29 décembre 2011

Reflets en eau trouble - Joyce Carol Oates


Publié en 1992 et traduit en français l'année suivante, "Reflets en eau trouble" est un roman de l'écrivaine américaine Joyce Carol Oates, notamment auteure des romans "Blonde", "Les Chutes", "Délicieuses pourritures" ou encore de "Premier amour".

Un soir de 4 juillet un peu trop arrosé, une voiture démarre en trombe vers l'embarcadère de Brockden avec à son bord un sénateur américain et Kelly Kelleher, jeune partisane rencontrée quelques heures auparavant.
Tous deux n'embarqueront jamais dans le ferry. Au terme de ce qui devait être un raccourci, le véhicule quitte précipitamment la route pour échouer au fond d'un marais.
Si le politicien réussit à rejoindre la surface, Kelly est quant à elle prise au piège dans l'habitacle de la voiture.
C'est dans cette eau sombre que la jeune femme verra ses dernières heures défiler avant de trouver la mort.

" Ils foncent, rebondissent sur les ornières de la route, la lune brille au-dessus de leurs têtes, baiser enfiévré sur la bouche, et la minute d'après c'est la lutte pour la vie, il lui donne un coup de pied pour s'échapper, convulsé de terreur, il ne savait pas ce qu'il faisait, c'était de la panique aveugle, elle comprenait.
Elle comprenait. Elle gardait confiance.
Elle se rappelait maintenant qui il était : le Sénateur.
Elle sentait la pression de ses doigts sur ses épaules nues, son haleine, elle respirait une odeur de bière, d'alcool...elle n'était pas une mauvaise fille, elle expliquerait les raisons de sa conduite avec le Sénateur, ainsi tout semblerait, tout serait évident, attendu, banal." p.88

Remplacez "sénateur américain" par "Edward Ted Kennedy", frère cadet des célèbres Bob et John et sénateur du Massachussets et "Kelly Kelleher" par "Mary Jo Kopechne" et vous obtenez une histoire vraie qui avait défrayé la chronique américaine à la fin des années 60.
A l'issue de l'enquête sur l'accident, malgré un rapport attestant clairement que le sénateur avait préféré retourner à la soirée d'où il venait pour appeler son avocat plutôt que les secours ou la police, celui-ci ne fut sanctionné que par 2 mois de prison avec sursis, autant dire peanuts pour un délit de fuite.
L'enquête avait par ailleurs établi que Mary Jo Kopechne aurait survécu quelques temps dans l'eau grâce à la présence d'une poche d'air et que sa vie aurait sans doute pu être sauvée si les secours avaient été avertis directement.

Je ne suis guère étonnée que cette affaire ait retenu l'attention de cette romancière dont bon nombre de romans portent en eux la désillusion d'une jeune femme face à l'indifférence et la cruauté de l'homme de pouvoir.
Dans la peau de Mary Jo Kopechne s'est glissée Kelly Kelleher, jeune femme présentée comme brillante, impliquée politiquement et grande admiratrice du grand homme qui l'enverra droit dans le marais...
Alors qu'elle se débat pour rester en vie, les souvenirs remontent à la surface (si je puis dire) en autant de portraits de famille et d'instantanés illustrant la complicité immédiate unissant Kelly à ce sénateur dont elle reste persuadée qu'il reviendra lui porter secours (que nenni).
C'est certain, il viendra pour elle, elle qu'il a choisie parmi toutes les autres (dans un moment d'ébriété) et elle s'en sortira, croit-elle, toute sotte qu'elle est.
Oates pointe ici du doigt la naïveté d'une jeune femme vis-à-vis d'un homme qu'elle admire au point de lui attribuer des qualités de superhéros qu'il ne possède apparemment pas.
Peut-on néanmoins en déduire que l'auteure ait réussi à s'emparer de ce drame au point d'en faire une métaphore sur "le déclin moral, spirituel et intellectuel de la société américaine" comme le souligne la quatrième de couverture ?
Bof...
Je ne pense pas que j'aurais davantage apprécié ce court roman en ignorant qu'il était basé sur un fait réel mais, en connaissance de cause, j'ai nettement eu l'impression que l'auteure se trompait d'histoire.
Plutôt que de faire revivre au lecteur les dernières heures de cette pauvre femme, ce roman aurait selon moi gagné en force si il avait choisi d'évoquer l'après - la défense de Ted Kennedy, l'enquête, la faible sentence prononcée à son égard - pour aborder de front le thème du rêve américain englouti.
Si cet accident jeta définitivement un voile sur son accès à la présidence, il n'a tout de même pas empêché cet homme de rester sénateur pendant plus de 40 ans (!).
Par ailleurs, même si je pense que l'auteure souhaitait faire valoir la voix de cette jeune femme, la réhabiliter dans son statut de victime et lui rendre justice à sa manière, je n'ai pas réussi à m'imprégner de son récit.
Trop confus peut-être, trop répétitif certainement, avec ses multiples retours en arrière précisant 10 fois le déroulement de l'accident, revenant sur la rencontre entre Kelly et le sénateur pour "replonger" dans cette eau noire qui entraîne 10 fois la mort de la jeune femme mais jamais totalement sauf à la toute fin...

Vu l'oeuvre abondante de cette auteure, je m'attendais à rencontrer quelque "râté".
Néanmoins, ma PAL et moi ne lâchons pas l'affaire pour autant ;)

Un autre avis : Pimprenelle

27 décembre 2011

Storyteller - James Siegel


Publié en français le 3 novembre dernier, "Storyteller" est un roman de l'écrivain américain James Siegel, également auteur de romans tels que "Epitaphe", "Dérapage" ou encore de "Là où vivent les peurs".

A New-York, Tom Valle était voué à une belle carrière de journaliste jusqu'à ce que son ambition le plonge dans un dangereux engrenage qui le poussera à inventer pas moins de 56 articles de presse et autant de scoops.
Sanctionné par un licenciement assorti d'une peine de prison avec sursis et d'une mise à l'épreuve, le "storyteller" a vu s'envoler son mariage comme sa réputation dans le milieu, le laissant avec un lourd sentiment de culpabilité et pour seule rédemption un aller simple pour la Californie.
Désormais chroniqueur pour le Littleton Journal, Tom Valle attend l'histoire qui devrait le remettre en selle.
Alors qu'il est dépêché sur la route 45 pour couvrir un simple accident de la route, il remarque plusieurs incohérences qui le laissent croire à une mise en scène.
Mais qui serait encore prêt à accorder du crédit à cet homme et à son imagination fertile ?

Personnage attachant que ce journaliste déchu et pétri de culpabilité qui partage avec le lecteur les pans d'une vie dont le mensonge a toujours fait partie.
Tom Valle est un héros d'autant plus intéressant qu'il part avec un sérieux handicap : un manque de crédibilité qui fait qu'on se demande de quelle manière il réussira à dévoiler une histoire d'une telle envergure.
Jusqu'à la dernière ligne, je me suis demandée si il me menait en bateau ou si il voulait réellement faire pénitence en se rachetant avec sincérité.
A un moment je me suis même surprise à imaginer un scénario façon "Shutter Island".
Difficile de trop en dire sur ce thriller sans dévoiler le sel de cette intrigue qui revisite des temps peu glorieux de l'Histoire, présentée sous un angle fictionnel mais néanmoins assez vraisemblable que pour en être souvent troublant.
En ce sens, James Siegel rejoint totalement le profil de son héros.
"Storyteller" apparaît comme une énorme machination construite autour de complots, du passé qui refait surface et que certains ont tout intérêt à taire.
A force de découvertes isolées qu'il finit par relier entre elles, Tom Valle tombe dans une paranoïa qui s'avère communicative tant son récit se veut bien ficelé malgré une chronologie bousculée.
Au gré de chapitres courts, l'écriture nerveuse de James Siegel balaie tout sur son passage, y compris le passé de menteur de ce journaliste, parce qu'après tout chacun a droit à une seconde chance et que l'histoire se tient parfaitement.
Un thriller à ne pas laisser passer !
" Vous le sentez, n'est-ce pas ?
Vous êtes là à relier les points, comme je l'ai fait. Je dois vous présenter les événements de cette façon - chronologiquement - pour que vous puissiez suivre et comprendre comment les choses se sont révélées à moi, petit à petit, morceau par morceau.
Pour qu'au bout du compte vous y croyiez. Peu importe que vous doutiez du messager - tant que vous croyez au message.
Alors vous saurez quoi faire." p.233

D'autres avis : Clara - Neph - Cunéipage - Keisha - Ys


Un grand MERCI à et aux éditions de m'avoir offert ce livre !

22 décembre 2011

Portrait d'un mari avec les cendres de sa femme - Pan Bouyoucas


Publié en 2010, "Portrait d'un mari avec les cendres de sa femme" est un roman de l'écrivain et dramaturge greco-québecois Pan Bouyoucas, notamment auteur des romans "L'homme qui voulait boire la mer", " L'autre" ou encore de "Anna Pourquoi".

Alma Joncas, star des planches au Québec, est mariée depuis 24 ans au chirurgien ophtalmologue Alexandre Maras, homme attentionné toujours prompt à vanter les qualités de comédienne de son épouse auprès de ses clients.
Alors que tous deux passent un moment intime, Alma décède sur le coup dans les bras de son mari.
Avant sa mort, celle-ci avait fait promettre à Alexandre d'enterrer ses cendres à l'endroit où elle avait été la plus heureuse.
Persuadé que sa femme songeait au jardin de leur maison, son mari s'apprête à dire adieu à sa femme lorsqu'il reçoit plusieurs demandes de proches réclamant les restes d'Alma.
Malgré les instances de sa fille, Alexandre décide de mener l'enquête qui décidera de l'avenir des cendres de sa femme...

Entre son beau-frère, l'agent et l'amie de sa femme, chacun revendique les cendres d'Alma avec force arguments, au point que le pauvre veuf ne sait plus où donner de la tête.
Il décide alors d'entamer un véritable chemin de croix, espérant qu'à l'issue de sa quête, l'endroit idéal où enterrer les cendres d'Alma lui apparaisse clairement.
Mais plus il s'enfonce dans ses recherches, moins la solution lui semble évidente, d'autant que parmi les personnes intéressées par les restes de sa femme se cachent de fieffés menteurs.
Sa fille a beau vouloir tenter de le dissuader, arguant qu'il serait préférable pour eux d'entamer leur phase de deuil, il ne veut rien savoir et ne retrouvera le sommeil que lorsqu'il sera assuré que sa défunte épouse repose en paix.

Un homme attachant que cet Alexandre Maras, époux dévoué qui même après le décès de sa femme, continue à se soucier de son bien-être mais lequel, à force de chercher des réponses, en vient à remettre en question l'amour qu'elle lui portait.
Connait-on jamais réellement la personne dont on partage la vie, même durant plus de 20 ans ?
"Portrait d'un mari avec les cendres de sa femme" évoque la difficulté d'un homme face à la mort de son épouse. Une femme qu'il a aimé profondément et qu'il se donne l'occasion de retrouver au gré des différents endroits qu'ils ont pu partager.
Et tandis qu'il se rappelle, se recueille et questionne les gens autour de lui, sa femme demeure encore un peu près de lui.
Revivant leurs souvenirs, il évite ainsi de faire face à l'inéluctable : la vie qui continue, sans elle, et dont il va bien falloir décider quoi en faire à présent. D'autant que leur fille, bien vivante, a davantage besoin d'un père que d'un époux endeuillé.

Bien que j'aie lu ce court roman sans déplaisir aucun, je reconnais être légèrement déçue en regard de l'idée que je m'en faisais.
Je m'attendais à une histoire tragi-comique mettant en présence quelques rebondissements et situations cocasses mais, hormis la fin quelque peu surprenante, j'ai finalement trouvé cette histoire relativement simple, d'autant que l'écriture ne s'est point distinguée par une quelconque originalité.
Bref, un roman qui se laisse lire mais qui ne me marquera sans doute pas durablement.

19 décembre 2011

Fragonard. L'invention du bonheur - Sophie Chauveau


Paru le 27 octobre dernier, "Fragonard. L'invention du bonheur" est signé de la française Sophie Chauveau, également auteure des romans "L'Obsession Vinci", "Le Rêve Boticelli" ou encore de "Diderot, le génie débraillé".

C'est à Grasse, en plein siècle des Lumières, que naquit le jeune Fragonard, enfant sensible essentiellement élevé par une mère pragmatique mais toujours soucieuse de son bien-être.
Alors qu'il manifeste un talent certain pour le dessin et la peinture, sa mère l'emmène chez François Boucher, grand portraitiste de son temps plébiscité par Madame de Pompadour, maîtresse du roi Louis XV.
Après un séjour chez le peintre Chardin, Fragonard rejoint le cercle des apprentis de Boucher qui voit en lui le futur détenteur du prix de Rome.
Et il a vu juste ! Mais à son arrivée à la capitale, Fragonard accepte mal l'ambiance stricte qui règne à l'académie. Il pourra heureusement compter sur l'amitié d'Hubert Robert et de Saint-Non, puis plus tard de son maître Natoire, pour encourager ce talent dont il doute tant.
Tous apprécient la compagnie de ce petit homme chaleureux, toujours enjoué, dont les toiles respirent la joie de vivre et l'émerveillement que lui inspirent les femmes, la nature, les animaux, les enfants.
Au diable la peinture d'histoire, c'est dans les paysages bucoliques et les scènes de genre que le jeune peintre éprouve le plus de plaisir à décliner son art.

Source de l'image
A Rome, ses amis et lui mènent une vie de bohème, heureux de leur succès sans cesse renouvelé auprès des femmes. Mais voilà qu'il est temps de rentrer à Paris où Fragonard souhaite trouver son indépendance.
Pour gagner de quoi vivre, il accumule les commandes légères, que certains qualifieront de "licencieuses".
La mort du peintre Deshays lui fera hériter de son atelier au Louvre où il rejoindra le clan des Illustres.
Malgré la vétusté de l'endroit, l'ambiance entre artistes y est fraternelle et propice à l'échange plus qu'à la rivalité.
Alors qu'il vient d'essuyer un cuisant échec au Salon de 1767 où on lui reproche de s'être dispersé dans tous les genres et d'avoir laissé le vice contaminer son talent, il recroise Marie-Anne Gérard, fille de la meilleure amie de sa mère, qui deviendra sa femme.
Peintre tout comme lui, elle seule le comprend, lui offre l'équilibre dont il a besoin ainsi qu'une fille, Rosalie.
Marie-Anne est rejointe par sa soeur Marguerite qui deviendra l'élève (mais pas seulement) de Fragonard.
Tous formeront une famille épanouie par ce même amour pour l'art, ambiance propice pour le peintre à la réalisation de nombreuses toiles représentant des scènes familières disant le bonheur intime.

La mort de sa fille Rosalie, qui n'arrive pas à trouver sa place dans cette famille d'artistes, jettera un voile définitif sur la personnalité joviale du peintre tandis que la Révolution, déclarée un an plus tard, le plongera dans une totale indifférence.
Son absence de parti pris lui vaut le statut de contre-révolutionnaire alors que Fragonard ne demande qu'à retrouver cette insouciance qui est le leitmotiv de sa peinture.
Chapeauté par son ami David, Fragonard se voit confier le catalogage des oeuvres qui trouveront leur place dans le futur Musée de France, une mission dont il aura la charge tout au long de la Révolution, de la Convention et du Directoire et laquelle lui permettra de sauver des flammes bien des oeuvres issues du pinceau d'amis peintres et même du sien !
Aussi, si le peintre nous a laissé une quantité de toiles pleines de ce jaune vie dont lui seul avait le secret, c'est aussi grâce à sa connaissance sensible de l'art que de nombreuses oeuvres peuvent encore se dresser sous nos yeux aujourd'hui...

" Les arrivages de la Belgique annexée font remuer à Frago des centaines de tableaux pour les identifier. Ensuite, à lui d'attester un nom sur chaque oeuvre. Il reconnaît et repêche un Ribera dit l'Espagnolet. Des dessins des maîtres de Cologne aux grands tableaux de Rubens venus d'Anvers, des Rembrandt du Stathouder de Hollande, c'est lui qui les accueille, les trie, les identifie. Irremplaçable dans sa connaissance des petits maîtres décadents. Il est le plus précis sinon le plus expert dans l'identification des dessins. Il y met tout son coeur. La minutie, la patience qu'il déploie le tiennent éloigné des lieux où l'on verse le sang de leurs propriétaires. Il redoute de croiser sur une charrette un ci-devant avec qui il aurait jadis soupé, qu'il aurait portraituré...il préfère aller arpenter au loin les allées des parcs privés, ou s'enfermer pour rédiger des rapports sur les propositions d'acquisitions ou sur les restaurations en cours. Il inaugure toutes sortes de métiers, de conservateur de musée à directeur du personnel. S'inquiétant de la sécurité des collections à la rémunération ou l'approvisionnement en bois de chauffage des gardiens." p.334

Lorsque Les Agents Littéraires m'ont proposé de découvrir la vie de Fragonard, j'ai eu comme un doute. Fragonard, le parfumeur ? Non, le peintre. Ah.
Ce n'est qu'en me rendant sur Google images que j'ai pu relier certaines toiles connues à ce nom de famille derrière lequel se cache en fait plusieurs artistes.
Pour info, il n'existe aucune parenté entre la marque de parfums et 'Frago', simplement un hommage au peintre qui comme la marque vit le jour à Grasse (peut-être aussi parce le jaune liquoreux du peintre rappelait la couleur du parfum ?)
Si tout comme moi, Fragonard le peintre ne vous dit rien au premier abord, vous le connaissez certainement grâce à cette oeuvre : "La liseuse".

Source de l'image

Il n'en fallut pas plus pour que je me laisse charmer par la luminosité et la grâce qui émanaient de chacune des toiles aperçues.

"Fragonard. L'invention du bonheur" m'a fait l'effet d'un curieux objet littéraire oscillant entre biographie et roman historique.
Si le respect d'une certaine chronologie et une vraisemblance dans le récit laissent penser à une biographie, le lecteur ne trouvera ici aucune notice bibliographique attestant de la véracité des faits énoncés.
Qui plus est la qualité de l'écriture et le style vivant de l'auteure contrastent quelque peu avec l'austérité présente dans bon nombre de biographies et le rapprochent davantage du roman.
Aussi le qualifierais-je de "biographie romancée".

La passion investie par Sophie Chauveau dans ce texte est indéniable. Non seulement pour explorer la palette d'émotions ressenties par le peintre et l'homme à la lueur d'événements marquants tout au long de sa vie, mais également pour réhabiliter le rôle majeur des femmes ayant gravité autour de lui.
Une femme et une mère pour ainsi dire identiques, des femmes organisées sans être autoritaires, admiratrices de son talent et protectrices vis-à-vis de ce clan grassois qui à l'image d'une mafia souhaiterait voir l'homme renoncer à la peinture pour des occupations plus lucratives.
Ses femmes tout comme ses amis peintres formaient une famille d'artistes veillant toujours à ce que Fragonard puisse pleinement déployer son talent.
C'est sans doute au nom de ce même talent et de toutes les personnes qui l'ont soutenu que Sophie Chauveau a voulu ici rendre hommage à l'homme et réhabiliter dans nos mémoires le peintre qu'il était.

" Rarement avant Fragonard, le dessin et surtout la sanguine n'ont été pris si au sérieux ni n'ont occupé un tel rang. Au-delà de l'observation attentive du feuillage des arbres, du scintillement de la lumière, du clapotement des eaux, du bruissement du vent, de la chaleur étouffante de l'air, on peut lire dans ses dessins un hymne à la végétation, cette végétation exubérante, folle, enfiévrée par le climat romain.
Un souvenir d'enfance ? Un amour pour cette vie de l'enfance où les corps sont libres dans un air toujours chaud.
La nature de Frago ne nie jamais l'homme, ne cherche pas non plus à l'inquiéter. La nature fût-elle grandiose enchante, et à qui l'admire, promet l'émotion." p.100

Pari fort réussi selon moi ! J'ai d'ailleurs passé autant de temps à lire ce livre qu'à admirer ses toiles sur mon écran.
Un portrait d'autant plus intéressant qu'il s'inscrit dans un contexte historique particulièrement riche (et lourd, faut-il le préciser), l'occasion d'en apprendre davantage sur l'administration des arts et le statut réservé aux artistes à l'aube et au lendemain de la Révolution.

MERCI à et aux de m'avoir offert ce livre !

16 décembre 2011

Dernière adresse - Hélène Le Chatelier


Publié en 2009, "Dernière adresse" est le premier roman de la française Hélène Le Chatelier.
A 17 ans, Niamh a quitté son Irlande natale pour rejoindre la France où elle rencontrera Georges, cet homme merveilleux qui deviendra son mari et le père de ses enfants.
Bien des années plus tard, Niamh se voit contrainte de quitter son foyer pour rejoindre une maison de retraite, sa dernière adresse.
Dans cet endroit où rôde la mort, Niamh raconte ce quotidien ennuyeux et sans tendresse dont elle s'échappe en se remémorant les peines et les joies qui peuplèrent sa vie.

" Je me ramollis de partout. Je me répands, je me liquéfie. "Tu redeviendras poussière." Mon cul, oui ! Tu te ramolliras, tu te liquéfieras et tu te répandras. Rien de grave, rassure-toi !
Quelqu'un viendra et passera un coup de serpillière.
Et puis, comme tous ceux qui sont passés avant toi, et tous ceux qui viendront après toi, on t'oubliera. C'est aussi simple que ça !
Tu te répands. Hop ! Un coup de serpillière, et voilà. Ni vu, ni connu ! " p.37

"Dernière adresse" débute par la déclaration ouverte de Niamh à ce mari qui l'a aimée jusqu'à respecter chaque jour son besoin d'indépendance et à ses enfants qu'elle a mis au monde, aimés, protégés.
Mais à l'évocation de ces souvenirs succède rapidement le constat d'un quotidien qui - elle se l'avoue à demi-mots - devient difficile à gérer.
Si elle conserve encore une lucidité et un sens de l'humour intacts, devant ce corps qui la lâche petit à petit, la vieille femme impuissante est bien obligée de se rendre à l'évidence : les trajets en voiture lui deviennent pénibles, sa démarche se veut moins assurée et se nourrir exclusivement de Flanby n'est pas vraiment raisonnable...

" Dans tous les cas, vieillir c'est perdre. Perdre et se résigner à perdre. Se dépouiller de toutes ces choses parfois si chèrement acquises. C'est ça.
On passe la fin de sa vie à se défaire de ce qu'on a mis tant de temps à acquérir." p.81

Niamh représente typiquement la vieille dame "entre deux chaises", désormais incapable de se suffire à elle-même parce que son corps la lâche mais en pleine possession de ses facultés intellectuelles.
En songeant à ma vieillesse à venir, je me suis toujours dit que je préférerais mille fois finir dans une chaise que de perdre la boule !
Mais finalement à l'issue de ce roman, j'ai revu mon jugement...
Car cette femme-là n'est pas plus heureuse que le légume à côté d'elle. Que du contraire, lui ne se rend compte de rien alors qu'elle, entre les regards vitreux des autres pensionnaires, l'air toujours coupable et obligé de ses proches et l'absence de chaleur du personnel soignant, elle sent seule et aimerait bien qu'on la remarque, qu'on lui prodigue de la tendresse, qu'on la laisse encore faire montre de coquetterie.
" Merveilleuse utopie : je rêve d'une maison de retraite où le personnel prendrait le temps de gestes dérisoires pour maquiller les femmes en fin de vie, les vieilles peaux, les poches sous les yeux et les cous de chien.
Les femmes en fin de vie n'en demeurent pas moins des femmes.
Et la prochaine fois que quelqu'un me maquillera, je serai sûrement complètement refroidie." p.58

Je me suis beaucoup attachée à cette vieille dame lucide et pleine de vie qui ne demande qu'à en profiter jusqu'au bout. Un portrait beaucoup plus réaliste que celui de "Cora Sledge"(dont j'avais certes apprécié l'humour).
Si "Dernière adresse" s'achève par l'aveu d'un lourd secret (loin d'être indispensable comme l'ont dit certaines avant moi), ce court roman apparaît avant tout comme un témoignage terriblement juste qui porte en lui de belles réflexions sur la vieillesse - qui n'est ici pas synonyme de sénilité - et sur le sort qui lui est bien souvent réservé à force de généralisations et d'idées fausses.

" Quitter le réel, c'est ce que je cherche justement ! Je parle toute seule, et alors ? J'assaisonne ma vie à ma façon. Je ne suis pas démente, j'ai de l'imagination. C'est tout. Ce n'est pas la même chose." p.83

Un roman que je recommande à tout le monde, particulièrement à Clara, non pas à cause de son âge (^^) mais parce que je suis certaine qu'elle sera conquise par le thème et l'écriture de ce roman ;)

11 décembre 2011

L'oeil du témoin - Carole Martinez


Réédité cette année, "L'oeil du témoin" - déjà publié en 1998 sous le titre "Le cri du livre" - est un roman jeunesse de l'écrivaine française Carole Martinez, également auteure du roman "Le coeur cousu" et plus récemment de "Du domaine des murmures".

Privé de colonies de vacances avec ses camarades, Noé s'apprête à passer tout l'été enfermé dans sa chambre.
Alors qu'à travers son télescope, il suit des yeux le départ du car, son attention est détournée par l'apparition d'une belle jeune fille aux grands yeux bleu qu'il baptise instantanément Vague.
Leurs regards se croisent jusqu'au moment où Marguerite, la bibliothécaire du village, apparaît dans leur champ de vision.
Quel est cet homme qui la poursuit et pose ses mains autour de son cou jusqu'à l'étrangler ?
Alors que tout le village sonne l'alerte, les deux jeunes témoins décident de mener l'enquête...

Je lis peu de romans jeunesse car j'ai bien souvent l'impression de ne plus y trouver mon compte.
Or il s'est passé quelque chose de merveilleux avec ce livre puisqu'il n'a ni plus ni moins réussi à me faire retomber en enfance.
Je me suis rapidement attachée à ces deux héros adolescents avides de justice, matures et plein de jugeotte !
Mais ce n'est pas tout. Dans ce petit village de Rochesson dont la moyenne d'âge avoisine les 80 ans, on compte quelques fortes têtes parmi le troisième âge comme la grand-mère de Noé qui n'hésite pas à lui prêter main forte malgré le danger et en profite même pour militer et créer un "Cercle de la nouvelle jeunesse".
A travers ce roman, Carole Martinez réconcilie petits-enfants et grands-parents, gomme le fossé inter-générationnel pour nous rappeler que les jeunes sont capables d'entraide et que les vieilles personnes peuvent encore avoir de l'esprit et de l'humour à revendre.
Last but not least. Au coeur de cette enquête à l'ambiance "Club des 5", le livre et les auteurs classiques possèdent une place de choix en ce qu'ils participent à leur façon à la découverte du coupable.
Le style m'a semblé très juste. Qu'il s'agisse de décrire les émois adolescents ou d'évoquer le déroulement de l'enquête, l'écriture fluide sans pour autant être infantilisante m'a semblé adaptée au jeune public comme à l'adulte.
De quoi réconcilier certains adolescents avec la lecture ou, comme ce fut mon cas, ramener certains adultes quelques années en arrière :)

MERCI aux éditions Rageot et à Babelio de m'avoir offert ce livre dans le cadre de son opération Masse Critique jeunesse !

4 décembre 2011

L'Herbier des fées - Benjamin Lacombe et Sébastien Perez

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Le nouveau bijou de Benjamin Lacombe est sorti ! Je vous avais déjà parlé des albums "Les Amants Papillons" et "La mélodie des tuyaux" .
Lorsque j'ai reçu cet album hier soir pour mon anniversaire et que j'ai commencé à le feuilleter au restaurant, je me suis dit que je m'y plongerais dès le lendemain. Et nous y voilà :)

"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent seulement de nuit."

C'est sur cette phrase tirée des "Histoires extraordinaires" d'Edgar Allan Poe - dont l'influence se ressent à travers tout le travail de l'illustrateur - que s'ouvre "L'Herbier des fées", magnifique album qui, dès les premières pages, plonge le lecteur au coeur d'un rêve éveillé.













Herboriste travaillant pour le compte du Cabinet des sciences occultes de Raspoutine, Aleksandr Bogdanovitch ambitionne de créer un élixir d'immortalité.
Il décide de se rendre dans la forêt de Brocéliande pour y développer ses recherches, notamment sur la grande gentiane, plante réputée pour redonner vigueur et jeunesse et la pilularia animans qui offre des propriétés thérapeutiques miraculeuses.
Au fil de ses recherches, le scientifique découvre que les plantes étudiées cachent en leur sein de petits êtres vertébrés qui présentent des caractéristiques communes aux êtres humains.
Se pourrait-il que les légendes soient vraies ? Que les fées existent bel et bien au-delà de notre imagination ?
Pris de fascination comme d'affection pour ces créatures extraordinaires qu'il s'est juré de protéger, Aleksander refuse désormais de rentrer chez lui malgré les instances de sa femme et entreprend de dissimuler au Tsar le fruit de ses découvertes.



Journal de bord d'Aleksander, "L'Herbier des fées" laisse entrevoir bon nombre de notes de terrain, de croquis, de correspondances échangées avec femme et confrère ainsi que des articles de presse attestant de l'étrange disparition du scientifique.
Une nouvelle fois, la magie a opéré ! J'ai été subjuguée par le grand soin apporté dans les illustrations (ah ces couleurs !) comme dans les descriptions précises qui les accompagnent.
J'ai aimé découvrir ce monde merveilleux à travers les représentations d'Aleksander dont l'oeil scientifique cède peu à peu la place à l'émerveillement d'un homme tout absorbé par un nouvel environnement devant lequel il s'incline.

" J'ai été touché par leur regard lorsque je les ai approchés. Aujourd'hui, mes mains tremblaient tant que j'ai lâché le tube. A l'instant même où il s'est brisé au sol, tous mes spécimens se sont volatilisés de façon incompréhensible, y compris celui épinglé.
Faut-il briser une chose pour apprendre ce qu'elle est ? Ai-je quitté les chemins de la raison ? "

Véritable ode à la nature, résultat d'une confondante symbiose entre règnes animal et végétal, "L'Herbier des fées" véhicule un noble message invitant tout un chacun à s'étonner sans cesse et à remettre en cause son savoir avec humilité, à préserver et à respecter son environnement comme tous les êtres qui l'habitent.

" La vie ici réserve des surprises d'une beauté indescriptible. N'en déplaise à mon ami l'agronome Ivan Vladimirovitch Mitchourine, qui prétend que nous ne pouvons attendre des bienfaits de la nature et que notre devoir est de les lui arracher.
Moi, je sais maintenant que toutes nos connaissances passées, présentes et à venir ne sont rien au regard de ce que nous ne saurons jamais."

A offrir (à soi-même pour commencer ^^) !

"L'Herbier des fées" est également disponible dans un alléchant format numérique interactif !



Plus d'infos sur le site dédié.

29 novembre 2011

La cote 400 de Sophie Divry part en vadrouille !


Suite au commentaire laissé par Liliba, je vous propose de faire voyager ce livre jusqu'à vous.

Inscriptions en commentaires (pour ceux/celles que je connais) :)

28 novembre 2011

La cote 400 - Sophie Divry


Publié l'an passé, "La cote 400" est le premier roman de la française Sophie Divry.
Il est ici question de l'histoire ou plutôt du monologue enflammé d'une bibliothécaire de province, responsable du rayon géographie, qui se plaint de...à peu près tout et tout le monde. Collègues, hiérarchie, lecteurs. Et quand il s'agit d'évoquer la fantaisie ambiante ou la démocratisation de la culture, elle a plus que son mot à dire...

" Mais ce que je n'ai supporté, ce qui fut une énorme erreur, c'est d'avoir déplacé les langues de la classe 400 à la classe 800. Et qu'a-t-on mis à leur place ? Qu'a-t-on mis ? Rien.
Ce qui fait que la cote 400, en ce moment, est inoccupée, vide.
Vous êtes d'accord, c'est une ineptie. Moi, cela me donne le vertige, cette cote vacante.
Qu'est-ce qui viendra l'occuper ? Quel domaine de la culture et du savoir humain, que nous n'estimons pas à sa juste valeur, viendra plus tard en prendre possession ? Je préfère ne pas penser à cette cote creuse, ça me fait peur." p.16

Dès les premières lignes, je me suis demandée si j'arriverais à supporter cette femme aux airs supérieurs durant 65 pages. Celle-ci m'a d'emblée fait penser à ces gens/boulets qui vous harponnent pour ne plus vous lâcher avant d'avoir vidé leur sac, sans vous donner la possibilité de couper court.
Cette bibliothécaire s'adresse à un lecteur retenu prisonnier depuis la veille et découvert juste avant l'ouverture mais franchement, au vu de sa solitude avouée, je me suis demandée si elle ne s'adressait pas simplement à elle-même.
Psychorigide, aigrie et maniaque du classement, cette femme vit totalement repliée sur elle-même, se privant de loisirs, de vacances et de la présence d'un homme dans sa vie.

" De toute façon, qu'est-ce qu'un Américain sinon un Européen qui a raté le bateau du retour ? Moi, d'ailleurs, je ne voyage plus. Ah, ne parlons pas de bateau, j'ai des bouffées. L'avion ? Jamais ! Vous plaisantez ? Je ne voyage plus. Franchement, ça ne sert à rien.
On n'a jamais assez de temps pour comprendre ce qu'on visite et je ne supporte pas de connaître les choses à moitié. Visiter un musée en deux heures, c'est une imbécilité." p.25

Reste son métier, ingrat, qui consiste à ranger le désordre laissé par des lecteurs peu respectueux en ce qu'ils n'hésitent pas à arracher des pages, à surligner ou à annoter des passages de livres.
Ces lecteurs qui ne sont là que pour draguer, profiter du chauffage ou lire des navets.
Ses collègues et le conservateur de la bibliothèque ne sont guère mieux lotis. Confortés dans leurs métiers, ils ne semblent pas prêts à changer les choses, à orienter les lecteurs vers d'autres livres en prenant le risque de les détourner des classiques habituellement prescrits à l'aveuglette.
De toute façon, personne ne l'écoute !

" Excusez-moi si je m'énerve, mais c'est dur d'être minoritaire. Je me sens la ligne Maginot de la lecture publique. Je me sens si seule parfois. Je ne sais pas si vous comprenez. J'en doute." p.42

Et pourtant, au fil de sa tirade se dessine l'envie d'être remarquée, de signifier quelque chose pour quelqu'un, que ce soit pour ses lecteurs qui ne l'abordent jamais pour lui poser des questions ou pour Martin, ce jeune homme bien sous tous rapports (et à la nuque splendide) dont elle essaie en vain d'attirer l'attention dans ce sous-sol sinistre qu'est son lieu de travail.

"La cote 400" présente une vision amère du métier de bibliothécaire dont les tâches se résument à "classer, ranger, ne pas déranger".
Ne fréquentant plus les bibliothèques depuis plusieurs années, je ne saurais attester de l'universalité de ce sombre portrait. Néanmoins, je dois reconnaître que mes souvenirs de bibliothécaires ressemblent beaucoup au portrait dessiné ici.
Il me reste l'image d'une quinquagénaire avachie sur sa chaise, soupirant quand un lecteur lui demandait de l'aide pour repérer un livre et désignant de loin le rayon plutôt que de se déplacer, préférant continuer à rédiger ses fiches de rappels destinées aux retardataires.

Je reste néanmoins convaincue que tous les bibliothécaires ne sont pas à mettre dans le même sac et que l'auteure a volontairement choisi le mode de la caricature en plaçant dès le départ son personnage dans de mauvaises dispositions propices à la frustration.
Ayant échoué au CAPES, cette femme n'a pas envisagé le métier de bibliothécaire comme une vocation mais plutôt comme un second choix qui lui a permis de suivre un homme qui la quittera ensuite.
Elle se retrouve qui plus est dans une bibliothèque municipale si peu fréquentée qu'on pourrait entendre les mouches voler, et affectée au rayon géographie !
Dans mes jeunes années, je pense avoir fréquenté ce rayon une seule fois, pour consulter un atlas car j'avais oublié le mien dans mon casier...
L'aspect "conseil" du métier est donc ici totalement éludé faute de lecteurs à aiguiller.

" Et je fais ce métier depuis vingt-cinq ans, vingt-cinq ans sur le même principe immuable.
Même si on m'appelle en haut à la banque de prêt, ce n'est pas mieux.
Enregistrer les livres au départ ou au retour en faisant bip-bip avec les codes-barres, c'est créatif peut-être ? Bip-bip, "Pour le 26 septembre, au revoir"; bip-bip, "Pour le 14 mai, merci".
Etre bibliothécaire n'a rien de valorisant, je vous le dis : c'est proche de la condition d'ouvrier.
Moi, je suis une taylorisée de la culture." p.12


"La cote 400" est un petit roman qui se lit d'un seul souffle mais, comme le soulignait Reka, avec des pincettes (même si il y a malheureusement du vrai dans ses plaintes) car il s'agit ici, comme dans tous les livres qui traitent d'un métier en particulier, d'une et non pas de LA vision du métier de bibliothécaire.
Malgré que cette femme m'ait tapé sur le système dans les premières pages, je dois reconnaître avoir beaucoup aimé son humour cynique lorsqu'elle abordait le statut du livre au fil de l'Histoire.
A tenter avec un certain recul !

" Des fois j'ai des accès bizarres. Un jour, par exemple, dans les waters, j'ai lu un graffiti sur le mur : JEUNE HOMME CHERCHE JEUNE FEMME AIMANT CRITIQUE DE LA RAISON PURE POUR AVENTURE KANTIENNE;
Il y avait même un numéro de portable. Vous ne le direz pas au conservateur, mais en dessous, c'est moi qui ai gribouillé en réponse : FEMME MURE CHERCHE HOMME JEUNE APPRECIANT CRITIQUE DE LA RAISON DIALECTIQUE POUR ROMANCE SARTRIENNE;
Evidemment, ce n'est pas à la portée du premier venu. Personne ne m'a répondu. " p.53

D'autres avis : Reka - Alex - Clara - George - Soukee - DeL

27 novembre 2011

Globedia et son référencement forcé

Le 13 juillet dernier, j'ai reçu un email en provenance du site Globedia qui se proposait de référencer mes billets de blog.
A noter que ce courrier comportait déjà un login ainsi qu'un mot de passe à mon nom que je n'avais absolument pas demandés.
En pleine préparation de mon déménagement et n'étant pas intéressée par cette proposition, je n'ai pas donné suite.
Les mois ont passé et j'avais totalement oublié cet email et ce site jusqu'à ce que Cachou m'informe ce matin que Globedia se permettait de diffuser mes billets depuis le mois de juillet !
Et quelle mention peut-on voir à droite de chaque billet ? "Cet article est publié avec autorisation: Distribution gratuite".
Eh bien on dirait que certains n'ont vraiment pas froid aux yeux !!!

J'ai bien entendu demandé au propriétaire du site de retirer toute trace de mon blog et de mon compte et je vous invite à vérifier à votre tour si votre blog ne se trouve pas référencé à votre insu.
Cachou a déjà identifié et contacté une vingtaine de blogueurs inscrits...
Elle avait déjà évoqué Globedia dans un billet que vous pouvez retrouver ici
En réaction à son billet, le propriétaire du site avait prétexté "une erreur" et assuré que la version en ligne du site n'était qu'une demo vouée à disparaître.

On dirait bien que la demo est toujours là et que les erreurs s'accumulent...

Un challenge, un livre, ça vous dit ?

Pas plus tard qu'hier, je me suis demandée quel pouvait bien être l'ancêtre de ma PAL, ce livre qui, caché sous tous les autres, attend sagement son tour depuis des lustres.
Ce livre dont la découverte tarde à venir, sans cesse repoussée pour une raison quelconque.
Laquelle d'ailleurs ? Sujet trop difficile ? Pagination conséquente ? Cadeau empoisonné d'une belle-mère impossible à refourguer sur Ebay ?
De déménagements en déménagements, dépoussiéré puis rangé dans un nouveau carton mais jamais personne pour s'enquérir de ses pages.

Quel est donc ce livre constamment délaissé au profit d'un autre ?
A vrai dire, après de savants calculs, je suis tombée sur un ex-aequo.














Ces deux-là traînent dans ma bibliothèque depuis 2001 (!). Le premier n'est pourtant pas très long. Or il se trouve qu'après lui, d'autres livres ont rejoint ma bibliothèque, au point que j'avais pratiquement oublié son existence jusqu'à hier.
Prise d'un sérieux doute (est-il déjà dans ma bibliothèque ?), j'ai bien failli l'acheter une seconde fois.
Pour ce qui est de Simone, c'est une toute autre histoire. Ayant lu pas mal d'articles sur elle ainsi que des ouvrages y faisant régulièrement référence, j'avais en quelque sorte le sentiment de l'avoir déjà lu à travers d'autres.

Aussi était-il temps que je me décide à rendre justice à ces livres honteusement délaissés.

Comme je me suis dit que je n'étais certainement pas la seule dans le cas, je vous propose un mini-challenge qui consiste tout simplement à prendre le temps de lire ENFIN le fameux livre oublié.

Mais que serait un challenge sans un logo bricolé en 3 clics et un jeu de mots à 2 balles hein ?



Pour les curieux/ses, la demoiselle du logo est une peinture de Gottfried Schalchen intitulée tout simplement "Vieille femme avec le livre et les lunettes".

Ce challenge démarre dès aujourd'hui pour se terminer dans un an (soit le 27/11/2012).

Inscriptions et dépôt de liens toujours en commentaires :)

Bon dépoussiérage à tous/toutes !

PS : que ceux/celles qui ne souhaitent pas participer au challenge n'hésitent cependant pas à venir parler de ce livre en commentaires. Je serais curieuse de voir si un ou plusieurs titres se retrouvent dans plusieurs réponses :)

25 novembre 2011

Razzia de livres à la George :)

J'ai profité de mon jour de congé pour faire une "petite" descente chez le bouquiniste.
Contrairement à George, blogueuse éminemment célèbre pour ses excuses bidons (je passais dans le coin/ je soutiens les libraires indépendants/j'avais un chèque-cadeau/ le libraire les a subrepticement glissés dans mon sac,...) heu...variées (la dernière en date étant "Comme je n’avais pas de monnaie et qu’il me fallait utiliser ma CB mais à partir de 15€ "), j'assume complètement ma propension à prévoir des lectures pour les 20 prochaines années à venir...
Plusieurs trésors attendaient sagement que je dégaine ma carte magique.


- "Le polygame solitaire" de Brady Udall ( grâce à Miss Clara et Keisha)

- "L'année de la pensée magique" de Joan Didion (merci Mango)

- "L'homme qui valait 35 milliards" de Nicolas Ancion (parce que l'humour se fait rare en littérature et qu'il en a à revendre)

- "Insecte" de Claire Castillon (encore Clara ^^)

- "Des adhésifs dans le monde moderne" de Marina Lewycka (la faute à Choco, Sandrine et Lili Galipette)

- "Dernière adresse" d'Hélène Le Chatelier (je ne sais plus, que le/la coupable se dénonce !)

- "Portrait d'un mari avec les cendres de sa femme" de Pan Bouyoucas (noté chez Lily et Amanda)

- "Ethan Frome" d'Edith Wharton (arf, je ne sais plus chez qui je l'ai repéré)

- "La cote 400" de Sophie Divry (eh oui Reka, grâce à ton avis négatif ^^)

- "Cette main qui a pris la mienne" de Maggie O'Farrell ( Ys, Choco, Clara, Aifelle, Sandrine, c'est ce qu'on appelle un complot)

- "Une odeur de gingembre" d'Oswald Wynd (encensé par les terribles George, Manu et Sandrine)

- "Captive" de Margaret Atwood (parce que depuis mon coup de coeur pour "La servante écarlate" j'ai décidé de tout lire de cette auteure)

- "Sarah Bernhardt" de Françoise Sagan (juste parce que c'est Sarah et Françoise)

- "Solstice" de Joyce Carol Oates (parce que dès que j'aperçois un roman de cette auteure, je l'achète compulsivement sans même lire le résumé, pfiou)

- "Le journal secret d'Amy Wingate" de Willa Marsh (repéré chez Cunéipage)

- "Le goût des pépins de pomme" de Katharina Hagena (aperçu chez à peu près tout le monde)

On pourrait se dire que je suis parée pour un certain temps mais...je fêterai mes 29 printemps samedi prochain (29 livres en plus pour l'occasion ?). Affaire à suivre donc :)

21 novembre 2011

Sugar Baby - Philippe Bartherotte


Publié en mars dernier, "Sugar Baby" est le premier roman de l'écrivain français Philippe Bartherotte, également auteur de l'essai " La tentation d'une île, derrière les caméras de la téléréalité".

Les journées de David Ruskin, parisien trentenaire au chômage, se suivent et se ressemblent, partagées entre les dvd's loués au vidéoclub du coin, les nombreuses heures passées sur internet à se masturber devant des films (pédo)pornographiques et les 3 minutes de conversation téléphonique avec sa mère.
Pour tromper son ennui et sa solitude, il décide de s'inscrire à l'Association Nationale de Tir pour y obtenir sa licence. Son rêve ? Perpétrer un massacre aux Galeries Lafayette le premier jour des soldes.
Mettra-t-il ce fantasme à exécution ou se laissera-t-il rattraper par la réalité ?

" On les appelle les locked in, les "enfermés à l'intérieur", ceux qui ne peuvent rien faire d'autre que cligner des paupières pour vous parler. Je n'ai pas comme eux perdu la mobilité de mes jambes et de mes bras, ni l'usage de la parole, mais considérez-moi comme un locked in. Dans la ville, la multitude n'est là que pour définir et mettre en relief mon incapacité à nouer des contacts avec les autres.
Dans ma solitude, au milieu de la ville, devant mon ordinateur, j'ai parfois l'impression que l'effort que je fais pour raconter ma vie - compte tenu de mes facultés intellectuelles - est équivalent à celui que devrait produire un tétraplégique qui entreprendrait l'ascension de l'Everest. Mais cet effort est la seule chose qu'il me reste. La seule chose qui me permet d'affirmer mon identité et d'être un homme. " p.73

Antihéros par excellence, David Ruskin est un individu qui dès le départ ne suscite pas la moindre sympathie.
Eternel chômeur dénué d'ambition si ce n'est celle d'écrire un jour un roman, pervers à outrance, incapable de la moindre émotivité (si ce n'est peut-être vis-à-vis de sa tortue d'eau), on le perçoit à la fois comme insignifiant au regard d'une société homogène et marginal en ce qu'il en refuse les règles du jeu.
En décrochage social complet, David se nourrit presque exclusivement de fantasmes sexuels ou violents (voire sexuellement violents) qui le conduisent petit à petit à commettre des crimes.
Narrateur de sa propre histoire, il balade le lecteur dans une logique et une réalité qui lui sont propres, résultat de sa perception de l'actualité comme de comportements dictés avant tout par ses pulsions.
Réfléchi, il échafaude un plan bâti sur une série de rêves dans lesquels il endosse le rôle vedette de l'exterminateur ouvrant le feu avec sang froid sur toutes les personnes rencontrées sur son passage.
Je me suis présenté David Ruskin comme le personnage central d'un jeu video évoluant dans un monde où les autres n'existeraient qu'en tant que cibles potentielles.

Comme d'autres lecteurs avant moi, j'ai souvent pensé à Patrick Batman, personnage de "American Psycho" de Bret Easton Ellis ( que je n'ai pas encore lu mais dont j'ai vu l'adaptation ciné).
Il y a cette même violence tour à tour refoulée puis assumée, cette même amoralité et ce même goût pour la modernité et les citations de marques (qui ne me dérangent pas outre-mesure mais qui m'ont carrément énervée dans un passage "sponsorisé" du roman).
Les références à l'actualité sont légion dans la bouche du narrateur, abonné à des alertes infos SFR, qui se sert de faits divers pour appuyer son raisonnement.
Fidèle au genre transgressif, "Sugar Baby" apparaît comme un concentré de tous les dysfonctionnements propres à notre société. Un monde animé par une déshumanisation toujours plus flagrante et au sein duquel la violence côtoie une sexualité constamment assimilée à de la pornographie. Aussi attendez-vous à quelques scènes trash à la Despentes...

Malheureusement le récit souffre de quelques coquilles et fautes d'orthographe (certains s'en fichent éperdument mais moi ça m'agace). Le thème de la crise identitaire et du pétage de plombs des 30-40 ans sur fond de solitude urbaine commence doucement à s'émousser (Beigbeder, Rizman, Laurain et j'en oublie certainement...).
La fin retombe un peu à plat (tant qu'à faire, je m'attendais à ce que l'auteur pousse le sensationnalisme et assume les travers de son personnage jusqu'au bout).

Je peux néanmoins affirmer qu'au-delà des scènes violentes (peu plaisantes mais néanmoins nécessaires pour coller au récit et au profil du coco), d'autres m'ont franchement fait sourire comme celle où David demande un coffret des plus beaux viols de l'histoire du cinéma à une vendeuse de la FNAC (avec l'explication qui s'ensuit) ou quand il jauge les gens dans les administrations ou les endroits publics.

" Hier il faisait pas loin de 40 degrés. C'est la canicule, les vieux tombent comme des mouches et pourtant, il y a toujours autant de vieilles peaux aux cours d'aérobic.
Le fait de nager juste après qu'elles se sont largement ébrouées dans la piscine avec leurs vagins ménopausés a quelque chose de dégoûtant. J'ai fait une allusion plus ou moins fine au type qui surveille le bassin. " Ne vous inquiétez pas on met beaucoup de produits dans l'eau !" m'a-t-il répondu avec un large sourire très maître nageur bien dans sa peau. Cela ne m'a pas rassuré pour autant.
A chaque fois que je bois la tasse, je me demande si je n'ai pas en même temps avalé un bout de muqueuse." p.54

MERCI à Philippe Bartherotte de m'avoir proposé son roman !

D'autres avis : Alex - Mango - Alienandcult

19 novembre 2011

Les Femmes - T.C Boyle


Publié aux USA en 2009 et traduit en français l'année plus tard, "Les Femmes" est un roman de l'écrivain américain T.C Boyle, également auteur des romans "America" ou "Talk Talk" ou plus récemment de "L'enfant sauvage".

"Les Femmes" nous emmène à Taliesin, domaine situé dans le Wisconsin, lequel appartenait à l'architecte américain Frank Lloyd Wright, célèbre pour son approche organique de l'architecture comme pour ses frasques amoureuses.
Haut-lieu de la vie conjugale de Wright, Taliesin sera le théâtre de nombreux conflits opposant Frank aux femmes qui partagèrent sa vie et le rempart contre les multiples invasions de la presse qui juge d'un oeil sévère les moeurs de l'homme.
C'est dans cet endroit d'une beauté audacieuse que le jeune apprenti Tadashi Sato fera ses premières armes auprès de Wright.
Bien des années plus tard, il retrace le chemin de vie de cet homme ô combien déconcertant.


Bâti en 1911, Taliesin fut incendié à 2 reprises, en 1914 et en 1925, et sans cesse remanié par Wright qui y passa 48 ans de sa vie. Les fondations comme toutes les oeuvres habillant chaque pièce dénotaient un goût prononcé de l'architecte pour l'Extrême-Orient.
Source de l'image



En marge de l'immense passion vouée à son métier, Frank Lloyd Wright était également connu pour être un grand collectionneur de textiles, gravures, paravents, sculptures, poteries (autant de pièces qui lui servirent souvent de monnaie d'échange pour éponger ses dettes) mais aussi de femmes !
Après avoir quitté son épouse Kitty et leurs 6 enfants, il vivra quelques temps avec Mamah qui devait être la femme de sa vie mais qui trouva la mort dans le premier incendie de Taliesin.

" Personne ne devrait vivre dans une maison de poupée, personne. Or si une femme devient mère sans connaître le vertige de l'amour, elle ressent la maternité comme une dégradation; car ni enfant ni mariage ni amour ne lui suffit, seul le grand amour peut la satisfaire. Or, où était son grand amour ? Où se trouvait son âme soeur ? A Oak Park. Il l'attendait." p.535

L'année suivante signe sa rencontre avec Miriam, femme sanguine dont l'obstination lui donnera bien du fil à retordre au moment de la séparation.
Il faut dire qu'en l'absence de celle-ci, un enfant a été conçu avec une autre femme, Olgivanna, qui tout comme Mamah avant elle, devra accepter de passer pour une gouvernante afin de calmer les médias.

" Les draps pesaient sur Olgivanna comme une pierre tombale. Elle ne s'était jamais sentie aussi lasse. "C'est pourtant ta femme, Frank. Comment est-ce possible ? Comment as-tu pu l'aimer ?"
Il ne vint pas à elle, ne lui prit pas la main, ne lui passa pas le bras autour de la taille, ne lui caressa pas les cheveux pour les tirer en arrière afin qu'ils ne lui tombent plus sur le visage : non, il continua de faire les cent pas, et la question, la question de l'amour, ici et maintenant, resta en suspens. Tout à coup, la chambre parut rétrécir, rapetisser.
Olgivanna eut l'impression de se trouver dans une cellule de prison, mais qui était le geôlier? Lui. C'était Frank." p.144

Frank Wright passa une bonne partie de sa vie en exil ou cloitré à Taliesin en attendant des jours meilleurs, travaillant à longueur de journée dans son atelier tandis que sa compagne du moment et ses apprentis faisaient tourner le domaine du maître.

Frank Lloyd Wright entouré de ses apprentis.
Source de l'image






Sacré bonhomme que cet homme-là ! Avare, constamment endetté (et à juste titre surnommé "Frank l'Ardoise") mais toujours capable de ressources insoupçonnées quand il le fallait, Wright apparaît comme un homme soucieux du qu'en dira-t-on mais uniquement lorsque celui-ci tourne à son avantage.
Séducteur et chaleureux avec les femmes, il savait se faire aimer d'elles et les installer dans son domaine en maîtresses de maison corvéables à souhait.
Au diable les tensions puisqu'il pouvait toujours s'absenter inopinément pour un quelconque chantier...
Même chose pour ses apprentis qui, après s'être acquittés d'une somme conséquente, disposaient du droit de séjourner à Taliesin sous la férule du maître comme de celui d'éplucher ses patates...

Si Boyle dresse un regard chaleureux sur l'architecte et ses créations en totale communion avec la nature, l'ironie est certes bien présente dans la voix de ce jeune narrateur faussement naïf quand il s'agit d'évoquer l'homme et l'époux, particulièrement dans les notes de bas de pages qui m'ont décoché plus d'un sourire !

" Trois maîtresses, trois Taliesin. On ne peut qu'imaginer ce qu'Olgivanna dut ressentir face à cette lignée. Compte tenu de son éducation, elle devait certainement connaître la biographie d'Henri VIII d'Angleterre." p.105
" Il paraissait toujours entretenir une relation conflictuelle avec ses clients, devant lesquels il avait la sensation de devoir s'abaisser pour pouvoir pratiquer son art. Il les "blousait" donc avec des surcoûts et leur réclamait avances sur avances : qu'à cela ne tienne, il jugeait que ce n'était que son dû.
Inutile de préciser qu'il abandonnait ces gens et les projets avec eux, qu'il n'avait aucune intention de compléter hormis par procuration.
Comment dit-on, déjà ? Prends le fric et barre-toi ? " p.543

J'ai particulièrement aimé les descriptions vivantes du domaine de Taliesin, personnage à part entière abritant les humeurs de ses pensionnaires, un lieu qu'il me plairait de visiter un jour.
Si j'ai été émue par les portraits de Mamah et Olgivanna, deux femmes dociles et impressionnables acceptant sans cesse son autorité, j'ai vraiment été excédée par l'hystérie et le manque de dignité de Miriam dont les interventions se voulaient sans cesse reléguées par une presse voyeuriste et inquisitrice (merci l'époque) !
Tout chez elle m'horripilait, de sa façon de critiquer sans arrêt tout et tout le monde depuis le premier jour à son acharnement dans les multiples attaques portées à son mari pour violation du Mann Act, banqueroute volontaire, adultère, "aliénation d'affection" et j'en passe.
Il faut dire que Wright a le don de susciter l'admiration comme la rancoeur ! En tant que femme, génie ou pas, j'aurais débarrassé le plancher vite fait...

Malgré mon engouement pour ce roman, j'ai tout de même souffert de quelques longueurs s'agissant du mal de mer de Wright (on le saura!), des périodes d'exil avec ses femmes et des discussions y afférant, un peu comme si toutes ces situations s'avéraient interchangeables.
Mais n'était-ce pas finalement le seul mode de vie connu de Frank Wright ? Une existence faite de dettes, de tensions, de séparations, de secrets ?

Olgivanna, Miriam, Mamah, autant de femmes et de chapitres qui s'entrecroisent dans ce roman remarquable de précision pour dévoiler la face cachée, intime du génie.

"Les Femmes" était une lecture commune avec Manu et Zarline dont je file voir les billets !

17 novembre 2011

Aimez-vous Brahms - Françoise Sagan


Publié en 1959, "Aimez-vous Brahms" est le quatrième roman de l'écrivaine française Françoise Sagan, également auteure de "Bonjour Tristesse", "Un certain sourire", "Toxique", "Un peu de soleil dans l'eau froide", "Les merveilleux nuages" ou encore de "Des bleus à l'âme".

Paule, décoratrice d'intérieur, vit depuis 6 ans une relation sans éclat avec Roger, un homme qui brille par son manque d'engagement et son absence, trop absorbé par son travail comme par ses liaisons.
Un jour, alors qu'elle s'entretient avec Madame Van den Bersch de la future décoration de son salon, Paule fait la connaissance de son fils Simon.
Si le jeune homme tombe instantanément amoureux de Paule, elle de son côté ne se montre pas moins insensible à la fougue que lui inspire son jeune âge comme à cette promesse de tendresse que Roger lui accorde de moins en moins.

" De toute manière, elle avait des rangements à faire, de ces occupations typiques que lui avait toujours recommandées sa mère, ces mille petites choses de la vie d'une femme qui la dégoûtaient vaguement.
Comme si le temps eût été une bête molle qu'il fallait réduire. Mais elle en venait presque à regretter chez elle l'absence de ce goût.
Peut-être y avait-il effectivement un moment où on ne devait plus attaquer sa vie, mais s'en défendre, comme d'une vieille amie indiscrète.
Y était-elle déjà ? Et elle crut entendre derrière elle un immense soupir, un immense choeur de "déjà". " p.56

Fidèle à elle-même, Sagan use du triangle amoureux pour entrecroiser les portraits de l'amour éteint et de la passion naissante, de la solitude résignée et du désir retrouvé.
A la tête de ce trio, Paule, quarantenaire succombant à l'ennui auprès d'un homme qui la délaisse et lui préfère la compagnie de femmes plus jeunes.
On s'en doutera, ce n'est que lorsque Roger se sentira sérieusement menacé par Simon qu'il regrettera avec orgueil une femme trompée impunément.
Simon a pour lui la jeunesse insouciante, romanesque, exubérante, un manque d'assurance qui inspire à Paule des sentiments maternels.
Si leur différence d'âge est souvent remise sur le tapis par Paule, j'ai eu l'impression que celle-ci n'était qu'un prétexte pour elle à ne pas s'abandonner entièrement à Simon.
Il faut dire que cette femme se retrouve prise entre deux feux, comme souvent chez Sagan, capable d'élans passionnés comme de lassitude, une femme dont les décisions se veulent guidées par la peur de la solitude.
Quitter quelqu'un n'est jamais simple. A travers ses romans, Sagan semble toujours associer la séparation à la présence d'un tiers, élément nécessaire à l'impulsion du départ.
Mais un amant chasse-t-il donc forcément l'autre ? Pas forcément. C'est là ce que j'aime particulièrement chez Sagan, cette aisance à dire la complexité de l'amour dans toutes ses nuances.

" A présent, elle mettait six jours à lire un livre, ne retrouvait pas sa page, oubliait la musique.
Son attention ne s'exerçait plus que sur des échantillons de tissus et sur un homme qui n'était jamais là. Elle se perdait, elle perdait sa propre trace, elle ne s'y retrouverait jamais.
"Aimez-vous Brahms ?" Elle passa un instant devant la fenêtre ouverte, reçut le soleil dans les yeux et en resta éblouie. Et cette petite phrase : "Aimez-vous Brahms ?" lui parut soudain révéler tout un immense oubli : tout ce qu'elle avait oublié, toutes les questions qu'elle avait délibérément évité de se poser.
"Aimez-vous Brahms ?" Aimait-elle encore autre chose qu'elle-même et sa propre existence ? Bien sûr, elle disait qu'elle aimait Stendhal, elle savait qu'elle l'aimait. C'était le mot : elle le savait.
Peut-être même savait-elle simplement qu'elle aimait Roger. Bonnes choses acquises. Bons repères. Elle eut envie de parler à quelqu'un, comme elle en avait envie à vingt ans." p.64

D'autres avis : George - Delphine

11 novembre 2011

Tag du portrait chinois


Je me disais justement que cela faisait un petit moment que je ne voyais plus de tags me tomber dessus et puis voilà que Manu et Clara ont pensé à moi ^^

1) Un écrivain

Si j'étais un écrivain, je réfléchirais à la trame de mon roman à venir, un truc bien larmoyant, si possible emprunté à l'Histoire pour rafler un prix Nobel et voir mon nom affiché en Arial taille pour aveugles juste en dessous de ma photo retouchée.
Sans rire, je n'en sais fichtrement rien. Ce n'est pas parce que j'aime certains écrivains que j'aurais envie d'être à leur place. Toxico et flambeuse comme Sagan, suicidaire comme Zweig ou perturbée comme Oates (vu les thèmes récurrents présents dans ces romans, je me demande bien quelle est son histoire de vie).

2) Un aliment

Du nougat, tendre et dur à la fois :)

3) Un supplice

La parole peut être une vraie torture lorsqu'elle se voit ininterrompue. A ce jeu-là, je suis très forte :)

4) Un animal

Une évidence (à une exception près, la grâce : je suis plutôt du genre gros sabots) : le chat. Affectueux, nocturne, indépendant, joueur, curieux, solitaire à ses heures mais gare à celui qui trouble sa tranquillité !

5) Une couleur

Le rouge. Depuis fort longtemps et sans doute pour toute la vie. Les négociations avec l'homme quant à la future couleur des murs de notre nouveau chez nous débuteront bientôt. Je suis dans les starting-blocks ^^

6) Une pièce (château, maison, immeuble,...)

N'étant pas très grande et affectionnant les vieux objets, je m'imagine bien en grenier (la poussière en moins).

7) Une profession

Critique ciné-litté-gastronomique pour pouvoir dévorer toutes sortes de nourritures.

8) Un objet

Un sablier cassé. Ah si seulement les journées faisaient plus de 24h !

9) Une chanson

Pour l'instant, mon cerveau fonctionne comme ça :



10) Un défaut

Quand quelque chose ne fonctionne pas comme prévu, je peux râler, râler, RALER (Qui a dit psycho-rigide ?) !

11) Un plat


Un gratin dauphinois (Pourquoi ? Aucune idée, je sais seulement que j'adore ça)

12) Un mot inavouable en public

Dans l'absolu j'aurais bien répondu "morpion" mais puisqu'il s'agit de moi et d'un mot inavouable en public, la logique me pousse à ne pas vous le révéler :)

13) Un proverbe

Plutôt une phrase tirée du film "The Killer inside me" : " Je crois que la vie c'est comme une auberge espagnole. On y trouve ce qu'on y apporte, rien d'autre."

14) Un espoir

Un anti-douleur tous usages.

15) Un pays

Le pays imaginaire. Pas de factures ni d'heures supp, juste quelques pirates à défier !

16) Pénible !

Je serais un bébé hurlant à la mort (ben oui quand même) ou un gsm-radio à plein volume dans un bus bondé (qu'on les brûle tous ! Les gsm hein, pas les bébés)

17) Une odeur

Un mélange chaud de pommes-cannelle embaumant toute la maison.

18) Un des 7 pêchés capitaux

La gourmandise assurément !

19) Une lectrice pas raisonnable

Chaque soir, je me dis qu'il faudrait que j'aille dormir plus tôt pour être en forme le lendemain et puis patatras le livre l'emporte sur mes bonnes résolutions (sauf quand c'est une daube) !
J'ai beau me dire qu'il me reste encore plus de 300 livres à lire dans ma bibliothèque, rien à faire, je continue d'en acheter d'autres comme si le livre était sur le point de disparaître de la surface de la Terre...

J'ignore à qui je peux passer le relais car j'ai l'impression que tout le monde s'est déjà fait tagger 3 fois. Je le passe donc à qui veut :)