25 décembre 2012

Une affaire de charme - Edith Wharton






"Une affaire de charme" regroupe 7 nouvelles - rédigées entre 1891 et 1934 - de l'écrivaine américaine Edith Wharton, notamment auteure des recueils "Les lettres" et "Le miroir" mais aussi de "Xingu", d'"Ethan Frome" ou encore des célèbres romans "Le Temps de l'Innocence" et "Chez les Heureux du Monde".

"La vue de Mrs Manstey" ou le quotidien d'une veuve esseulée, femme d'habitude qui se raccroche depuis 17 ans à la vue sur les cours voisines que lui offre sa fenêtre. Un petit monde sur le point de lui être enlevé.
Dans "La plénitude de la vie", il est question d'une femme qui, le jour de sa mort, rencontre l'Esprit de vie mais surtout son âme soeur, cet homme qu'elle n'attendait plus et qui surpasse en tous points son piètre mari. Mais alors que cet homme parfait lui propose de s'établir ensemble au Paradis, voilà qu'elle hésite...

" Mais j'ai souvent pensé que la nature d'une femme est semblable à une grande maison avec de nombreuses pièces : il y a le vestibule, que tout le monde traverse pour entrer et pour sortir; le grand salon, où l'on reçoit les visites formelles; le petit salon, où les membres de la famille vont et viennent à leur guise; mais au-delà, bien au-delà, il y a d'autres pièces dont on ne tourne pas peut-être jamais les poignées de porte; personne ne sait y aller, personne ne sait où elles mènent; et dans la chambre la plus reculée, le saint des saints, l'âme se trouve seule dans l'attente d'un bruit de pas qui n'arrive jamais." p.25
Dévasté par la mort de son épouse, Mr Grançy se réfugie dans le travail et s'enfuit à l'étranger durant 5 ans. De retour dans sa maison de campagne, il fait appeler son ami peintre Claydon et lui demande de retoucher le portrait qu'il avait fait de sa femme des années plus tôt, afin que celle-ci vieillisse en même temps que lui...Claydon a bien du mal à transformer son chef d'oeuvre en "Tableau mouvant".
"Je m'aperçus que, comme la plupart d'entre nous dans les moments d'extrême tension morale, il prenait une attitude, il se comportait comme il pensait qu'on devait le faire en face d'un désastre.
La posture instinctive du chagrin est un compromis instable entre l'incrédulité et la prostration; et l'orgueil incite à affronter plus dignement un pareil ennemi." p.38

Margaret Ransome, femme droite et dévouée à son brillant mari, s'étonne de cette nouvelle jeunesse et des élans fougueux que lui inspire...un autre homme, plus jeune et plus romantique.
Trouvera-t-elle en lui "Le prétexte" à quitter son mari ?
" D'abord, ses journées furent fiévreuses et ses nuits, de longues veilles figées. Ses pensées ne furent plus avilies et défigurées par une idée de "culpabilité". Elle avait maintenant honte d'avoir honte. Ce qui s'était produit était aussi éloigné de la sphère de son mariage qu'une transaction dans les étoiles.
Cela lui avait simplement fourni une vie secrète aux joies incommunicables, comme si toutes les sources perdues de sa jeunesse avaient formé un étang caché où elle pouvait désormais revenir, et se baigner." p.72

"Le diagnostic", implacable, laissé par mégarde par son médecin fait prendre conscience à Paul Dorrance que la mort est peut-être un peu plus douce lorsqu'un proche vous tient la main.
Il épouse donc en dernier recours sa maîtresse qu'il fréquente depuis 15 ans. Mais la médecine est loin d'être une science exacte...

" Elle lui obéit à la lettre; elle veilla à son confort, lui épargna les fatigues et les agitations inutiles, lui présenta soigneusement, sur le plateau brillant de sa vigilance, les fleurs du voyage débarrassées de leurs épines.
Les qualités qui avaient fait d'elle une maîtresse parfaite - l'effacement de soi, le sens de l'opportunité, l'art de n'être présente et visible que lorsqu'il le lui demandait - faisaient d'elle (il devait le reconnaître) une épouse idéale pour un homme exclusivement rivé à la contemplation de sa propre fin." p.95
Nalda Craig ne prendra pas la fuite avec son amant avant d'être passée chez le coiffeur pour "La permanente" du mercredi. A son arrivée au salon de coiffure, voilà qu'un doute l'assaille : ne serait-on pas jeudi ? Le bateau de son amant serait-il donc parti sans elle ?

" Il est toujours périlleux de retourner un sentiment dans tous les sens; surtout quand ce sentiment est le bonheur. Le bonheur doit rester semblable à une brise printanière caressant la fenêtre, venant on ne sait d'où, portant le parfum de fleurs invisibles. On ne peut pas le détailler, ni le résumer, comme une opération d'arithmétique..." p.121
La question de l'avenir des membres de la famille Kouradjine pourrait bien être résumée à "Une affaire de charme". C'est du moins ce que pense James Targatt, époux de Nadeja Kouradjine qui fatigué d'héberger et d'entretenir toute la famille de son épouse, se met en tête de les marier chacun à d'illustres personnalités.

A cheval sur deux siècles, ces nouvelles illustrent pourtant en condensé ce thème cher à Wharton qu'est l'institution hypocrite et ennuyeuse du mariage, particulièrement dans les cercles huppés de la société new-yorkaise. Lorsqu'elles n'apparaissent pas fièrement en public au bras de leurs maris, ces femmes mariées se dévoilent au lecteur sous leur vrai jour. Frustrées, esseulées, instrumentalisées, cupides, indécises, certaines se résignent à leur sort sans broncher, d'autres rêvent à un autre, à un ailleurs, sans pour autant se donner les moyens d'en changer...
Car aussi cynique que soit l'auteure, le mot de la fin se veut bien souvent impitoyablement désabusé.

J'ai particulièrement apprécié "La vue de Mrs Manstey", mise en scène terrible d'une fin de vie solitaire, "Le tableau mouvant", ré-interprétation réussie du Portrait de Dorian Gray, "Le diagnostic" et "Une affaire de charme" pour leur touche humoristique et faussement légère. Des romans miniature dont la brièveté ne m'a pas empêchée de piocher de jolies citations ici et là et qui ne font que renforcer mon envie de découvrir les romans d'Edith Wharton.


D'autres avis : Mango - Lili Galipette

        
                                                                                                                                                                                                                   

19 décembre 2012

Le jeu des ombres - Louise Erdrich


En librairie depuis le 3 septembre, "Le jeu des ombres" est un roman de l'écrivaine américaine Louise Erdrich, notamment auteure de "La Chorale des maîtres bouchers", "La Malédiction des colombes" ou encore du recueil de nouvelles "La décapotable rouge", également paru en français cette année.

A la naissance de leur premier enfant, Gil avait offert à sa femme Irène un carnet rouge qu'elle continue d'alimenter depuis 15 ans. Mais au cours d'un repas de famille, un détail a priori insignifiant attire l'attention d'Irène. Pas de doute possible, en son absence, Gil lit son journal en cachette.
D'un naturel possessif et jaloux, son peintre de mari dont elle est la muse depuis des années, est en effet persuadé que sa femme le trompe.
Irène décide alors de rentrer dans son jeu en poursuivant la rédaction de son carnet rouge tout en entamant en parallèle un second carnet, adressé directement à Gil, qu'elle consigne dans un coffre à la banque.
" Il est possible de capturer une âme grâce à une ombre. C'était inscrit dans la langue ojibwé. Waabaamoojichaagwaan - le mot pour dire miroir peut également désigner l'ombre et l'âme : votre ombre est visible et peut-être vue.
Gil avait posé le pied sur l'ombre d'Irène, quand il la peignait. Et elle avait beau chercher à s'écarter, il lui était impossible de dégager cet écheveau d'obscurité de sous son pied." p.45

Première rencontre pour moi avec Louise Erdrich et pas des moindres puisqu'il m'a fallu deux jours et deux nuits avant de commencer à songer à formuler mon ressenti par écrit.
J'ai vraiment été déroutée par cette lecture qui d'entrée de jeu nous annonce la couleur. Le couple formé par Gil et Irène bat sérieusement de l'aile, principalement à cause de l'exclusivité réclamée par Gil qui va jusqu'à jalouser ses propres enfants qui l'ont selon lui détourné de sa femme.
Imprévisible et colérique, il s'en prend à eux pour se faire pardonner l'instant d'après.
Gil a toujours placé Irène sur un piedestal, la choisissant pour modèle de toutes ses toiles, une égérie peinte sous toutes ses coutures et à tous les âges mais dont une partie demeurée insaisissable nourrit l'obsession du peintre.
Irène étouffe et, lorsqu'elle découvre que Gil lit son journal, plutôt que de le confronter, décide de le manipuler en se servant de sa jalousie contre lui. Car elle le connaît bien et si elle sait à tout moment comment l'amadouer et canaliser ses humeurs, elle sait également appuyer là où ça fait mal en remuant d'anciens souvenirs et en semant le doute en lui.
Bien que Gil ignore qu'Irène soit au courant de ses agissements, il sent bien que sa femme s'éloigne davantage de lui et fait tout ce qu'il peut pour la reconquérir, là où Irène savoure l'instant en attendant le bon moment pour le quitter.

" Gil avait un point de vue sentimental alors que celui d'Irène était tragique. L'association du tragique et du sentimental engendre le kitsch. Irène avait le sentiment que dès qu'elle ouvrait la bouche en public pour juger de son mariage, elle donnait voix au kitsch.
(...) Le kitsch est pire que le mauvais goût, Gil, c'est de l'hypocrisie. Je suis sérieuse, là.
C'est représenter quelque chose et lui donner une apparence solide, charmante et lisse alors qu'elle est fracturée, douloureuse et malsaine. Comme nous." p.96

"Le jeu des ombres" ou la dérive extrême du manque de communication au sein d'un couple animé par l'énergie du désespoir.
Voilà un homme et une femme qui s'enlisent dans une relation destructrice et malsaine qui n'a plus rien de naturel tant chaque geste se veut pesé, calculé d'avance pour atteindre l'autre.
Seul l'alcool, dont tous deux s'imprègnent allègrement au quotidien, leur fait baisser la garde. Mais pour un temps seulement.
Autant dire que l'ambiance, amplifiée par l'écriture sèche de l'auteure, se veut des plus tendues. La psychologie des personnages est tellement bien rendue que j'ai vraiment eu l'impression de vivre leur histoire de l'intérieur, de les connaître intimement sans toutefois pouvoir présager de leur comportement.
Suspendue à ce roman de la première à la dernière page, je me suis demandée jusqu'au bout comment tout cela allait finir.
Pour ma part je me serais bien arrêtée à l'issue réservée à Gil et Irène plutôt qu'aux réflexions finales du narrateur. Mais pour une fois je ne bouderai pas mon plaisir vis-à-vis de cette lecture qui fut pour moi un coup de coeur !

D'autres avis : Clara - Aifelle - Jules - Keisha

11 décembre 2012

Ida - Irène Némirovsky




"Ida" est un recueil composé de deux nouvelles - "Ida" et "La comédie bourgeoise" - écrites en français par la romancière russe d'origine ukrainienne Irène Némirovsky, décédée à Auschwitz en 1942.
Ces deux nouvelles sont tirées du recueil "Films parlés" publié en 1934.

"Ida" Sconin a derrière elle une belle carrière de meneuse de revue à laquelle elle ne compte pas renoncer si facilement. Bien qu'elle ait conscience de ne plus être de prime jeunesse, Ida sait aussi qu'elle reste une figure enviée des autres danseuses, plus jeunes, plus sveltes, qui guettent le moindre de ses faux pas avec l'espoir de pouvoir l'évincer.
Mais force lui est de constater que, malgré les rituels qu'elle s'impose quotidiennement, certaines signes de vieillesse ne trompent personne. Repousser les effets du temps qui passe s'avère de plus en plus pénible, surtout lorsque certains souvenirs du passé se rappellent subitement à elle...

"Depuis quinze ans seulement, elle récolte le fruit d'une longue patience. Certes, elle ne se fait pas d'illusions. Ce n'est pas grand chose, cette rumeur, cet éclat, pour aboutir à quoi ?...
A une femme nue, qui descend les marches d'un escalier d'or...
Mais si elle a eu d'autres rêves, elles sait, depuis longtemps, qu'il faut se contenter, au terme d'une vie humaine, de ce demi-échec qui s'appelle réussite, espoirs comblés, couronnement d'une carrière." p.18

"La comédie bourgeoise" balaie en quelques pages toute une vie d'abnégation. Elevée au sein d'une famille bourgeoise, la jeune Madeleine se résout à accepter le mariage arrangé par ses parents avec celui qu'ils estiment être un bon parti. Si son mari se révèle rapidement être un coureur de jupons, Madeleine se laisse entendre par sa mère que c'est là le sort de la plupart des femmes mariées.
Seule à la maison toute la journée, Madeleine rompt avec sa solitude à la naissance de ses enfants. Mais pour combien de temps ? C'est que les enfants grandissent et oublient si vite qui les a bercés, nourris, choyés...

Deux parcours de femmes à la détresse silencieuse, lasses d'une vie sans amour et surtout d'une jeunesse passée trop vite. Une éternelle célibataire, battante, qui ne se nourrit que de gloire et une épouse réservée et en manque de reconnaissance, toutes deux débarrassées très tôt de leurs illusions, esseulées mais toujours dignes face à un entourage, à un public qui leur témoigne une indifférence cruelle.
Irène Némirovsky brosse en peu de mots deux vies en accéléré présentées au travers de moments-clé : tandis que certains souvenirs de jeunesse reviennent par flash-backs à Ida, nous découvrons le parcours de Madeleine au fil de quelques bonds dans le temps.
Loin d'être incomplets, ces deux portraits de femmes possèdent une force de concision et une puissance évocatrice remarquables !
J'ai savouré ces deux textes mais avec parcimonie, tant le fatalisme qui s'en dégageait m'a laissé un goût amer...

L'avis de Cécile QD9

 


6 décembre 2012

Serum saison 1 épisodes 3 et 4 (et fin pour moi) - H.Loevenbruck et F.Mazza














Respectivement en librairie depuis les 27 juin et 26 septembre derniers, "Serum - épisode 3 et 4 saison 1" sont les troisième et quatrième volets d'une série co-écrite par les français Henri Loevenbruck et Fabrice Mazza. Six épisodes composeront la saison 1 et il en sera de même pour les saisons 2 et 3.
Le cinquième épisode est disponible depuis le 24 octobre et le sixième depuis le 28 novembre.

Mes avis sur les tomes 1 et 2

 !!! A ne pas lire si vous n'avez pas encore découvert les épisodes précédents !!! 

La fin de l'épisode 2 abandonnait le lecteur sur la mystérieuse disparition de Cathy et John Singer, fondateurs du site lanceur d'alertes Exodus2016.
Quelques jours après le kidnapping, une video apparaît sur Youtube montrant John Singer dont le mouvement des paupières interpelle le detective Detroit. Est-il possible que John Singer tente de transmettre un message ?
Alors que Lola Gallagher se rend chez le docteur Draken pour montrer à Emily une photo de l'un des ravisseurs, celle-ci la retrouve en piteux état... Quant à Ian Draken il semblerait qu'il ait bel et bien disparu, non sans laisser quelques preuves accablantes derrière lui...
Elle découvre également que Ben Mitchell, l'inventeur du serum, a pris à sa charge les frais d'internement de Paul Clay, qui n'est autre que l'un des anciens patients du Docteur Draken.

Mon billet sera court car, comme vous l'aurez compris en lisant le titre, je ne compte pas poursuivre ma découverte de la série.
C'est qu'au bout de 4 tomes (soit à peu près 800 pages), je n'ai pas l'impression d'avoir beaucoup progressé dans cette histoire qui tire volontairement en longueur.
Je suis lasse de ces épisodes calibrés à 200 pages et qui s'achèvent systématiquement sur un cliffhanger poussant le lecteur à acheter le tome suivant.
Toute cette série pue le marketing à plein nez, la littérature façon junk food qui, rédigée dans un style on ne peut plus familier, se bouffe d'une traite mais ne rassasie pas.
Qui plus est, je suis d'avis que la série partira véritablement en sucette dès la saison 2 car je ne suis pas persuadée que les auteurs parviennent à maintenir les lecteurs en haleine sans faire partir l'histoire dans tous les sens, accumulant les coups de théâtre et retournements de situation (ah le gros complot mondial orchestré de concert par le gouvernement, la CIA, le FBI, Coca-Cola, Facebook. Disney et Kellog's tant qu'on y est...).
Seules les séances d'hypnose d'Emily avec le Docteur Draken (avec toute la symbolique qui l'accompagne) me manqueront mais est-ce suffisant que pour débourser une centaine d'euros et se farcir au total près de 4000 pages ? Non, pas pour moi en tout cas...


   

30 novembre 2012

Une Place à Prendre - J.K Rowling


En librairie depuis le 28 septembre dernier, "Une Place à Prendre" est le premier roman pour adultes de la romancière britannique J.K Rowling, célèbre dans le monde entier pour sa saga Harry Potter.

A Pagford, petit village du sud-ouest anglais niché entre 3 collines et surmonté d'une ancienne abbaye, le jour de son anniversaire de mariage, Barry Fairbrother succombe à une rupture d'anévrisme.
La nouvelle se répand comme une traînée de poudre et tous les habitants éprouvent un sentiment mêlé d'horreur et d'excitation à l'idée que la place de Barry au conseil paroissial demeure à présent vacante.
Les candidats ne manquent pas. Le défunt était un homme charitable mais si certains entendent poursuivre l'oeuvre de Barry, d'autres au contraire fondent l'espoir de pouvoir enfin fermer la clinique de désintoxication Bellchapel qui nuit tant à l'image du village.
A l'approche de l'élection, tous les coups sont permis pour s'attirer la faveur de la majorité...

J.K Rowling se savait attendue au tournant et c'est au bout de 5 années de silence littéraire qu'elle nous revient avec un roman bien différent de la série Harry Potter.
Certes Pagford, à l'image de Poudlard, apparaît comme une communauté repliée sur elle-même et abritant son lot de secrets et de convoitises. Plus de Moldus ni de sang-mêlés ici, mais des classes sociales divisées dont les plus favorisées ne se cachent pas d'un certain élitisme voire même de racisme.
Si l'auteure a indubitablement changé de registre et de palette, passant d'un univers imaginaire créé de toutes pièces à un réalisme brut, on la retrouve tout de même dans cette écriture dense et cette minutie apportée dans la psychologie de ses personnages.
Le récit commence en force puisqu'une dizaine de personnages sont déjà esquissés dans les 50 premières pages. Comme d'autres lecteurs avant moi, je me suis sentie flouée par cette présentation vertigineuse.
Mais heureusement, chacun des personnages se voit ensuite creusé au fil des chapitres et j'ai ainsi fini par trouver mes marques.
Le poste libéré par la mort de Barry se retrouve au centre des préoccupations de chaque famille, alimentant les conflits et révélant toute l'hypocrisie, intime et sociale, dont est capable chacun (l'auteur use d'ailleurs avec humour de l'italique pour trahir le double discours).
Toute cette tension ambiante finit par se répercuter d'une façon ou d'une autre sur les conjoints et des adolescents déjà mal dans leur peau, encaissant la violence psychologique et physique (mon dieu comme j'ai détesté Simon Price !!!).
Entre les pauvres, présentés comme rustres et vulgaires, et les classes supérieures qui ne sont guère mieux loties, j'ai achevé ma lecture avec l'impression que tout le monde était logé à la même enseigne.
La moralité ne connaît pas les classes et ce n'est qu'après avoir perdu chacun un peu de leur honneur et de leurs acquits, après avoir pris part à une tragédie, que quelques consciences s'éveilleront peut-être.
Loin de nous offrir le charmant portrait d'une petite communauté soudée, J.K Rowling nous dépeint la mentalité de village au plus mauvais sens du terme, avec ses ragots, ses bassesses et ses chacun pour soi.
Bien que l'auteure ait pris soin d'égayer un peu ce sombre tableau par des touches d'humour ici et là (ah le cercueil en osier, la chanson de Rihanna et les répliques de la gentille garce Samantha Mollisson !), le roman m'a quand même laissé un sacré goût amer...

Alors oui j'ai aimé une "Place à Prendre" malgré un début laborieux et ce contexte pesant qui a souvent contribué à freiner ma lecture. Un 16/20 pour J.K Rowling qui mérite bien sa place dans la littérature pour adultes !

MERCI à Oliver et à Price Minister de m'avoir offert ce roman à l'occasion des Matchs de la Rentrée littéraire !


D'autres avis : Soukee - Argali - Manu - Stephie - Mango - Sandrine - Noukette


26 novembre 2012

L'étrange cas du Dr Jekyll et de Mr Hyde - Robert Louis Stevenson


Publiée en 1886, "L'étrange cas du Dr Jekyll et de Mr Hyde" est une nouvelle écrite par l'écrivain écossais Robert Louis Stevenson, également auteur du célèbre "L'Ile au Trésor".

Dr Jekyll et Mr Hyde ou le récit d'une expérience qui a mal tourné.
A Londres, au cours d'une année non précisée mais que l'on devine située à la fin du 19ème siècle, le notaire Mr Utterson s'entretient avec son cousin du mystérieux Mr Hyde, un être aussi laid que malfaisant que celui-ci affirme avoir vu agresser une petite fille avant de se retrancher dans la demeure du bon Dr Jekyll.
Utterson n'est pas au bout de ses surprises puisqu'il apprend que son vieil ami le Dr Jekyll vient de léguer tous ses biens à Mr Hyde dans le cas où il lui arriverait malheur endéans les 3 mois.
Inquiet, Utterson se rend alors chez le Dr Lanyon, un ami commun, qui lui affirme que lui et Henry Jekyll se sont disputés pour cause de différents scientifiques.
Et tandis qu'Utterson tente de comprendre ce qui peut bien avoir poussé son ami à héberger cet ignoble individu, plusieurs meurtres sont perpétrés en ville...

 " Permettez que j'emprunte mon propre chemin de ténèbres. J'ai attiré sur moi un châtiment et un péril qu'il m'est impossible de nommer. Je suis le plus grand des pêcheurs, je suis également la plus grande des victimes.
Je n'aurais jamais cru que le monde puisse renfermer un endroit de souffrances et de terreurs aussi déshonorantes. Vous ne pouvez faire qu'une chose pour soulager mon destin, Utterson, c'est respecter mon silence." p.69

L'histoire du Dr Jekyll et de Mr Hyde a donné lieu à de nombreuses (ré)interprétations. Pour ma part, la seule que je connaisse pour l'avoir vue un millier de fois date de 1990 et consiste en un téléfilm dans lequel Michael Caine campait magistralement le personnage du Dr Jekyll.



Je me souviens de ces vendredis soirs passés devant la télé avec mon frère chez mon père où nous venions un weekend sur deux. Il arrivait fréquemment que nous enregistrions les films pour les revoir ensuite. Trompant la vigilance de mon père qui tombait de sommeil au bout du premier film de la soirée, nous restions tous deux scotchés à l'écran, attendant impatiemment le second film, beaucoup plus trash que le premier :)
J'ai ainsi vu à l'âge de 8 ans "Carrie au bal du Diable", adaptation du roman de Stephen King qui m'a véritablement traumatisée (bon sang la scène avec la mère et les couteaux de cuisine ! Pendant longtemps, je n'ai plus osé regarder le socle à couteaux de notre propre cuisine, comprendra qui pourra ^^), "Misery"( ah les pauvres jambes de Paul Sheldon !) et bien d'autres encore parmi lesquels figure "Jekyll &Hyde".
Ce n'était pas le film le plus gore du lot et pourtant c'est sans doute celui qui aura le plus bercé marqué mon enfance abondamment nourrie de Disney et de contes peuplés de personnages clairement définis comme bons ou mauvais; puis questionnée ensuite quant à cette possibilité que puissent coexister le bien et le mal au sein d'une même personne.
Malgré mon vif intérêt pour ce film, je n'avais toutefois jamais poussé la curiosité jusqu'à chercher l'histoire originale, préférant conserver intacts mes souvenirs VHS.
Allez savoir pourquoi j'ai fini par me décider, réalisant qu'à l'instar de "Dracula" ou de "Frankenstein", il est finalement des histoires que l'on connaît sans vraiment les connaître, parce qu'on en a vu une adaptation ciné ou qu'on en a tellement entendu parler par d'autres.
En faisant une recherche sur les différentes éditions existantes, je suis tombée sur la présente couverture qui m'a tout de suite tapée dans l'oeil (ce qui m'arrive plutôt rarement dans la mesure où je ne considère pas l'esthétique d'un ouvrage comme un facteur déterminant à son achat).
Comble de chance, j'ai justement pu acquérir dans la même collection (Marabout Fantastic) "Dracula" et "Frankenstein".

 

Etant donné que Marabout a décidé de ne plus rééditer cette collection, à moins d'avoir beaucoup de chance dans votre librairie, je vous conseille de vous orienter vers Am****ou autre si vous souhaitez acquérir l'un de ces ouvrages.

Sur ce, il serait peut-être temps que je vous explique en quoi l'histoire du Dr Jekyll et de Mr Hyde m'a plu et continue de me plaire.
Plus j'y pense, plus je me dis que ce n'est pas tant l'aspect épouvante (les lecteurs assidus de ce blog savent que je ne suis pas naturellement attirée par le genre) que tout le questionnement psychologique et éthique entourant le Dr Jekyll/Mr Hyde qui fait mon intérêt pour cette histoire.
Stevenson entretient un certain mystère autour de ce Dr Jekyll, médecin respectable et aimé de tous que l'on s'attend, vu l'époque, à voir marié et père de famille.
Or il n'en est rien (le personnage joué par Cheryl Ladd dans le téléfilm a donc été créé de toutes pièces) et l'on devine déjà chez le médecin un certain goût pour la réclusion.
Bien qu'à l'aise en société, le Dr Jekyll occupe son temps libre à des recherches de l'ordre du transcendantal et du mystique, ce qui n'est pas du goût de tout le monde, particulièrement de celui de ses confrères.
Comme il le dit lui-même dans sa confession qui parachève la nouvelle, il s'est toujours intéressé à la "nature duelle de l'être humain", estimant que chacun possède en lui une part de bien et une part de mal indissociables.
Tiraillé lui-même par ces deux composantes de l'âme, il décide un jour de se prendre lui-même pour sujet d'expérimentation, usant d'une obscure chimie qui lui permet ainsi de créer ou plutôt de révéler Mr Hyde.
Le premier résultat dépasse ses attentes. Libre et en sécurité dans cet autre corps inconnu de tous, délesté de sa vertu et du contrôle de soi, Henry Jekyll peut ainsi agir à sa guise et assouvir ses pulsions longtemps réfrénées, en dépit et aux dépens des autres.

" Comme je l'ai dit, les plaisirs que, sous mon déguisement, je me hâtai de chercher étaient immondes, inutile d'employer un autre mot. Mais entre les mains d'Edward Hyde, ils ne tardèrent pas à virer au monstrueux.
Lorsque je revenais de mes expéditions, j'étais souvent en proie à une sorte d'étonnement face à ma dépravation par procuration. Le démon familier que j'avais extirpé de mon âme et lâché en toute liberté à ses propres réjouissances était empreint d'une malignité et d'une bassesse absolues; la moindre de ses actions, la moindre de ses pensées étaient centrées sur lui-même; il se repaissait avec une avidité bestiale du plaisir que lui procuraient toutes les tortures imaginables qu'il infligeait aux autres; il était implacable comme une statue de marbre.
Parfois, Henry Jekyll était horrifié par les crimes d'Edward Hyde, mais la situation échappait aux lois humaines, ce qui apaisait insidieusement sa conscience.
Après tout, c'était Hyde, et lui seul, qui était coupable. Jekyll n'avait pas changé; il se réveillait toujours doté des mêmes qualités apparemment intactes; il s'empressait même, quand cela était possible, de réparer le mal fait par Hyde. Ainsi sa conscience sommeillait. " p.128
Mais, comme on pouvait s'y attendre, ça dérape. Le médecin est allé trop loin et finit par devenir esclave d'une expérience - cette "double vie irréversible" - qu'il ne maîtrise plus.
C'est bien cette perte de contrôle (il ne décide plus quand il est bon ou mauvais), et non un élan de remords face à ses crimes, qui place le Dr Jekyll face à un second dilemme. Après s'être interrogé sur la façon de dissocier le bien du mal au sein d'un seul être, il se demande à présent comment éradiquer définitivement le second...

Comme le Dr Jekyll, je suis d'avis que chaque individu possède une part de bien et de mal différemment réparties en fonction de chacun. Je pense aussi qu'aucun individu ne peut se targuer de n'avoir jamais commis aucun pêché quel qu'il soit, cédé à la moindre lâcheté ou proféré moins d'un mensonge, d'une menace ou d'une toute petite mauvaise pensée à l'égard de quelqu'un.
De là à dire que chacun de nous est un serial-killer qui se cherche, bon quand même... :)

Je recommande donc ce coup de coeur (mais ça vous l'aurez aisément deviné) pour son ambiance nébuleuse qui n'est pas sans rappeler celle de "Jack l'Eventreur" (même époque, même ruelles sombres londoniennes, même climat de tension), son écriture très visuelle qui vous happe de gré ou de force et pour la grande habilité de son auteur à se plonger au coeur de la noirceur de l'âme humaine.

A bon entendeur :)




17 novembre 2012

Petit oiseau du ciel - Joyce Carol Oates


Publié aux USA en 2009 et disponible en français depuis le 4 octobre dernier, "Petit oiseau du ciel" est le dernier roman de l'écrivaine américaine Joyce Carol Oates, notamment auteure des romans "Délicieuses pourritures", "Viol, une histoire d'amour", "Premier amour" , "Reflets en eau trouble" ou plus récemment du recueil de nouvelles "Le Musée du Dr Moses".

Le 12 février 1983 dans la petite ville de Sparta, Zoe Kruller est retrouvée morte étranglée dans son lit, le corps recouvert de talc.
Les rumeurs enflent. C'est qu'aux dires de certains, avec ses fréquentations et son train de vie douteux, Zoë allait finir par s'attirer des ennuis.
Très vite, les soupçons se portent à la fois sur son mari Delray Kruller, connu pour son caractère emporté et sa violence envers sa femme, et sur son amant Eddy Diehl, mari et père de famille respectable.
L'affaire restera irrésolue de même que les noms des suspects ne seront jamais blanchis.
La victime laisse derrière elle deux foyers animés par la haine vis-à-vis du camp adverse, brisés et divisés par le drame. Chacun se replie dans sa douleur.
Bien qu'il n'ait jamais été reconnu coupable, Eddy Diehl est chassé de sa maison par sa femme Lucillle qui, rongée par la honte, ne pardonne pas l'adultère, divorce et, sur ordonnance du tribunal, empêche son ex-mari de s'approcher de ses enfants.

" La trahison est ce qui fait mal. La trahison est la blessure la plus profonde. La trahison est ce qui reste de l'amour, quand l'amour a disparu." p.20

Si son frère Ben se rallie à sa mère, la jeune Krista Diehl veut croire à l'innocence de son père qu'elle continue de voir en cachette jusqu'à ce que le malheur frappe à nouveau.

" Les mystères avec lesquels on vit, enfant. Jamais élucidés, jamais résolus. Parfaitement banals, insignifiants. Comme un minuscule caillou logé dans votre chaussure, qui vous fait marcher de travers." p.97

Perdue, Krista s'amourache davantage du bad boy du lycée qui n'est autre qu'Aaron Kruller, le fils de Zoe Kruller qui retrouva sa mère étranglée dans sa chambre.
S'ensuit une confrontation intense que tous les deux n'oublieront jamais, même 17 ans plus tard lorsque Krista, partie loin de Sparta des années plus tôt, trouve un jour Aaron sur le pas de sa porte...

Aaaaaaaaah je ne me lasse décidément pas de Oates, de ces ambiances floues et malsaines dont elle a le secret, de ces situations qui ne devraient pas être mais flirtent pourtant avec l'interdit. Le contexte est pour ainsi dire toujours le même : une petite ville de l'Etat de New-York assombrie par la drogue, la corruption, l'alcool, les rumeurs, le racisme des Blancs vis-à-vis des Indiens, la violence d'adolescents qui ont grandi trop vite; une ville semblant être taillée pour la tragédie.
Et au milieu de tout ce foutoir, deux familles rivales, deux adolescents qui ne devraient même pas s'adresser un regard.
"Two households, both alike in dignity, In fair Verona Sparta, where we lay our scene, From ancient grudge break to new mutiny,"
La comparaison shakespearienne s'arrête là. La relation entre Aaron et Krista, si elle a tout d'impossible n'a rien de franchement romantique et renvoie plutôt à une spirale de sentiments contradictoires : fascination virant à l'obsession, désir déroutant de possession, source de tension, de frustration, de danger.
Krista sait qu'Aaron est le seul qui puisse la ramener à la vie, tout comme il pourrait la lui reprendre.
Mais contrairement à ce que le laisse croire la quatrième de couverture, cet aspect-là ne constitue pas le sel du roman, pas plus d'ailleurs que l'aboutissement de l'enquête sur le meurtre de Zoé Kruller (le coupable n'étant dévoilé que dans les toutes dernières pages).
Non, fidèle à elle-même, Oates s'attache surtout à la façon dont un drame intime brise et façonne plusieurs existences.
Au travers des voix d'Aaron et de Krista, elle tisse entre eux ce lien ténu qui tient dans leur histoire commune, dans leur relation particulière avec leurs pères, tous deux lunatiques et autoritaires, clamant leur innocence, dans l'effet de la rumeur et du doute sur leurs vies, dans ce même goût pour le danger et ce dégoût pour cette injustice au centre de leurs vies qui les empêche d'aller de l'avant.

Si vous cherchez une belle histoire d'amour ou un thriller haletant, passez votre chemin.
"Petit oiseau du ciel" apparaît avant tout comme un roman caractérisé par une psychologie du fond du fond complexe - comme toujours chez Oates - et servi par une écriture dense qui n'échappe pas à certaines répétitions (car si les récits de Krista et d'Aaron se succèdent, ils finissent par s'entrecroiser et donner lieu à certaines redites) mais n'enlève rien au vif intérêt que suscite ce roman.

MERCI à Babelio de m'avoir envoyé ce roman !

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6 novembre 2012

Certaines n'avaient jamais vu la mer - Julie Otsuka


Publié aux USA en 2011 et disponible en français depuis le 30 août dernier, "Certaines n'avaient jamais vu la mer" est le second roman, après "Quand l'empereur était un dieu" de l'écrivaine américaine d'origine japonaise Julie Otsuka.

Agées de 12 à 37 ans et vierges pour la plupart, au moment d'embarquer dans un bateau pour San Francisco, non seulement certaines n'avaient jamais vu la mer mais toutes ces jeunes femmes n'avaient jamais vu les vrais visages de leurs futurs maris, japonais tout comme elles venus trouver exil aux USA.
A bord, elles s'échangent les portraits et les lettres envoyées par ces hommes bien sous tous rapports, pensent à leurs soeurs vendues comme geishas et à leurs parents restés au pays, s'interrogent sur leur capacité à pouvoir satisfaire un homme et trouvent un peu de réconfort en songeant aux perspectives prometteuses que leur apportera leur nouvelle condition.
Autant dire que la déception sera lourde au terme de cette longue traversée de l'Océan Pacifique...
Ni belles carrières ni foyers confortables. Manipulées par de fausses promesses, abusées dès la première nuit sans tendresse ni respect, certaines d'entre elles cèdent rapidement au désespoir.
Mais la plupart s'accroche, basculant parfois dans la prostitution, travaillant aux champs ou à la ville comme femmes de ménage au service des Blancs vis-à-vis desquels elles s'arrangent pour demeurer invisibles.
Et elles ne seront pas au bout de leur peine. Car bientôt il se murmure que les USA entrent en guerre et qu'ils envisagent la déportation en masse...

" Nous nous jetions à corps perdu dans le travail, obsédées par l'idée d'arracher une mauvaise herbe de plus. Nous avions rangé nos miroirs. Cessé de nous peigner. Nous oubliions de nous maquiller. 
Quand je me poudre le nez, on dirait du givre sur une montagne.
Nous oubliions Bouddha. Nous oubliions Dieu. Nous étions glacées à l'intérieur, et notre coeur n'a toujours pas dégelé. Je crois que mon âme est morte.
Nous n'écrivions plus à notre mère. Nous avions perdu du poids et nous étions devenues maigres. Nous ne saignions plus chaque mois. Nous ne rêvions plus. N'avions plus envie. Nous travaillions, c'est tout.
Nous engloutissions nos trois repas par jour sans dire un mot à nos maris pour pouvoir retourner plus vite aux champs.
"Une minute de gagnée, c'est une mauvaise herbe arrachée", cette pensée ne me quittait plus l'esprit.
Nous écartions les jambes pour eux tous les soirs mais nous étions si fatiguées que nous nous endormions avant qu'ils aient fini. Nous lavions leurs vêtements une fois par semaine dans des baquets d'eau bouillante. Nous leur préparions à manger. Nous nettoyions tout pour eux. Les aidions à couper du bois. 
Mais ce n'était pas nous qui cuisinions, lavions, maniions la hache, c'était une autre. Et la plupart du temps nos maris ne s'apercevaient même pas que nous avions disparu." p.47
Bien que d'origines et de milieux sociaux différents, toutes ces femmes sont logées à la même enseigne, toutes à la fois esclaves de leurs maris qui décident pour elles et des Blancs pour lesquels elles se tuent à la tâche.
Sans pathos, en prenant soin d'aller à l'essentiel, Julie Otsuka a donc choisi de leur donner la parole à toutes, au travers de ce "nous", pour évoquer leur histoire commune.
Et pourtant de cette même histoire se détachent autant de singularités, de nuances que l'auteure a choisi d'énumérer, passant ainsi du collectif au particulier pour donner vie à chacune de ces femmes.
Un procédé contesté par certains lecteurs qui ont jugé ces énumérations fastidieuses à la lecture mais que pour ma part j'ai trouvé fort efficace tant il m'a semblé que cette accumulation contribuait à donner plus de relief et de poids au sujet comme à amplifier mon sentiment de consternation au fil des pages.
Ce roman-témoignage aurait pu être un coup de coeur si il n'y avait pas eu cette seconde partie, reprenant le même procédé mais cette fois consacrée au point de vue américain.
Je suis d'avis que l'indifférence américaine était déjà comprise entre les lignes de la première partie et je n'ai donc pas trouvé que la seconde partie apportait un plus au récit.
Que sont devenus ces milliers de Japonais ? Où ont-ils été emmenés ? Peu d'Américains semblent s'être posés la question ou du moins, pas fort longtemps.

Malgré ma réserve quant à la seconde partie, je recommande cette lecture courte mais intensément grave dédiée à un volet si peu connu de l'Histoire !

"Certaines n'avaient jamais vu la mer" vient d'être récompensé, à juste titre, du prix Fémina étranger.


D'autres avis : Kathel - Canel - Theoma et bien d'autres ici

3 novembre 2012

La lettre qui allait changer le destin d'Harold Fry arriva le mardi - Rachel Joyce


Publié aux USA en 2012 et disponible en français depuis le 13 septembre dernier "La lettre qui allait changer le destin d'Harold Fry arriva le mardi" est le premier roman de l'écrivaine anglaise Rachel Joyce.

Par une paisible matinée d'avril, Harold Fry, retraité depuis 6 mois, reçoit un courrier de Queenie Hennessy, une ancienne collègue qu'il n'a plus revu depuis 20 ans et qui lui annonce qu'elle souffre d'un cancer en phase terminale.
Bouleversé par la nouvelle, Harold décide de répondre à sa lettre. Mais comment trouver les mots justes pour remercier cette femme qui lui a sauvé la mise il y a bien longtemps avant de disparaître ?
Sur un coup de tête, Harold entreprend de parcourir plus de 800 km à pieds pour rejoindre Queenie à qui il a fait promettre de rester en vie jusqu'à son arrivée.
Parviendra-t-il à gagner ce pari un peu fou avec lui-même ? Arrivera-t-il à temps pour revoir Queenie ?

Harold menait jusque là une vie bien rangée et retirée des autres, dans une maison aux rideaux toujours tirés auprès de sa femme Maureen avec laquelle il ne partage plus grand chose et qui lui préfère les conversations téléphoniques avec leur fils.
C'est sans doute la première fois de sa vie qu'Harold, d'ordinaire taciturne et dépourvu de la moindre assurance, laisse tout en plan et improvise un voyage de cette envergure.
L'entreprise est d'autant plus folle qu'Harold n'est plus de première jeunesse et qu'il ne possède pas le moindre équipement pourtant nécessaire à son expédition.
Avec pour seul bagage un lourd sentiment de culpabilité et des mannes entières de souvenirs, parfois heureux mais souvent amers, il traverse les villes à son rythme et multiplie les rencontres jusqu'à attirer l'attention d'un journaliste qui lui consacre la Une.
D'autres pélerins, admiratifs de sa noble cause, se joignent alors à lui (j'ai pensé à Forrest Gump !) mais Harold est déterminé à achever seul ce qu'il a commencé, d'autant que Queenie n'est peut-être pas le seul prétexte à cette longue marche de 87 jours...

Harold est un personnage assurément attachant autant par sa fragilité et son manque de confiance en lui que par la solide détermination qui l'anime et concourt à faire de lui un homme nouveau.
Alors qu'il avait jusque là l'impression d'être passé à côté de sa vie, de son couple et de son fils, il va s'épanouir, revisiter le passé et son trop plein de non-dits mais surtout se faire face et se pardonner.
Bien que ne faisant pas partie du voyage, sa femme Maureen évolue également à mesure que l'absence de son mari se fait plus longue, au point d'envisager leur couple sous un nouvel angle.

Bien sûr, on se demande tout du long pourquoi Harold tient tant à revoir Queenie et quelle est la nature de ce précieux service qu'elle lui a rendu avant de s'en aller pour ne jamais revenir.
Pourquoi Harold et sa femme ne parviennent-ils plus à se parler ? Cette révélation-là tarde à venir et tombe finalement comme un cheveu dans la soupe...
Si Rachel Joyce dissèque avec finesse et réalisme les aspérités d'un couple au seuil de la rupture, elle dresse un portrait très propret et assurément flatteur de l'Angleterre et de ses habitants toujours prêts à rendre service à Harold.
Comme d'autres avant moi, j'ai eu du mal à croire à tant de bonté humaine (pas une racaille à 1000km à la ronde !) et si j'ai tenu bon jusqu'à la fin de cette lecture, ce fut surtout grâce à la touchante obstination d'Harold.


D'autres avis : Lili Galipette - Liliba - Noukette - Mango - Keisha - Alex - Kathel - Jules

Merci à Babelio de m'avoir envoyé ce roman !





30 octobre 2012

Libellules - Joël Egloff


Disponible en librairie depuis le 30 août dernier, "Libellules" regroupe 25 textes signés par l'écrivain français Joël Egloff, également auteur des romans "L'Etourdissement" et "L'homme que l'on prenait pour un autre".

Un père en prise avec les questions de son fils au sujet de la mort, un homme guettant depuis 8 ans sa voisine secouant son linge, un écrivain surpris du manque d'intérêt de sa coiffeuse pour son métier, un nostalgique de la carabine à patates ou du clocher de l'église mystérieusement disparu, un futur touriste des îles Hébrides, un aspirant plombier en Antarctique, un homme obsédé par un sablier capricieux, un autre par le trou dans sa boîte aux lettres, deux ados amateurs de magazines érotiques ou encore une collectionneuse de Kinder Surprise.
Tels sont quelques-uns des personnages brossés en quelques pages par un narrateur qui n'est autre qu'un écrivain, homme de l'ombre se glissant à pas feutrés dans leurs existences pour les observer par le trou de la serrure.

Figure toujours en retrait et fonctionnant à son propre rythme, le narrateur prend la mesure du temps et des gens, cédant à la rêverie ("Un grand endroit pour dérouler", "Kate") ou à la nostalgie ("La carabine à patates", "Mon chapeau"), prenant subitement conscience de sa solitude ("Rien à secouer","Seul au monde", "Jour sans") quitte à se fixer sur certains détails, insignifiants pour le commun des mortels, mais qui meublent son quotidien ("L'enlèvement", "Au feu s'il vous plaît", "Disparu") ou encore à développer certaines manies ("La lettre").

"Libellules" évoque ces "non-événements" de l'existence qui participent de notre quotidien et qui, sous la plume bienveillante, familière (tout en étant soignée) de l'auteur, revêtent alors un peu plus de saveur que d'ordinaire.
Aussi souvent invisibles qu'éphémères, ils nourrissent pourtant l'imagination et l'existence solitaire de l'écrivain qui se les réapproprie, les réinvente, les sublime, tantôt avec amertume, tantôt avec humour, mais toujours avec délicatesse.
J'ai beaucoup aimé voir ce père s'empêtrer avec les questions de son fils au sujet de la vie après la mort, de la durée de vie des renards ou encore sur le sens de l'expression "voir la vie en rose".

" Qu'est-ce que ça veut dire : voir la vie en rose ?" m'a-t-il demandé en déboulant dans la pièce où je me trouvais.
J'avais à peine commencé à le lui expliquer qu'il m'a interrompu pour me dire que Dark Vador ne voyait pas la vie en rose, lui. "Parce qu'il est du côté obscur", a-t-il ajouté.
C'était un bon exemple. Je n'ai eu qu'à acquiescer.
Il ne le connaissait pourtant encore que de réputation, aux bruits qui couraient à son sujet, à travers les récits de ses combats, de ses batailles que certains faisaient pendant les récréations. Avec les quelques images qu'il avait pu en voir, cela lui avait suffi à se faire une idée du personnage.
Il m'en parlait beaucoup, me questionnait souvent à son sujet, et semblait éprouver à son égard un sentiment partagé, de fascination et de compassion. 
Et pourquoi cette voix caverneuse ? Cette respiration difficile ? Pourquoi ce casque ? Etait-ce vraiment un casque, d'ailleurs, ou son vrai visage ? Le retirait-il de temps en temps ?
Ou comment s'y prenait-il, sinon, pour s'alimenter.
J'osai émettre l'hypothèse qu'il se servait peut-être d'une paille. Mais je sentis bien, alors, qu'on ne pouvait pas rire de tout." p.87

J'ai moins apprécié des textes (trop) anecdotiques comme  "La carabine à patates", "Mon chapeau" voire agaçants de réalisme comme "Jour sans" ou "La lettre" où l'auteur nous détaille par le menu tous les stratagèmes à la Mc Gyver déployés pour récupérer une lettre tombée derrière sa boîte.
Pour résumer mon avis sur ce recueil, je dirais que dans l'ensemble, j'ai davantage apprécié les messages et les idées sous-jacentes aux procédés (certes efficaces mais fastidieux à la lecture).

Un avis mitigé sur ce recueil mais qui ne me détournera toutefois pas de l'auteur dont j'ai déjà "L'homme que l'on prenait pour un autre" sur mes tablettes.


Merci aux de m'avoir envoyé ce recueil




L'avis de Clara

28 octobre 2012

Mon amour bleu - Edith Piaf


Publié en 2009 et disponible en poche depuis le 22 août, "Mon amour bleu" rassemble pas moins de 50 lettres et télégrammes rédigés par la chanteuse Edith Piaf à l'attention du champion cycliste Louis Gérardin, devenu son amant 2 ans après le décès de son grand amour Marcel Cerdan.
1951. Edith Piaf est au sommet de sa gloire et chante "Padam...Padam", "Plus bleu que tes yeux" ou encore "Jézebel".
Elle fait la rencontre de celui qu'elle nommera durant un an dans l'intimité "m'amour", "mon adoré", "ma gueule chérie" ou encore "mon maître adoré".
Les sobriquets ne manquent pas, tout comme les compliments qui pleuvent littéralement dans chacune de ses missives pour exprimer le respect, l'admiration aveugle, le dévouement absolu pour ce bellâtre aux yeux lagons mais surtout le désespoir d'une femme qui s'offre toute entière à cet homme marié qui ne semble pas décidé à quitter sa femme.

Cécile Guilbert, qui signe la préface du présent ouvrage, souligne avec raison les nombreuses similitudes unissant Louis Gérardin à Marcel Cerdan, également sportif de haut niveau, aimé des femmes et marié.
Aurait-elle fait un transfert (s'est demandée la psychologue de comptoir qui sommeille en moi) ?
Mais alors que Cerdan semblait prêt à donner une chance à leur amour (c'est d'ailleurs au cours du vol qui le ramenait définitivement à Piaf qu'il trouva la mort), "Toto" semble plus qu'indécis.
Si le recueil ne contient que les écrits de Piaf, on sent bien à travers l'obstination désespérée qui se dégage de ses lettres que la chanteuse ne sait plus comment convaincre son amant de la préférer à sa femme.
Et ce n'est pourtant pas faute d'essayer (euphémisme) !
Si le début donne l'impression qu'elle tend à prouver son amour à Louis, on comprend assez rapidement que c'est surtout elle-même qu'elle cherche à rassurer et, devant tant de harcèlement d'acharnement (plusieurs lettres par jour), qu'elle se sent constamment en danger et soucieuse de le perdre d'un jour à l'autre.
Chaque lettre sonne alors comme une supplication, un énième cri du coeur qui ne trouve guère d'écho puisqu'elle se plaint fréquemment que Louis ne lui écrit jamais.
Les mots sont forts pour s'adresser à celui qu'elle a mis sur un piedestal et pour lequel elle cherche à se corriger, s'en remettant à son seul jugement pour s'améliorer et ainsi mériter son amour.

" J'ignore ce qu'est le paradis mais pour moi, il ne peut y avoir de plus grand bonheur que celui d'être ta femme devant Dieu ! Donc mon grand ne fais rien pour le moment, cesse de te tourmenter, reste avec Bichette et je me contenterai de ce que tu voudras bien me donner ! N'ai-je pas déjà énormément en sachant que tu m'aimes, que tu ne veux pas me perdre, que tu es bien quand tu es avec moi ! Oh si, mon amour, j'ai déjà beaucoup en occupant une place dans ton coeur chéri, enferme-moi bien dedans, sois égoïste avec moi, c'est la seule façon pour moi d'être heureuse.
Sois très exigeant, les larmes que tu me fais verser, je t'en remercie, tout ce qui vient de toi est bien; je veux être entièrement sous ta domination, je t'en supplie mon adoré, sois affreusement égoïste avec moi." p.111
J'ai toujours imaginé en Piaf une indéfectible romantique, une amoureuse de l'Amour, capable de le réinventer sans cesse avec un autre, d'enchaîner les relations en reprenant toujours tout à zéro tout en paraissant sincèrement éprise à chaque fois.
Si elle n'écrivait pas ses chansons, elle les incarnait totalement sur scène et à en juger par ma lecture des coulisses de sa vie intime, je comprends mieux pourquoi.
Ai-je pour autant apprécié cette lecture ? Pas vraiment. J'ai découvert une femme exubérante, effrayante d'abnégation, exigeante, insatiable voire même carrément obsessionnelle, une femme qui m'a touchée dans ses intentions mais surtout beaucoup agacée (rien ne devrait être pathétique en amour mais j'avoue que ce mot-là m'a traversé l'esprit) par sa prose dégoulinante mais surtout TRES répétitive.
Rien ne permet de dire que cette relation ait été à sens unique mais on l'imagine toutefois bien lourde à porter pour Girardin, fatigué de ces chassés croisés amoureux, coincé entre la pression mise par Piaf et la jalousie de sa femme, lâche au point d'attendre que cette maîtresse qui se consume d'amour pour lui s'éteigne d'elle-même, lui évitant ainsi de devoir choisir.

" Tu as toujours tout fait pour me perdre et tu continues" p.117

Et c'est effectivement ce qui finira par se passer lorsque deux mois après sa dernière déclaration, Piaf lui écrira pour lui annoncer son mariage avec Jacques Pills : " c'est qu'à force de vivre près de quelqu'un qui est tendre, gentil et plein d'attentions on se laisse prendre".
Et parce que l'Amour était son moteur, il y en eut d'autres, Davis, Moustaki et son dernier mari, Théo Sarapo avec lequel elle interpréta sur scène "A quoi ça sert l'amour ?" qui résume parfaitement sa conception de l'amour et son chemin de vie.



Il est parfois des choses qu'il vaut mieux ne pas savoir. Si j'admire toujours autant l'artiste, je me serais bien passée de ce portrait de femme...


18 octobre 2012

Les revenants - Laura Kasischke


Publié aux USA en 2011 et traduit en français la même année, "Les revenants" est le 8ème roman de la romancière et poétesse américaine Laura Kasischke, notamment auteure des romans "Un oiseau blanc dans le blizzard", "A moi pour toujours" ou encore "En un monde parfait".

Un soir de pleine lune, Nicole Werner et Craig Clements, un couple d'étudiants de la prestigieuse université Godwin Honors College, sont victimes d'un accident de voiture dont seul Craig réchappera, non sans perdre la mémoire de ce qui s'est passé.
Accablé par les accusations de meurtre émanant de la sororité dont faisait partie sa petite amie, il parvient toutefois à réintégrer l'université le semestre suivant et ré-emménage avec Perry, son ancien colocataire, autrefois proche de Nicole lui aussi.
Mais bientôt se succèdent de troublantes apparitions comme d'étranges cartes postales et coups de fil qui font dire à Craig et Perry que Nicole est peut-être encore vivante.
Leur chemin rencontre alors celui de Shelly Lockes, première personne à être arrivée sur les lieux de l'accident, Mira Polson, professeur spécialiste des embaumements primitifs et coutumes folkloriques liées à la mort, et de l'intriguante Josie Reilly, ancienne colocataire de Nicole.

C'est peut-être en croisant leurs vérités à tous qu'ils réussiront à faire toute la lumière sur l'énigme entourant le mystérieux décès de Nicole Werner...

" Ce que nous nommons le deuil est peut-être moins le chagrin de ne pouvoir rappeler nos morts à nous que celui de ne pouvoir nous résoudre à le faire." La Montagne magique, Thomas Mann

Si le récit débute par la découverte de la scène de l'accident par Shelly Lockes, il prend ensuite place un an plus tard, au moment où Craig retourne à l'université. La narration est alors fréquemment interrompue par des flash-backs qui nous éclairent sur la rencontre entre Craig et Nicole et la succession d'événements ayant entraîné leur accident.
Si j'ai au départ éprouvé quelques difficultés à me situer dans la chronologie, j'ai fini par prendre mes repères et apprécier cette construction habilement mise en place de sorte à ne jamais trop en dire d'un coup.
J'ai beaucoup aimé le soin apporté à la psychologie des personnages, ce contraste appuyé entre l'être et le paraître, le moi public et le moi privé, qui appuie la description de cet univers où les apparences sont souvent trompeuses.

A l'instar de Joyce Carol Oates, également adepte du campus novel aux accents tragiques, Laura Kasischke propulse le lecteur au coeur des couloirs d'une université, temple d'une éternelle jeunesse qui loin d'être insouciante, collectionne ses secrets, ses mensonges, ses fantômes et ses rites initiatiques douteux.


Bien qu'ayant fait mon baptême à l'université (semblable au bizutage mais avec toutefois quelques nuances) avec le lot de gousses d’aïl à gober et de pelles à rouler à des têtes de vaches mortes que cela comporte, je ne me suis jamais retrouvée à moitié droguée et enfermée dans un cercueil pour le plaisir de me voir « renaître »...

L'auteure pousse ici la critique sociale à l'extrême, s'attaquant aux sororités, associations estudiantines secrètes dont les membres sont triées sur le volet, formatées au point de devenir "interchangeables" et dont certaines s'adonnent à des activités bien moins innocentes que la confection de napperons...
Laura Kasischke ne s'arrête pas là.
"What happens in Godwin stays in Godwin". Telle pourrait être la devise de cette université corrompue par un corps académique dirigeant soucieux d'étouffer les affaires gênantes pour l'établissement.
Oscillant sans cesse entre rationnel et intangible, apparences et vérités, l'auteure nous dépeint dans une ambiance largement morbide les failles d'une élite intellectuelle totalement dépourvue du sens des valeurs.

Une construction en paliers successifs, un scénario qui m'a fait penser à un crossing-over entre "Skulls" et "Sex crimes", des personnages multi-facettes, un mélange hybride entre peinture sociale et thriller psychologique, saupoudré d'une bonne dose de fantastique, le tout servi par une écriture aussi dense qu'irréprochable (dommage toutefois pour les coquilles et les trop nombreux "présentement" de la traductrice).
J'ai juste trouvé terriblement frustrant (même si cela contribue à laisser planer un certain mystère) de ne pas connaître l'issue de deux personnages clé de l'histoire mais ce petit bémol mis à part, que demander de plus si ce n'est de relire cette auteure au plus vite ?


D'autres avis : Choco - Kathel - Theoma - Leiloona - Brize - Valérie 

MERCI à Babelio de m'avoir envoyé ce roman !

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