"La Confusion des sentiments" est une nouvelle rédigée par l'écrivain autrichien Stefan Zweig et parue en 1927.
Roland, le narrateur, est un professeur en fin de carrière auquel ses élèves ont décidé de rendre hommage. Constatant que le récit de sa vie demeure incomplet, il choisit d'ajouter la pièce manquante du puzzle. Une pièce majeure en ce qu'elle nous dévoile les origines de son amour pour la littérature ainsi que pour celui qui en fut l'instigateur...
A peine remise de ma déception passée, j'entamais cette nouvelle, écrite par un auteur que j'aime de plus en plus.
Bien qu'ayant eu un peu de mal à apprivoiser ce style très ampoulé en comparaison au langage djeuns de "L'attrape-coeurs", je suis rapidement retombée sous le charme de la plume de Zweig.
Même si j'ai moins accroché à l'histoire de "La Confusion des sentiments" qu'à celle du "Joueur d'échecs" ou de "Lettre d'une inconnue", j'ai trouvé que celle-ci était de loin la mieux écrite des trois.
Roland revient sur sa jeunesse, sur la façon dont il est "tombé dans la littérature", sur cette rencontre fatidique avec un homme certes âgé mais dont le visage se trouvait empreint d'une nouvelle jeunesse dès lors qu'il passait le seuil d'un auditoire pour y dispenser son cours aux étudiants.
" Etant elle-même beauté, la jeunesse n'a pas besoin de sérénité : dans l'excès de ses forces vives, elle aspire au tragique, et dans sa naïveté, elle se laisse volontiers vampiriser par la mélancolie. De là vient aussi que la jeunesse est éternellement prête pour le danger et qu'elle tend, en esprit, une main fraternelle à chaque souffrance.
C'était la première fois de ma vie que je rencontrais le visage de quelqu'un qui souffrait véritablement." p.55
Roland a 19 ans à l'époque. Alors même qu'il se trouve à un carrefour de sa vie, il se conduit encore tel un adolescent en proie à la fougue et à l'incertitude.
Instantanément, la rencontre avec le professeur lui fait l'effet d'une révélation, au point que son comportement en vienne à changer du tout au tout. Il semble devenir raisonnable, se surprend même à donner dans l'excès de zèle, se fascine de plus en plus pour le pédagogue...et pour l'homme, au point de s'installer chez lui et son épouse, une femme beaucoup plus jeune que son mari et qui envers le jeune homme manifeste des signes de jalousie comme de compassion.
Thème cher à Zweig, la passion se veut encore ici le moteur du récit. Illustrée par les échecs dans "Le Joueur d'échecs" ou par l'obsession d'une femme dans " Lettre d'une inconnue", elle prend ici les traits du professeur, un homme énigmatique et d'humeur changeante.
Tout au long de mes études, une telle chose ne m'est jamais arrivée, ou du moins, pas de la façon dont elle est décrite dans cette nouvelle.
Il m'est bien arrivé de temps à autre de me sentir conquise par les propos et l'enthousiasme d'un enseignant mais les choses s'arrêtaient là.
Voilà sans doute la raison pour laquelle je me suis davantage attachée à l'obsédante fascination du narrateur qu'à son objet.
Durant quelques heures, j'ai partagé la confusion de Roland jusqu'aux tressaillements de son corps, ressenti son attente, captivée par cette passion si vive qui souffre de la pesante ambiguïté des 3 personnages.
" Subitement ce fut comme une explosion : de sanglots, de gémissements convulsifs et furieux ; je n'étais plus qu'une masse hagarde de désespoir, de douleur éperdue, d'où jaillissait un déluge de mots et de cris enchevêtrés ; je pleurais, ou plutôt ma bouche frémissante déchargeait toute la souffrance accumulée en moi et je la noyais dans des sanglots hystériques.
Mes points frappaient sur la table avec égarement et, comme un enfant irritable et hors de lui, la figure ruisselante de larmes, je laissais éclater avec rage ce qui, depuis des semaines, couvait en moi comme un orage." p.91
Je ne le dirai jamais assez ici mais j'éprouve une réelle admiration pour Zweig et sa façon si ingénieuse et sensiblement juste de décrire l'obsession dont est capable un être humain, dans ses manifestations spirituelles comme dans les dérèglements physiques qui en découlent.
"La Confusion des sentiments" était une lecture commune avec Calypso qui, je l'espère, aura apprécié cette lecture autant que moi.
Elle est aussi ma 6ème découverte pour le Challenge J'aime les classiques de Marie-L et ma première lecture pour le Challenge Europe Centrale et Orientale lancé par La plume et la page.
Quelques avis chez BOB!
Je profite de ce billet pour annoncer officiellement ma participation au (Baby) Zweig Challenge (qui, je le précise, ne consiste en rien à décrypter les premiers scraboutchas du défunt auteur...).
Ce challenge est organisé par Karine:) et Caro(line). Tous les détails en cliquant sur le logo ci-dessous.