Second roman - après "Le Chuchoteur" - de l'écrivain italien Donato Carrisi, "Le Tribunal des âmes" paraîtra dès le 1er mars en librairie.
A Rome, une ambulance se rend dans la villa d'un quinquagénaire présentant les symptômes d'un infarctus. Au moment de procéder au massage cardiaque, Monica découvre sur le torse de l'homme l'étrange inscription "Tue-moi" tandis que son collègue aperçoit quelques mètres derrière eux un patin à roulettes, le même que celui qui avait été retrouvé avec le corps sans vie de la soeur de Monica 3 ans plus tôt.
Sandra, enquêtrice photo pour le compte de la police scientifique, a elle aussi perdu un proche.
Mais malgré la thèse de l'accident, la jeune femme reste intimement persuadée que son mari a bel et bien été assassiné pour une raison qu'elle est bien décidée à découvrir.
Pendant ce temps, Marcus, qui souffre d'amnésie se voit confier la mission de retrouver Lara, jeune étudiante portée disparue.
La ville de Rome abrite décidément son lot de mystères...
Lorsque j'ai eu vent de l'implication du Vatican dans ce roman, j'ai eu peur de me retrouver embarquée dans un thriller farfelu à la Dan Brown.
Cependant, s'il est vrai que "Le Tribunal des âmes" en réfère également à l'existence d'une société secrète, celle-ci reste une toile de fond, non un point de départ servant de matière à la résolution de codes et de symboles.
Pour évoquer ce tribunal des âmes, Donato Carrisi a pu compter sur les larges descriptions d'un prêtre ayant réellement appartenu à cette organisation.
L'auteur a également utilisé ses connaissances en criminologie, comme il l'avait déjà fait pour "Le Chuchoteur", pour se concentrer sur une catégorie bien précise de tueurs.
Partant de ces éléments réels, il a bâti une intrigue complexe oscillant entre présent et retours en arrière.
Contrairement aux autres thrillers que j'ai pu lire jusqu'à présent, je n'ai pas eu l'impression de me rapprocher des réponses durant ma lecture. Au contraire, le mystère s'épaississait au fil des pages, de nouveaux crimes voyaient le jour, d'autres personnages faisaient leur apparition.
L'auteur ouvrait tellement de portes que je me demandais de quelle façon il réussirait à toutes les refermer. Or tout est bien lié et laisse peu de place aux coïncidences si l'on s'en réfère à la notion de synchronicité énoncée par Carl Jung et adoptée par l'auteur.
La psychologie des 2 personnages principaux, Sandra et Marcus, a fait l'objet d'une attention particulière de la part de l'auteur.
Tous deux dotés d'un don qui leur permet de cerner rapidement les anomalies sur une scène de crime, ils ont développé une sensibilité particulière aux êtres et aux objets qui les entourent, un sens du discernement qui leur permet de voir au delà d'apparences souvent trompeuses.
Une faculté déjà attribuée à Mila Vasquez, personnage central du "Chuchoteur" auquel l'auteur adresse d'ailleurs un petit clin d'oeil.
Bien que tous deux suivent des pistes différentes, celles-ci finiront par converger à un moment du récit, ce qui donnera malheureusement lieu à quelques redites et à une stagnation dans l'intrigue étant donné que l'un des deux découvrira ce que l'autre sait déjà.
Il n'est pas rare que Sandra et Marcus s'adonnent au monologue intérieur, parfois répétitif chez Sandra lorsqu'elle évoque "les maisons qui ne mentent jamais". La jeune femme s'attache à des détails invisibles là où Marcus tente de s'approprier le mal pour réussir à le contrer.
" Dans les cas de disparition, il fallait gérer le doute. Il pouvait s'insinuer partout, tout corroder de l'intérieur, sans qu'on s'en aperçoive.
Le doute consumait les jours, les heures. Et les années passaient sans réponse. Il valait mieux que l'enfant soit mort, savoir qu'il avait été tué, avait-il alors songé.
La mort prenait les souvenirs, même les plus beaux, et les inséminait avec la douleur, rendant tout rappel insupportable.
La mort maîtrisait le passé. Le doute était pire, parce qu'il s'emparait du futur." p.322
En marge de leurs enquêtes respectives se dessine une quête personnelle. Sandra tente de découvrir ce qui est réellement arrivé à son mari, se réfugiant dans ses souvenirs pour y trouver des indices, là où Marcus tente de retrouver la mémoire de l'homme qu'il a été.
Evidemment, "Le Tribunal des âmes" ne serait pas un thriller si personne n'essayait de mettre des bâtons dans les roues des enquêteurs. Il n'est d'ailleurs pas rare dans ce roman que les rôles de traqueur et de proie s'intervertissent.
Le monde décrit par Donato Carrisi est loin d'être manichéen. Car ici, même les "gentils" possèdent leur part d'ombre et nous rappellent qu'il existe une frontière ténue entre le bien et le mal et que les hommes peuvent basculer de l'un à l'autre.
Tous les personnages habitant ce thriller se retrouvent à un moment donné face à un cas de conscience, à un carrefour où il leur faut choisir entre le pardon et la vengeance.
" Je me réjouissais qu'un autre être humain soit en train de mourir. Je me suis demandé ce qui m'arrivait. Ce que cet homme nous a fait est terrible. Il nous pousse à devenir comme lui. Parce que seuls les monstres peuvent se réjouir de la mort d'autrui.
J'essayais de me convaincre que, dans le fond, d'autres jeunes filles seraient épargnées, s'il mourait. Que cet événement sauverait des vies.
Et les nôtres ? Qui nous sauverait de la joie que nous ressentions ? " p.326
Malgré quelques défauts ici et là, je ne me suis pas ennuyée tant ce thriller se voulait foisonnant et intéressant de par la large place laissée aux descriptions de Rome et de ses nombreuses bâtisses qui recèlent de nombreuses pistes.
Bien que les capacités de Sandra et de Marcus m'aient semblé quelque peu surévaluées et malgré mes difficultés à assimiler les noms italiens, la chronologie bousculée et les nombreux éléments distillés, j'ai trouvé que l'auteur avait beaucoup mieux géré la construction de ce roman-ci que dans "Le Chuchoteur".
Car si les rebondissements sont ici encore nombreux, l'auteur semble ici avoir trouvé la juste mesure pour maîtriser son récit et éviter l'écueil du feu d'artifice final que je n'avais pas apprécié dans "Le Chuchoteur".
Un grand jeu de pistes qui devrait apparemment plaire aux amateurs de Ken Follett.
D'autres avis : Mango - Irrégulière
MERCI à Laetitia Joubert et aux éditions de m'avoir offert ce livre !