"Petits crimes conjugaux" est une pièce de théâtre parue en 2003 et signée Eric-Emmanuel Schmitt, dramaturge, nouvelliste et écrivain franco-belge à qui l'on doit notamment des titres tels que "Oscar et la dame rose", "La part de l'autre", "L'enfant de Noé" ou encore "Ulysse from Bagdad".
Gilles et Lisa forment un couple depuis 15 ans. Malheureusement, une mauvaise chute dans l' escalier a rendu Gilles amnésique et le voilà à présent de retour chez lui, puisant dans ce qu'il lui reste de souvenirs pour tenter de reconstruire son passé et découvrir l'homme qu'il était encore 15 jours plus tôt. Qui pourrait mieux l'aider dans cette voie que son épouse?
Lu dès sa parution, "Petits crimes conjugaux" m'avait laissé un très bon souvenir que j'avais hâte de mesurer avec le recul de quelques années.
Difficile de donner ses impressions sur une pièce de théâtre sans l'avoir vue et en se cantonnant à l'écrit car il faut bien reconnaître qu'un bon jeu d'acteurs contribue largement à faire vivre (et apprécier) un texte.
Au lieu de se deviner à la moue et aux agissements des comédiens, les expressions et réactions des personnages sont annotées dans le texte, ce qui peut plonger le lecteur dans une certaine passivité ressentie comme dérangeante.
Etant donné que j'ai pour habitude de me représenter les personnages intervenant dans mes lectures, j'ai lu cette pièce comme s'il s'agissait d'une nouvelle.
Comme le disait Louis Jouvet, "une pièce de théâtre est une conversation" et c'est précisément le cas ici où le specta-lecteur partage les répliques échangées entre Gilles et Lisa qui s'entretiennent de ce qu'était leur quotidien avant l'accident de Gilles.
Ainsi Gilles, qui ne conserve aucun souvenir de leur passé commun, se découvre dans les propos de la femme qui partage sa vie depuis 15 ans.
Il apprend qu'il écrit des romans policiers, qu'il peint, qu'il a toujours délaissé les tâches ménagères et qu'il semble avoir des théories sur tout, notamment sur l'amour auquel il a d'ailleurs consacré un livre intitulé "Petits crimes conjugaux".
" Le couple est une maison dont les habitants possèdent la clé. Si on les enferme de l'extérieur, elle devient une prison et eux des prisonniers." p.102
Et croyez-moi, cette mise en abyme ne relève pas du hasard ! De révélation en révélation, le lecteur se retrouve plongé à la manière d'une intrigue policière dans le quotidien de deux fins limiers bien décidés à percer les secrets de l'autre.
L'amour est-il inconditionnel? Connaît-on jamais réellement celui ou celle qui partage notre vie? A travers les propos de Gilles et Lisa, Schmitt aborde avec justesse ce qui fait le sel de toutes les relations amoureuses, la confiance, tout en examinant les différences qui résident entre les hommes et les femmes.
" GILLES. Les hommes sont lâches, ils refusent de voir les problèmes chez eux, ils veulent continuer à croire que tout va bien. Les femmes, elles, ne détournent pas la tête.
LISA. Ecris ça dans ton prochain livre, tu gagneras des lectrices.
GILLES. Les femmes affrontent les problèmes, Lisa, mais elles ont tendance à croire qu'elles sont elles-mêmes le problème, que l'usure du couple tient à l'usure de leur séduction, elles s'estiment responsables, coupables, elles ramènent tout à elles.
LISA. Les hommes pêchent par égoïsme, les femmes par égocentrisme.
GILLES. Un partout. Match nul. " p.113
" La caractéristique des hommes, c'est qu'ils refusent leur destin. Ils préfèrent leur liberté. Mais qu'est-ce que c'est, une liberté qui ne s'engage pas? Une liberté creuse, vide, inconsistante, une liberté qui ne choisit rien, une liberté velléitaire, une liberté préventive. Les hommes fantasment la liberté plus qu'ils ne l'utilisent, ils la gardent précieusement sur une étagère au lieu de l'employer. Là, elle sèche, se racornit et meurt bien avant eux. Car la liberté n'existe que si l'on s'en sert. Les hommes sont silencieusement romanesques : ils vivent quelque chose et se racontent autre chose. Ils doublent leur vie d'une autre vie, secrète, désirée, imaginée, dont ils sont les poètes muets." p.114
Je sais que l'on reproche souvent à l'auteur d'arroser abondamment ses textes de prêchi-prêcha philosophiques et de bons sentiments. Et j'avoue avoir été déçue en ce sens par ses derniers romans.
Mais j'ajouterais que ses pièces sont vraiment à distinguer du reste de son oeuvre et je vous recommande allègrement celle-ci que j'aurais tant voulu voir jouée par Charlotte Rampling et Bernard Giraudeau !
Malheureusement, l'homme nous ayant quittés samedi, je devrai me contenter du dvd ou de la performance d'autres acteurs un jour prochain...
Initialement publiée aux éditions Albin Michel, vous retrouverez également cette pièce dans le tome 3 consacré au théâtre d'Eric-Emmanuel Schmitt et paru au Livre de Poche.
Un autre avis : Anneso
"Petits crimes conjugaux" était une relecture choisie dans le cadre d'un hommage à Eric-Emmanuel Schmitt, proposé par Pimprenelle.
j'ai vu la pièce à bruxelles par des comédiens belges - j'ai bien aimé - mais je suis une grande fan d'E.E.S., j'ai eu le plaisir d'assister à l'une de ses conféences, et on sent qu'il est profondément humain. Personnellement son "prêchi prêcha" ne me dérange nullement
RépondreSupprimerJe t'aime ♡♥
SupprimerVu qu'il n'était pas en poche, j'ai choisi un autre titre..
RépondreSupprimerJe lis trop peu de théâtre, voilà une occasion idéale d'y remédier!
RépondreSupprimerJ'ai lu certaines de ses pièces. Ca m'avait plu mais je ne me souviens même plus lesquelles c'était :-/
RépondreSupprimerC'est vrai que Bernard Giraudeau et Charlotte Rampling devaient former un fameux couple sur scène !
J'ai également lu ce livre y'a peu.... ce n'est pas mon préféré de l'auteur... mais on y retrouve sa plume inimitable !
RépondreSupprimerc'est vrai que voir la pièce joué ça doit être pas mal ! ^^
Je m'étais régalée avec cette pièce riche en rebondissements !
RépondreSupprimerJe suis bien d'accord avec le reproche de "prêchi-prêcha" et "bons sentiments", j'ai un peu de mal avec les derniers ouvrages. J'ai craint ça au début avec "Le Visiteur", et puis non...
D'après le titre, je m'attendais à de l'humour noir ;-).
RépondreSupprimerJe partage tout à fait ton avis en ce qui concerne le théâtre.
Je suis d'accord avec toi, j'ai l'impression que ces pièces sont différentes et moins donneuses de leçons ( même s'il ne peut s'en empêcher complètement ^^)
RépondreSupprimerVos billets sur les pièces d'EE Schmitt me donnent envie d'aller en voir une.
RépondreSupprimerJe n'ai vu que "Le Visiteur" qui m'avait permis de découvrir l'auteur. J'espère lire et voir d'autres de ses pièces !
RépondreSupprimerTu devrais lire/voir Le Libertin
RépondreSupprimerje ne lis que peu de théâtre et ne me tourne pas vers le genre spontanément, mais ce titre m'a souvent été recommandé, et comme j'aime cet auteur, pourquoi pas... :):)
RépondreSupprimerAssez d'accord avec toi. Une pièce de théâtre prend vraiment vie sur scène. D'ailleurs, du même auteur, il y a une bonne dizaine d'année, j'avais vu la pièce "Le libertin", avec le regretté Bernard Giraudeau.
RépondreSupprimer@Niki : Disons que certains thèmes sont devenus récurrents chez Schmitt.
RépondreSupprimerJe l'ai suivi durant plusieurs années et je pense qu'à force "j'ai eu ma dose".
Pour l'instant, je préfère découvrir ses pièces que ses derniers romans ;)
@Clara : il existe en poche mais dans un recueil de plusieurs pièces, précisément le tome 3 paru au Livre de Poche
@Pimprenelle : moi aussi et je pense suivre les conseils donnés ici ;)
@Manu : je vais me renseigner quant à la possible existence du dvd
@Cacahuète : je parlerai certainement d'autres pièces, un jour prochain ^^
@Canel : Schmitt était au départ un homme de théâtre et c'est ainsi que je le préfère !
@Soie : ça aurait pu, effectivement !
@Zorane : oui, sa plume est reconnaissable, même au théâtre
@Valérie : à moi aussi ;)
@Stephie : je note "Le Visiteur"
@Cécile QD9 : et je note aussi "Le libertin" ;)
@Lasardine : je pense qu'elle pourrait te plaire !
@Géraldine : je surligne donc "Le libertin" ;)
Une lecture que j'avais adorée, mais je n'ai malheureusement jamais vu la pièce.
RépondreSupprimerj'ai A-DO-Ré ce livre
RépondreSupprimer@Liliba : moi non plus :/
RépondreSupprimer@Anneso : MOI AUSSI ;)
Bonjour,
RépondreSupprimerSi vous aimez cette pièce ne manquez pas d'aller voir le spectacle "petits crimes conjugaux" à l'Espace Roseau au Festival Off d'Avignon du 8 au 31 juillet 2013 à 20h00 en 2012 le spectacle à afficher complet une semaine à l'avance...Superbe ! Réserver vos place à partir du début juillet ou fin juin 2013...voir plus de détails sur sur le site AF&C ou Espace Roseau Avignon. Une spectatrice