitzine, romancière à la vie décousue récemment accusée par la presse de supercherie littéraire.
Alors qu'elle n'avait plus remis les pieds chez sa mère depuis 12 ans, sa fille Ondine découvre un manuscrit dans l'appartement parisien. Trop remontée contre cette femme qui n'a jamais joué son rôle de mère, Ondine perd pied et confie ce roman qui pourtant lui était destiné à son jeune beau-père.
Pierre, qui avait épousé Zita la veille de son décès, s'attelle à la lecture de ce dernier roman qui relate sans ambages des pans entiers, et jusque là insoupçonnés, de la vie de son épouse.
Quelqu'un connaissait-il réellement Zita Chalitizine?

Les romans évoquant les vies d'écrivains aussi fictives soient-elles ont toujours éveillé mon attention. Pourquoi? Car ces personnages particuliers sont souvent présentés comme des êtres mystérieux, torturés, marginaux, légèrement ou foncièrement autistes et parce que leur nature même laisse croire à des intrigues à rebondissements.
Voici un roman qui nous plonge d'entrée de jeu dans la vie de Zita. Pas de chichis (j'ai l'impression que c'est souvent le cas dans les premiers romans). Le roman débute de façon très factuelle : la découverte du corps sans vie de la romancière fait scandale alors même que la paternité de ses oeuvres se voyait contestée par la presse quelques jours plus tôt.
Un décès à l'origine de sentiments contrastés. Oscillant entre indifférence et colère qu'elle exprime dans une langue assez brute de décoffrage, Ondine semble déterminée à rayer définitivement sa génitrice de ses préoccupations contrairement à Pierre, que la nouvelle a dévasté et dont la tendresse à l'égard de la romancière, de 20 ans son aînée, est distillée à toutes les pages.
J'ai beaucoup aimé ce passage qui fait la part belle à la femme mûre.

" Pierre avait aimé leur différence d'âge. Les vingt ans qui les séparaient la rendaient moins forte, plus accessible. Lorsqu'il tenait Zita contre lui, en pleine lumière, les marques que le temps avait laissées sur son visage l'émouvaient, comme les cicatrices d'une guerrière.
Sa vie se lisait sur sa peau et il la trouvait belle. Les hommes qui prétendent aimer la jeunesse ne font que s'aimer eux-mêmes, songea-t-il. Lui n'éprouvait pas le besoin de projeter l'encre de ses fantasmes sur la page blanche de femmes en devenir. Un être malléable ne lui inspirait pas de désir : c'était conquérir du vide. Il préférait les femmes que la vie avait polies et marquées, celles dont on touche, comme sur un livre en braille, les humiliations et les plaisirs au coin de la bouche et des yeux. Il aimait qu'avec un corps il y ait une âme un peu lasse et fourbue qui vienne se lover contre lui. Il l'aimait elle, Zita. Avec son passé, ses blessures, ses lâchetés et ses effrois. " p.28
La mise à disposition d'"En mémoire de moi", autobiographie de Zita et véritable roman dans le roman, sera l'occasion pour la romancière de dévoiler à sa fille l'identité de son père mais également d'évoquer non sans franc-parler son enfance, sa jeunesse écoulée trop vite auprès de Madame Claude, ses petits bonheurs, ses furieuses envies de liberté, ses déceptions, ses coups de gueule envers la haute parisienne des années 70 et ses rencontres avec des écrivains, notamment avec Romain Kiev à qui l'on prétend qu'elle aurait servi de prête-plume.

" Pourquoi les hommes aiment-ils les garces dans mon genre? Parce qu'elles les soulagent. Avec les femmes bien, ils sont débiteurs. Rien de plus annihilant que cette prison de l'amour et de la perfection dont elles ligotent leurs maris et leurs amants. Elles les écrasent de culpabilité, dissolvent leur confiance, sapent leur virilité. Auprès de ces mantes religieuses sapées de sainteté, ils n'ont pas d'excuses. Pas le droit d'être ratés, fragiles ou infidèles.
Avec une femme comme moi, ils sont libres. Libres d'être aussi salauds que je le suis. Libres d'être eux-mêmes, avides et conquérants, sans loyauté et sans fardeau. Pourquoi croyez-vous qu'ils continuent à tomber dans mes filets? Parce que je n'en ai pas. " p.483

Le récit alterne entre les chapitres du roman de Zita et les découvertes d'Ondine et de Pierre. J'ai apprécié la façon de Zita de s'exprimer sans détours sur des sujets houleux, un peu moins ses descriptions parfois tirées en longueur de la bourgeoisie parisienne et de son hypocrisie sociale (ce milieu ne m'attire décidément pas).
Les personnages sont bien marqués, le décor est (on ne peut plus) planté, le récit se veut accrocheur et servi par une écriture vive et étonnamment sensible.

Pas un coup de coeur pour moi mais une auteure que je n'hésiterai pas à relire.

Une interview de l'auteure ici

D'autres avis : Evertkhorus - Soukee - Will - Constance93 - Sophie - Marine


Un grand MERCI à et aux éditions de m'avoir offert ce livre !

12 commentaires:

  1. Merci Cynthia, quelle pêche ! tu vas plus vite à les lire que moi à mettre à jour, merci aussi de nous faire partager tes lectures de premier roman, celui ci me semble intéressant, j'aime bien l'écriture qui semble poétique et douce. A noter donc ..;
    passe une bonne journée,
    Pascale

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  2. Je ferais comme toi, j'attendrais un prochain livre de cette auteure.

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  3. Un livre que je n'aurais pas même eu l'idée de regarder... c'est bien, ça ouvre l'esprit et je le note dans un coin de ma tête. Mais je file, là, j'ai mon repassage qui m'attend ;-))

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  4. pourquoi pas... je ne suis pas totalement convaincue !

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  5. L'histoire m'intéresse mais le titre me fait fuir ;-)

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  6. Moi j'attendrais le poche.C'est peut etre bete mais le titre et le nom de l'auteur me font mauvaise impression

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  7. Je ne suis pas très attirée par l'histoire, j'attendrai qu'elle en écrive un autre !

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  8. Personnellement, je suis un peu comme Pissenlit, mauvaise impression du titre et du nom de la romancière ... Vague sentiment de malaise et pas convaincue par le sujet du roman !

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  9. J'avais passé un bon moment, le lisant d'une traite un soir d'insomnie...
    Une plume que j'ai appréciée et que je relirai avec plaisir aussi !

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  10. J'aurais passé mon chemin face à ce livre mais là tu me fais changer d'avis. Je passe au "pourquoi pas ?".
    Au fait, j'ai changé de blog, ma nouvelle adresse : http://legrandnullepart.wordpress.com/.

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  11. Tu en parles bien, les extraits sont chouettes mais finalement je ne suis pas tentée. C'est comme ça !

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  12. @Pascale : la poésie se laisse deviner plus qu'elle ne s'entend mais c'est un constat agréable ;)

    @Clara : je serais curieuse de savoir sur quoi portera son prochain roman

    @Liliba : bon repassage ^^

    @Anneso : si c'est à cause du milieu évoqué, je te comprends parfaitement ;)

    @Manu : oui et pourtant ce titre a bien du sens !

    @Pissenlit : je comprends, pas sûr que je me serais arrêtée sur la couverture...

    @Aifelle : autant pour elle alors ;)

    @Nanne : disons que l'auteure joue avec l'histoire de beaucoup de gens.
    Peut-être que si je connaissais mieux les écrivains évoqués, je porterais un regard différent sur ce livre...

    @Soukee : dans ce cas nous serons deux !

    @Restling : ai vu m'dame, je t'ai laissé un com' ^^

    @Choco : ah ben vi, les goûts et les couleurs, ça ne se discute presque pas ;)

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