"Easter parade" est un roman publié aux USA en 1976 et traduit cette année en français.
Son auteur, Richard Yates, est particulièrement connu pour son premier roman "Revolutionary Road" ("La fenêtre panoramique" en français) dont l'adaptation cinématographique ( "Les Noces rebelles") fut réalisée par Sam Mendes en 2008.
1930. Les parents des soeurs Grimes divorcent et les deux petites filles, Sarah (9 ans) et Emily (4 ans) partent vivre avec leur mère, Pookie, à Tenafly tandis que leur père continue de travailler à New-York en tant que préparateur de copie pour le Sun.
Trimbalées aux 4 coins des USA au gré des caprices d'une mère instable et rêveuse, elles finissent par s'établir à New-York où Sarah s'éprend du fils des voisins, Tony Wilson, qu'elle finit par épouser.
Emily obtient quant à elle une bourse pour aller étudier la littérature anglaise à Barnard.
Tandis que l'aînée se cantonne à son rôle de mère de famille, la cadette prend la tangente. Electron libre passant d'un homme et d'un boulot à un autre, elle n'en est pas plus heureuse pour autant...
" Aucune des deux soeurs Grimes ne serait heureuse dans la vie, et à regarder en arrière, il apparaît que les ennuis commencèrent avec le divorce de leurs parents."
Le moins qu'on puisse dire c'est que l'auteur annonce le ton du récit dès la première ligne.
"Easter Parade" évoque les destins croisés de deux soeurs que tout oppose. Alors que l'une a choisi de mener une vie à la campagne, entourée de ses enfants et d'un mari alcoolique à la main légère, l'autre accumule les rencontres et les boulots éphémères sans vraiment se poser de questions.
Emily qui a toujours été jalouse de son aînée en raison de sa relation privilégiée avec leur père comme avec celui qui deviendra son beau-frère, porte un regard à la fois dur et amusé sur sa soeur dont elle critique le manque de culture.
Au delà du fossé intellectuel qui les sépare, les deux soeurs ne sont pas vraiment liées par des liens affectifs. Emily fait en sorte de rester éloignée de sa soeur comme de sa mère, deux femmes portées sur l'alcool qu'elle n'estime pas dignes d'intérêt.
Aussi se contente-t-elle de se manifester qu'en cas d'extrême d'urgence, lorsque l'une ou l'autre nécessite son aide, plus par devoir filial et pour avoir la conscience tranquille que par réelle sollicitude.
" - Qu'est-ce que tu en penses? demanda Emily à Howard, quand il eut lu la lettre.
- Qu'est-ce que tu veux que j'en pense? C'est une petite lettre enjouée, voilà tout.
- Mais justement, Howard, elle est trop enjouée.
En dehors de sa référence à ses cheveux qui repoussent, on croirait la femme au foyer la plus heureuse et la plus satisfaite du monde.
- Peut-être que c'est ainsi qu'elle aime s'imaginer.
- Hum, mais le fait est que je sais ce qu'il en est, et qu'elle sait que je sais ce qu'il en est.
- Allons bon, dit Howard, en se levant de son fauteuil pour faire quelques pas impatients dans la pièce. Qu'est-ce que tu attends d'elle? Tu veux qu'elle t'ouvre son coeur toutes les cinq minutes? Qu'elle te dise combien de fois il l'a battue ce mois-ci? Et, quand elle le fera, tu diras que tu ne "veux pas qu'elle plombe ta vie". Tu es une drôle de fille, Emily." p.204
Autour d'elles gravitent des hommes qui ne sont guère mieux lotis. Lâches, violents, alcooliques, ils semblent être passés à côté de leur vie, s'apitoient sur leur sort et s'en prennent souvent à leurs compagnes à défaut de pointer leurs propres erreurs.
Difficile de m'attacher à ces personnages tant leur comportement me poussait à me maintenir à distance, à l'image de l'indifférence qu'adopte Emily vis-à-vis de sa famille.
Comme dans "les Noces rebelles" (attention, n'ayant pas lu le roman je ne me base que sur le film), Richard Yates brosse le portrait d'individus qui aspirent à un idéal qu'ils n'atteindront jamais. Qu'il s'agisse d'Emily qui se complait dans l'anticonformisme et assouvit son désir d'indépendance ou de Sarah qui au contraire de sa soeur se plie aux conventions sociales et tente de préserver sa vie de famille coûte que coûte, l'auteur semble vouloir démontrer par le biais de ses personnages antithétiques que, dans un cas comme dans l'autre, le bonheur n'est pas forcément au rendez-vous.
Mais, à la différence de "Les Noces rebelles", j'ai trouvé cette histoire un peu trop "mou du genou". Les personnages côtoyés ici se laissent passivement happer par leurs désillusions, ne manifestant que peu de volonté à s'en sortir, partant à la dérive pour finalement sombrer dans l'alcool.
Sans jamais verser dans le misérabilisme, l'auteur adopte un ton acerbe frisant souvent l'ironie et qui laisse au final un goût amer dans la bouche. Même si je ne regrette en rien cette lecture, je conseillerais de l'éviter en cas de baisse de moral tant le paysage de cette Amérique d'après-guerre et les personnages qui l'habitent se révèlent peu reluisants.
D'autres avis : Sabbio - Jostein - Amanda Meyre
Un grand MERCI à et aux de m'avoir offert ce livre!