30 mai 2010

Délicieuses pourritures - Joyce Carol Oates


"Délicieuses pourritures" est un roman paru en 2002 et signé par l'écrivaine américaine Joyce Carol Oates, notamment auteure de "Confessions d'un gang de filles", "Blonde" ou encore "Les femelles".
Louvre, Paris, 11 février 2001. Il a suffi que Gillian Brauer tombe sur un totem aborigène pour que ressurgissent les souvenirs d'événements survenus 25 ans plus tôt.
Alors qu'elle y poursuivait ses études, le campus féminin de Catamount fut le théâtre d'une vague d'incendies d'origine mystérieuse doublés d'actes désespérés de la part de jeunes filles fascinées par le charisme hypnotique de leur professeur de poésie, Andre Harrow.
Depuis que celui-ci a décidé de leur faire partager publiquement leur journal intime, les élèves sont prêtes à toutes les confessions pour s'attirer les faveurs du maître et obtenir une chance de participer au stage que lui et sa femme sculptrice ne destinent qu'aux plus méritantes.
Gillian donnera-t-elle dans la surenchère pour se rapprocher du couple ?

"Délicieuses pourritures" apparaît comme un très bon choix de titre pour ce court roman aussi malsain qu'intriguant.
Présenté à la façon du journal de Gillian, il nous décrit sans concession 4 mois de la vie de la jeune fille et de ses camarades.
Sous le couvert de profils à peine esquissés, l'auteure brosse le portrait d'une masse de jeunes filles fragiles au passé violent, à la féminité encore hésitante, que le pouvoir impressionne, fascine et aveugle au point de consentir à servir de jouets laissés entre les mains d'adultes aussi manipulateurs que pervers.

" J'étais trop déroutée que pour répondre à ce baiser. C'était une réaction animale, irréfléchie. Comme si j'avais oublié que cet homme, qui me touchait enfin comme j'en rêvais depuis des mois, était Andre Harrow...
Un vertige me prit et, sans douceur, M.Harrow me maintint debout. "Gillian? Hé! Je plaisantais."
Il était furieux. Mais amusé. Il était assez mûr pour être amusé. Il m'empoigna avec fermeté par le coude et me ramena vers le campus. Il se montrerait protecteur, à présent.Il se montrerait abrupt et brusque. Il fournirait le récit, l'interprétation de ce qui s'était passé, ainsi qu'il le faisait dans ses conférences et ses ateliers.
"C'était un regrettable malentendu, Gillian. Rien de plus."
Comme si il m'avait frappée au lieu de m'embrasser." p.60

Au sein de sa salle de cours qui lui tient lieu de harem, Andre Harrow règne en père tyrannique auprès de ces jeunes esprits malléables qu'il entraîne insidieusement dans une féroce compétition.

" La tenue de notre journal se mit à nous obséder. Au point de nous faire négliger nos autres cours. Les ateliers de poésie d'Andre Harrow duraient plus que les deux heures prévues, souvent au delà de trois heures, et nous laissaient épuisées; ils avaient lieu le mardi et le vendredi, et devinrent peu à peu le point central de nos existences. L'atmosphère y était tendue, électrique. Aucun professeur ne nous écoutait avec la concentration, avec l'attention d'Andre Harrow. Certaines d'entre nous lisaient d'une voix forte et dramatique, d'autres d'une voix basse et timide. Parfois M.Harrow nous interrompait d'une exclamation : "Très beau" ou : "Relisez, s'il vous plaît.
Mais très souvent il trouvait notre travail décevant. "Gonflant", comme il disait peu élégamment. Il abattait son poing sur la table de TP, faisant trembler nos gobelets de café en polystyrène et nos stylos, comme s'il se sentait personnellement insulté.
Qu'un homme adulte, un professeur d'université, accorde autant d'intérêt au travail d'étudiantes de troisième année..., cela ne nous paraissait pas étrange et déroutant, mais merveilleux.
Ou, quoique étrange et déroutant, merveilleux tout de même.Au moins intéresse-toi à moi. Si tu ne peux m'aimer. Au moins ne m'ignore pas." p.68
Loin de se contenter de fermer les yeux sur les vices de son mari, Dorcas y participe activement et y voit là l'occasion de pimenter son art comme sa vie de couple.
J'ai trouvé ce personnage d'autant plus choquant qu'il s'agit d'une femme qui a l'âge d'être mère et à qui l'instinct protecteur fait cruellement défaut. Entre ses mains, les jeunes filles se voient déshumanisées, réduites à de simples poupées de porcelaine avec lesquelles elle prend plaisir à jongler. Et tant pis si certaines d'entre elles se brisent en cours de route.
Au milieu de cette folie ambiante, il y a Gillian, cette jeune fille intelligente dont on espère qu'elle sortira du lot pour sauver toutes les autres qui à force de jouer avec le feu, y ont laissé leur innocence.

Ce court roman m'a laissée sans voix. A maintes reprises, j'ai eu la sensation de suffoquer en même temps que je continuais de tourner les pages, impatiente que tout cela prenne fin, que ces jeunes filles soient délivrées de cette perversion en vase clos dont rien n'est jamais filtré à l'extérieur.
Une écriture qui sans se révéler crue fait montre d'une froideur saisissante mais diaboliquement efficace.
Une auteure que je serais curieuse de relire mais pas tout de suite. Je préfère laisser reposer le tout et respirer un grand coup avant de replonger...

D'autres avis : Ys et Delphine en ont parlé récemment ainsi que beaucoup d'autres chez BOB !

"Délicieuses pourritures" était une lecture commune avec Choco et ma première participation au Challenge Oates lancé par George.

25 mai 2010

Bonjour Tristesse - Françoise Sagan


"Bonjour Tristesse" est le premier roman de la française Françoise Sagan, paru en 1954.
Cécile, 17 ans, passe les deux mois d'été avec son père Raymond et sa maîtresse Elsa dans une villa au bord de la Méditerranée.
La jeune fille sait pertinemment bien que la compagne du moment de son père ne fera pas long feu. Le quarantenaire considère la fidélité comme une frivolité, faisant de sa fille la complice exclusive de son mode de vie.
Mais l'arrivée inopinée d'Anne Larsen, ancienne amie de la famille, viendra bousculer leurs habitudes et remettre en question la relation particulière unissant Cécile à son père.
La maîtresse est congédiée et la jeune fille se voit forcée d'étudier pour son examen de la rentrée et pour le coup interdite de fréquenter son petit ami Cyril.
Cécile est bien déterminée à mettre fin à l'emprise de cette femme...

Lorsque paraît "Bonjour Tristesse", Françoise Sagan n'a alors que 19 ans. Elle a écrit un roman durant ses vacances d'été, l'a présenté à quelques éditeurs avant d'être publiée chez Julliard.
Le succès est immédiat, même si ce court roman choque à bien des égards.
Le personnage de Cécile apparaît comme une jeune fille bourgeoise jouissant d'une grande liberté auprès d'un père volage et peu soucieux de son éducation.
" Nous étions de la même race, lui et moi; je me disais tantôt que c'était la belle race pure des nomades, tantôt la race pauvre et desséchée des jouisseurs." p.157

A travers ce premier roman se glissent déjà toutes les caractéristiques de l'oeuvre saganesque qui se vit rapidement qualifiée de "petite musique": l'alcool, les sorties à Saint-Tropez, le luxe, les bolides.

" Je ne connaissais rien; il allait me montrer Paris, le luxe, la vie facile. Je crois bien que la plupart de mes plaisirs d'alors, je les dus à l'argent : le plaisir d'aller vite en voiture, d'avoir une robe neuve, d'acheter des disques, des livres, des fleurs. Je n'ai pas honte encore de ces plaisirs faciles, je ne puis d'ailleurs les appeler faciles que parce que j'ai entendu qu'ils l'étaient. Je regretterais, je renierais plus facilement mes chagrins ou mes crises mystiques. Le goût du plaisir, du bonheur représente le seul côté cohérent de mon caractère." p.27

Cécile se sent en danger par la venue d'Anne Larsen, une femme dont l'intelligence et le raffinement forcent son admiration comme sa colère car la jeune fille sent bien que cette femme-là est différente et qu'elle pourrait régenter sa vie en un claquement de doigts.

" Je la sentais trop complètement indifférente, ses jugements n'avaient pas cette précision, ce côté aigu de la méchanceté. Ils n'en étaient que plus accablants." p.25

C'est cette ambivalence de sentiments qui dominera le comportement de Cécile durant tout le roman. Cécile est une jeune femme à la fois insouciante et cruelle, inconsciente de la portée de ses actes sur les autres.
En lisant "Bonjour Tristesse", on ne peut qu'être saisi par la maturité de l'auteure, capable au détour de phrases courtes de retranscrire une ambiance, un huis clos dans lequel chaque personnage se voit détaillé avec justesse dans toute sa complexité.
Une auteure que je n'hésiterai pas à relire !
Je n'ai pas pu m'empêcher de sourire en regardant de plus près mon exemplaire qui date de 1971 (hérité de ma maman) et sur lequel on peut lire "offert par Elf".
Quand on sait que Françoise Sagan a terminé sa vie, ruinée par sa condamnation dans l'affaire Elf, il y a de quoi rire jaune...

Je vous recommande fortement le film "Sagan" de Diane Kurys, sorti en 2008 et dans lequel Sylvie Testud campe merveilleusement bien le rôle de cette écrivaine (même si, comme pour Lara Fabian, ses manies m'agaçaient par moments) qui vivait dans l'excès et s'entourait d'amis pour échapper à sa solitude.



Seuls bémols du film : le coucher de soleil final (était-ce vraiment nécessaire?), la même petite musique lancinante qui domine le film (on se croirait dans un mauvais feuilleton du dimanche) et la présence d'Arielle Dombasle qui ne sait décidément pas jouer d'autres personnages qu'elle-même.
J'ai relevé de nombreux passages dans le film (déjà vu à 3 reprises et à chaque fois j'étais en larmes). Je vous en livre quelques-uns en espérant qu'ils vous donneront envie d'en savoir plus sur Françoise Sagan.

" Bien sûr on a des chagrins d'amour, mais on a surtout des chagrins de soi-même. Finalement la vie n'est qu'une affaire de solitude."



" Parfois on éprouve le besoin de fuir, de s'échapper, de se perdre. Mais d'autres fois, on se perd sans le vouloir, au hasard d'un excès."



" Il n'y a pas d'âge pour ré-apprendre à vivre. On dirait même qu'on ne fait que ça, toute sa vie. Repartir. Recommencer. Respirer à nouveau.
Comme si on apprenait jamais rien de l'existence sauf parfois, une caractéristique de soi-même."


Et la véritable épitaphe rédigée par elle-même : " Sagan, Françoise. Fit son apparition en 1954, avec un mince roman, Bonjour Tristesse, qui fut un succès mondial. Sa disparition, après une vie et une oeuvre également agréables et bâclées, ne fut un scandale que pour elle-même."

20 mai 2010

Comme un roman - Daniel Pennac


"Comme un roman" est un essai de l'écrivain français Daniel Pennac, paru en 1992.

"On est prié (je vous supplie) de ne pas utiliser ces pages comme instrument de torture psychologique."

Pas de doute, le ton est donné. La lecture ne fait pas partie de ces plaisirs qui s'imposent (peut-on d'ailleurs encore parler de plaisir lorsque celui-ci souffre de la contrainte?)

" Le verbe lire ne supporte pas l'impératif. Aversion qu'il partage avec quelques autres : le verbe "aimer"...le verbe "rêver"... On peut toujours essayer, bien sûr. Allez-y : "Aime-moi !" "Rêve !" "Lis! " Mais lis donc, bon sang, je t'ordonne de lire !" _Monte dans ta chambre et lis ! Résultat? Néant. " p.13
C'est sur ce passage maintes fois cité que s'ouvre cet hommage à la lecture, aux amoureux des livres mais aussi aux non-lecteurs.
Jamais la lecture ne devrait servir de monnaie d'échange pour bénéficier du droit d'accès aux autres plaisirs mais devrait, au contraire, être synonyme de liberté, de gratuité (au sens figuré parce que bon pour le reste mon portefeuille en frémit chaque mois...).
C'est pourquoi cet essai n'a pas vocation à juger les non-lecteurs, plutôt à décortiquer leurs comportements, à déterminer les origines de cet éloignement.

" Le vingtième siècle trop "visuel"? Le dix-neuvième trop descriptif? Et pourquoi pas le dix-huitième trop rationnel, le dix-septième trop classique, le seizième trop renaissance, Pouchkine trop russe et Sophocle trop mort? Comme si les relations entre l'homme et le livre avaient besoin de siècles pour s'espacer. Quelques années suffisent. Quelques semaines. Le temps d'un malentendu." p.39

Pennac démystifie les angoisses qui les tiennent éloignés de certains livres et derrière lesquelles se dissimule bien souvent la peur de ne pas les comprendre.

" En argot, lire se dit ligoter.
En langage figuré un gros livre est un pavé.
Relâchez ces liens-là, le pavé devient un nuage." p.50
Tour à tour, l'auteur endosse les casquettes de parent, d'élève, de non-lecteur, de lecteur et de prof. A travers cet essai transparaît l'infinie tendresse de l'homme pour la littérature et les lecteurs (à venir).
Si à aucun moment je n'ai ressenti de jugement à l'égard des non-lecteurs, j'ai tout de même constaté chez l'homme une profonde envie de transmettre un idéal pédagogique, sentiment que j'avais déjà ressenti à la lecture de "Chagrin d'école".
Pourquoi l'auteur aurait-il rédigé cet essai qui fait la part belle à la lecture si son dessein n'était pas d'ouvrir les yeux à ceux qui s'obstinent à rester insensibles à ses charmes? Pennac admet volontiers que ses méthodes ne toucheront pas chacun de la même manière. Au moins aura-t-il essayé.
L'essai se conclut par une liste de droits imprescriptibles dont bénéficient les lecteurs.

1) Le droit de ne pas lire. Ma PAL dit merci.
2) Le droit de sauter des pages. Si la tentation est là, c'est selon moi mauvais signe. A ce moment-là, je préfère carrément abandonner l'ouvrage en question. Ou le remettre à plus tard si je constate que la fatigue a pu jouer un rôle dans ce renoncement.
Mais je dois admettre que j'ai sauté les pages de ce chapitre Monsieur Pennac. Oui oui! Comment ça pourquoi? Parce que sous le couvert d'un exemple anodin, vous vous êtes laissé aller à me raconter l'une de mes prochaines lectures, "Guerre et Paix", "l'histoire d'une fille qui aime un type et qui en épouse un troisième" etc etc...
Ceci dit je vous pardonne, d'ici fin juin et les quelques 1500 pages de ma lecture, je pense que j'aurai oublié cet incident...
3) Le droit de ne pas finir un livre. Je pense que l'actualité récente de ce blog démontre bien à quel point je revendique ce droit.
4) Le droit de relire. C'est ce que j'ai fait en relisant cet essai.
5) Le droit de lire n'importe quoi. Ouf !
6) Le droit au bovarysme (Maladie textuellement transmissible).
Extrait pêché tout à fait au hasard : " (...) ce n'est pas parce que ma fille collectionne les Harlequin qu'elle finira en avalant l'arsenic à la louche " p.185
7) Le droit de lire n'importe où.
8) Le droit de grappiller. Raison pour laquelle j'aime posséder les livres, pour pouvoir m'y replonger à souhait ne fut-ce que pour relire un seul passage.
9) Le droit de lire à haute voix. Ca ne m'arrive pas souvent mais je dois avouer que cela donne une autre dimension au texte.
10) Le droit de nous taire. Heu...connais pas celui-là ^^

En un mot, ne boudons pas ce qui doit rester notre plaisir ! Peu importe la manière dont nous y accédons, pourvu que le bonheur de lire reste intact.
Un essai que je recommande... à tout le monde.

"Comme un roman" a fait l'objet d'une lecture commune avec Reka, Delphine et Pascale.

D'autres avis : Mango - Marie - Abeille - Karine:)

15 mai 2010

Orgueil et préjugés - Jane Austen


"Orgueil et préjugés" est sans aucun doute l'ouvrage le plus célèbre de la romancière anglaise Jane Austen. Paru en 1813, il est considéré comme l'un des plus grands chefs-d'oeuvre de la littérature anglaise.
Est-il encore besoin d'en résumer l'histoire?
Alors que les époux Bennett coulent de jours heureux en compagnie de leurs 5 filles, la nouvelle se répand que le domaine de Netherfield Park serait loué par un jeune homme riche et de bonne famille du nom de Mr Bingley. La mère Bennett y voit là l'occasion rêvée de marier l'une de ses filles.
Loin de demeurer seul dans l'énorme propriété, Mr Bingley est accompagné de ses deux soeurs ainsi que de son meilleur ami, un certain Mr Darcy, homme aussi hautain que mystérieux.
Alors que Jane Bennett, l'aînée, semble être promise à Mr Bingley, sa soeur Elizabeth se voit courtisée par son propre cousin, Mr Collins qui souhaite faire un bon mariage afin de pouvoir accéder à ses biens. Mais les pensées de Lizzy sont ailleurs. Entre Mr Darcy qui semble l'intriguer en même temps que son orgueil lui paraît détestable, et l'officier Wickham qui
se montre si charmant à son égard, vers lequel d'entre eux balancera le coeur de la jeune femme?

L'histoire d'"Orgueil et préjugés" est assurément beaucoup plus étayée que ce qu'en dit mon résumé. Et pour cause, je n'ai en tout et pour tout évoqué que les personnages principaux alors que tant d'autres ont leur importance dans ce récit.
C'est d'ailleurs là l'une des forces de ce roman que de parvenir à faire coexister tant de personnages sans que ceux-ci soient jugés inutiles ou se fassent oublier du lecteur.

Tout au long du récit, le lecteur assiste à des alliances et séparations de tous ordres, bien souvent dictées par les intérêts des uns et des autres. Au milieu de la foule, il y a bien sûr la douce et impertinente Lizzy Bennett qui nourrit des sentiments très conflictuels à l'égard de Mr Darcy, un homme qui semble blasé, sûr de son jugement, rancunier et qui ne cache pas sa complaisance à l'égard de personnes qu'il juge indignes d'intérêt.

" Elle est passable, mais pas assez jolie pour me décider à l'inviter. Du reste je ne me sens pas en humeur, ce soir, de m'occuper des demoiselles qui font tapisserie." p.30

Avertie par des rumeurs attribuant à l'homme des actes peu reluisants par le passé, Lizzy prend parti contre Mr Darcy, sans chercher à le consulter pour discerner le faux du vrai.
En cela elle n'échappe pas au milieu ambiant, un microcosme où les commérages alimentent toutes les conversations et où les paris sont lancés quant à qui épousera qui et à quel prix.
Mais Lizzy et Mr Darcy sauront-ils ravaler leur orgueil pour reconnaître qu'ils se sont l'un et l'autre trompés?

" Je lui aurais volontiers pardonné son orgueil si il n'avait tant mortifié le mien."
Quoiqu'il en soit, la situation donnera lieu à des échanges aussi piquants que savoureux entre les deux protagonistes.
Autour d'eux gravitent des personnages souvent caricaturaux voire foncièrement ridicules tels que Mrs Bennett et ses nerfs ou encore Mr Collins et "sa Grâce", Lady de Bourgh, qui sait tout sur tout.
Le personnage qui m'est apparu le plus sympathique est le père de Lizzy, Mr Bennett, qui loin d'adhérer aux extravagances de son épouse peut compter parmi les alliés de sa fille.

" Ma pauvre enfant, vous voilà dans une cruelle alternative. A partir de ce jour, vous allez devenir étrangère à l'un de nous deux. Votre mère refuse de vous revoir si vous n'épousez pas Mr Collins, et je vous défends de reparaître devant moi si vous l'épousez." p.123
Non sans ironie, Jane Austen dénonce à travers son roman toute la dimension superficielle et symptomatique d'une époque où l'on juge les hommes à la lueur de leurs richesses et de leurs exploits matériels et les femmes au détour de leur dot et de leur habileté à se vendre au plus offrant.
Même en français, la langue est belle, travaillée, pudique et le phrasé old-fashionned revêt un charme déjà esquissé dans "Lady Susan". Une relecture que j'ai autant apprécié que la première fois !

" L'orgueil, observa Mary qui se piquait de psychologie, est, je crois, un sentiment très répandu. La nature nous y porte et bien peu parmi nous échappent à cette complaisance que l'on nourrit pour soi-même à cause de telles ou telles qualités souvent imaginaires. La vanité et l'orgueil sont deux choses différentes, bien qu'on emploie souvent ces deux mots l'un pour l'autre ; on peut être orgueilleux sans être vaniteux. L'orgueil se rapporte plus à l'opinion que nous avons de nous mêmes, la vanité à celle que nous voudrions que les autres aient de nous." p.38

A noter qu'une version zombies est sortie l'année dernière.


L'idée semble drôle comme ça, mais de là à lire tout un roman de zombies ...

"Orgueil et préjugés" était une lecture commune avec Liliba et Lili Galipette qui l'ont apprécié autant que moi !

Une kyrielle d'autres avis chez BOB




10 mai 2010

La diagonale du traître - Hervé Hamon


"La diagonale du traître" est un recueil paru en 2009 et composé de 12 nouvelles signées de la plume de l'écrivain français Hervé Hamon
12 nouvelles, 12 victimes et autant de traîtres. Médecin, jury littéraire, famille politique, guide touristique, mari et épouse déçus, amie en quête de gloire, chacun d'entre eux s'est rendu coupable d'un coup bas plus ou moins douloureux.
Par orgueil ou excès de naïveté, des hommes et des femmes ont ainsi vu voler en éclats et par la main d'un autre, le miroir de leurs illusions.

Etant donné que le seul titre m'annonçait d'emblée le thème central du recueil, j'étais déjà disposée à "voir le mal partout", bien décidée à démasquer le traître avant qu'il n'agisse.
Mais les rôles de traître et de victime sont-ils si bien établis et reconnaissables dans ce recueil? Assurément non. L'acte est-il toujours proportionnel à la cause? Non plus.
A dire vrai, je n'arrive pas vraiment à canaliser mes impressions sur ce recueil. Certaines histoires m'ont plu, d'autres nettement moins. J'ai remarqué que d'une nouvelle à l'autre, le sentiment de trahison était pressenti comme une simple arnaque ou au contraire, comme une blessure plus profonde mais laquelle s'apparentait bien souvent plus à une blessure d'ego qu'à un vrai déchirement.

" - Elle s'est mal conduite à mon égard.

- Dans le travail?

- Dans le travail? Non : dans la vie. C'est ma femme, vous comprenez? C'était ma femme.

Le flic devint songeur.

- Et tu la dénonces parce que...?

- N'essayez pas de me cuisiner sur ce terrain. C'est mon affaire. Je vous ai préparé un dossier complet. Vous l'enverrez en prison, il y aura de quoi.

- On te couvrira. Compte sur nous.

Le veuf eut un mouvement de recul. Il grimaça.

- Je veux qu'elle sache qui l'a donnée, qu'elle n'ait aucun doute là-dessus, aucun. Je ne ferai rien pour qu'elle me trouve, mais je prends le risque, je veux qu'elle me cherche.

L'inspecteur ne suivait plus.

- Tu veux qu'elle sache... Ca ne te suffit pas de te venger?

Le veuf qui n'était pas veuf avait pris des couleurs, sa main tremblait.

- Se venger, c'est rien, c'est facile, c'est à la portée de n'importe quel abruti. Mais penser qu'à chaque seconde, dans sa prison, elle rêvera de me buter, ça, c'est quelque chose. Tu comprends, le flic? Chaque seconde, elle pensera à moi." p.76

Toutes les histoires se clôturent sur l'aveu de la traîtrise mais dévoilent si peu de leurs conséquences que je n'ai pas eu le temps de pouvoir vraiment me positionner par rapport aux personnages.
Certain(e)s avanceront qu'il n'y a guère plus à en attendre de nouvelles. Il est vrai que le genre laisse souvent peu de place aux sentiments pour se concentrer sur la chute qui se doit d'être percutante.
Mais j'ai ressenti un certain malaise en constatant que chaque chute était encore moins innocente que je le pensais. Chacune d'entre elles m'a semblé dénoter un souci de rétablir l'équilibre par une justice de ping-pong qui prendrait fin dès que les adversaires seraient touchés de la même façon.
J'aurais préféré des confrontations de face aux mesquineries et même si certains personnages ne sont pas si victimes qu'il y paraît, j'ai trouvé la leçon un peu trop sévère. Il ressort de cette lecture une morale revancharde qui sanctionne le moindre orgueil en rendant la monnaie de leur pièce à des personnes dont le seul crime était de s'assumer. Je me suis véritablement sentie mal à l'aise dans ce rôle de spectatrice, encore plus dans celui d'arbitre, de matchs truqués d'avance.
Cela dit, je suis bien forcée de reconnaitre que l'auteur a quand même bien réussi son coup.

" C'était l'inconvénient d'écrire des romans. On entre dans la tête des autres. Ou plutôt non, ils entrent dans la nôtre, ils se greffent sur nous, ils pensent à notre place, ils bougent, ils pleurent d'eux-mêmes. " p.104

J'ajouterais aussi que je n'ai absolument rien à reprocher au style d'Hervé Hamon. Plusieurs jolis passages ont tout de même su retenir mon attention, notamment celui-ci, consacré au voyage.

" Voyager, c'est se perdre, c'est découvrir, après chaque nouveau séjour, qu'on est plus ignorant que la fois précédente. Et puiser, dans cette incertitude, dans cette dérive, une forme de contentement. " p.114


Je pense donc qu'une rencontre avec l'auteur s'avère encore possible, mais au détour d'un autre ouvrage.

Merci à Clara pour le prêt !

D'autres avis (beaucoup plus enthousiastes) : Clara - Lili Galipette - Cunéipage - Gwenaëlle - Cathulu - Amanda

8 mai 2010

Qui dit 8 mai dit oui, mais...


Cet après-midi, j'avais prévu de faire quelques petites courses-cadeaux et de profiter de cette petite virée pour donner une maison plus grande à mon palmier qui commençait à se sentir comme un sumo dans une Twingo.
Bref, une chose en entraînant une autre, je me suis malencontreusement retrouvée chez mon bouquiniste (chez qui je mériterais d'ailleurs un cadre doré "cliente de l'année") qui m'avait gardé "quelques livres susceptibles de m'intéresser". A croire que le bougre me connaît plutôt bien...
Cette fois je n'ai presque aucune excuse. Inutile de prétexter que mes livres sont des Gremlins qui se reproduisent à mon insu durant la nuit. Et puis si je vous dis que mon bouquiniste m'a fait un prix de gros, vous me croyez?
Et comme j'avais le jardinage visionnaire et que j'en avais "un peu marre" de devoir changer mon palmier de pot tous les mois (une vraie collection de poupées russes je vous assure, je pourrais être pépiniériste), j'ai vu les choses en grand cette fois et en rouge pour ne pas changer ("Toscane" le rouge d'après l'étiquette, mouais un peu tecktonik la Toscane quand même...).
J'espère que Monseigneur Palmier ne va pas me décevoir sinon je le renvoie illico dans son pays avec un Mars et sans carte verte !
Et comme j'étais tout de même partie au départ pour acheter des cadeaux (que je ne montrerai pas, bien évidemment, il y a des yeux malicieux qui se perdent par ici), je me suis aventurée au temple où m'attendaient, ô vils tentateurs, un Book Journal de la collection Moleskine Passions, le coffret collector "Généalogie d'une sorcière" de Benjamin Lacombe et un joli porte-clé à l'effigie du Petit Prince...

Bon, je bénéficie tout de même de quelques circonstances atténuantes...
Pour le palmier, pas besoin d'excuses. Loin de moi l'envie de mettre fin à son agonie par un planticide. Je n'ai peut-être pas la main verte mais j'ai un coeur d'artichaut.
Concernant les livres :
- les 5 tomes du " Poids des secrets " de Shimazaki : ça c'est de la faute de toutes les blogueuses qui en ont parlé en des termes plus qu'élogieux (Clara, Marie, Aifelle et les autres, vous ne perdez rien pour attendre ! ^^)

- "Un roman français" de Beigbeder : je dois cet achat précipité (j'avais juré sur la tête de toute ma famille et du chat que j'attendrais sa sortie en poche) à Cécile et au prix QD9 pour lequel ce roman a été sélectionné (et comme je suis une jurée des plus consciencieuses...).
Et puis je dois bien reconnaître que le bonhomme m'est sympathique malgré ses fanfaronnades. Et ça, ça ne se discute presque pas.

- "Généalogie d'une sorcière" de Lacombe : Benjaminou et moi, c'est une histoire qui a commencé il y a plusieurs mois. Et comme les plus belles histoires d'amour ont besoin d'être régulièrement alimentées pour garder le même éclat et qu'en amour on ne compte pas...Bon vous voyez où je veux en venir. C'était mon cadeau de Saint-Valentin 2018 (les précédents m'ont déjà été offerts, ahum...).

- "La route" de McCarthy : Vigo m'a fait un clin d'oeil et m'a proposé de faire un bout de chemin avec lui. Que voulez-vous, je suis faible.

- "L'amour est à la lettre A" de Calvetti : on ne parle jamais assez d'amour, c'est moi qui vous le dis.

- "Tout contre" de Marie-Florence Gros : parce que j'en ai entendu du bien, du moins bien et du beaucoup moins bien et que je veux me faire mon propre avis sur ce premier roman.
Et aussi parce que la couverture est superbe. Je vous encourage d'ailleurs à aller visiter le site de l'illustratrice Carole Henaff ici.
Remarquez comme mes excuses deviennent de plus en plus bancales...

Mais venons-en à ce fameux cahier Moleskine ! Si le malin s'est retrouvé dans mon panier, c'est bien à cause de cette vidéo.



N'ayant pas pu ôter son habillage de cellophane en magasin, j'ai eu la surprise de le découvrir à la maison. Que trouve-t-on dans ce fameux cahier? Un répertoire semblable à un carnet d'adresses, à la différence près qu'une pleine page est allouée à chaque livre et comporte plusieurs rubriques (auteur, titre, éditeur, année et langue de parution, date de lecture de l'ouvrage, cotation, une case réservée aux citations, une autre aux impressions de lecture).
Un index en fin de carnet permet de répertorier le tout. Plusieurs pages vierges séparées par des intercalaires sont laissées à l'imagination du lecteur et il est même possible de les personnaliser avec des stickers fournis avec le carnet (ils sont malins chez Moleskine, ils ont même pensé à "wish-list" et "groupes facebook").
Ca fait rêver non?
Oui mais...Si il est vrai que ce genre de carnet convient fort bien au "lecteur moyen", je ne pense pas qu'il puisse servir longtemps à des lecteurs/trices compulsifs/ves.
A raison de 5 pages par lettre dans le répertoire, nul besoin de préciser que bon nombre de blogueurs/euses risquent fort d'être rapidement à court de place.
Moleskine a néanmoins réussi à me faire rire dans son souci du détail qui tue en proposant au propriétaire du carnet de compléter une somme en guise de récompense pour celui/celle qui tomberait sur le trésor égaré ^^

Bon, sur ces bonnes paroles, je vous souhaite un bon weekend et repars faire joujou avec mes nouvelles gommettes ;)

7 mai 2010

Mort d'un parfait bilingue - Thomas Gunzig


"Mort d'un parfait bilingue" est le premier roman de l'écrivain belge Thomas Gunzig, publié en 2001. Thomas Gunzig est notamment l'auteur des romans jeunesse "Nom de Code Super- Pouvoirs" et "De la terrible et magnifique histoire des créatures les plus moches de l'univers" (dont j'avais parlé ici ) mais également du recueil de nouvelles "Carbowaterstoemp et autres spécialités"(réédité récemment par le Diable Vauvert sous le titre "Assortiment pour une vie meilleure") que j'évoquerai certainement un jour prochain.

" Les aventures d'un jeune homme, amoureux par nature, cruel par instinct de survie et ironique par nécessité, au pays de la sale guerre." Voici ce que nous annonce à juste titre le quatrième de couverture.
Mars 1978. Le récit s'ouvre sur le portrait de Chester, le narrateur, et sur l'aveu d'un meurtre commis alors qu'il était affamé et désargenté. La victime? Pierre"Petit Pois" Roberts, beau-frère de son meilleur ami slovène Moktar assassiné à la demande de ce dernier. Loin d'être fier de son crime, Chester se console comme il peut dans les bras de Mini-Trip, serveuse au "Bateau qui se plante" et épouse du chanteur populaire Jim-Jim Slater. Mais leur liaison tourne mal et le mari adultère force Chester à payer sa dette en tuant sa concurrente d'audience, Caroline Lemonseed.
La tâche s'avère ardue, obligeant Chester à intégrer les "Pluies de l'automne", une unité militaire chargée de la défense de la chanteuse durant le concert qu'elle donnera en faveur des troupes présentes sur le front.
Mais Chester sait-il exactement dans quel genre de guerre il met les pieds?

Autant vous le dire tout de suite, voilà un roman qui ne dévoile pas la meilleure part des hommes (ni des femmes d'ailleurs). Tour à tour criminels, imposteurs, violeurs et j'en passe, tous les personnages de ce roman ont commis des actes répréhensibles et sont happés par un monde où l'immoralité fait la loi, où la sale guerre est partout, sur le champ de bataille comme sur les écrans de télévision.
La narration se partage entre le présent du narrateur, paralysé et catatonique, et le récit des événements passés qui nous apparaissent tel qu'ils lui reviennent petit à petit en mémoire.
Entre ses amours, tantôt râtées tantôt inavouées, son ami Moktar qui s'est amouraché d'une vieille femme et tente de sauver sa soeur de la drogue et de la prostitution, et la mission pour laquelle il s'est engagé à contrecoeur, Chester découvre une guerre sponsorisée dans laquelle des hommes paumés improvisés soldats sont instrumentalisés et formés au jeu d'acteur à défaut de savoir livrer bataille. Une guerre où les pertes se mesurent avant tout en chiffres d'audience.

" Les épouvantés nous avaient regardés faire sans, manifestement, rien comprendre à notre manège jusqu'à ce qu'on les mette à contribution. La première prise dut mettre en scène deux soldats (Moktar et moi) apportant le miracle de la barre Snikers, son caramel, ses cacahuètes, son sucre raffiné aux victimes de la guerre. Il fallait que David, François, Emilie et Elodie nous sautent dessus en riant (pas facile à tourner, mauvaise volonté des petits comédiens), tandis que leurs parents versaient des larmes (facile) avec un regard plein de reconnaissance (pas facile).
La deuxième prise ressemblait à la première à la différence qu'elle devait figurer les parents apportant des céréales à leurs enfants malades." p.174

Ce qui est particulièrement intéressant dans ce roman, c'est l'angle adopté par l'auteur pour dénoncer de manière incisive les atrocités et les absurdités de la guerre exploitée par les médias.
Sous le couvert d'une apparente légèreté, Gunzig nous présente une vision sombre, dérangeante en ce qu'elle tend même à l'absurde et dont on ne sait trop quoi faire, tiraillé entre l'envie de sourire au style imagé de l'auteur et celle de céder aux larmes en regard de la situation dépeinte.

" En plein été la ville ressemblait à une pomme au four. Le soleil vous arrivait dessus, toutes griffes dehors, s'attaquant à la peau du nez, des oreilles ou des avant-bras avec une voracité de termite africain. On était obligé de rester chez soi, assis à poil devant les machines à air conditionné, à siroter des baccardi-coca, à regarder la météo et des dessins animés japonais. Les gens qui se retrouvaient dehors faisaient des grimaces d'haltérophiles, dans les rangs des petits vieux c'était une hécatombe, leurs coeurs ridés s'ébouillantaient comme de vieux oursins, des ambulanciers trempés de sueur venaient les chercher et les embarquaient par trois ou quatre pour gagner du temps." p.16

Un roman qui m'a fait penser au film "Truman Show" comme à "Embuscade à Fort Bragg" (roman de Tom Wolfe dont j'avais parlé ici) et que je ne suis certainement pas prête d'oublier !

Le blog de l'auteur

Une nouvelle de l'auteur en écoute libre : " La Gambas "

L'avis de Cécile qui saura vous convaincre si je n'ai réussi à le faire à travers ce billet. En parlant de Cécile justement, cette lecture fait suite à ma participation en tant que jurée du prestigieux Prix QD9 2010. Les résultats de la sélection francophone ont été annoncés chez Cécile hier et ô joie, "Mort d'un parfait bilingue" a été retenu !!!

Pour connaître les sélections françaises et étrangères de tous les membres du jury et bien plus encore, cliquez sur le logo ci-dessous.




4 mai 2010

Ecrivain cherche place concierge - Nicolas Ancion


"Ecrivain cherche place concierge" est le troisième roman de l'écrivain belge Nicolas Ancion, paru en 1998 aux éditions Luc Pire.
Comme le titre le laisse deviner, nous partons à la rencontre d'un écrivain, Victor, en panne d'argent comme d'inspiration. Si seulement il pouvait mener la vie de château, ça ferait bien ses affaires ! Et voilà justement que Victor a posté une annonce, "ECRIV.CH.PL.CONCIERGE", et qu'un châtelain souhaite l'engager. C'est ainsi que le jeune homme part pour le lugubre village de Soheit-Tinlot et rejoint le château où il est accueilli par le bras droit du maître de maison, Pinot, qui n'est autre qu'un...lapin en peluche !
Alors qu'il pensait trouver le calme dans cette région reculée, Victor va se retrouver coincé dans un petit monde aussi déluré qu'improbable !

Voilà déjà un moment que j'avais repéré ce roman. Malheureusement, je ne parvenais pas à mettre la main dessus. Oui c'est vrai, j'aurais pu le commander en ligne sur machin chose mais voyez-vous, je fais partie de cette vieille école qui a besoin d'entrer en contact avec le livre et d'en feuilleter les pages avant de se décider (je ne me fie désormais plus aux quatrièmes de couverture, comme aux teasers de film d'ailleurs).
Bref. C'est donc à la Foire du Livre de Bruxelles que j'ai enfin eu l'occasion de me procurer cette année ce petit roman au titre alléchant.
A peine avais-je eu sous les yeux les énoncés des différents chapitres que je tenais déjà l'ouvrage sous le bras.

" Où l'on assiste à un bien agréable repas
J'aimerais mieux un lavement ! GUSTAVE FLAUBERT " p.41
" Où l'on parle de chips, de jambes et de tartes au riz
J'ai connu de grands écrivains, ils ne pouvaient jamais parler de ça. MARGUERITE DURAS " p.73
A l'image d'Alice au Pays des Merveilles, Victor tombe lui aussi dans un trou...paumé...au fin fond du Condroz. Un village aussi laid qu'il semble inoffensif et qui pourtant donne tout son sens au proverbe qui nous enjoint à nous méfier de l'eau qui dort. Tout comme la blondinette, il y fera la connaissance d'un lapin blanc qui à défaut de s'en aller pour cause de retards à répétition, se révélera kamikaze et se battra avec lui et Robert l'ours brun contre une armada de manchots féroces.

En marge de ce conflit armé se distille le portrait de Victor qui est avant tout un grand rêveur.
On est d'ailleurs en droit de se demander quelle est l'importance de la part autobiographique apportée dans ce roman quand on prête notamment attention à la dédicace de l'auteur à " la jeune fille qui aime toujours le chocolat" ou encore au texte rédigé par Victor qui se trouve être un ouvrage de l'auteur paru en 1999 : "70 raisons de péter en public " (70? Tant que ça, vraiment?)
Appliqué à Pinot le lapin, ça donnerait plus ou moins ceci :

Bref, un peu de sérieux que diable ! Je disais donc. A l'instar de nombreux écrivains, Victor passe son temps à donner une seconde vie aux événements et à imaginer les différentes possibilités qui s'offraient à lui au moment fatidique où il aurait pu endosser le rôle du héros, notamment auprès des femmes qui restent pour lui des énigmes à résoudre.

" En tout cas, si je n'avais qu'un seul conseil à donner aux jeunes célibataires dans mon genre, songe Victor, c'est d'observer en détail chacun des gestes que j'opère en vue de séduire, de noter avec précision toutes les démarches que j'entreprends pour conquérir le coeur d'une de ces jolies femmes et de veiller, à partir de ces observations, à ne jamais, mais là vraiment jamais, se lancer dans des entreprises aussi stupides. En d'autres termes, le mieux est encore que chacun fasse comme il le sent. Et en ce qui me concerne, tout ce que je sens, c'est que ça pue. J'attire autant les jeunes filles qu'une exposition de marteaux ou une rétrospective sur l'évolution des cailloux depuis l'invention du gravier." p.22

Ce qui fait le charme particulier des récits de Nicolas Ancion, c'est un style toujours très imagé et teinté d'humour pour accompagner les descriptions d'un univers décalé et faussement gentillet.
J'ai retrouvé dans ce roman tout ce qui m'avait déjà plu dans le recueil de nouvelles "Les ours n'ont pas de problème de parking" dont j'avais parlé ici.

" Un lapin disque-jocquet, un ours déménageur : tout s'annonce pour le mieux. Tout à l'heure, on apprendra à Victor que la mariée est une grenouille et sa belle-mère une brosse à ongles. Il ne bronchera pas. C'est normal. Il aura vidé trois ou quatre bouteilles de champagne, selon toute probabilité, et il sera allongé sur le palier de bois verni, juste en dessous de la somptueuse tapisserie qui représente une tuerie de cerfs. Victor aimerait qu'un faon et une biche se présentent à la noce. Ca mettrait de l'ambiance de les voir s'offusquer devant la crudité du tableau. Et les animaux ne sont pas moins susceptibles que les êtres humains, bien que quelques acharnés du genre Saint-Exupéry tentent de faire croire le contraire aux enfants en bas-âge." p.78
Je vous invite à découvrir la plume de Nicolas Ancion si ce n'est pas déjà fait ! Quant à moi, j'y reviendrai certainement avec l'espoir d'un plaisir de lecture sans cesse renouvelé !

Un autre avis : Lily et ses livres

"Ecrivain cherche place concierge" était une lecture commune avec Manu dont je file découvrir le billet !

3 mai 2010

Classement Wikio Culture de ce mois d'avril

Félicitations à ceux/celles qui aiment ça, félicitations à ceux/celles qui s'en fichent et félicitations à ceux/celles qui y figureront le mois prochain ! Voilà, comme ça on oublie personne ;)
Le classement Littérature se trouve quant à lui chez George.





















1Blog-O-Book
2Fubiz
3Happy Few
4Le blog de Celsmoon
5Cynthia et ses contes défaits
6Mon coin lecture
7Le blog de Herisson08
8Mille et une pages
9Jeu d'écriture(s)
10A LIRE AU PAYS DES MERVEILLES
11Bric à Book
12Les Peuples du Soleil
13en lisant en voyageant
14Les écrits d'Antigone
15Sylire
16My Lou Book
17Audouchoc
18Les livres de George Sand et moi
19Les lectures de Pimprenelle
20Le blog de Yspaddaden

Classement réalisé par Wikio


2 mai 2010

Brève et modeste incursion dans les dimanches poétiques - Valence Rouzaud

Vous êtes nombreux/ses à partager chaque dimanche de la poésie sur vos blogs. J'en profite d'ailleurs pour féliciter Celsmoon de cette belle initiative !
Bien que j'apprécie de découvrir certains de vos billets dominicaux, je n'y participe pas.
La raison en est simple : je ne suis absolument pas une lectrice de poésie...Le genre ne me parle pas tout simplement. Trop abstrait, trop tiré par les cheveux.
Bien sûr je peux en admirer la langue et la construction mais j'ai bien souvent l'impression de lire dans le vide et au bout du compte, je m'ennuie et passe à autre chose.
Aussi, lorsque j'ai reçu une proposition de partenariat de la maison d'édition Les Deux-Siciles, j'ai bien failli refuser, sauf que la curiosité de confronter mes expériences avortées avec le genre a finalement pris sur le pas sur mes appréhensions à les voir confirmées une nouvelle fois.

Une lecture très inégale pour moi. J'ai trouvé la plupart de ces poèmes assez fastidieux, alambiqués et pour le coup inaccessibles en ce qu'ils recouraient à des mots qui m'étaient inconnus.
Je n'ai pas pour habitude de consulter autant le dictionnaire durant mes lectures et cette nécessité a malheureusement contribué à me tenir éloignée de la majorité des textes composant ces recueils.
J'aime qu'un texte coule tout seul, que mon élan ne souffre d'aucune interruption, que les émotions surgissent sans que je n'ai à me torturer l'esprit pour les trouver.
Voilà mon impression générale sur ces deux recueils. Mais, car il y en a un, il serait inexact de prétendre qu'aucun de ces textes n'ait réussi à me toucher.
J'ai reçu deux recueils signés Valence Rouzaud, "Vingt et une orties" et "Rentier".
Le premier se compose de lettres adressées par l'auteur à son éditeur ainsi qu'à d'autres personnes du milieu littéraire. L'auteur y évoque essentiellement sa relation à l'écriture.
J'ai beaucoup aimé la lettre qui suit.

" Le Cotentin, le 19 mai 2002.

Mon cher éditeur,

La littérature plongée dans l'hiver nucléaire de l'anecdote et du fait divers, je me suis réfugiée dans mon usine à rêves au fond des bois. N'allez pas croire que je suis un coeur blessé se renfermant dans la censure du couvent. Vous et moi, nous raisonnons le monde en enfant et le rêvons en adulte. Pour vous le prouver, je vous livre mes vérités : l'écrivain est un joyeux fêtard lorsqu'il maîtrise la syntaxe et s'en libère; et je suis pour affubler de mauvaises pensées la figure de la Belle au Bois Dormant; encore qu'à trop casser le classicisme froid dans la forme et brûlant d'actualité, on mord la poussière.
Puis il faut le dire : France Culture nous ment, Gallimard nous ment...Renoncer à la nouveauté c'est se pendre aux clichés...nous disent-ils ! Oui. Mais la révolution surréaliste a vécu.
Dans le statut d'opposant, je me sens plus proche du primitif libre de tout mouvement...
Armé d'un crayon, seul le pathos est voyou de la raison.

A vous.
Valence. "

"Rentier" dévoile une trentaine de poèmes qui sonnent comme des billets d'humeur traitant de sujets aussi divers que le bonheur, la jeunesse, l'écoulement du temps, la philosophie, la nature mais aussi la poésie comme l'indique le texte suivant.

" La poésie

Contre la vitesse et la loi du marché, la poésie est bohème, l'humanité y marche à pied.
Elle se veut dans un ciel bleu de méthylène, où les oiseaux sont couverts d'un tablier d'or.
Elle ne couche pas dans les maisons de nos architectes montées sur un échafaudage d'idées artificielles ; pas plus entre le terrain vague du mensonge et la vérité.
Avec elle, dans la course aux rêves, le poète court en tête. " p.36

Ni fiasco, ni révélation prodigieuse. Si il est vrai que j'ai apprécié certains textes présents dans ces recueils, je maintiens que la poésie n'est pas un art qui récolte instinctivement mes faveurs.
Ces textes devraient par contre ravir les amateurs du genre !

Un grand MERCI aux éditions Les Deux-Siciles de m'avoir offert ces deux recueils !