25 juin 2012

Le Temps du déluge - Margaret Atwood


Publié aux USA en 2009 et paru en français le 8 mars dernier, "Le Temps du déluge" est un roman de l'écrivaine canadienne Margaret Atwood, notamment auteure de "La servante écarlate", "Le dernier homme" ou encore "Captive".

En l'an 25, la Terre a vu sa population décimée par un virus foudroyant surnommé le Déluge des airs. Seules deux femmes, Toby et Ren, semblent y avoir survécu.
Barricadée dans l'immeuble dont la toiture abritait autrefois le Jardin d'Edenfalaise, Toby se rappelle la perte de son existence officielle et la fuite pour échapper à la fureur de Blanco et rejoindre les Jardiniers de Dieu.
Extrémistes verts chapeautés par Adam 1er, les membres de cette communauté luttaient activement pour la restauration de l'équilibre de la Terre, la fin du gaspillage des ressources et la protection de toutes les créatures de Dieu.
Il fut un temps où Ren vivait elle aussi parmi les Jardiniers, avant que sa mère ne décide de retourner à Sentégénic.
Enfermée à Zécailles où elle travaillait comme prostituée de luxe, elle se demande à quoi ressemble à présent le Monde Exfernal... Y a-t-il d'autres rescapés ?

Ma lecture du "Dernier homme" m'avait laissée dans l'ignorance de ce qu'étaient au juste les Jardiniers de Dieu.
Ma curiosité fut cette fois satisfaite car il est ici principalement question de cette communauté.
Sous l'égide d'Adam 1er relégué par plusieurs Adam et Eve, les Jardiniers de Dieu cultivent une aversion pour tout ce qui déroge au respect de la nature et des animaux.
Toute utilisation de protéines animales sous quelque forme que ce soit est jugée sacrilège et contraire aux voeux végans.
Pas question pour les femmes de se couper les cheveux. L'hygiène se réduit à une douche et un changement de vêtement par semaine afin de ne pas gaspiller l'eau.
Il est formellement interdit de jurer et dans le souci de ménager les arbres, défense de laisser de quelconques traces écrites.
Chaque jour de l'année donne lieu à une célébration ponctuée d'un discours d'Adam 1er et d'un chant issu des Cantiques dont le contenu a principalement trait aux ennemis, à l'arrivée imminente de l'Apocalypse, à la mort et évidemment à Dieu.
Je dois bien reconnaître que cet aspect-là, beaucoup plus accentué que dans "La servante écarlate", a quelque peu plombé ma lecture. Il faut dire que j'ai depuis toujours un problème avec tout ce qui touche au religieux et au mystique.
Là pour le coup, j'étais plus que servie et j'avoue avoir traversé certains passages en diagonale...

" A en croire Adam Premier, la Chute de l'Homme était multidimensionnelle. Les primates ancestraux avaient commencé par tomber des arbres; puis ils avaient chu du statut de végétariens à celui de carnivores. Et ensuite de l'instinct à la raison, et de là à la technologie; des signaux élémentaires à la grammaire complexe, et de là à l'humanité; de l'absence de feu à l'utilisation de celui-ci, et de là à l'usage des armes; et du rut saisonnier à une sexualité débridée.
Puis ils avaient renoncé à vivre dans la joie de l'instant pour s'abîmer dans la contemplation angoissée du passé enfui et de l'avenir lointain." p.198

C'est là mon seul bémol car pour le reste, j'ai à nouveau pris plaisir à m'immerger dans cet univers mêlant fiction et considérations économiques, politiques, sociologiques et religieuses ancrées dans notre réalité.
Encore une fois, Margaret Atwood a pris soin de caractériser ses personnages par le prisme de leur vie intérieure, de manière à pouvoir examiner toutes les facettes de ce sentiment de solitude qui les tenaille dans l'enfermement comme dans leurs relations aux autres.
J'ai aimé voir Toby et Ren se construire par rapport à un passé commun difficile, leur débrouillardise et leur force face à la rudesse des hommes, leur intelligence instinctive qui les tenait éloignées d'un endoctrinement total.
J'ai également retrouvé Jimmy/Snowman, personnage central du "Dernier homme" auquel la fin ouverte réservait un sort incertain.
Véritables témoins de leur temps, Toby, Ren, Snowman ont du mal à trouver leur place à Sentégénic, siège de l'opulence malsaine et du bonheur factice, comme dans cette vie monacale faite de privations et instiguée par les Jardiniers de Dieu.
Dans un milieu comme dans l'autre, le fanatisme règne en maître, les instincts sont réprimés alors qu'à l'extérieur des murs, au sein des plèbezones occupées par les déserteurs, les prostituées, les trafiquants, règne l'anarchie la plus totale.
A croire que les Hommes se veulent tout simplement incapables de modération.
Toby, Ren et Snowman cotoient ces différents milieux sans toutefois y adhérer pleinement, un retrait qui confère à leur vision du monde une certaine neutralité et permet par conséquent au lecteur de juger par lui-même.

"Le dernier homme" et "Le Temps du Déluge" peuvent se lire indépendamment.
Toutefois les deux romans, prenant place à la même époque, se complètent à merveille et participent à la construction d'un univers fictionnel mais pourtant si troublant (car pas si éloigné du nôtre) qui vaut vraiment la peine d'être découvert à travers une vue d'ensemble.
Je pense que vous apprécierez d'autant plus ces deux romans si vous n'espacez pas trop leur lecture.

" En vérité, la plupart des gens ne s'intéressent pas aux autres Espèces, du moins quand les temps sont durs. Ce dont ils se soucient avant tout, c'est de ne pas mourir de faim, ce qui est bien naturel : leur vie en dépend, après tout. Mais de quoi se soucie Dieu ? Notre évolution nous a conduits à croire en des dieux, ce qui nous confère sans doute un avantage évolutionnaire.
Une vision trop matérialiste des choses - celle qui veut que nous soyons le résultat d'une expérience conduite par une protéine animale, par exemple - apparaît comme trop désespérante à la majorité des gens et les conduit au nihilisme.
Conclusion : nous devons encourager la populace à aller dans un sens favorable à la biosphère en lui faisant comprendre que Dieu nous a confié la Terre et qu'Il compte sur nous pour l'entretenir.
- En introduisant Dieu dans l'histoire, tu introduis aussi un châtiment, avait fait remarquer Toby.
- En effet, avait admis Adam Premier. Mais je n'ai pas besoin de te dire que, même sans Lui, il y a quand même un châtiment.
Sauf que les gens sont moins susceptibles d'y croire. S'il doit y avoir châtiment, ils préfèrent qu'il y ait un bourreau. Les catastrophes arbitraires, ça ne leur plaît pas." p.249

L'avis de Keisha


MERCI aux de m'avoir offert ce livre !

22 juin 2012

Challenge Thriller : fin et résultats !

Parce qu'après tout, je n'ai qu'une semaine de retard...ahum...voici enfin les résultats du Challenge Thriller ! Pas moins de 417 billets publiés ! De quoi vous donner des idées de lecture pour cet été :)



Catégorie Touriste planqué - 3 thrillers au choix
Lien
LienAngèle :
Béa :
George :
Prune :
Val(univers) :
Malo :
Griotte :

Clara :
Hérisson08 :

Soukee :
Aucafélittérairedecéline :
Douceur littéraire :
Angie :


Catégorie Téméraire du dimanche
- 5 thrillers au choix

Isallysun :
Frankie :
Karine :

DeL :
Vonnette :

Caro :

Valeriane :
Mathylde :

Catégorie Même pas peur
- 8 thrillers au choix

Opaline :
Mazel :
Mango :

Géraldine :
Syannelle :
Choco :
Anne-Laure :
Neph :

Laure :
Lystig :
Lagrandestef :
Lilibook :
Canel :
Val :
Aproposdelivres :
Anne (De poche en poche) :
Miss Alfie :
Syl :
Reveline :
Dolly :
Laetitia7237 :
Mia :
Thomas :
Ginji :

Eve :
Cindy :

Sharon
:
Angelebb :
Liliba :
Noukette :
Catherine :
Cracklou :
Cynthia :
BRAVO et MERCI à tous/toutes les participant(e)s !!! Eve ayant mystérieusement disparu de la blogosphère, j'ai le plaisir d'annoncer à Canel (35 billets), Laure (39 billets) et Liliba (37 billets) qu'elles recevront bientôt une petite surprise dans leur boîte aux lettres :)

A tous/toutes, j'aurais aimé faire davantage de mises à jour durant l'année et être plus réactive en matière de commentaires.
Hélas, au-delà des découvertes littéraires, ce challenge m'a permis de me rendre compte que je n'avais absolument plus le temps de me lancer dans ce genre d'entreprises (je ne participe d'ailleurs pas aux C'est lundi que lisez-vous ?, Jeudi c'est citation, Vendredi c'est courgettes farcies et autres pour les mêmes raisons...).
Aussi je pense que vous devrez vous contenter de mes billets lecture...

Quoiqu'il en soit, j'espère que vous aurez tous et toutes aimé frissonner au fil des pages durant cette année car après tout, le plaisir de lecture reste le plus important :)

21 juin 2012

Rien que du bonheur - Laurie Colwin


"Rien que du bonheur" est un recueil de nouvelles - rédigées entre 1969 et 1974 - de l'écrivaine américaine Laurie Colwin, notamment auteure des romans "Comment se dire adieu ?", "Une épouse presque parfaite", "Famille, tracas & cie", "Une vie merveilleuse" ou encore du recueil "Intimités".

" Dans ce monde sévère, ils ne s'amusent pas souvent, mais les caricatures du New Yorker les font parfois rire poliment. Ils vivent à côte à côte comme deux glaçons suspendus à une gouttière. On leur a jamais posé la question, mais si ils avaient à y répondre, ils diraient qu'au XXème siècle l'amour n'est plus une question pertinente.
Ils finiront par avoir deux enfants. Leur vie est rangée, satisfaisante et fonctionnelle ; comme l'eau, elle est bonne par elle-même, même si elle n'a pas de goût.
Ils sont en bonne santé, comme le sont les gens secs, bien qu'ils aient souvent l'air patraques, comme s'ils étaient atteints de maux mineurs, douleurs de dos ou chute de cheveux.
Mais ils ne souffrent d'aucun de ces problèmes, ils en ont simplement l'air." p.122

Un mari volage, un homme effrayé à l'idée de perdre sa famille, un couple qui meuble son quotidien pour éviter d'affronter l'essentiel, un père de famille qui se suicide, une épouse qui plaque son mari, une candidate à l'élection de "La femme la plus intelligente d'Amérique", 2 adolescentes entrant dans la vie adulte, une femme sur le point de céder à un homme marié.
Tels sont les personnages principaux des 8 nouvelles composant ce recueil.

Laurie Colwin s'immisce dans une intimité qui pourrait être la nôtre, en se focalisant sur des moments de vie importants exigeant bien souvent de franchir un cap : qu'il s'agisse d'affronter ses peurs, de relever un défi, de renoncer à la vie ou à son couple.
Les différents personnages en présence tournent bien souvent autour de leur vie, las et souffrant d'un sentiment d'insatisfaction et d'un besoin de reconnaissance qui les amènent à se retrouver seuls face à un choix à faire.
Bien que je leur reconnaisse un réalisme certain, ces nouvelles n'ont rien éveillé de spécial en moi.
J'ai découvert sans ciller des vies plutôt banales, des problèmes "bourgeois", quelques chutes vides de sens, une façon superficielle d'évoquer la solitude et au final une écriture qui m'a semblée très commune.
Il est des lectures comme celle-ci que j'ai l'impression de traverser sans qu'elles ne me marquent outre-mesure. C'est vous dire le mal que j'ai eu à trouver quelque chose à écrire dans ce billet...

J'espère être davantage conquise par "Famille, tracas & cie" qui m'attend dans ma bibliothèque.

18 juin 2012

Xingu - Edith Wharton


Rédigée en 1916, "Xingu" est une nouvelle de l'écrivaine américaine Edith Wharton, notamment auteure des romans " Le Temps de l'Innocence", "Chez les Heureux du monde" ou encore "Ethan Frome".

Quelques femmes de Hillbridge composent le très sélect Lunch Club, association qui se donne pour ambition de "rester en contact avec les plus hautes sphères de l'art, de la littérature et de l'éthique".
Réunies autour de la fondatrice Mrs Ballinger, les dames discutent de la visite imminente de la célèbre romancière Osric Dane.
Mais dès l'arrivée de cette dernière, les choses ne se passent pas vraiment comme prévu.
A y repenser, y avait-il réellement quelque chose de prévu ?

Quel bonheur que cette nouvelle au tournant inattendu ! Une clique de mondaines coulées dans le même moule d'orgueil et de mauvaise foi et d'une superficialité affligeante.
Mrs Ballinger ne s'intéresse qu'aux nouveautés littéraires qu'elle prend plaisir à exposer dans son salon, Mrs Leveret ne se déplace jamais sans son recueil de citations et Mrs Plynth ne supporte pas d'être interrogée sur ses lectures.

" La littérature ? protesta-t-elle sur le ton de la remontrance. Mais cela n'était absolument pas prévu. J'avais cru comprendre que nous parlerions du roman d'Osric Dane." p.20

Dans leur ligne de mire : Mrs Roby, jeune femme modeste et honnête à laquelle elles ne manquent pas une occasion de signifier qu'elle leur est inférieure.
Alors que l'on s'attend à ce que celle-ci reste dans l'ombre de leurs discussions de haut vol, devant leur manque évident de sujets de conversation, Mrs Roby leur sauve la mise, croient-elles, auprès de leur invitée, en recourant à un seul mot : Xingu.
Bien sûr, soucieuses de préserver les apparences, elles rebondissent sur les banalités et surtout sur les bêtises des unes et des autres, sans se douter le moins du monde que ce mot-là leur mettra le nez en plein dans leur ignorance.
Ma préférence va forcément au personnage de Mrs Roby, largement sous-estimée dans la première partie, raison pour laquelle on ne la voit pas arriver. J'ai adoré sa façon ingénieuse de s'approprier les failles des autres pour les remettre à leur place et leur offrir une belle leçon d'intelligence !

Un petit bijou d'humour délicat, portrait mordant d'une société où le souci de paraître prime sur l'honnêteté intellectuelle, où des femmes qui se défendent d'un esprit critique prennent tout pour argent comptant, tentent de se donner une consistance en déballant un savoir de surface, blablatent dans le vide quitte à se voir ridiculisées.
Une excellente nouvelle qui se lit comme une pièce de théâtre !

L'avis de George


14 juin 2012

Le Fusil de chasse - Yasushi Inoué


Publié au Japon en 1949 et traduit pour la première fois en français en 1963, "Le Fusil de chasse" est un roman épistolaire de l'écrivain japonais Yasushi Inoué, notamment auteur des romans "Confucius", "Le Faussaire" ou encore "Le Maître de thé".

Quelques mois après avoir envoyé son poème "Le Fusil de chasse" à une revue spécialisée, un jeune homme reçoit un courrier dans lequel le vieux Josuke Misugi prétend s'être reconnu entre les lignes dudit poème.
Il lui fait ensuite parvenir une confession par procuration consistant en trois lettres provenant de trois femmes différentes - son épouse Midori, sa maîtresse Saïko et Shoko, la fille de cette dernière - et qui en disent long sur son passé tumultueux.

Sous des formes différentes, ces trois femmes se révèlent à Josuke et, bien qu'en prise à des sentiments contradictoires, se libèrent de leurs secrets longtemps enfouis pour prendre leur envol.
Si les premières lignes se veulent plutôt inoffensives, la tournure de leurs lettres bascule dès lors qu'il s'agit d'évoquer les retentissements qu'a pu avoir le comportement inébranlable de cet homme sur leurs vies.
En apprenant la liaison de sa mère avec Josuke à travers son journal, Shoko se sent non seulement trahie mais souffre également de ce que cette découverte change radicalement sa conception jusque-là naïve de l'amour.
Comment ne pas qualifier de "pêché" cette liaison destructrice sans cesse occultée par sa mère, même dans ses dernières heures ?

" Tout ce qui dans la nature frappe mon regard se colore de tristesse quand j'essaie de parler. Depuis le jour où j'ai lu le Journal de Mère, j'ai remarqué que la Nature changeait de couleur plusieurs fois par jour, et qu'elle en change soudainement, comme à l'instant où le soleil disparaît, caché par des nuages.
Dès que ma pensée se porte vers vous et Mère, tout ce qui m'entoure devient autre.
Le saviez-vous ? En plus des trente couleurs au moins que contient une boîte de peinture, il en existe une, qui est propre à la tristesse et que l'oeil humain peut fort bien percevoir." p.21

Midori a toujours su que Josuke la trompait avec Saïko. Elle rend compte du climat glacial qui règne entre elle et son mari depuis 13 ans, de ses vaines tentatives pour attirer son attention et se faire aimer de lui, de ce désir de mort et de vengeance précédant le renoncement.

Sans cérémonie, la lettre posthume de Saïko fait état du poids de cette relation que tous deux pensaient clandestine, des remords dans les premiers temps puis de ce sentiment de délivrance et de sérénité au moment où elle découvre que leur secret est éventé.

Chacune à leur manière, Shoko, Saïko et Midori prennent la plume pour rompre le silence et dire adieu à un homme associé à cette trahison à laquelle elles ont pris part parfois malgré elles.
En s'affirmant pour la première fois, elles se libèrent aussi de cette souffrance étouffée et de ces femmes insouciantes qu'elles furent auprès de lui.
Aussi, bien que leurs lettres soient adressées à Josuke, ces trois femmes semblent surtout les avoir écrites pour elles-mêmes, ces monologues n'autorisant aucun droit de réponse.

Malgré une traduction hasardeuse par endroits...

" La secrète souffrance de Mère ne s'est pas effacée, elle est devenue la mienne propre." p.31
" Mère est morte pour garder le secret. C'est bien, je pense, pourquoi elle est morte." p.33

...j'ai passé un bon moment avec ce court roman dont les thèmes du secret et de la solitude dans la souffrance m'ont fait penser à "Lettre d'une inconnue" de Stefan Zweig.
Trois regards croisés sur la trahison. Une écriture sobre et en communion avec la nature qui, dans la pure tradition nipponne, renvoie à la détresse de ces femmes comme à leur dignité dans la douleur.


D'autres avis : Canel - Clara - Manu - Lili Galipette - Jules

10 juin 2012

Ne tremble pas ! - Peter Leonard


Paru aux USA en 2008 et traduit en français cette année, "Ne tremble pas !' est le second roman, après "N'ayez crainte !", de l'écrivain américain Peter Leonard, fils d'Elmore Leonard à qui l'on doit notamment "Rum Punch" (connu pour son adaptation cinématographique : "Jacky Brown").
Ce thriller sortira en librairie le 13 juin prochain.

Six mois après la mort de son mari Owen, Kate McCall songe à reprendre le cours de sa vie tandis que son fils Luke, qui culpabilise d'avoir abattu son père par accident au cours d'une partie de chasse, sombre dans la dépression.
Kate recroise par hasard Jack Curran, son ex petit-ami qu'elle n'avait plus revu depuis 16 ans.
Récemment sorti de prison, Jack prétend être un nouvel homme et se montre bien décidé à reconquérir Kate.
Serait-ce par nostalgie ou parce qu'elle vient de toucher un héritage de 20 millions de dollars ?

A ma grande surprise, ce thriller est arrivé dans ma boîte aux lettres il y a quelques jours et comme j'avais envie d'une lecture "facile" (moins prise de tête que mes deux dernières lectures), je m'y suis attelée sans tarder.
Je ne m'étais pas trompée. "Ne tremble pas!" ne sera sans doute pas le thriller de l'année.
Dans les premières pages, le lecteur fait connaissance avec Kate et les souvenirs de sa rencontre avec son mari. Le temps d'une collision de caddies et de quelques échanges sur leurs palmarès respectifs et l'affaire était dans le sac.
Une histoire louche portant sur le passé de Kate parvient à rendre sa personnalité un peu plus intrigante et à faire oublier (pour un temps seulement) la platitude des dialogues.
Arrivent ensuite les portraits caricaturaux de Jack, qui à peine sorti de prison pour bonne conduite songe à reprendre les braquages pour gagner sa vie, de l'énigmatique DeJuan et du curieux couple formé par Teddy et Céleste, réplique de Bonnie & Clyde.
On notera au passage qu'hormis Céleste, Kate leur inspire à tous plus d'une pensée libidineuse (sans compter ses voisins et le shérif adjoint, quelle tombeuse cette Kate !).
Durant la première partie du roman, les personnages se croisent et se tournent autour mais adoptent des attitudes tellement prévisibles que le lecteur comprend bien vite de quoi il sera question dans un deuxième temps.
Aucun tournant inattendu. 2-3 scènes qui prêtent à sourire mais déjà vues ailleurs. Un petit secret de polichinelle en filigrane qui se devine bien vite pour qui est un peu attentif aux nombres.
Une issue on ne peut plus banale et annoncée.
Bref un thriller plan-plan ultra-light qui ne révolutionnera pas le genre.


Je remercie néanmoins les éditions de m'avoir offert ce livre.


7 juin 2012

Le triomphe du singe-araignée - Joyce Carol Oates


Publié aux USA en 1976 et traduit en français en 2010, "Le triomphe du singe-araignée" est un court roman de l'écrivaine américaine Joyce Carol Oates, notamment auteure des romans "Délicieuses pourritures", "Viol, une histoire d'amour", "Premier amour" , "Reflets en eau trouble" ou plus récemment du recueil de nouvelles "Le Musée du Dr Moses".

"Le triomphe du singe-araignée" nous plonge et nous aspire dans les méandres d'un cerveau "qui vit de l'autre côté de la santé mentale".
LienAbandonné à la naissance par sa mère tandis que son père purgeait une peine de prison, Bobbie Gotteson fut retrouvé par la police dans le casier d'une consigne.
Confié à plusieurs familles, il atterrit finalement chez Melva où il tient à la fois le rôle de l'amant et celui de père de substitution pour ses 2 fils.
A la suite de longs séjours en prison et de multiples déconvenues artistiques, voilà que Bobbie troque sa guitare contre un autre instrument, une machette dont il se sert pour découper des femmes...
" Il était de toute façon trop tard pour moi à l'époque, j'avais abandonné ce monde, alors...Oui, je pense que j'avais déjà fait le saut dans mon destin...
J'avais programmé sur Vengeur. Et Héros-des-Gros-Titres. Et même Maniaque sexuel. Et : Le Singe-Araignée triomphe." p.81

Bon sang mais quel bouquin...A peine 130 pages mais croyez-moi, c'est bien suffisant pour rentrer dans la tête de celui qui durant tout le roman portera les surnoms de "taré", "monstre", "créature" ou encore "métèque".
Bobbie c'est le nouveau-né abandonné à son sort dans une consigne, le petit garçon qui devient la risée de ses camarades parce qu'il s'est oublié dans son pantalon, le jeune homme dont les blagues font rire les autres taulards et le charme attire les femmes, le bouffon qui amuse la galerie.
Privé d'amour durant toute sa vie, Bobbie développe une haine envers les femmes, à commencer par la malsaine Melva, sa "mère" d'adoption qui se plait à débattre avec ses fils du rôle de frère ou de père dont héritera Bobbie.
Le jeune homme se montre volontiers enjôleur auprès des femmes en ne perdant pas de vue que toutes se jouent de lui. Le petit singe se fait alors multiple, convoque ses "pouvoirs", tisse une toile et escalade leurs balcons pour leur faire payer leur mépris.

Les romans de Oates que j'ai pu lire jusqu'à présent exerçaient sur moi un curieux mélange de fascination et de malaise. Ici le malaise domine.
Ce qui m'a véritablement bousculée, ce ne sont pas tant les détails sanguinolents (relativement peu nombreux finalement) que tous ces souvenirs marquants qui ressurgissent à l'improviste et rendent compte d'une cruauté connue dès le plus jeune âge et dont on peut se dire qu'elle a certainement contribué à renforcer sa nature violente.

" Je vais te remettre dans le foyer pour jeunes garçons ici même dans cette ville et tu éviteras les rues et seras quelque temps à l'abri de ta vicieuse nature. Tu veux bien arrêter de pleurer ? Tu n'as pas de mouchoir ? C'est répugnant, vraiment, de devoir assister à un comportement comme le tien...un homme dans mon genre nourrit d'emblée de grands idéaux, passe ses diplômes pour se consacrer à l'humanité, et avec qui il se retrouve nez à nez ? - des petits salopards à menton bleu, musclés, avec une gueule de macaque comme Bobbie Gadsen...ou Gotsen...ou Gotteson, bref un nom à la con, illisible, la sténo en a biffé la moitié. Tu es un mot qui a été à moitié biffé, Bobbie ! Pauvre petit salopard !" p.29

Sans parler de toutes ces choses qui passent par la tête de Bobbie lorsqu'il procède à leurs exécutions.
Comment vous dire ? C'est comme si on y était, comme si l'on pouvait lire la terreur dans les yeux de ses victimes.
On sent combien l'auteure s'est attachée à creuser loin dans la noirceur, d'autant que son écriture vertigineuse, délirante accompagne horriblement bien le récit des événements et la personnalité dérangée de Bobbie.
Le roman ne s'encombre d'aucune chronologie, laissant place à une "confession désarticulée" dont j'ai peiné à m'extirper.
J'étais soulagée de finir ce roman insoutenable, de sortir ce type de ma tête, c'est vous dire comme le procédé est fort réussi...

" Un Taré est immortel. Il ne peut être tué que par ses propres manipulations." p.18