12 avril 2010

L'élégance des veuves - Alice Ferney


"L'élégance des veuves" est le second opus de la romancière française Alice Ferney, également auteure de "Grâce et Dénuement", "La Conversation amoureuse" ou encore de "Paradis conjugal".
Ce roman s'attache à nous faire partager l'existence de plusieurs femmes aux destins croisés.
Dévastée par la mort de son mari, Valentine se replie dans son chagrin. Seuls les rires de ses enfants lui permettent d'échapper quelque peu au deuil. Mais certains d'entre eux viennent à quitter le monde à leur tour. Que faire? Continuer à vivre malgré tout. Si peu pour soi, tant pour les autres. Ses enfants. Ceux qui sont encore là, bien vivants, et qui ont besoin d'une mère.
Parmi eux, son fils Henri et son épouse Mathilde qui à son tour enfantera, malheureusement trop.
Son amie Gabrielle partagera avec elle les joies de la grossesse et verra quelques-uns de ses enfants et son mari perdre la vie sous ses yeux.
Et ainsi va la vie. Avec son lot de fatalité, de drames et d'existences achevées trop tôt.

Difficile je pense de rentrer de plein pied dans ce récit si l'on est ni épouse ni mère.
Il semble y avoir si peu de place pour l'amour parmi les couples qui occupent ce récit. Les hommes épousent des femmes parce qu'il leur faut bien des corps à engrosser, relégués à de simples géniteurs, spectateurs de leur vie de famille plutôt qu'acteurs.

" Il avait dit : Gabrielle, je ne veux pas dire encore que je vous aime, mais j'ai la résolution et l'ardeur pour le faire, c'est la seule chose qui compte.
Vous non plus d'ailleurs n'en êtes pas vraiment à l'amour. Car maintenant nous ne sommes que des étrangers l'un à l'autre. Nous apprendrons. Ce n'est pas un paradoxe vous savez. L'amour n'est jamais donné, et si l'on croit cela, il faut s'en détromper.
Car lorsque par un heureux hasard il l'est, ce n'est jamais que pendant quelques jours.
Quelques jours partagés, quelques contraintes, quelques gênes, qui suffisent à le reprendre pour peu que la volonté ne s'en mêle pas.
(...) J'aime ce grand front pâle que vous avez, et votre visage qui ne sourit pas beaucoup (il avait rougi en baissant les yeux). Il me semble déjà les voir se pencher sur moi quand je serais mourant. C'est à quoi je pense quand je pense à vous. " p.53

Ils ne connaissent leurs enfants qu'à travers ce que leur en disent leurs épouses, le soir à l'heure du repas. Pas le temps d'apprécier les joies de la naissance qu'un autre enfant est déjà mis en route.
Les femmes semblent s'accommoder de l'égoïsme de leurs époux. A vrai dire, elle n'ont pas beaucoup le temps d'y penser, trop occupées à assumer ce rôle de mère qui définit à lui seul leur existence de femmes.

" En une année, celle de ses vingt ans, elle fut fiancée officiellement, mariée religieusement, installée bourgeoisement, ardemment fécondée et douloureusement accouchée : la vie de Valentine commençait à être ce qu'elle devait être." p.12

Puis leurs conjoints disparaissent comme ils sont venus, les renvoyant à leur solitude.
Mariées, elles ont fait le deuil de leur jeunesse et de leur vie de femme. Veuves, elles ont perdu leur figure d'autorité et avec elle le pouvoir d'enfanter. Il ne leur reste plus que leurs enfants et leurs amies. Entre elles, elles se serrent les coudes et affrontent ensemble les caprices de la vie.
Et les enfants dans tout ça? Mathilde et Gabrielle en comptent 16 à elles deux. Le lecteur a tôt fait de se perdre entre tous ces prénoms et ces profils à peine esquissés.
On les devine impuissants face au désir de maternité obsessionnel de leurs parents et témoins de leurs échecs et on ne peut s'empêcher de penser que ce sont eux qui font le plus preuve d'élégance.

J'avoue avoir eu du mal à ne pas juger ces hommes et ces femmes qui font fi des conséquences de leurs actes, se laissant aller à leurs pulsions au détriment de leurs enfants.
Ce n'est pas tout de procréer, il faut pouvoir prendre la suite.
Néanmoins je dois reconnaître que ce court roman a su me faire traverser le cycle de la vie de ces personnages. Même si je n'ai pas approuvé leur façon de vivre, j'ai partagé leurs peines et leurs angoisses.
L'auteure a réussi à m'émouvoir, tant son récit fait la part belle aux sentiments plutôt qu'aux faits qui s'enchaînent très rapidement.

Un court roman sur la fatalité, le cycle de la vie, le renoncement, l'enfantement.
Je le recommande à toutes les femmes en ajoutant qu'il leur faudra choisir le bon moment pour en mesurer toute la force.



D'autres avis : Laure - La Librivore - Mango - Lou

15 commentaires:

  1. Je ne me souviens plus de l'histoire elle-même mais je sais que l'élégance de l'écriture m'avait beaucoup impressionnée ainsi que la dignité de ces femmes qui enfantent et qui enterrent au fil des générations dans la résignation plus que dans la révolte.

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  2. j'ai "paradis conjugal" dans ma PAL - je crois que manu avait aussi beaucoup apprécié ce livre-ci

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  3. Malgré tout, j'ai envie de le lire car le sujet m'intéresse.

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  4. J'ai un problème avec Alice Ferney. Je trouve que ces idées de départ sont souvent très bonnes, et puis le traitement qu'elle en fait me déçoit toujours. J'ai "Paradis conjugal" et "Les Autres", je la trouve trop bavarde, trop répétitive, mais peut-être que ce court roman me permettra d'avoir une autre opinion, même si déjà, d'après ce que tu en dis, les 16 enfants me paraissent excessif... ne pouvait-elle pas dire la même chose avec plus de mesure ? à voir donc !

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  5. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  6. Je suis du même avis que George. J'avais pourtant persisté avec "Les autres" après avoir abandonné "Conversation amoureuse" quelques années auparavant. Pas pour moi sans doute.

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  7. C'est dingue, le côté dérangeant du roman est quand même ce que tu envoies d'abord en pleine face, et en même temps, les 4 dernière lignes rasent tout et me donnent envie de me plonger dedans sur-le-champ.
    J'ai Grâce et dénuement dans ma PAL, je verrai comment j'accroche avec celui-là dans un premier temps ;)

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  8. Ton article est très bien écrit et me donne envie de découvrir ce livre dont je ne connaissais pas l'existence!

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  9. De cet auteur j'ai Les autres et la conversation amoureuse dans ma Pal et je ne suis pas tentée. Par contre j'avais adoré celui qui parlait de la guerre... je ne me rappelle plus du nom ;-)

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  10. J'adore l'écriture de Ferney ! Je ne connaissais pas ce livre, je le note. En plus, les thèmes me parlent. Merci.

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  11. Oh ça a l'air triste... Le bon moment pour moi n'est pas pour l'instant.

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  12. @Mango : Dignité certes, mais ce sont aussi des femmes qui s'effacent dès qu'elles ont la bague au doigt et qui ne connaissent le bonheur que lorsqu'elles ont le ventre plein...
    Mais je suis d'accord en ce qui concerne la qualité de plume.
    C'est plutôt le sujet qui m'a laissé une impression de détachement.

    @Niki : je ne sais pas du tout. Manuuuuu? ^^

    @Clara : Je crois en effet qu'il pourrait bien te plaire !

    @George : les répétitions s'expriment ici par le fait que l'auteure traite de cycles et de fatalité. Mais je conçois fort bien que ce type de narration n'emporte pas l'adhésion !

    @Cécile : je retenterai le coup mais je ne sais pas encore avec quel titre...

    @Reka : oui je suis un paradoxe ^^
    Cela dit, il m'est déjà souvent arrivé de séparer le sujet d'un roman du style de l'auteur.
    Ce roman fait réagir en tout cas !

    @Pimprenelle : C'est le titre qui m'avait accrochée ! Et puis j'étais curieuse de découvrir des sensations qui m'étaient étrangères

    @Emilie : il y a beaucoup de gens qui parlent de la guerre...J'irai me renseigner ;)

    @Leiloona : Je serais curieuse de connaitre l'avis d'une jeune maman ! Je ne manquerai pas ton billet ;)

    @Restling : c'est sûr qu'on en pleure pas de rire...

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  13. Je suis lààààààààààààà ;-)
    Non, je n'ai pas lu celui-ci. Et je ne le ferai pas. Le sujet me fait horreur ! Par contre, j'ai lu "Les autres" que j'ai bien aimé et "Paradis conjugal" au sujet duquel je suis plus mitigée.

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  14. J'ai vraiment adoré ce court roman, et pas une seconde je n'ai eu l'envie de poser un jugement sur ces femmes qui traversent leur histoire. Pour moi, le meileur de Ferney reste cependant Grâce et dénuement. Et les moins bons La conversation amoureuse et Paradis conjugal que je n'ai même pas eu envie de lire (suite à la critique acerbe de ma maman!), quant au roman Les autres, il est vraiment différent de ce qu'Alice Ferney a coutume d'écrire (donc mieux vaut commencer par Grâce et dénuement, oui je me répète mais un roman qui place la lecture au centre de la vie ne peut que parler aux lectrices que nous sommes)

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  15. Un livre que j'avais beaucoup aimé, mais ce que tu dis est très vrai, peut-être difficile à comprendre si on n'est pas mère, et puis surtout difficile de ne pas juger !

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