26 juillet 2010

Dans ma peau - Guillaume de Fonclare


"Dans ma peau" est un récit autobiographique de l'écrivain français Guillaume de Fonclare, publié cette année.
Guillaume de Fonclare est depuis quelques années le directeur de l'Historial de la Grande Guerre à Péronne mais, ainsi que nous le découvrons dans ce témoignage, il est aussi un homme atteint d'une maladie auto-immune d'origine et d'identité inconnues qui ne cesse de gagner du terrain.
L'auteur met ainsi en parallèle, sans toutefois verser dans la comparaison, sa douleur à la souffrance de ces milliers de soldats morts sur le champ de bataille mais surtout à celle de ces vétérans porteurs de séquelles invisibles...

Ce récit se présente tel un cheminement intérieur, nourri à la fois des connaissances historiques et du ressenti de l'auteur quant aux souffrances engendrées par la Grande Guerre et de ses réflexions sur cette maladie auto-immune inconnue des médecins.
Une "torture égocentrique", une "intime cruauté dont je suis à la fois l'initiateur et l'objet".
Guillaume de Fonclare possède les mots justes pour expliquer l'inexplicable et décrire cette catégorie de maladie qui implique pour le malade de voir son système immunitaire se retourner contre lui et mettre un terme à cette communion entre corps et esprit, contraints à se livrer une bataille quotidienne.

" L'esprit tente de dominer le corps, même si le corps promet de prendre sa revanche.
Cette bataille imbécile mène aux portes de la folie; soi-même se parcellise, devient deux, trois, puis quatre; l'esprit, le corps, les mains, l'intestin, le diaphragme; on a peur, on geint, on tâtonne, on suinte, on respire mal.
Il faut rassembler toutes ses parties éparses, en acceptant que la souffrance prenne toutes les formes et qu'elle est soi comme le sont la faim, l'envie, l'odorat et le toucher, la peur et l'angoisse.

Apprendre que l'on est aussi dans ce que l'on ne connaît pas de soi-même, et que cette part intime et inconnue saura se faire entendre sans que l'on comprenne les motivations de cette intervention plaintive.
Je dois résister à toutes les offensives que lance mon corps contre lui-même, combat harassant dont nulle part ne sort vainqueur. "Je me grignote", pour parodier Joffre. Oui, je me grignote; et c'est moi contre moi. Je suis un champ de batailles, de batailles perdues." p.58

Sans jamais adopter le ton de la plainte et par le biais d'un vocabulaire largement emprunté au registre militaire, l'auteur nous explique son parcours du combattant : la perte progressive d'autonomie, le lourd passage à la Sécu et au statut d'invalide, le corps devenu vieux avant l'âge, la fatigue croissante, les angoisses face aux lendemains incertains, le spectre de la mort et l'effort de vivre malgré tout.
Dans cet Historial dédié avant tout à l'homme, Guillaume de Fonclare a su trouver un refuge qui lui a permis d'accepter sa douleur au nom d'une dignité qu'il tient à conserver.

" C'est le musée qui m'a sauvé, sauvé de la dépression, du désespoir, c'est le musée qui a allumé en moi cette petite flamme que, désormais, j'aurai tout le temps de faire grandir.
Au travers de la souffrance de cette multitude, c'est ma souffrance que j'ai appris à respecter et à accepter. Il n'y a pas de leçon de morale dans ce constat; je n'ai pas fait taire mes douleurs parce que j'en ai rencontré de plus grandes. Non, ma douleur est là, elle n'a pas faibli; il n'y a pas de souffrance plus grande que d'autres. Le musée m'a appris la décence, le courage, l'humilité, le pardon et l'espoir.
C'est ici que j'ai construit ce qui me fera demain, c'est ici que j'ai appris à être un homme, pleinement un homme et seulement un homme." p.116

En ce lieu qui a vu périr 2 hommes au mètre carré (soit plus d'un million de personnes selon estimation), l'auteur mesure sa chance de pouvoir vivre en liberté et parler de ce que ces soldats rescapés, ces hommes d'un autre temps, ne se seraient jamais autorisés à évoquer, les cauchemars et douleurs invisibles laissées par la guerre.
Si l'auteur aborde énormément la mort, il salue également la prévenance des vivants, de ses proches en leur délivrant un message d'amour que l'on sent à la fois sincère et investi d'une certaine pudeur.
J'y ai ressenti l'amour d'un père, d'un mari mais j'y ai vu aussi une démarche d'historien, soucieux de laisser une trace après sa mort.

Bien que ces deux aspects soient intimement liés, je dois bien avouer avoir été beaucoup plus sensible aux considérations de l'auteur quant à son expérience de la maladie qu'aux diverses allusions à la Grande Guerre qui accompagnent son récit.
Et ce n'est pourtant pas faute de dresser des ponts entre les deux sujets. Peut-être n'ai-je pas une connaissance suffisante de l'Histoire que pour pouvoir mesurer et apprécier ce témoignage historique à sa juste valeur.
J'ai donc avant tout été bouleversée par l'histoire d'un homme capable d'évoquer la noirceur de la maladie en tant que prélude à la mort tout en investissant son récit d'un hymne à la vie, ou du moins à la survie...

Et si mon billet ne vous a pas convaincu de découvrir ce livre, j'espère que cette interview de l'auteur y parviendra.




Merci infiniment à Clara pour ce prêt !

D'autres avis : Clara - Aifelle - Yv

15 commentaires:

  1. que dire... tout y est tellement juste..
    Un livre où j'ai trouvé ma propre histoire.

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  2. Ce récit a l'air très beau, mais tellement dur ! Je me déciderai peut-être à le lire à la rentrée...

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  3. Je suis heureuse de voir que ce livre poursuit son chemin. Tu as fait un très beau billet. Merci pour la vidéo, je ne la connaissais pas.

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  4. Il me semble l'avoir vu aussi à la télévision et j'avais été très touchée par ce qu'il disait. Je vais essayer de le lire mais je sais déjà que comme toi c'est surtout
    l'aspect actuel de sa maladie qui m'intéressera le plus!

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  5. Ca a l'air superbement écrit, mais tant de dureté ne me tente pas d'approcher ce livre en ce moment...
    Malgré tout, je le note. Peut-être serai-je tentée de me plonger dans ce travail tragique d'ici quelques mois...

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  6. Comme toi, j'ai plus été touchée quand il évoquait sa propre histoire.

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  7. Il m'est totalement impossible pour le moment de lire des témoignages sur ce genre de maladies.

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  8. Voilà un livre au sujet très difficile... il me faudra être en condition pour le lire je crois.

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  9. @Clara : je te comprends !

    @Marie : sujet pas évident à aborder, c'est certain...

    @Aifelle : et j'ai été ravie de le découvrir !

    @Mango : j'ai toujours un peu de mal avec les récits qui traitent de la guerre,ça me paraît si loin alors que ça ne l'est pas tant que ça finalement.

    @Reka : l'écriture est soignée en effet mais vu le sujet, je comprends qu'on puisse être réticent.

    @Isa : oui, je crois que c'est souvent le cas

    @Manu : Chaque chose en son temps miss ;)

    @Pickwick : en effet ;)

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  10. Malgré une écriture qui pourrait me tenter, je ne le note pas pour le moment ...

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  11. @Leiloona : je conçois que ce sujet particulier puisse ne pas faire l'unanimité ;)

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  12. Comme tu en parles bien! J'ai très envie de découvrir ce livre du coup!

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  13. @Pimprenelle : si j'ai pu te donner envie de le lire, tu m'en vois ravie !

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  14. Très certainement passionnant, mais bien sérieux pour l'été !

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  15. @Liliba : c'est de moins en moins l'été par ici ;)

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