"La solitude des nombres premiers" est le premier roman, paru en 2009, du jeune écrivain italien Paolo Giordano.
Alors que Viola, la peste du lycée, l'oblige à désigner le garçon qui lui plaît le plus, Alice jette son dévolu sur Mattia, un jeune homme surdoué, réservé et maladroit dans son rapport avec les autres auxquels il préfère largement les mathématiques et qui comme elle retourne sa souffrance contre son propre corps.
Cette rencontre signera le début d'une relation à demi-mot entre ces deux adolescents dont les blessures d'enfance peinent à cicatriser au fil du temps.
Acheté dès sa sortie en librairie, ce roman a pourtant du attendre plus d'un an avant de quitter les rangs de ma (scandaleuse) pile à lire. Pour quelle raison? Sans doute parce que ce sujet tristement beau me faisait appréhender cette lecture.
Le roman s'ouvre sur le récit des drames vécus par Alice et Mattia, lesquels, malgré un mal-être pressenti comme antérieur à ces épisodes, sonneront comme le point de départ d'un traumatisme qui les hantera durant toute leur vie.
Alice est anorexique. Victime d'un accident de ski qui lui laissera une jambe boiteuse, elle ne cesse d'imposer à son corps de nouvelles limites.
Mattia ne se remet pas de la disparition de sa soeur jumelle abandonnée dans un parc afin qu'il puisse se rendre seul à un anniversaire et éviter ainsi que cette soeur retardée lui fasse honte une fois encore.
La culpabilité le ronge à ce point qu'il s'auto-mutile et se réfugie dans les chiffres.
" Les années du lycée avaient constitué une blessure ouverte, que Mattia et Alice avaient jugée trop profonde pour qu'elle cicatrise. Ils les avaient traversées en apnée; lui, refusant le monde; elle, se sentant refusée par le monde, et ils s'étaient aperçus que cela ne faisait pas beaucoup de différence. Ils s'étaient construit une amitié bancale et asymétrique, composée de longues absences et de grands silences, un espace vide et propre où ils avaient tout loisir de reprendre haleine quand les murs du lycée se rétrécissaient au point de les étouffer." p.127
A la suite de ces deux premiers chapitres, je m'attendais à une intervention de la part de la famille ou à un suivi chez un psy mais il n'en est rien.
Leurs parents respectifs apparaissent peu loquaces, comme résignés à cette fatalité qui pèse sur la vie de leurs enfants. Constat qui contamine d'ailleurs peu à peu le lecteur.
Au détour de chapitres présentant alternativement les deux héros à travers de grands sauts dans le temps, l'auteur se restreint à ne nous livrer que les moments clés qui jalonnent les existences de ces personnages anesthésiés par leurs souvenirs et incapables de passer outre pour pouvoir se construire une vie.
Alice devient photographe tandis que Mattia quitte l'Italie pour enseigner les mathématiques à l'étranger.
Si Mattia m'a donné l'impression d'un jeune homme mort le jour de la disparition de sa soeur jumelle, le personnage d'Alice m'a semblé plus nuancé et porteur d'un certain espoir.
Sans oublier Mattia, peu réceptif à ses initiatives, ou tenter de remédier à son anorexie, Alice s'offre une chance d'être heureuse tout en sachant au fond d'elle que cette tentative se soldera par un échec.
" Mattia. Voilà. Elle pensait souvent à lui. De nouveau. Il était une des maladies dont elle ne voulait pas vraiment guérir. On peut tomber malade d'un souvenir; elle, elle était tombée malade de cet après-midi-là, dans la voiture, devant le parc, quand elle avait placé son visage devant le sien pour lui ôter de la vue ce lieu d'horreur." p.271
Si les personnages de ce roman ne m'ont pas bouleversée tel que je m'y attendais, c'est sans doute parce que l'auteur, au détour d'une écriture froide qui se veut plus descriptive qu'explicative, n'a pas semblé vouloir les rendre attachants en apitoyant le lecteur sur leur sort.
Au terme de cette lecture, j'ai ressenti en eux une souffrance inaccessible qu'ils semblent seuls à comprendre et à partager, une tension ambigüe à chaque rencontre mais que leur aphasie mutuelle tend à réprimer. Des personnages complexes qui m'ont un peu fait penser à Sophie et Julien, les deux héros de "Jeux d'enfants" (assurément l'un de mes 10 films préférés).
" Car Mattia et elle étaient unis par un fil élastique et invisible, enseveli sous un fatras insignifiant, un fil qui ne pouvait exister qu'entre deux individus de leur espèce, deux individus qui avaient reconnu leur solitude dans celle de l'autre." p.294
Même si mon avis semble peu encourageant, je ne regrette absolument pas cette lecture qui bénéficie selon moi d'une qualité d'écriture incontestable !
"La solitude des nombres premiers" était une lecture commune avec George et Pascale dont je vais de ce pas découvrir les avis !
Plein d'autres avis chez BOB !
A lire ton billet, je retrouve bien ce que j'avais éprouvé à la lecture du roman. Une froideur qui laisse à distance, mais une histoire très attachante tout de même.
RépondreSupprimertiens tu as aussi pensé à le mettre au C1r que je vais mettre à jour dès que possible, c'est pour moi une lecture un peu spéciale, il y a cette tension permanente tout le long du livre, c'est un livre à découvrir bien qu'il ne soit pas une petite merveille, il en vaut le détour; globalement j'ai bien aimé... merci pour cette lecture commune, comme toi ce livre me faisait de l'oeil depuis un bon bout de temps il a fallu cette lecture commune pour m'y plonger, voilà à mon humble avis l'avantage premier de ces lectures entre blogueurs, faire fondre la LAL ou PAL ...
RépondreSupprimerMon avsi est contraire au tien! j'ai aimé ces deux personnages très bien décrits...
RépondreSupprimerJe ne suis décidément pas attirée par ce roman, qui récolte pourtant de bons avis. Enfin, tant mieux, j'ai déjà de quoi faire ;-)
RépondreSupprimerHâte de le découvrir :
RépondreSupprimerJ'avais ressenti la même chose : impossible de s'attacher aux personnages.
RépondreSupprimerPour moi, c'était un coup de cœur. Quand je l'ai lu, je n'avais lu aucun avis dessus et ai donc eu une surprise totale...
RépondreSupprimerVoilà mon avis est enfin publier ! je constate que nous avons le même avis sur ce roman touchant mais quelque peu dérangeant, qui va puiser dans nos propres démons et mal-être, notre propre difficulté à vivre avec nos traumatisme d'enfance ou non !!!!
RépondreSupprimerJ'ai été heureuse de découvrir ce roman en même temps que toi !
Toujours aussi tentée malgré les bémols que tu soulèves, c'est une lecture à laquelle j'ai bien envie de me frotter !
RépondreSupprimerCe livre ne m'attirait pas au départ.
RépondreSupprimerJe l'ai acheté dès sa sortie en poche et pour le moment je n'ai pas lu mais je pense le lire très prochainement. Et si l'écriture est belle, c'est déjà un bon point!
RépondreSupprimerJ'avais beaucoup aimé ce livre et ces personnages à fleur de peau. Par contre, je n'avais pas fait le lien avec le film Jeux d'enfant que j'aime beaucoup aussi.
RépondreSupprimer@Aifelle : exactement !
RépondreSupprimer@Pascale : en ce moment, je suis en plein régime PAL-esque ;)
@Clara : très bien décrits, ils le sont ! Mais très sombres aussi...
@Manu : oui, d'ailleurs il serait temps de penser à d'autres lectures communes ;)
@Graphisme blog : bonne lecture !
@Delphine : oui, il faut dire qu'ils semblent tellement embourbés dans leur situation...
@Gwenaelle : c'est une lecture que je ne regrette pas en tout cas et je reconnais volontiers à l'auteur le talent de savoir installer une ambiance et de s'y tenir
@George : c'est vrai que certains passages m'ont renvoyé à mon propre vécu
@Pickwick : et je t'y encourage malgré mes réserves !
@Lilibook : ah dans ce cas ;)
@Emilie : oui mes réserves ne provenaient nullement du style
@Restling : disons que si j'ai fait un parallèle avec ces personnages c'est parce qu'ils m'ont donné cette même impression d'avoir traversé la vie ensemble en étant trop maladroits et trop absorbés par leur propre vie que pour pouvoir assumer leurs sentiments vis-à-vis de l'autre.
Ton avis te parait peut-être peu encourageant mais pour ma part, il vient enfin de me donner envie de lire ce livre ! Comme quoi ;)
RépondreSupprimer@Choco : Cette écriture froide qui rappelle le style asiatique pourrait te plaire ^^
RépondreSupprimerLes asiatiques ne sont pas froids, t'as vu ça où ?!
RépondreSupprimerIls sont juste très pudiques :D
J'ai beaucoup aimé ce livre! Et j'ai grand plaisir à me le remémorer grâce à ton billet!
RépondreSupprimerToujours pas lu, mais ce livre me tente vraiment.
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