27 février 2010

L'étrange histoire de Benjamin Button suivie d'Un diamant gros comme le Ritz - Francis Scott Fitzgerald


"L'étrange histoire de Benjamin Button" et "Un diamant gros comme le Ritz" sont deux nouvelles signées Francis Scott Fitzgerald, romancier américain auteur du célèbre "Gatsby le Magnifique".

"L'étrange histoire de Benjamin Button" raconte comment un homme traversa le temps dans le sens inverse des aiguilles d'une montre. Né à 70 ans, Benjamin Button grandit et rajeunit au fil des ans. Alors que ses proches vieillissent, Benjamin acquiert sans cesse plus de vigueur et se met en tête d'entrer à l'armée, de faire des études, de rattraper ses jeunes années où il était un vieillard.

Il y a un peu plus d'un an, le cinéma me faisait découvrir "L'étrange histoire de Benjamin Button". Le film se présentait comme l'adaptation d'une nouvelle de Fitzgerald, récit que j'imaginais assez abondant étant donné la longueur du film (2h46...).
Quelle ne fut pas ma déception en découvrant l'oeuvre source. Non seulement la nouvelle ne dépasse pas les 40 pages mais en plus, l'histoire est quand même sacrément différente.
Dans la version de Fitzgerald, pas de maman adoptive noire mais des parents bien présents et peu affectueux avec leur fils dont ils passent le temps à "déguiser" l'âge. Les 10 premières pages ne se consacrent d'ailleurs qu'au qu'en dira-t-on.
Si Benjamin tombe également amoureux, son histoire avec sa femme sera tout de même beaucoup moins tendre dans le livre que dans le film où l'on ressentait vraiment toute l'intensité et la douleur de cet amour vécu à contretemps.
Contrairement au film, la nouvelle nous montre une épouse et un entourage que la différence rend cruels et éloigne. D'ailleurs, si Benjamin rajeunit, c'est de sa faute, il n'avait qu'à pas naître ainsi...

" - Tu te souviens, fit-il un jour à Roscoe, que je t'ai déjà dit plusieurs fois que je voulais m'inscrire en terminale.
- Hé bien vas-y, répliqua sèchement Roscoe.
C'était un sujet qui le fâchait, et il souhaitait éviter de l'aborder.
- Je ne peux pas y aller tout seul, dit Benjamin, désarmé. Il faut que ce soit toi qui m'y emmènes et m'y inscrives.
- Je n'ai pas le temps, déclara Roscoe d'un ton cassant.
Il plissa les yeux et, mal à l'aise, regarda son père. Il ajouta :
- En fait, tu ferais mieux de ne plus penser à ça. Tu ferais bien d'arrêter. Tu f'rais bien - tu f'rais bien...
Il s'arrêta et son visage s'empourpra tandis qu'il cherchait ses mots :
- Tu f'rais bien de virer de bord et de te remettre sur le droit chemin. Cette plaisanterie est allée beaucoup trop loin. Elle ne fait plus rire personne. Ca suffit - tiens-toi tranquille !
Benjamin le regarda, au bord des larmes. " p.49

Bref, à l'origine il y avait une nouvelle à l'allure de conte fantastique et développant un concept original dont s'est inspiré un réalisateur. A partir de là, il a fallu tout inventer ou presque.
Je suis contente d'avoir lu l'oeuvre de départ mais pour une fois, j'ai préféré le film au livre, enfin pour autant qu'il soit possible de comparer les deux car pour qui visionne le film avant d'avoir lu le livre, cette nouvelle semblera bien pauvre.



"Un diamant gros comme le Ritz" raconte les vacances d'été de John Unger, un jeune homme de bonne famille, et les événements découlant de sa rencontre avec Percy Washington, héritier d'une famille richissime possédant un diamant aussi gros que le Ritz et préservé des curieux depuis des générations.
John Unger réalisera ce qu'implique la connaissance d'un tel secret...

Mouais...Tout cela ressemble assez à une histoire de blonds...John Unger est invité par son ami Percy Washington à passer les vacances d'été dans le palace familial.

" Il sentit qu'un côté du lit se soulevait lentement et commença à glisser, non sans crainte, en direction du mur, mais quand il toucha celui-ci, les tentures qui le recouvraient s'entrouvrirent et il descendit de deux mètres sur un plan incliné soyeux, avant de s'enfoncer doucement dans une eau à la température de son corps. Il regarda autour de lui.
L'espèce de passerelle ou de toboggan par lequel il était arrivé s'était replié délicatement. Il avait été propulsé dans une autre chambre et était assis dans une baignoire au ras du sol, n'ayant que la tête qui dépassait. Les murs de la pièce, comme les côtés et le fond de la baignoire elle-même, étaient les parois d'un immense aquarium bleu et, en regardant à travers la surface vitrée sur laquelle il était assis, il voyait des poissons nager parmi des lumières orangées et se glisser avec indifférence sous ses pieds dont ils n'étaient séparés que par l'épaisseur du cristal. " p.73

A plusieurs reprises, il a l'occasion d'apprendre que personne, à part les membres de la famille, ne quitte le domaine vivant. Et pas une fois il ne se demande ce qu'il en sera pour lui. Je l'ai trouvé agaçant à mesure que j'avançais dans ma lecture et j'avais constamment envie de le secouer en lui disant "mais tu ne comprends donc pas ce qui se passe?!?"
Kissmine (oui, hum...), la fille des Washington dont s'est amouraché John, n'est pas mal non plus dans son rôle de mini-bourgeoise écervelée. Au moment où les deux tourtereaux tentent de s'enfuir et alors que John lui avait demandé d'emmener avec elle des diamants en prévision de leur future vie commune, l'idiote se rend compte qu'elle s'est trompée de tiroir dans sa boite à bijoux et a emmené des pierres fantaisie à la place des diamants...Et en plus ça la fait rire...
Je l'aurais tuée!

Deux nouvelles cumulant des éléments invraisemblables mais vraisemblablement trop courtes à mon goût :/
Heureusement que la plume de Fitzgerald se laisse lire. Je compte bien découvrir "Gatsby le magnifique" malgré tout!

D'autres avis : Bouh - Jess - Soukee - Emilie - Karine:) - Lael - Pimprenelle - Praline - Stephie


25 février 2010

Fume et tue - Antoine Laurain


"Fume et tue" est le second roman de l'écrivain français Antoine Laurain, paru en 2008.
Fabrice Valantine a 50 ans. Il est marié à Sidonie, à son boulot mais surtout à la cigarette dont il consomme allègrement 2 paquets par jour.
Pour faire plaisir (ou faire taire c'est selon) à sa femme, il accepte de se rendre chez un hypnotiseur qui le fera renoncer à la cigarette. Et ça marche, enfin...le plaisir de fumer disparaît mais reste néanmoins l'envie... Perturbé par ce "changement de vie", Fabrice se demande comment retrouver ce plaisir qui lui manque tant.
Une nuit, dans le métro, un homme tente de s'en prendre à lui. Fabrice se défend et envoie l'agresseur sous les rails du métro. Pris de panique, il court jusque chez lui et allume une cigarette. Le plaisir de fumer lui revient instantanément mais disparaît à nouveau peu de temps après.
Lui faudra-t-il dès lors éliminer systématiquement une vie pour prendre plaisir à s'en griller une?

Bon sang, je tuerais pour une cigarette! Non pas moi (enfin si parfois, pfiou c'est compliqué...), Fabrice Valantine.
Voilà un homme que l'on sait, dès l'ouverture de ce roman, condamné à la prison.
" Si je devais me pencher sur ma vie, au risque d'en éprouver un certain vertige, je dirais qu'avant les événements qui la bouleversèrent j'étais un homme sans histoires, presque banal.
J'avais une femme, une fille, un métier dans lequel j'étais connu et reconnu et un casier judiciaire aussi vierge qu'une feuille de Canson achetée chez un marchand de couleur. Quelque temps plus tard, on tenta de m'évincer de mon poste, ma femme me quitta, et j'avais quatre meurtres à mon actif. Ce parcours atypique, s'il me fallait le résumer en une formule accessible au plus grand nombre, je dirais que tout cela est "une histoire de cigarettes." p.11

Le décor est planté et passé ces premières phrases (extrait que j'aurais d'ailleurs bien imaginé en quatrième de couverture), corrigez-moi si je me trompe, on a forcément envie d'en savoir plus !
Le récit narré à la première personne nous emmène dans le passé de Fabrice Valantine. Un passé rempli de souvenirs tabagiques au point que l'on ne peut s'empêcher de se dire que toute la vie de cet homme tourne autour de la cancerette.
Elément systématiquement associé à des rencontres agréables et des moments clés de la vie de Fabrice Valantine (rencontre avec sa femme et son patron, découverte du sexe, souvenir du père,...), la cigarette est la vraie vedette de ce roman.
La nicotine est présente à chaque ligne. Elle se devine dans les moindres mots et même dans le nom de famille du personnage. Ses effets sont développés, poétisés, encensés. Ses détracteurs et leurs prêchis-prêchas sont rabroués. Ah ils ne comprennent donc rien !

" Cette idée de ne plus jamais refumer de ma vie m'attristait, je dois en convenir, et c'est empli d'une douce nostalgie que je répondis :

- J'ai tout de même l'impression d'avoir perdu une partie de moi-même.

- La plus dangereuse, Fabrice, me répliqua ma femme avec gravité.
Pouvait-elle comprendre que mes paquets m'avaient accompagné toute ma vie, que mes cigarettes étaient mes amies fidèles, toujours à portée de main quand j'avais besoin d'un réconfort. Je venais de divorcer de cette compagne, sans accord mutuel. J'aurais souhaité une sorte de compassion, une minute de silence." p.104
Je me suis tellement retrouvée dans ce passage comme dans tout le roman d'ailleurs. Dans cet adieu nécessaire qui n'est jamais assez long. Dans ce changement de vie radical. Devoir casser les habitudes, rompre les associations, compenser sans y arriver, combler l'absence. Lutter contre ces petites cellules de mon cerveau qui me disaient "au secouuuuuuurs, donne nous à manger !"
Me réveiller toutes les nuits. Chercher quelque chose sans savoir quoi. Pleurer et pester tant tout cela me paraissait ridicule. Et puis cette impression que la vie manquait subitement de saveur alors même que mes papilles retrouvaient le vrai goût des choses. Le goût amer qui avait disparu et qui pourtant subsistait sous une autre forme.
Renoncer à la cigarette équivaut à lutter contre soi-même. C'est très dur et je suis d'autant plus contente d'y être arrivée et de pouvoir répondre à qui me demande une cigarette : "non désolée, j'ai arrêté" :)

Enfin bref. Revenons-en au roman. Et les meurtres dans tout ça? Je dirais qu'ils ont résonné en moi tels des exemples de la mauvaise foi du personnage. Des prétextes au maintien de sa dépendance façon " Vous voyez ce que ça donne quand j'essaie d'arrêter de fumer? Je pète un sérieux câble et je tue des gens. En fait, je n'aurais jamais du essayer d'arrêter. Maintenant c'est pire."
Oui, malgré les meurtres, on rit. On rit parce que le lien de causalité entre cigarette et meurtre est présenté de façon assez cocasse et apparaît comme une dérive des plus extrêmes mais aussi parce que l'air de rien on s'attache à ce personnage intelligent, drôle et cynique à qui l'on souhaite de retrouver la paix intérieure.

Les fumeurs (et de manière plus générale, "les accros", que ce soit de chocolat, de café, de vin, de coca, de rognures d'ongles et j'en passe) rient parce qu'ils se retrouvent dans les réflexions de Fabrice Valantine sur la dépendance.
Les anciens fumeurs dont je fais partie (et qui ne deviendront jamais des non-fumeurs tant, apparemment, l'envie de fumer reste toute la vie :/) se souviendront avec nostalgie de leur ancienne compagne disparue, regretteront parfois (oui enfin sans doute pas les files chez le libraire ou les sprints nocturnes pour trouver un night-shop encore ouvert) mais ne replongeront pas pour autant (yes we can!)
Quant à ceux qui ne sont accros à rien (ça existe?), passez votre chemin et vous irez au ciel bande de...je plaisante hein!

Une douce drogue qui a su me rendre accro durant quelques heures. Un précis d'humour noir qui a su me faire rire. Un nième aurevoir qui me laissera un souvenir ému.
Une vraie pépite en somme et qui mérite les avis dithyrambiques dont elle a fait l'objet !

D'autres avis aussi enthousiastes chez BOB !


Merci à Cécile de l'avoir conseillé et de m'avoir prêté son exemplaire ! Vous pouvez lire son interview de l'auteur ici

Last but (certainement pas) not least, "Fume et tue" faisait partie de la sélection officielle du prix 2009 QD9 mis en place par Cécile et dont le jury était composé de 9 brillantes personnalités (dont moi-même ^^).
Après des semaines d'intense réflexion et de lectures (parfois...comme pour les grands prix quoi...), nous avons mis en place une sélection francophone et une sélection étrangère, le best du best de nos lectures de 2008 que vous pouvez consulter ici
Hé bien il se trouve que justement, "Fume et tue" se trouve être le grand gagnant francophone du prix QD9 !!! Bravo à Antoine Laurain pour ce succès mérité et remporté haut la main !

Bon, l'heure est maintenant venue de dévoiler le gros scoop de la soirée ! Antoine Laurain ainsi que son éditeur seront tous deux présents à la remise des prix concoctée par Cécile.
L'occasion de rencontrer l'auteur, de lui poser toutes vos questions, de faire dédicacer votre/vos livre(s) ou paquet(s) de clopes mais aussi de rencontrer les sympathiques membres du jury (soupirs, je ne pourrai être présente :/) et d'échanger avec eux autour des livres et d'un bon repas !
Pour les détails de cette fabuleuse soirée prévue à Paris le 19 mars, cliquez

En tout cas, ce qui est certain c'est que je rempile pour l'année prochaine et que je tuerai quelqu'un si il le faut pour assister à la prochaine remise des prix !

23 février 2010

Les lettres - Edith Wharton


"Les lettres" est une nouvelle de la romancière américaine Edith Wharton, première femme à avoir reçu le Pulitzer pour son roman " Le temps de l'innocence ".
A Paris, Lizzie West donne des cours à domicile à la jeune Juliette, fille de Vincent Deering, un peintre américain dont elle finit par s'éprendre.
Des sentiments réciproques lient Juliette et Vincent mais il est marié. Tous deux se voient dès lors en cachette jusqu'à ce que l'épouse de Vincent décède précipitamment.
Le peintre veuf doit alors se rendre aux Etats-Unis afin de régler les affaires de sa défunte épouse mais promet d'écrire à Juliette tout le temps qu'il sera parti.
Au début, les échanges entre les tourtereaux se veulent des plus romantiques mais un jour, Vincent ne donne plus signe de vie.
Prise de panique, Juliette continue à lui écrire quelques temps jusqu'à se faire une raison : il ne lui répondra pas.
3 ans plus tard, alors que Juliette a hérité d'une coquette somme d'argent et semble prête à se marier, Vincent revient dans sa vie.
Juliette se montre inflexible, prétendant qu'elle a tourné la page. Or, le coeur a ses raisons que la raison n'a pas...

Pour moi qui suis si fervente du genre, quelle ne fut pas ma déception en apprenant que cette nouvelle n'était pas, comme le titre me l'avait fait croire, épistolaire.
Ca m'apprendra à m'emballer sans feuilleter le livre, chose que je fais souvent mais pas encore systématiquement.
Je me suis assez vite dit durant ma lecture que "Les lettres" de Wharton était une nouvelle semblable à la "Lady Susan" de Jane Austen, non parce qu'il s'agit également d'une oeuvre de jeunesse (ce n'est pas le cas) mais bien parce que cette nouvelle semble également donner le ton et préfigurer les grandes oeuvres qui firent la renommée de l'auteure.
Et comment ne pas penser à "Jane Eyre" (sorti 60 ans plus tôt) de Charlotte Brontë en découvrant une trame pour ainsi dire identique. Une femme de modeste condition donne des cours à domicile à une jeune fille pas très douée et tombe amoureuse du père. Mais l'homme est marié. Pas pour longtemps car son épouse décède. S'en suit une période de chagrin et d'errance avant que l'homme ne revienne la bouche en coeur.
Au-delà de cette large similitude, j'ai trouvé que "Les lettres" bénéficiait d'une tournure beaucoup moins romanesque que "Jane Eyre". Je ne spoilerai pas la fin mais bon pour moi le sens du sacrifice a ses limites hein Lizzie!
Quant au style, il manquait selon moi d'élégance en regard de la prose anglaise.
Cela dit, je me rends compte que le court format de cette nouvelle ne doit pas être tout à fait étranger à mon jugement. Comme c'est le cas dans bon nombre de nouvelles, les événements s'enchaînent très vite et la psychologie des personnages y est peu développée. Même constat pour ce qui est de la critique sociale présente en filigrane, tout ça était un peu trop rapidos pour moi...
Dans ce cas-ci, le lecteur "zappe"de l'histoire d'amour au départ puis à l'absence et au retour de Vincent Deering. Ces transitions sont un peu frustrantes, surtout lorsqu'on a lu le foisonnant "Jane Eyre" et qu'on ne peut s'empêcher d'envisager la comparaison.

Malgré ce qui a été dit plus haut, j'ai tout de même aimé cette nouvelle que je considère comme un préambule au reste de l'oeuvre de Wharton, oeuvre que j'ai toujours autant envie de découvrir !

Extraits :

" Ces lettres lui procurèrent, en tout cas, durant les semaines où elle les porta sur son coeur, des sensations plus subtiles et plus complexes que la présence même de Deering.
Etre en sa présence, c'était à chaque fois comme affronter une mer tumultueuse qui la soulevait en l'aveuglant ; mais ses lettres composaient un lac tranquille où plonger son regard, se mirer, capter le reflet du ciel et le fourmillement de la vie qui frémissaient et scintillaient sous la surface de ses eaux." p.35

"
Le vide même de ses jours lui inspira le désir de les gorger de sensations éphémères : on eût dit qu'elle était devenue la propriétaire d'une maison à décorer, devant qui défileraient sans relâche un mobilier hétéroclite et tout un bric-à-brac " en quête d'approbation". " p.50

Un autre avis : Pimpi


20 février 2010

Le syndicat des pauvres types - Eric Faye


" Le syndicat des pauvres types" est un roman de l'écrivain français Eric Faye, sorti en 2006.
Le roman s'ouvre sur l'enterrement d'Antoine Blin, 44 ans, ancien employé de nuit d'un centre de tri postal devenu "Monsieur Tout le Monde", nouvelle star de la télé-réalité.
Le narrateur nous conte les deux dernières années de la vie d'Antoine. Tous deux n'étaient pas amis mais le narrateur connaissait bien Antoine pour avoir passé tout ce temps à l'observer après l'avoir fait entrer dans le syndicat des pauvres types...

Voici un roman dont le titre, la couverture et le résumé avaient su piquer ma curiosité.
J'ai progressivement fait connaissance avec Antoine qui m'a vite semblé d'un ennui mortel. Ca tombait bien qu'il passe pour un pauvre type car c'était le but de l'auteur...Et au moins, je peux dire que le rendu est fidèle à l'histoire...
L'ambiance est d'autant plus lourde et propice à l'ennui que le roman se déroule en été, en période de canicule. Antoine apparaît comme obsédé par son odeur corporelle mais personne ne semble remarquer quoique ce soit. Quelle est l'explication à cette fameuse odeur au bout du compte? Ah ben aucune idée...
Antoine aime Blandine, une femme rencontrée via les petites annonces avec laquelle il a correspondu durant plusieurs semaines avant de réaliser qu'elle s'était jouée de lui en lui extorquant de l'argent pour pouvoir soit-disant le rejoindre.
Malgré la découverte du pot aux roses, Antoine a laissé sa photo sur la cheminée et continue d'espérer...
Antoine se fait approcher par une société secrète/secte appelée le syndicat des pauvres types.

" Vous êtes la clé de tout, jour après jour, il faudra en prendre conscience. Si vous acceptez de vous regarder sous un certain jour, vous découvrirez votre puissance. Tenez, j'ai rempli votre formulaire. Comme je vous le disais, vous n'avez plus qu'à signer après la mention Je reconnais être un pauvre type, en bas, à droite.
Oui, il est capital que vous le reconnaissiez, il faut le mettre noir sur blanc.
Arrêter les comptes à, combien disiez-vous, quarante-quatre ans, si vous vouliez que nous fassions quelque chose pour vous. A vous de jouer, maintenant." p.74

A ce moment-là, je me suis dit que le roman allait décoller. Hé bien non loupé...Les réunions du syndicat sont sans cesse reportées et le lecteur n'apprend rien de plus sur son fonctionnement si ce n'est que celui-ci prévoit une grève généralisée des pauvres types aux 4 coins du globe et espère ainsi attirer l'attention sur sa cause.
Entretemps, Antoine se laisse entraîner dans le milieu de la télé-réalité où il est devenu "quelqu'un". Le narrateur, membre du syndicat, s'inquiète de le voir prendre un mauvais chemin et continue de l'observer de loin. Cet aspect de l'histoire m'a vraiment fait penser au "Truman show" dans le sens où la vie d'un homme des plus ordinaires est le centre d'attention d'un public sans cesse plus voyeur. Des inconnus prétendent lui vouloir du bien mais n'agissent jamais.

Eric Faye a su créer une ambiance pesante à l'image du quotidien de son personnage. Malheureusement, cette même ambiance, loin de susciter l'impatience, a provoqué mon ennui.
J'ai bien saisi que l'auteur avait choisi pour registre l'absurde. Cette odeur inexplicable, ce syndicat fantoche, cet amour impossible avec une femme escroc, cette improbable (quoique...) émission de télé-réalité.
Je pensais que tous ces éléments concourraient à me faire réfléchir et/ou rire mais ce fut loin d'être le cas.
Une déception donc.


"Le syndicat des pauvres types" était une lecture commune avec Sarawasti et Géraldine dont je file en hâte découvrir les avis !

18 février 2010

Chronique d'une mort annoncée - Gabriel Garcia Marquez


"Chronique d'une mort annoncée" est un court récit de l'écrivain et prix Nobel colombien Gabriel Garcia Marquez, auteur du célèbre "Cent ans de solitude", paru en 1981.
A défaut d'être une véritable enquête, ce récit se présente comme un retour sur les événements ayant conduit à un meurtre commis bien des années plus tôt.
Alors que dans un petit village colombien, la célébration des noces d'Angela Vicario et de Bayardo San Roman bat encore son plein, le jeune marié se rend compte que son épouse n'est plus vierge.
Il décide de la renier et de la ramener chez sa mère. La honte pèse alors à ce point sur les Vicario que les jumeaux de la famille décident d'assassiner celui à qui l'outrageuse défloraison doit être imputée. Angela a désigné à ses frères Santiago Nasar.
Les frères Vicario se mettent en tête de retrouver le jeune homme et de l'assassiner afin de rétablir l'honneur de leur soeur et de toute la famille, dessein dont ils sauront faire profiter le village entier.
Pendant ce temps, Santiago Nasar est loin de se douter que l'on projette de l'assassiner. En fait, tout le monde est au courant sauf lui...

Voici un récit pour le moins troublant et ...consternant! Le narrateur est retourné dans son village d'enfance afin de compléter ses souvenirs des témoignages de la famille et des proches de Santiago Nasar.
Le but du narrateur est moins de rendre hommage à un ami que de pointer l'aspect "rocambolesque" de sa disparition. Non seulement Santiago Nasar était bien le seul à ignorer qu'il allait mourir (et encore moins à soupçonner la raison pour laquelle il serait assassiné) mais en plus, il n'est absolument pas certain, comme le laisse entendre le narrateur, que le jeune homme fut effectivement coupable de ce dont on l'accusa.

" Elle avait à peine hésité à prononcer le nom. Elle le chercha dans les ténèbres, elle le trouva du premier coup d'oeil, parmi tous ces noms qu'on peut confondre, aussi bien dans ce monde que dans l'autre, et elle le cloua au mur, avec son adresse de chasseresse comme un papillon dont le destin était écrit depuis toujours.
"Santiago Nasar", avait-elle dit. " p.49

Imaginez-vous cet homme traversant son village. Les habitants, encore un peu saouls des noces de la veille, rencontrent des jumeaux qui clament à qui veut l'entendre qu'ils s'apprêtent à l'assassiner et qui ne prennent d'ailleurs pas la peine de cacher les couteaux que chacun porte à la main.
Les uns y croient mais se disent que Nasar est condamné de toutefaçon, d'autres n'en gobent pas un mot, certains essaient de prévenir Nasar mais pour une raison x n'y arrivent pas, bref sur plusieurs heures de temps dans ce petit village, personne n'arrive à prévenir ce malheureux qu'il va mourir !

" La plupart de ceux qui se trouvaient au port savaient qu'on allait tuer Santiago Nasar. Don Lazaro Aponte, colonel de l'académie militaire en retraite et maire du village depuis onze ans, l'avait salué d'un signe des doigts. " J'avais toutes mes raisons de croire qu'il ne courait plus aucun risque", me dit-il. Le père Amador ne s'en était pas préoccupé davantage. "Quand je l'ai vu sain et sauf, j'ai pensé que tout cela n'avait été qu'une turlupinade."
Personne ne s'était demandé si Santiago Nasar était prévenu, car le contraire paraissait à tous impossible." p.24

Quant à l'épouse reniée, elle ne sera pas en reste. Elle aurait pu être lapidée mais chaque culture a ses propres petits plaisirs et l'on peut dire que sa vie ne sera pas une franche rigolade non plus, entourée de cette famille à l'esprit étriqué.

Un début à la Colombo, une lecture à l'allure très shakespearienne dans le fond en ce qu'elle est consacrée à l'importance de l'honneur et au poids de la fatalité et qui pointe à l'extrême toute l'irresponsabilité dont sont capables les hommes. J'en reste sans voix !

Un autre avis : Pimprenelle

" Chronique d'une mort annoncée" était une lecture commune avec Choco dont j'attends impatiemment le verdict !

15 février 2010

L'Adversaire - Emmanuel Carrère


"L'Adversaire" est un récit rédigé par l'écrivain français Emmanuel Carrère et paru en 2000.
Ce récit retrace des faits réels datant de 1993. Cette année-là au mois de janvier, les corps de l'épouse et des deux enfants de Jean-Claude Romand sont retrouvés calcinés suite à un incendie survenu dans la maison familiale. Le père de famille est entre la vie et la mort.
L'enquête révèlera que l'épouse et les deux enfants étaient déjà morts bien avant l'incendie, assassinés par Jean-Claude Romand, qui avait également tué le même jour ses parents.
En poussant les investigations, les enquêteurs mettent à jour les mensonges de toute une vie.
Liaison, fausse carrière, arnaques, la vie de Jean-Claude Romand était rendue à ce point insoutenable par l'usurpation d'identité et de biens qu'acculé par la menace de voir la vérité éclater au grand jour, il a préféré assassiner tous ses proches.
Condamné à la réclusion à perpétuité mais passible d'une libération au bout de 22 ans, il purge actuellement sa peine et pourrait sortir de prison en 2015.

A peine avais-je lu les premières pages que je ne pouvais déjà plus décrocher mes yeux de ce livre!
Tout comme l'auteur, j'ai cherché à comprendre comment l'existence de cet homme avait pu se résumer au fil du temps à ce tissu de mensonges, à cette machination qui pourrira bien d'autres vies que la sienne.
Comment peut-on tromper son monde, et surtout ses proches, pendant aussi longtemps sans attirer le moindre soupçon? Et comment fait-on pratiquement pour mener une double vie?
Je n'ose même pas imaginer l'organisation et la mémoire que doit exiger une telle entreprise...
Tout le monde s'est vu dupé et plumé, proches et moins proches, tous pensaient que Romand était un homme bien sous tous rapports. Respecté, il était perçu comme un homme gentil, calme, ayant bien réussi et qui avait la modestie pour qualité.

"En quinze ans de double vie, il n'a fait aucune rencontre, parlé à personne, il ne s'est mêlé à aucune de ces sociétés parallèles, comme le monde du jeu, de la drogue ou de la nuit, où il aurait pu se sentir moins seul. Jamais non plus il n'a cherché à donner le change à l'extérieur.
Quand il faisait son entrée sur la scène domestique de sa vie, chacun pensait qu'il venait d'une autre scène où il tenait un autre rôle, celui de l'important qui court le monde, fréquente les ministres, dîne sous des lambris officiels, et qu'il le reprendrait en sortant.
Mais il n'y avait pas d'autre scène, pas d'autre public devant qui jouer l'autre rôle.
Dehors, il se retrouvait nu. Il retournait à l'absence, au vide, au blanc, qui n'étaient pas un accident de parcours mais l'unique expérience de sa vie." p.101

Au départ il y eut un premier mensonge pour sauver la face. Ensuite le mensonge en a entraîné un autre. Il fallait sans cesse couvrir le précédent avec un nouveau qui tienne la route. Romand s'est ainsi construit une vie, des souvenirs, un diplôme de médecine, une carrière, un faux cancer tout en sachant que la vérité finirait bien par éclater au grand jour mais repoussant sans cesse l'échéance jusqu'à se retrouver au pied du mur.
Un mélange d'incompréhension et d'effroi m'a animée durant toute ma lecture. Pourquoi ne pas se suicider au lieu d'assassiner toute sa famille? Comment avoir réussi à faire preuve de tant de sang froid durant les meurtres pour ensuite se montrer si affecté durant le procès?
Plusieurs éléments de l'enquête et les pertes de mémoire de Romand tendent à faire penser que l'homme n'était pas une victime dépassée par ses mensonges mais un vrai manipulateur capable de tout pour arriver à ses fins. Le doute subsiste...

Pour construire son récit, l'auteur s'est basé sur la correspondance établie entre lui et Romand ainsi que sur les différents témoignages fournis au procès auquel il a lui-même assisté. Il s'est rendu sur les lieux de vie de cet homme si étrange et à partir des éléments dont il disposait s'est imaginé le quotidien de Jean-Claude Romand, disséquant chaque épisode de sa vie pour en souligner les contours.
Durant tout le récit, l'auteur ne juge pas l'homme mais tente de comprendre quel était son état d'esprit et comment il avait pu en arriver à se créer une fausse identité durant plus de 15 ans.
Le récit est narré du point de vue de l'auteur. Le ton est neutre même si l'on sent bien que Carrère est loin de cautionner les crimes commis par Romand.
Et l'auteur de conclure : " J'ai pensé qu'écrire cette histoire ne pouvait être qu'un crime ou une prière." p.220
Un récit troublant que je serais tentée de qualifier de "fascinant" moins en raison des mensonges de Romand (certains étaient quand même gros comme des maisons!) que pour la crédulité de l'ensemble de ses proches qui m'a laissée pantoise...
On m'a bien souvent répété qu'on ne pouvait jamais connaître réellement quelqu'un. Cette histoire de descente aux enfers est si bien racontée qu'elle a de quoi rendre parano (!)

"L'Adversaire" était une lecture commune avec Clara, que je remercie de m'avoir aidée à déterrer ce livre de ma terriiiiiible PAL!

D'autres avis : Lasardine - Orchidée

14 février 2010

L'éclat du diamant - John Marcus


"L'éclat du diamant" est un polar, premier roman de l'auteur français John Marcus paru cet été chez L'Autre éditions.
Le récit s'ouvre sur une série de meurtres a priori sans lien apparent les uns avec les autres. D'abord un couple en vacances puis un industriel de la pêche, ensuite un collectionneur de reptiles et finalement un grand reporter sont retrouvés assassinés.
Le commissaire Delajoie de la Brigade criminelle est saisi de l'affaire. Une piste le mène rapidement dans les bureaux de Tam Tam, une agence de communication dont le frère du reporter assassiné est l'un des associés fondateurs.
Qui est coupable? Réponse dans le livre :)

Tout d'abord, je dois bien avouer que je ne suis pas une fervente lectrice de romans policiers.
Je trouve le genre de plus en plus caricatural... Les enquêteurs se voient systématiquement affublés d'un sombre passé ("papa était flic et est mort en mission, je veux continuer ce qu'il a commencé"/"papa a été tué par un méchant, je consacrerai ma vie entière à retrouver son meurtrier), d'une addiction à l'alcool ou aux femmes. Ils sont rarement mariés et bien plus souvent divorcés (madame est partie parce que monsieur n'était jamais à la maison, toujours en mission,...).
Enfin quoi, ça n'existe pas les flics qui ont choisi leur métier par simple vocation? Qui ont encore leurs parents et leurs femmes?
Bien sûr, chaque individu a son côté sombre et l'inspecteur Delajoie n'y fait pas exception dans ce roman. Mais j'ai aimé que l'auteur n'axe pas uniquement la psychologie de son personnage sur ses souvenirs ou ses démons mais qu'il s'attache à la difficulté d'exercer un métier dans la police, qu'il nous éclaire sur les réflexions intérieures de l'inspecteur, contribuant ainsi à le rendre plus humain en brisant cette image procédurale que l'on peut avoir de la police.

" Etre flic, à la criminelle, ce n'était pas exercer un métier et encore moins un sacerdoce, c'était simplement entrer en guerre contre un ennemi plus redoutable que le pire des salopards : soi-même. Pour résister, il fallait absolument tenter de cloisonner les deux existences, circonscrire les territoires, bref, fuir la confusion, le désordre et la peur. A ce prix, l'homme pouvait survivre au flic." p.47

Comme je le disais, le roman policier n'est pas un genre vers lequel je tends d'habitude. Mais ce roman-ci a su piquer ma curiosité en se présentant comme différent (et croyez-moi, il l'est!) au sens où il combinait polar et documentaire.
En effet, bien que nous suivions une enquête avec son lot d'intrigue et de rebondissements, les investigations se voient entremêlées (ou plutôt de mon point de vue, mises en mode pause) de passages documentaires ayant pour but d'éclairer le lecteur quant aux milieux sur lesquels porte l'enquête (publicité, grande distribution, économie,...)
Bien que je partage la plupart des opinions émises par l'auteur, je dois bien avouer m'être demandée à plusieurs reprises ce que celles-ci venaient faire dans un polar, d'autant que ces prises de position étaient clairement présentées comme venant de l'auteur et non de l'un de ses personnages.
" Rien n'avait changé évidemment, ou trop peu, sauf les mots eux-mêmes qui avaient sanctifié cette nouvelle virginité. Certes on faisait bien quelques efforts : on externalisait l'esclavage ; on envoyait des escouades de bénévoles nettoyer les plages goudronnées ; on installait les filatures dans de discrets îlots indonésiens ; on déménageait à l'ombre de la nuit secrète l'outillage des usines délocalisables que bloquaient des syndicats rétrogrades, intransigeants et sectaires ; on substituait les projets de départs volontaires aux vagues de licenciements collectifs ; on ne donnait plus congé au salarié "pour raison économique", mais "pour motif personnel". " p.100

Beaucoup d'informations instructives certainement mais qui m'ont ralentie dans la progression de ma lecture au point que j'ai été tentée, il est vrai, de sauter quelques passages pour pouvoir enfin connaître l'issue de l'enquête (la moindre des choses lorsqu'on lit un polar).
Aurais-je été moins dérangée par ces digressions si elles émanaient de l'un des personnages plutôt que des interventions d'un "témoin extérieur" en la personne de l'auteur? Je ne sais pas. D'un côté je pense que les enquêteurs sont des hommes dotés comme tout le monde de la capacité à pouvoir se forger un avis mais d'un autre, ce sont également des hommes tenus à l'objectivité et dont le jugement ne doit se fonder que sur des preuves établies et non sur des a prioris sur tel ou tel milieu.
Peut-être aurait-il été possible de faire en sorte que ces prises en position restent secrètes, intérieures mais je pense que j'aurais ressenti le même effet de digression au bout du compte.

J'ajouterais que j'ai également trouvé dommage que la couverture mentionne un "polar de l'été", terme à connotation négative de "roman plage facile à lire"selon moi, alors que le roman se veut justement richement documenté (d'ailleurs, si vous êtes curieux de connaître le fonctionnement du 36, quai des Orfèvres, ce roman est fait pour vous!).

Voilà une intrigue qui m'a bien plu (j'ai beaucoup aimé la plume de l'auteur et sa façon d'aborder la psychologie de ses personnages) mais dont je regrette l'aspect documentaire un peu trop "militant" à mon goût.
Les avis sur cet aspect ont d'ailleurs été très tranchés : soit les lecteurs trouvaient que les informations alimentaient l'enquête, soit au contraire (et comme ce fut mon cas) déploraient que celles-ci contribuent à son essoufflement.
Durant ma lecture, je me suis plusieurs fois demandée si l'auteur avait d'abord eu l'idée de l'intrigue avant celle d'y ajouter une dimension documentaire ou si l'intrigue n'était qu'un prétexte trouvé ultérieurement pour partager ses idées dans certains domaines.
J'espère avoir l'occasion de lui poser directement la question demain lors de la séance de questions-réponses organisée par Livraddict!

Les avis de Cuné et Kathel, quelques avis chez Bob et bien d'autres sur Livraddict !

Le site du livre.

Un grand MERCI à et à de m'avoir offert ce livre!

13 février 2010

Céanothes et Potentilles - Martine Pagès


"Céanothes et Potentilles" est le premier roman de Martine Pagès, publié cette année aux éditions Volpilière.
Le roman nous dévoile l'histoire de Blanche, une femme ordinaire de 40 ans, passionnée de fleurs, qui travaille pour un couple de pépiniéristes. Blanche est une femme solitaire. Elle n'a jamais vécu en couple et ne connait que très peu d'amis. Elle aime manger le Nutella à la cuillère, ce qui n'est pas sans conséquences sur sa silhouette. Elle aime aussi imaginer sa vie avec Anthony, son voisin de palier qui ne se plaint jamais de ses mises en scène nocturnes, au grand dam de Blanche, prête à tout pour attirer son attention.

Voici une tragi-comédie qui se lit comme une nouvelle. Blanche l'héroïne, dont la vie n'est pas sans rappeler l'existence d'une certaine Bridget, tente d'approcher tant bien que mal Anthony, son voisin de palier, mais celui-ci ne semble pas réagir comme elle l'attend.
Blanche s'imagine des tas de choses le concernant. Oh, elle n'est pas dupe de sa condition.
Elle sait très bien que les hommes ne se bousculent pas à sa porte. Mais elle espère que lui au moins saura prêter attention à elle.
" Un absent est bourré de qualités, et des meilleures, celles que personne n'a. La preuve, on a érigé une statue au soldat inconnu, alors qu'il est censé représenter ses frères. Et l'homme est beau, fort séduisant, fort d'être mort pour la France, fort de n'être personne. Et à la fois tout le monde. Bon, le cas de cet absent relève du record absolu, parce qu'il a su n'être pas là pour rendre présents ceux qui ont continué à se battre.
Blanche se dit qu'à choisir, mieux aurait valu s'amouracher du soldat inconnu : on a moins de souvenirs et son image est pérenne.
Un héros, c'est plus joli qu'un salaud." p.69

Le récit navigue donc entre les élucubrations dictées par la trop longue solitude vécue par cette femme et les diverses tentatives mises à l'épreuve pour en sortir et casser la routine de toute une vie.
Malgré l'immense détresse de cette femme, l'histoire ne verse jamais dans le mélodrame. Pas de scènes de larmes ni de grand scénario catastrophe façon chick litt.
Nul besoin d'ajouter une couche de poisse à l'histoire. La vie de Blanche suffit en elle-même à susciter l'émotion.
" En attendant, elle est bel et bien célibataire et elle vous met au défi de la croiser au bras d'un garçon, de la surprendre sous un porche, à embrasser sans retenue ce qu'on pourrait prendre pour un amoureux. C'est un peu là son souci, elle a besoin de tendresse comme pas deux. Bien sûr, il y a les vertus du chocolat et un catalogue impressionnant d'antidépresseurs, le cinéma au coin, les viennoiseries moelleuses, quelques comédies romantiques pour écraser une larme et se dire C'est possible.
Bien sûr, il y a les proches, car rien ne vaut la famille, mais voyez-vous elle n'en a plus car ses parents sont morts. Elle en a marre qu'on tire à vue sur son ambulance." p.38
J'ai été séduite par le personnage de Blanche, touchante par sa sensibilité, sa solitude et sa façon maladroite de vouloir s'en sortir. J'ai l'impression que chaque femme seule pourrait se reconnaître en cette héroïne.
J'ai apprécié que l'auteure préfère la poésie (notamment dans les passages consacrés aux fleurs), la justesse et l'humour à la caricature grossière de la "drama-queen".

Seul bémol selon moi : la couverture. Je l'ai trouvée trop légère et si peu représentative du contenu. Je n'imaginais absolument pas Blanche telle la femme séduisante illustrée en couverture et, qui plus est, j'ai été déçue que des marguerites "photoshopées" aient remplacé les céanothes et potentilles si encensées dans le récit au point d'en constituer le titre...

Cela dit, "Céanothes et Potentilles" n'en fut pas moins une belle découverte que je ne peux que conseiller!

D'autres avis : Clara - Lili Galipette

Merci à Elisabeth Mozzanini et aux Editions Volpilière de m'avoir offert ce livre !

8 février 2010

Manhattan - Anne Révah


"Manhattan" est le premier roman d'Anne Révah, née à Paris en 1968. Ce roman a été publié en mai 2009 aux éditions Arléa.
Une femme apprend qu'elle est gravement malade. 4 tâches de la forme de Manhattan endolorisent son avant-bras gauche. Il n'en faudra pas plus à cette femme pour quitter mari et enfants sans leur souffler mot du diagnostic.
Partir est tout ce qui importe. Se confier aussi. Se délivrer d'une souffrance bien plus ancienne que celle occasionnée par les tâches blanches. Ecrire à sa mère et tout lui dire.

"Manhattan" est la confession d'une femme fatiguée par sa vie. A l'annonce de sa maladie viennent s'ajouter de troublantes révélations quant à son existence, à ce rôle qu'elle a joué durant des années pour contenter tout le monde.

"J'avais envie d'être ailleurs, c'était une évidence, seule avec mes tâches blanches dans la tête il me fallait une vie où je n'aurais pas à attendre ma chute dans la maladie et la mort.
Une vie où je n'attendrais plus. Personne n'aurait à surveiller les tâches blanches, je les emportais avec moi, je faisais le choix de nous en libérer, je ne serai pas malade sous les yeux de Victor et des enfants, je supprimais l'attente de la mort ou des tourments de ma peau, c'était ma fuite, elle nous éviterait la décadence que la démyélinisation me promettait silencieusement.
Victor ne saurait jamais pourquoi j'avais disparu ; il penserait qu'un amour secret m'avait rendu la vie impossible, qu'un suicide impulsif m'avait arrachée à lui, il ne pourrait pas penser que je les avais quittés. Je laisse Victor avec les souvenirs d'une vie ensemble, je le laisse dans notre vie, je le perds, lui et les enfants, je les pousse loin du temps qui reste." p.21

Un ouvrage court, poignant et extrêmement bien écrit. Durant toute ma lecture, je n'ai cessé d'éprouver de l'admiration pour cette femme, de saluer son courage et la dignité avec laquelle elle nous livre son récit de vie.
Bref. Je ne m'étalerai pas davantage, lisez-le!

D'autres avis : George - Lily et ses livres - Leiloona - Géraldine - Praline - Nanne - Canel - Kathel - Sandrine

Ayant reçu mon exemplaire de George (merci encore m'dame ;)), j'ai décidé d'en faire un livre voyageur.

A voyagé jusque chez Choco, Clara, Aifelle, Stephie, Mango, Marie, Pascale, Raison et sentiments, Claudia Lucia, DeL.

6 février 2010

Tête de piaf - Philippe Crognier


"Tête de piaf" est un court roman rédigé par le français Philippe Crognier et paru en 2007 aux éditions Abel Bécanes.
Ce roman est une suite de rencontres improbables entre Nounours et Mickey, deux sans-abris en fuite, Pierre l'adolescent peu causant, Maxime le mari trompé, Madeleine la sexagénaire frustrée, Martine l'employée dévouée, Azznavour le sosie et Jeannine et Robin, le couple qui détient le Point du Jour, une pension de famille autrefois destinée à recueillir des prisonniers en fin de peine.
Tous ces personnages rencontrés par hasard alors que chacun était frappé à sa manière par le malheur vont se faire du bien et retrouver, au contact des uns et des autres, ce appétit de vivre dont ils semblaient manquer.

"Tête de piaf" commence comme une série de nouvelles. Plusieurs portraits nous sont dépeints et il faut attendre le tiers du livre avant que n'aient lieu les premières rencontres entre les personnages.
D'autres personnages viennent s'ajouter au fur et à mesure, un peu comme si la camionnette du bonheur les ramassait un à un au bord de la route pour les mener vers cet endroit magique, le Point du Jour, un lieu où règnent bonheur et franche camaraderie.
Tous se soutiennent, bavardent des heures durant autour d'une bouteille et d'un bon repas, rient et pleurent de leurs situations et vont jusqu'à intervenir dans les vies des autres pour leur assurer un nouveau départ.
Une petite lecture qui fait du bien. A l'heure où je peste tant sur la confusion ambiante entre liberté et égoïsme, j'ai été touchée par ce petit éloge de la solidarité entre inconnus.
Une surprise aussi car j'étais assez sceptique au départ vis-à-vis de cette couverture vert-pomme...

Un petit extrait :

" Azznavour opte pour l'anguille en matelote et pour les pommes persillées. Il regarde autour de lui. L'endroit lui plaît. Il a vu Point du Jour, pension de famille au village d'à côté. Il a suivi les panneaux de bois affichés à même le sol et il est arrivé là. Il pense qu'il restera quelques jours, pour réfléchir. Après, il ira rejoindre sa femme à Boulogne-sur-Mer. Il lui chantera :
_"C'est drôle, c'que t'es drôle à r'garder, t'es là, t'attends, tu fais la tête, et moi..."
Non, il ne lui chantera pas ça. Elle connaît très bien la chanson et elle le prendrait mal.
Non, il lui dira plutôt en lui tendant la main :
_"Viens, je te raccompagne à travers les rues mortes, comme au temps des baisers qu'on volait sous ta porte..."
Non plus, finalement. Il ne sait pas ce qu'il va lui dire ou lui chanter.
_ On vous a déjà dit que vous ressembliez à Charles Aznavour?
Il redresse la tête. Devant lui, il y a Lorridant, Pierre, Nounours, Robin, Jeannine, Madeleine Torpe et son chauffeur. Mickey est derrière." p.60

L'avis de Nathalie.


Un grand MERCI à et aux éditions de m'avoir offert ce livre !

2 février 2010

Level 26 - Anthony E.Zuiker


"Level 26" est le premier roman d'Anthony E. Zuiker, créateur, scénariste et producteur de la série la plus regardée dans le monde entier : Les Experts.
Ce roman policier nous plonge dans la traque d'un tueur en série impitoyable qui fait à lui seul partie d'une catégorie de meurtriers appelée Level 26.
En 20 ans, le monstre surnommé "Sqweegel" a torturé/violé/mutilé/assassiné plus de 50 personnes dans pas moins de 6 pays.
Même la crème de la crème du FBI et son équipe de scientifiques ne parviennent pas à coincer ce tueur tant celui-ci agit avec méthode et sang-froid. D'ailleurs, même pour 25 millions de dollars, personne n'ose tenter la chasse à l'homme tant beaucoup d'autres y ont laissé leur vie ou leur santé mentale.
Un seul homme pourrait être en mesure d'arrêter Sqweegel. Steve Dark aurait d'ailleurs toutes les raisons du monde de vouloir se venger de ce monstre qui a assassiné toute sa famille et compte bien continuer à s'en prendre à ses proches...

Quand j'ai commencé le roman, j'ai tout d'abord été prise d'un fou-rire en lisant la première page qui nous informe que les meurtriers sont classés sur une échelle de 1 à 25 (le niveau 25 correspondant au tueur sadique...).
Sur le modèle de "Dash lave encore plus blanc", voilà que "le méchant est encore plus méchant".
Puis ensuite ce nom : Sqweegel. Parce que c'est le bruit que faisaient les brosses du car-wash alors qu'il coupait en morceaux sa première victime... Bref...
J'ai nettement moins ri en apercevant la tête dudit méchant. Car oui, "Level 26" est un roman numérique.
Après 20 pages, il est possible au lecteur de se rendre sur le site du livre et, en tapant un code mentionné dans le chapitre, d'y visionner la scène à peine lue ou des éléments tels des sms, des emails ou des coupures de presse.
Comment vous décrire Sqweegel? Disons que c'est une espèce de momie en combi latex à poches zip qui se prend pour Spiderman (ou une capote sur pattes selon la tournure d'esprit...).
Vu comme ça, ça a l'air plutôt drôle mais croyez-moi, ce tueur m'a fait froid dans le dos et la première scène en question m'a bien rappelée le "style Experts" couplé à l'ambiance glauque de la série des "Saw".
Sqweegel est le genre de personne que l'on souhaite ne jamais croiser dans la vraie vie ou même en cauchemar. Un tueur fétichiste qui s'épile entièrement et s'enduit de plaques de beurre pour ne semer aucun indice, filme ses crimes pour pouvoir les revisionner plus tard dans sa salle home-cinéma ou pour le plaisir d'en faire simplement profiter la police.
Mais si l'on connaît son mobile, on ignore tout de son passé. On imagine un enfant violenté durant sa jeunesse ou un binoclard se faisant frapper dans la cour mais rien de concret ne nous est livré.
Forcément, "Level 26" est le premier tome d'une trilogie. Le second tome ou le dernier seront certainement le prétexte à revenir sur le sombre passé de Sqweegel.
Même chose concernant le héros Steve Dark. Si l'on sait que sa famille adoptive a été assassinée par Sqweegel, quelques éléments de l'affaire nous sont seulement donnés.
J'ai beaucoup pensé à Jack Bauer ou à Michael Scofield durant ma lecture. Ces personnages qui ont l'air de traverser les tragédies sans qu'elles ne réussissent à les atteindre vraiment, sans péter les plombs.
Des hommes qui vivent à 100 à l'heure, sans dormir, sans exercice physique, à carburer à l'alcool tout en étant capables de piquer un sprint pour coincer un criminel.
Pour moi, tout ce qui arrive à Steve dans ce premier tome était déjà bien trop à supporter psychologiquement.

" Les appareils injectaient et pulsaient. Courbes, calculs, chiffres. Bips. Ils accomplissaient leur tâche avec efficacité, sans passion : garder en vie la femme qu'il aimait.
Parfois, Dark aurait préféré être une machine. Quand on y pensait, c'était simple : la journée consistait à exécuter des fonctions de base sans s'encombrer d'émotions inutiles.
Faire son travail ; nourrir et actionner son mécanisme jusqu'au moment où il s'arrêterait.
Mais peu importait, puisque d'autres machines étaient créées chaque jour. La machine que l'on était n'était pas essentielle, d'un point de vue général." p.167

Et comme deux autres tomes sont prévus, cela ne risque pas de s'arranger...
Steve est malin et il connaît bien Sqweegel. Pour pouvoir l'arrêter, il faut qu'il pense comme lui, ou mieux, qu'il devienne lui. Voilà un élément qui ne m'a pas semblé nouveau et que j'ai même trouvé un peu "gros". Tous ces monologues intérieurs ("Si tu étais Sqweegel, où irais-tu?") me semblaient surfaits.

" Dark se rendit compte qu'il avait péché par omission avec Sqweegel. Non seulement il l'avait sous-estimé, mais il n'avait pas pris la peine d'utiliser ses compétences professionnelles et de penser comme lui, de se forcer à entrer dans son esprit comme lui seul en était capable.
Ce n'était pas en raisonnant logiquement qu'il le coincerait? Il était hors de question qu'il commette les mêmes fautes que ses collègues agents avaient faites durant toutes ces années.
Dark allait l'attraper en acceptant d'user de son talent particulier, celui qui lui permettait de se mettre sur la même longueur d'ondes que sa cible et de la suivre par-delà les frontières de la raison, jusque dans les profondeurs les plus noires." p.202

Difficile de juger d'une histoire à partir d'un seul tome car il y a forcément des éléments manquants, cela se ressent à la lecture.
Le roman se laisse lire facilement et rapidement. Les chapitres alternent entre les agissements de Sqweegel et la progression de l'enquête de Steve. Ils sont ponctués de nombreux dessins en noir et blanc qui retracent l'ambiance glauque du roman. Le style n'est pas époustouflant mais je ne lui ai rien trouvé de rebutant.
Ma déception irait plutôt vers les extraits vidéos consultables sur le net. Je ne leur ai trouvé aucune valeur ajoutée pour le livre et il est tout à fait possible de suivre l'intrigue sans eux.
Peut-être était-ce voulu de la part de l'éditeur qui a tablé sur le fait que tout le monde ne possédait pas encore internet?

Le trailer :




"Level 26" était une lecture commune avec Melmélie, Leiloona, Neph, Stéphie, Géraldine et Karine:) dont j'ai hâte de connaître les avis/frissons !
Les avis de Praline, Celsmoon et Calepin.

Un grand MERCI à et aux éditions de m'avoir offert ce livre !