30 juillet 2010

Le Prince heureux et autres contes - Oscar Wilde


"Le Prince heureux et autres contes" est un recueil de contes (Non? Si!) publié en 1888 et signé Oscar Wilde, écrivain irlandais célèbre pour ses pièces de théâtre (je vous recommande d'ailleurs vivement "L'importance d'être Constant" !) et son fameux roman "Le Portrait de Dorian Gray".
Ce recueil se compose de 3 textes : "Le jeune roi", "Le Pêcheur et son âme" et "Le Prince heureux".

Le jeune roi nous conte les rêves successifs d'un jeune homme de 16 ans durant la nuit précédant son couronnement.
Sensible à la beauté et à l'art, le jeune roi met un point d'honneur à bénéficier des plus beaux atours, quitte à envoyer ses hommes dans les régions les plus reculées du monde, pourvu qu'ils ne reviennent pas les mains vides.
Il découvrira que même l'opulence ne s'obtient pas sans y mettre le prix...

Dans Le Pêcheur et son âme, un pêcheur décide de se séparer de son âme afin d'être libre d'aimer une jolie sirène. Alors que tous deux coulent des jours heureux, l'âme du pêcheur rappelle son maître une fois par an afin de lui raconter ses voyages et lui vanter toutes les splendeurs dont elle s'est délecté.
Mais alors qu'il s'obstine dans le refus d'abandonner sa femme poisson au profit des joies de la terre ferme, le pêcheur finit toutefois par céder aux tentations de son âme...

Le Prince heureux est l'histoire d'une amitié entre une hirondelle et une statue recouverte d'or et de rubis. Alors que le Prince heureux déplore que la ville abrite tant de personnes malheureuses et désargentées, l'hirondelle le prend en pitié et se charge, à sa demande, de distribuer ses décorations aux plus nécessiteux. Mais les bonnes actions sont-elles toujours récompensées?

Si je connaissais Oscar Wilde pour son roman et ses pièces de théâtre (lisez impérativement "L'importance d'être Constant"! Ah c'est vrai, je l'ai déjà dit), j'ignorais tout de ses contes.
Nul besoin cependant d'en savoir beaucoup sur le bonhomme que pour ne pas déceler ce style très poétique (et dans ce cas-ci surchargé) qui le caractérise.
Trève de bavardage. Des extraits valent souvent mieux qu'un long discours.

" Elle était taillée dans l'ivoire, et sa taille était deux fois celle d'un homme. Elle avait sur le front une chrysolite et ses tétons étaient barbouillés de myrrhe et de cinname. Dans une de ses mains elle tenait un sceptre à crosse en jade, et dans l'autre, un cristal rond. Elle portait des cothurnes de bronze, et son cou épais était entouré d'un cercle de sélénites." p.58

" Des émeraudes vertes toutes rondes étaient rangées en ordre sur de minces plaques d'ivoire, et dans un coin il y avait des sacs de soie, remplis, les uns de turquoises, et les autres de béryls. Les cornes d'ivoire étaient bourrées d'améthystes pourprées, et les cornes de bronze, de calcédoines et de sardoines. Les piliers, qui étaient de cèdre, étaient tendus de guirlandes de pierres-de-lynx jaunes. Dans les boucliers plats et ovales il y avait des escarboucles, couleur de vin et couleur d'herbe. Et je ne t'ai encore dit que le dixième de ce qu'il y avait là." p.66

Je ne sais pas si vous avez déjà assisté à un cours d'histoire de l'art (dans mon cas, le cours était appelé "cours d'esthétique", intitulé qui faisait marrer les autres classes qui pensaient que mes camarades et moi passions nos deux heures de cours à nous maquiller...).
Bref. Durant ce fameux cours, notre professeur avait l'habitude de nous passer des diapositives qu'il se chargeait de commenter (abondamment).
Hé bien ces 3 contes d'Oscar Wilde m'ont fait repenser à ces longues heures d'abord passionnantes puis devenues ronflantes à mesure que je me noyais dans cette surabondance de détails pour ne retenir finalement pas grand chose des oeuvres en question.
Couleurs, étoffes, matières, pierres précieuses, décors,...En véritable esthète qu'il était et à travers un vocabulaire des plus recherchés, Wilde s'est attaché à souligner la beauté du moindre objet.
Mais si les détails ajoutent incontestablement au merveilleux, je suis d'avis que, présentés en surnombre, ils contribuent également à soumettre à leur volonté l'imagination du lecteur, voire à l'ennuyer prodigieusement (ce fut mon cas).

Passé ces considérations esthétiques, il y a là de jolies histoires largement inspirées des contes classiques en ce qu'elles présentent de nombreuses caractéristiques communes, tant au niveau de la forme (linéarité du temps, répétitions) que du fond (distinction claire entre le bien et le mal, héros naïfs).
S'immisce en chacune d'elles une même morale qui nous enseigne que même les actions les plus charitables ne sont pas toujours récompensées comme on s'y attendrait.
Car, au-delà des 3 couches de merveilleux que Wilde s'emploie à utiliser, l'auteur joue les contrastes en dressant un tableau très réaliste de son époque et de ses croyances liées à l'âme, la religion, l'amour, la différence, la richesse, la misère et la mort.

" Emportez ces objets, dit-il, et cachez-les à mes yeux. Bien que ce soit le jour de mon couronnement, je ne les porterai point. Car c'est sur le métier de la Douleur, et par les mains blanches de la Souffrance, qu'a été tissée ma robe que voici. Il y a du Sang dans le coeur du rubis, et de la Mort dans le coeur de la perle. " p.31

" Une fois au cours de sa vie, un homme peut renvoyer son Ame, mais celui qui reçoit son âme en retour doit la garder avec lui à jamais, et c'est là son châtiment et sa récompense." p.71

Un avis en demi-teinte...(mais n'hésitez pas à vous procurer "L'imp...")

28 juillet 2010

J'abandonne aux chiens l'exploit de nous juger - Paul M.Marchand


Publié en 2003, "J'abandonne aux chiens l'exploit de nous juger" fut l'avant-dernier roman de l'écrivain et ancien reporter de guerre français Paul M.Marchand.
Basé sur des faits réels, ce roman nous raconte plusieurs années de la vie de Sarah, une jeune femme de 17 ans, et sa relation amoureuse avec Bruno, un homme de 20 ans son aîné et qui n'est autre que son père...

Quand Liliba a proposé de faire voyager ce livre, j'ai immédiatement repensé aux impressions ressenties à la lecture de "Lolita" de Nabokov, un roman qui avait fait scandale lors de sa parution et qui figure encore parmi les plus contestés de la littérature.
Mais aussi une histoire magnifiquement écrite et qui m'avait réellement bouleversée tant elle avait éveillé en moi de questions comme de sentiments contradictoires.

Le moins que je puisse dire est que l'auteur démarre en force en plongeant immédiatement le lecteur dans l'intimité des deux amants... Une contextualisation très brutale qui m'a fait refermer le livre au bout de 10 pages.
Après une pause de quelques jours, j'ai repris ma lecture et ne l'ai plus lâchée avant la fin.
Sous la forme d'aller-retours chronologiques, l'histoire est racontée par Sarah, une jeune femme vouée à une belle carrière juridique. Choyée par des femmes, elle a cependant toujours ressenti le manque d'une présence masculine, ce qui l'amène fatalement à interroger sa mère quant à l'identité de son géniteur.
Alors qu'elle imaginait découvrir un père, elle voit avant tout en Bruno un homme qui lui plaît. Et il s'avère que l'attirance est réciproque.
Sarah et Bruno savent tous deux qu'il est trop tard pour rattraper le temps perdu mais aussi que, malgré l'absence de liens affectifs, les liens du sang condamnent d'avance toute relation amoureuse.

" L'avenir était facultatif et je ne pouvais prétendre à plus de bonheur. Nous étions en avance sur notre temps, nous le devancions sans l'obliger. Cela ne nous consolait même pas d'être en quelque sorte des défricheurs, des éclaireurs, si loin de notre malédiction. Un mot, pas très long, pas très court, pas grand chose. Juste quelques lettres mises bout à bout, sept.
Voyelle, consonne et consonne, voyelle, consonne et consonne, voyelle...
Un mot de silence, de foudres, de désapprobation unanime. Un énoncé comme un opprobre, brut, qui fait frémir et qui dégoûte, son extension illimitée, sans aucune possibilité d'atténuation ou motif de débat. Un mot chargé jusqu'à la gueule de haines, d'êtres brisés, de cicatrices et de mémoires prisonnières.
Un mot qui salissait notre amour en le diminuant ou en le dénaturant : Inceste." p.118

Ce roman m'a mise mal à l'aise, non par son contenu ou son écriture mais par le cas de conscience qu'il a soulevé en moi.
Dans la mesure où Bruno n'a jamais su qu'il avait une fille - fruit d'une amourette de vacances sans lendemain - avant que celle-ci ne le contacte et qu'il ne l'a donc jamais connue en tant que bébé, petite fille et pré-adolescente, je ne pense pas qu'on puisse lui attribuer d'intentions perverses.
Sarah dit d'ailleurs elle-même que si ils s'étaient rencontrés plus tôt, leur relation n'aurait sans doute pas été du même ordre.
Cela dit, il est certain qu'au moment de la rencontre, ils savaient tous les deux très bien qui ils étaient techniquement l'un pour l'autre.
Leur relation ne commencera pas tout de suite mais au bout de deux ans. Deux années durant lesquelles ils apprennent à se connaître et à s'apprécier, sans que toutefois un lien filial ne s'établisse. Jusqu'au jour où la limite est franchie.

" Qu'est-ce qui empêcherait vraiment d'aimer la personne de son choix? Et si, justement, cette personne n'était pas le fruit d'un choix mais la conséquence de quelque chose qui s'impose de lui-même, irrésistible et souverain, sans qu'il y ait de préférence à établir : un déferlement, un assaut, une reddition...
Une détonation qui classe le coup de foudre pour un amusement de chef de gare.
Aimer sans avoir le choix, sans même se résoudre à un espace pour lui, si infinitésimal qu'il puisse être. Une dictature du coeur. Une force allègre. " p.188

Alors que Benoît sombre dans la culpabilité, Sarah, elle, prétend voir les choses de manière plus adulte et le pousse dans ses retranchements, à grand renfort d'arguments et en occultant les implications de leur relation.
Ce qui m'a dérangée chez Sarah, c'est que j'ai ressenti en elle une certaine provocation dans cette façon appuyée de dénommer Bruno "son père" (les guillemets rappelant constamment au lecteur le caractère incestueux de cette relation) et d'ajouter par moments à sa culpabilité afin qu'il cesse de fuir (pour ceux qui ont lu le livre, je pense ne fut-ce qu'à la toute première scène où elle lui rappelle qu'elle est issue de son sperme...).
Aussi, quand elle prétend avoir une part de responsabilité dans son suicide, j'ai bien eu envie d'acquiescer tant elle le pousse à dévoiler au grand jour cette relation invivable et qu'il n'est pas prêt à se pardonner à lui-même.

Cette histoire à l'allure de tragédie grecque aurait pu s'arrêter là sauf qu'au final on bascule dans une espèce de plaidoyer en faveur de l'inceste amené, selon Sarah, à se banaliser dans les années à venir et à faire l'objet d'une législation positive. Elle table sur l'évolution des moeurs et va jusqu'à comparer leur situation à celle des homosexuels, au nom du droit à la différence et à la diversité humaine.
Et là on vire un tantinet au cauchemar (sauf peut-être pour Sigmund qui passerait la tête de sa tombe en proclamant "Je vous l'avais bien dit!") et je ne pense pas que la société saurait reconnaître un jour un "droit à l'inceste" dans la mesure où l'Homme se plaît depuis des lustres à revendiquer ce qui le différencie des animaux...
Dernier bémol (mais pour certain(e) s c'est peut-être un détail) : cette couverture chick-litt qui donne cette impression de frivolité à une histoire qui est loin d'être légère.

Malgré mes réserves, je suis d'avis que ce roman mérite que l'on s'y attarde, non seulement pour son indéniable qualité d'écriture (certains l'ont trouvé crue, je ne suis pas du tout de cet avis) mais aussi pour les questions qu'il soulève et dont les réponses s'avèrent plus nuancées qu'il n'y paraît avant lecture.
Je pense que, sans cautionner nullement l'inceste, on peut néanmoins apprécier cette histoire particulière. Mais elle est aussi grandement affaire de sensibilité et ne trouvera donc pas aisément ses lecteurs.

Le début du roman est consultable ici

Pour ceux/celles qui se demandent d'où vient ce curieux titre, la réponse en vidéo.




D'autres avis : Liliba (merci pour le prêt !) - Clara - Lili Galipette - Anneso - Lasardine

26 juillet 2010

Dans ma peau - Guillaume de Fonclare


"Dans ma peau" est un récit autobiographique de l'écrivain français Guillaume de Fonclare, publié cette année.
Guillaume de Fonclare est depuis quelques années le directeur de l'Historial de la Grande Guerre à Péronne mais, ainsi que nous le découvrons dans ce témoignage, il est aussi un homme atteint d'une maladie auto-immune d'origine et d'identité inconnues qui ne cesse de gagner du terrain.
L'auteur met ainsi en parallèle, sans toutefois verser dans la comparaison, sa douleur à la souffrance de ces milliers de soldats morts sur le champ de bataille mais surtout à celle de ces vétérans porteurs de séquelles invisibles...

Ce récit se présente tel un cheminement intérieur, nourri à la fois des connaissances historiques et du ressenti de l'auteur quant aux souffrances engendrées par la Grande Guerre et de ses réflexions sur cette maladie auto-immune inconnue des médecins.
Une "torture égocentrique", une "intime cruauté dont je suis à la fois l'initiateur et l'objet".
Guillaume de Fonclare possède les mots justes pour expliquer l'inexplicable et décrire cette catégorie de maladie qui implique pour le malade de voir son système immunitaire se retourner contre lui et mettre un terme à cette communion entre corps et esprit, contraints à se livrer une bataille quotidienne.

" L'esprit tente de dominer le corps, même si le corps promet de prendre sa revanche.
Cette bataille imbécile mène aux portes de la folie; soi-même se parcellise, devient deux, trois, puis quatre; l'esprit, le corps, les mains, l'intestin, le diaphragme; on a peur, on geint, on tâtonne, on suinte, on respire mal.
Il faut rassembler toutes ses parties éparses, en acceptant que la souffrance prenne toutes les formes et qu'elle est soi comme le sont la faim, l'envie, l'odorat et le toucher, la peur et l'angoisse.

Apprendre que l'on est aussi dans ce que l'on ne connaît pas de soi-même, et que cette part intime et inconnue saura se faire entendre sans que l'on comprenne les motivations de cette intervention plaintive.
Je dois résister à toutes les offensives que lance mon corps contre lui-même, combat harassant dont nulle part ne sort vainqueur. "Je me grignote", pour parodier Joffre. Oui, je me grignote; et c'est moi contre moi. Je suis un champ de batailles, de batailles perdues." p.58

Sans jamais adopter le ton de la plainte et par le biais d'un vocabulaire largement emprunté au registre militaire, l'auteur nous explique son parcours du combattant : la perte progressive d'autonomie, le lourd passage à la Sécu et au statut d'invalide, le corps devenu vieux avant l'âge, la fatigue croissante, les angoisses face aux lendemains incertains, le spectre de la mort et l'effort de vivre malgré tout.
Dans cet Historial dédié avant tout à l'homme, Guillaume de Fonclare a su trouver un refuge qui lui a permis d'accepter sa douleur au nom d'une dignité qu'il tient à conserver.

" C'est le musée qui m'a sauvé, sauvé de la dépression, du désespoir, c'est le musée qui a allumé en moi cette petite flamme que, désormais, j'aurai tout le temps de faire grandir.
Au travers de la souffrance de cette multitude, c'est ma souffrance que j'ai appris à respecter et à accepter. Il n'y a pas de leçon de morale dans ce constat; je n'ai pas fait taire mes douleurs parce que j'en ai rencontré de plus grandes. Non, ma douleur est là, elle n'a pas faibli; il n'y a pas de souffrance plus grande que d'autres. Le musée m'a appris la décence, le courage, l'humilité, le pardon et l'espoir.
C'est ici que j'ai construit ce qui me fera demain, c'est ici que j'ai appris à être un homme, pleinement un homme et seulement un homme." p.116

En ce lieu qui a vu périr 2 hommes au mètre carré (soit plus d'un million de personnes selon estimation), l'auteur mesure sa chance de pouvoir vivre en liberté et parler de ce que ces soldats rescapés, ces hommes d'un autre temps, ne se seraient jamais autorisés à évoquer, les cauchemars et douleurs invisibles laissées par la guerre.
Si l'auteur aborde énormément la mort, il salue également la prévenance des vivants, de ses proches en leur délivrant un message d'amour que l'on sent à la fois sincère et investi d'une certaine pudeur.
J'y ai ressenti l'amour d'un père, d'un mari mais j'y ai vu aussi une démarche d'historien, soucieux de laisser une trace après sa mort.

Bien que ces deux aspects soient intimement liés, je dois bien avouer avoir été beaucoup plus sensible aux considérations de l'auteur quant à son expérience de la maladie qu'aux diverses allusions à la Grande Guerre qui accompagnent son récit.
Et ce n'est pourtant pas faute de dresser des ponts entre les deux sujets. Peut-être n'ai-je pas une connaissance suffisante de l'Histoire que pour pouvoir mesurer et apprécier ce témoignage historique à sa juste valeur.
J'ai donc avant tout été bouleversée par l'histoire d'un homme capable d'évoquer la noirceur de la maladie en tant que prélude à la mort tout en investissant son récit d'un hymne à la vie, ou du moins à la survie...

Et si mon billet ne vous a pas convaincu de découvrir ce livre, j'espère que cette interview de l'auteur y parviendra.




Merci infiniment à Clara pour ce prêt !

D'autres avis : Clara - Aifelle - Yv

24 juillet 2010

Tag musical aléatoire - Feel no pain

Me voici ENCORE désignée par Choco (bon ça suffit hein, j'ai atteint mon quota pour l'année^^) pour répondre à ce tag qui consiste à faire défiler sa playlist musicale en lecture aléatoire et en faisant apparaître les titres sélectionnés en regard des questions suivantes.
Dans mon cas, ça donne :

Si quelqu'un vous dit "est-ce que c'est bien?", vous dîtes :

- Les Elles, Miss Alzheimer

Comme Choco, je n'ai pas vraiment compris la question mais ce premier résultat m'a toutefois fait rire sachant que les premières paroles de la chanson sont : " Miss Alzheimer mange de la cervelle, des idées s'envolent de l'assiette, tout ça est très joli, mais y a monsieur son mari, qui court après les pédales, c'est pas de tout repos" ^^

Comment vous décririez-vous?

- Des'ree, Kissing you

Ah ben mince, je suis incorrigible et grillée de surcroît...Oui j'ai bien du voir "Roméo et Juliette" une vingtaine de fois (au bas mot...) et oui je rêve d'un aquarium double-face en grande partie à cause de ce film ^^

Qu'est-ce que vous aimez chez un garçon?

- Dionysos, Cunnilingus mon amour

Je vous jure que je ne l'ai pas fait exprès !!! Mais là franchement je me suis roulée parterre en découvrant le résultat (et après je m'étonne de voir des mots-clés bizarres dans mon Gogol Analytics)

Comment vous sentez-vous maintenant?

- Anouk, I spy

Ah ben oui forcément, un peu comme tout le monde, je suis sur Facebook après tout ;)

Quel est votre but dans la vie?

- Cake, Short skirt long jacket

" I want a girl with a mind like a diamond
I want a girl who knows what's best
I want a girl with shoes that cut
And eyes that burn like cigarettes "

Avec un homme de préférence, merci.

Que pensent vos amis de vous?

- Rickie Lee Jones, We belong together

Merci Itunes, je n'aurais pas mieux dit !

Que pensent vos parents de vous?

- Howard Shore, The Treason of Isengard (BO du Seigneur des anneaux)

Vu ma petite taille, je suis un peu le Frodon de la famille (sans les pieds velus, j'insiste) et même si ça a parfois été la guerre entre nous, ils n'ont jamais envoyé les Cavaliers noirs à mes trousses, lucky me.

A quoi pensez-vous souvent?

- Lenny Kravitz, Can't get you off my mind

Je pense souvent à ce que je n'arrive pas à sortir de mes pensées, ça tombe sous le sens, non?

Qu'est-ce que 1+1?

- The Chemical Brothers, Galvanize

1+1+1+1+1+1+1+1+1+1, plus on est de fous, plus on rit ! Allez tout le monde en piste !

Que pensez-vous de votre meilleur(e) ami(e)?

- Alain Souchon, Allo maman bobo

"Je suis mal en campagne, mal en ville, peut-être un petit peu trop fragile, Allo Maman bobo"

Alors là bingo...Au moindre souci, je sais que je peux l'appeler et débarquer chez elle (ce qui tombe plutôt bien vu qu'elle habite à 100m).

Quelle est l'histoire de votre vie?

- Barry White, Can't get enough of your love Babe

C'est une conspiration ou quoi?!?

Que pensez-vous lorsque vous voyez la personne que vous aimez?

- Sade, Mermaid (musique sans paroles)

Effectivement, elle préfère généralement prendre le large sans dire un mot (c'est sans doute la réponse la plus pathétique de ce questionnaire, mes excuses ^^)

Que jouera-t-on à vos funérailles?

- Jean-Jacques Goldman, La vie par procuration

" Des crèmes et des bains
Qui font la peau douce
Mais ça fait bien loin
Que personne ne la touche
Des mois, des années
Sans personne à aimer
Et jour après jour
L'oubli de l'amour
Ses rêves et désirs
Si sages et possibles
Sans cri, sans délire
Sans inadmissible
Sur dix ou vingt pages
De photos banales
Bilan sans mystère
D'années sans lumière "

Ah non je rectifie, c'est celle-ci qui est de loin la plus pathétique ^^Quand je pense que je craignais de tomber sur "Looser" ou "Stupid girl"...

Quel est votre hobby?

- Seal, Killer

Héhé, quoi je ne vous l'avais pas dit?

Quelle est votre plus grande peur?

- Danny Elfman, Beetlejuice theme

Je prie tous les soirs pour que le "Jamais deux sans trois" ne s'applique pas à lui car je ne voudrais certainement pas de lui chez moi !

Quel est votre plus grand secret?

- Aretha Franklin, I will survive

Non non, je vous assure, je ne regarde pas le foot en cachette (beurk) !

Que pensez-vous de vos amis?

- Lettre à l'alcool, Serge Reggiani

Mouarf !!! On est belges ou on ne l'est pas ^^

Quelle est la chanson de votre vie?

- Stereophonics, Dakota

Bon sang, je vois que mon répertoire regorge de titres tous plus réjouissants les uns que les autres...^^

Qu'est-ce qui vous décrit?

- Sheryl Crow, If it makes you happy

" If it makes you happy
It can't be that bad
If it makes you happy
Then why the hell are you so sad?"

Je suis une femme paradoxale et je ne pense pas être la seule :)

Quel titre allez-vous donner à ce billet?

- Sade, Feel no pain

Etant donné que je suis une fan du groupe, je ne fus pas plus surprise que cela de le voir apparaître une seconde fois, même en lecture aléatoire.
Terminer ce questionnaire par une chanson tristement belle mais porteuse d'un certain espoir, ma foi j'en dis que ça aurait pu être pire :)

Merci Choco pour ce tag qui m'a donné à plusieurs reprises l'envie de me pendre (ah non pas possible, on me signale en coulisse que les pigeons ont besoin de moi^^).

A qui le tour pour voir sa vie défiler en chanson? Liliba? Canel? Géraldine?

Juliet, naked - Nick Hornby


"Juliet, naked" est le 7ème roman de l'écrivain britannique Nick Hornby, paru en 2009.
Prenant place dans une station balnéaire située au nord de l'Angleterre, ce récit nous conte les déboires d'un couple, Duncan - prof d'anglais - et Annie - employée dans un musée -, dont le quotidien tourne exclusivement depuis 15 ans autour de la passion de Duncan pour l'ancienne star du rock Tucker Crowe.
Duncan a tout du vrai groupie. Modérateur d'un forum dédié à la star, il entend décrypter la moindre parole de chanson et consacre chacun de ses voyages à cet homme dont il ne cesse de louer, non sans une certaine mauvaise foi, les talents artistiques.
Tandis qu'Annie se lasse de prendre sur elle en supportant le comportement immature de Duncan, elle se retrouve en contact avec l'idole de son compagnon qui traverse lui aussi une mauvaise passe sentimentale...

" Ils étaient venus d'Angleterre jusqu'à Minneapolis pour visiter des toilettes."

Hornby donne le ton dès la première ligne. Depuis 15 ans, Annie supporte sans broncher la fascination puérile de son compagnon Duncan, 15 années de trop qui l'ont vue renoncer à son projet d'enfant.
Et voilà que suite à un nième désaccord concernant "Juliet, naked", le dernier album de Tucker Crowe qu'Annie estime bâclé en regard du reste de sa discographie, Duncan, qui ne l'entend pas de cette oreille, prend la mouche et entame une aventure avec une collègue de travail.
L'infidélité de son compagnon agira tel un détonateur, faisant prendre conscience à Annie de toute la vacuité de sa vie auprès de cet homme incapable de se remettre en question.
Dès le début, on se demande bien ce qu'Annie a pu trouver à cet adolescent attardé dont le seul sujet de conversation tourne autour d'une ancienne star des années 80 restée dans l'ombre depuis 20 ans.

" - J'ai l'impression...Arrête-moi si tu trouves cette analogie inappropriée ou...ou...à côté de la plaque. Mais j'ai vraiment l'impression que Tucker est notre enfant, quelque part, peut-être plus le mien que le tien...Peut-être, je ne sais pas, qu'il est mon fils, mais que comme il était très jeune quand nous nous sommes rencontrés, tu l'as adopté. Et si mon fils, ton beau-fils, avait fait un truc remarquable, j'aurais envie de le partager avec toi même si...
Annie lui raccrocha au nez." p.145

Aussi, quand Annie entame une correspondance virtuelle avec l'idole de son ex-compagnon puis l'héberge chez elle, on ne peut que trop bien imaginer la jubilation que celle-ci doit éprouver à pouvoir enfin détromper Duncan quant à la véritable identité de Tucker Crowe.
Car derrière le mythe se cache un sexagénaire à la santé précaire et en proie à de nombreux doutes sur lui-même et sa carrière.
" Tucker aimait penser qu'il était raisonnablement honnête avec lui-même; il mentait uniquement aux autres." p.250

"
Je ne pense pas que les gens qui ont du talent lui accordent forcément de la valeur, parce que ça leur vient facilement, et qu'on n'accorde jamais de valeur à ce qui nous vient facilement." p.280

Jouant à cache-cache avec ses responsabilités, il dissimule sa culpabilité derrière la pensée que ses 5 enfants ont pu trouver leur bonheur malgré lui et que cette absence de père leur a certainement mieux réussi que s'il avait assumé son rôle.

" - Qu'est-ce que tu vas faire? demanda Jerry.

- Je suis pas sûr de pouvoir faire grand chose, tu crois pas? La plupart des Etats interdisent l'avortement après la naissance de l'enfant.

- Sympa, dit Jerry. Et classe. Tu vas aller la voir?

- C'était cool de te croiser, Jerry." p.207

J'ai beaucoup aimé l'humour et la justesse des traits d'esprit qui accompagnent les répliques d'Annie et de Tucker, deux personnages qui subissent le contrecoup de décisions (ou plutôt de l'absence de décisions) prises par le passé et ne semblent pas avoir beaucoup plus de prise sur leur présent.
Voilà un récit qui se fait la musique de vies désenchantées et présente une vision peu flatteuse des hommes (des anti-héros à la fois faibles et étonnamment attachants) tant la lâcheté ambiante fait l'effet d'un lancinant refrain. En ce sens et comme le dit l'éditeur, "Nick Hornby signe la bande originale de notre époque".

Je suis impatiente de recroiser cette plume à l'occasion de la lecture commune organisée par Pickwick qui, je l'espère, verra fleurir de nombreux billets le 1er août !

Pour découvrir le premier chapitre, c'est par ici

Plusieurs autres avis chez BOB !



Un grand MERCI aux éditions de m'avoir offert ce livre !

22 juillet 2010

Tag - Dis-moi, comment choisis-tu tes livres?

Un tag qui m'avait été proposé par Reka et auquel je réponds sur le tard ! Vaste question que celle du choix de mes lectures...
Vu la scandaleuse taille de ma PAL, quelques mauvaises langues pourraient prétendre que je ne sélectionne tout simplement pas mais que je me contente de rafler tout ce qui me passe sous la main...
Ca n'est pas tout à fait exact...A dire vrai, certains genres me laissent plutôt indifférente.

Les biographies. Il m'est rarement arrivé d'admirer à ce point un écrivain que pour vouloir connaître jusqu'aux détails de son petit-déjeuner.
Je préfère les correspondances que j'estime plus authentiques car elles se dispensent de l'avis tronqué d'un auteur tiers.
J'ai récemment ajouté à mes tablettes les correspondances de Frida Kahlo et de Stefan Zweig, deux personnalités que je souhaite explorer au delà de leurs oeuvres.

Les témoignages/récits de vie. Je n'ai rien contre, à condition qu'ils aient un autre dessein que celui de stariser leur auteur.
Raison pour laquelle je ne lirai jamais un récit sur les coulisses de la télé-réalité ou sur les dessous (de l'élection) de Miss France (je n'ai pas donné le dernier exemple au hasard, je soupçonne Geneviève de s'y atteler bientôt).
J'attends de mes lectures qu'elles me fassent réfléchir et me sentir un peu moins bête, pas qu'elles me confirment la connerie des autres (toutes mes confuses pour le côté prétentieux de cette remarque mais c'est comme ça).

Tout ce qui a trait au paranormal, au surnaturel et au mystico-religieux. Les vierges qui pleurent du sang, c'est pas mon truc.

La chick-litt. Pas grand chose à en dire si ce n'est que j'entends assez de jacasseries dans le métro...
Ayant beaucoup aimé son adaptation cinématographique, j'ai voulu me procurer le roman "PS I love you" de Cecelia Ahern. Horreur, malheur, il m'a fallu arpenter le fameux rayon rose pour trouver mon bonheur. J'ai opté pour la couverture la plus soft en prenant tout de même soin de la dissimuler sous d'autres livres lors de mon passage en caisse. Enfin quand je dis soft...


Cela dit, je serais tout de même curieuse de découvrir un jour un Harlequin. Les Harlequinades 2010 seraient peut-être le moyen de remédier à mon ignorance :)

Voilà donc un aperçu grosso modo de ce qui me fait généralement fuir.
Pour le reste, je suis une lectrice assez bon public et le moins que je puisse dire c'est que les blogs littéraires contribuent grandement à nourrir ma curiosité sans discontinuité.
Avant de commencer à fréquenter la blogosphère, je n'avais pas de PAL. J'achetais un livre et le lisais dans la foulée.
Maintenant c'est une autre histoire, ou plutôt 200 autres qui attendent que je daigne m'y plonger... Au rang des blogueurs/euses, on compte pas mal de tentateurs/trices !!!

Mes passages en librairie et chez les bouquinistes sont autant de séances de torture pour mon portefeuille. Si je devais établir un ordre de préférence, je dirais que je suis d'abord attirée par un ouvrage dont je connais et apprécie l'auteur. Ensuite, mon regard se portera vers un titre accrocheur plus que vers une couverture affriolante.
Avec le temps, j'ai appris à ne plus me fier aux quatrièmes de couverture. Je préfère ouvrir le livre et en sélectionner une page au hasard pour voir si le style est en mesure de me plaire.

Je lis très peu de magazines littéraires, mais il m'arrive de craquer de temps en temps lorsqu'y figure un dossier thématique susceptible de m'intéresser.
Les critiques littéraires n'interviennent jamais dans mes choix de lectures. Je préfère découvrir les critiques officielles une fois un livre lu (et encore...).

Lors de mes débuts bloguesques, j'avais tendance à accepter tout ce qu'on me proposait. Super un livre gratuit ! Au fil des partenariats, j'ai pris conscience que mon temps de lecture m'était aussi limité que précieux et qu'il me fallait opter pour une sélection plus rigoureuse.

Et vous, comment choisissez-vous vos livres? George? Choco?

21 juillet 2010

Tag - L'art de bloguer

Taguée par la malicieuse Choco, je me livre volontiers à ce jeu de questions-réponses qui interroge mes habitudes de blogueuse.

Qu'est-ce qui vous inspire : des lectures, des situations de la vie quotidienne?

Mes lectures à 99,9%. Par contre, il arrive souvent que mes lectures me renvoient à des situations de la vie quotidienne voire que le choix de celles-ci me soit dicté par une situation de la vie quotidienne.
La prochaine fois que je vous parlerai d'une histoire de serial-killer, pensez à consulter la rubrique nécrologique du lendemain...

Qu'est-ce qui déclenche l'acte d'écrire?

Les sensations procurées à la lecture (et parfois l'urgence de respecter le délai d'un partenariat ou d'une lecture commune ^^).

A quels moments de la journée le faites-vous? De quels endroits?

Généralement le soir, ce qui n'empêche pas que je puisse prendre des notes durant la journée.
J'aime me sentir au calme dans ma cuisine qui me tient également lieu de bureau.

Comment et où vous installez-vous? Quel est votre environnement?

Heu...je manque d'originalité si je réponds que je blogue assise? Je rédige mes billets sur une table plus vieille que moi et qui, comme mon pc portable, envisage tout doucement la retraite anticipée. J'ai toujours une crasse et une tasse de thé sous la main. En ce moment, il y a un ventilateur placé sur ma table et qui fait s'envoler toutes mes feuilles, ce qui a naturellement tendance à m'énerver...

Quels outils utilisez-vous pour écrire? (un traitement de texte ou directement dans votre éditeur de billets?)

Blogger étant un éditeur plutôt capricieux en matière de copier-coller, je suis bien obligée de passer directement par lui si je veux obtenir une mise en page correcte.

Faîtes-vous beaucoup de recherches? Rédigez-vous beaucoup de brouillons ou d'articles que vous ne publierez pas?

J'ai toujours l'impression que les livres me parlent et j'éprouve donc la curiosité de savoir qui se cache derrière les mots que je lis. Je fais quelques recherches à titre personnel car, comme les lecteurs de ce blog le savent, mes billets ne comportent pas de références biographiques sur les auteurs évoqués (ou seulement si cela a un rapport direct avec le livre en question).
Je ne me sens pas l'âme d'une biographe pas plus que je me qualifie de critique littéraire.
Mes billets se résument au partage de mes impressions de lecture, bonnes ou mauvaises, et cela me convient fort bien.
En revanche, je mets un point d'honneur à insérer des extraits de l'ouvrage commenté, ceci pour illustrer mes propos, indiquer mes extraits préférés et permettre au (futur) lecteur d'en mesurer le style.
Il m'arrive souvent de rédiger des brouillons, ne fut-ce que pour "préparer" mon billet. Je place ainsi à l'avance la photo de la couverture du livre, les libellés ainsi que les liens qui pointent vers d'autres billets (que je ne lis qu'une fois mon propre billet publié).
Les seuls brouillons à ne pas être publiés sont ceux qui ont trait à des livres que j'ai commencé sans les avoir terminés ("Mrs Dalloway" ou "Guerre et Paix" par exemple...ahum...).

Ecrivez-vous en prenant votre temps ou avec une certaine frénésie?

Tout dépend du temps dont je dispose pour rédiger mes billets, si j'ai pu prendre des notes durant ma lecture et si le livre m'a plu ou non.
Tellement de facteurs entrent en ligne de compte que je ne saurais répondre qu'au cas par cas.


Clara, Nanne, Lili Galipette, Niki et Daniel, je serais curieuse de connaître votre façon de bloguer ;)

20 juillet 2010

Petits crimes conjugaux - Eric-Emmanuel Schmitt


"Petits crimes conjugaux" est une pièce de théâtre parue en 2003 et signée Eric-Emmanuel Schmitt, dramaturge, nouvelliste et écrivain franco-belge à qui l'on doit notamment des titres tels que "Oscar et la dame rose", "La part de l'autre", "L'enfant de Noé" ou encore "Ulysse from Bagdad".
Gilles et Lisa forment un couple depuis 15 ans. Malheureusement, une mauvaise chute dans l' escalier a rendu Gilles amnésique et le voilà à présent de retour chez lui, puisant dans ce qu'il lui reste de souvenirs pour tenter de reconstruire son passé et découvrir l'homme qu'il était encore 15 jours plus tôt. Qui pourrait mieux l'aider dans cette voie que son épouse?

Lu dès sa parution, "Petits crimes conjugaux" m'avait laissé un très bon souvenir que j'avais hâte de mesurer avec le recul de quelques années.
Difficile de donner ses impressions sur une pièce de théâtre sans l'avoir vue et en se cantonnant à l'écrit car il faut bien reconnaître qu'un bon jeu d'acteurs contribue largement à faire vivre (et apprécier) un texte.
Au lieu de se deviner à la moue et aux agissements des comédiens, les expressions et réactions des personnages sont annotées dans le texte, ce qui peut plonger le lecteur dans une certaine passivité ressentie comme dérangeante.
Etant donné que j'ai pour habitude de me représenter les personnages intervenant dans mes lectures, j'ai lu cette pièce comme s'il s'agissait d'une nouvelle.
Comme le disait Louis Jouvet, "une pièce de théâtre est une conversation" et c'est précisément le cas ici où le specta-lecteur partage les répliques échangées entre Gilles et Lisa qui s'entretiennent de ce qu'était leur quotidien avant l'accident de Gilles.

Ainsi Gilles, qui ne conserve aucun souvenir de leur passé commun, se découvre dans les propos de la femme qui partage sa vie depuis 15 ans.
Il apprend qu'il écrit des romans policiers, qu'il peint, qu'il a toujours délaissé les tâches ménagères et qu'il semble avoir des théories sur tout, notamment sur l'amour auquel il a d'ailleurs consacré un livre intitulé "Petits crimes conjugaux".

" Le couple est une maison dont les habitants possèdent la clé. Si on les enferme de l'extérieur, elle devient une prison et eux des prisonniers." p.102

Et croyez-moi, cette mise en abyme ne relève pas du hasard ! De révélation en révélation, le lecteur se retrouve plongé à la manière d'une intrigue policière dans le quotidien de deux fins limiers bien décidés à percer les secrets de l'autre.

L'amour est-il inconditionnel? Connaît-on jamais réellement celui ou celle qui partage notre vie? A travers les propos de Gilles et Lisa, Schmitt aborde avec justesse ce qui fait le sel de toutes les relations amoureuses, la confiance, tout en examinant les différences qui résident entre les hommes et les femmes.
" GILLES. Les hommes sont lâches, ils refusent de voir les problèmes chez eux, ils veulent continuer à croire que tout va bien. Les femmes, elles, ne détournent pas la tête.
LISA. Ecris ça dans ton prochain livre, tu gagneras des lectrices.

GILLES. Les femmes affrontent les problèmes, Lisa, mais elles ont tendance à croire qu'elles sont elles-mêmes le problème, que l'usure du couple tient à l'usure de leur séduction, elles s'estiment responsables, coupables, elles ramènent tout à elles.

LISA. Les hommes pêchent par égoïsme, les femmes par égocentrisme.

GILLES. Un partout. Match nul. " p.113
" La caractéristique des hommes, c'est qu'ils refusent leur destin. Ils préfèrent leur liberté. Mais qu'est-ce que c'est, une liberté qui ne s'engage pas? Une liberté creuse, vide, inconsistante, une liberté qui ne choisit rien, une liberté velléitaire, une liberté préventive. Les hommes fantasment la liberté plus qu'ils ne l'utilisent, ils la gardent précieusement sur une étagère au lieu de l'employer. Là, elle sèche, se racornit et meurt bien avant eux. Car la liberté n'existe que si l'on s'en sert. Les hommes sont silencieusement romanesques : ils vivent quelque chose et se racontent autre chose. Ils doublent leur vie d'une autre vie, secrète, désirée, imaginée, dont ils sont les poètes muets." p.114

Je sais que l'on reproche souvent à l'auteur d'arroser abondamment ses textes de prêchi-prêcha philosophiques et de bons sentiments. Et j'avoue avoir été déçue en ce sens par ses derniers romans.
Mais j'ajouterais que ses pièces sont vraiment à distinguer du reste de son oeuvre et je vous recommande allègrement celle-ci que j'aurais tant voulu voir jouée par Charlotte Rampling et Bernard Giraudeau !
Malheureusement, l'homme nous ayant quittés samedi, je devrai me contenter du dvd ou de la performance d'autres acteurs un jour prochain...


Initialement publiée aux éditions Albin Michel, vous retrouverez également cette pièce dans le tome 3 consacré au théâtre d'Eric-Emmanuel Schmitt et paru au Livre de Poche.

Un autre avis : Anneso

"Petits crimes conjugaux" était une relecture choisie dans le cadre d'un hommage à Eric-Emmanuel Schmitt, proposé par Pimprenelle.

18 juillet 2010

La grand-mère de Jade - Frédérique Deghelt


Après "La vie d'une autre" (dont j'avais parlé ici) et "Je porte un enfant et dans mes yeux l'étreinte sublime qui l'a conçu", "La grand-mère de Jade" est le 5ème roman, paru en 2009, de l'écrivaine française Frédérique Deghelt.
Jade, journaliste-pigiste fraîchement séparée de son compagnon, apprend que sa grand-mère octogénaire va être placée en maison médicalisée suite à un malaise.
Sur un coup de tête, la jeune femme prend la décision d'enlever sa Mamoune et de s'en occuper...chez elle à Paris.
Au fil de cette curieuse cohabitation, Jade découvrira Jeanne, l'autre facette de cette mammie simple et toute dévouée à ses enfants, qui, durant des années, lisait des romans à la dérobée...

Voilà un roman qui m'a été conseillé plus d'une fois et qui je crois, a reçu un fort bon accueil de la part de la blogosphère. Aussi était-il temps que je m'y attelle à mon tour!
Deux femmes qu'un demi-siècle sépare se retrouvent (ou plutôt se découvrent) sous le même toit. Jade est une citadine trentenaire qui nourrit de nombreux doutes sur ce que la vie a à offrir et sur la direction qu'elle tend donner à la sienne.

" Elle avait trente ans, tout était à venir et le puissant aiguillon de l'écriture la poussait. Marcher au bord du gouffre, voilà ce qu'elle avait l'impression de réaliser chaque jour. Et parfois de brusques rafales de questions sur l'inutilité de la vie la taraudaient. Ils étaient puissants les démons mystérieux qui attiraient vers l'au-delà." p.272
Sa grand-mère en est plutôt à l'heure des bilans. Ou du moins le croyait-elle avant de découvrir le quotidien rythmé de sa petite-fille qui comporte son lot de surprises.
C'est une femme qui contrairement à ce que son grand âge donnerait à penser, se révèle ouverte d'esprit et pleine de vie tout en n'étant absolument pas dupe de ses limites ni du sort réservé aux gens de son âge.

" On dit les octogénaires ou les octos, dernière coquetterie d'une race nouvelle que je trouve lâchement complice de ces fioritures verbales. Réussir sa vieillesse, c'est retrouver une seconde jeunesse. Quel désarmant paradoxe! Rajeunir ou disparaître voilà le choix. Je ne leur en veux pas. Les choses sont ainsi. Quand j'étais jeune, les vieux étaient vieux et aujourd'hui que je suis vieille les vieux se doivent d'être jeunes. Il faut se résoudre à vivre dans un monde dans lequel notre âge est valorisé dans la mesure où nous ne le paraissons pas. Et nous voilà de plus en plus nombreux à nous cacher dans des tranches qui ne sont pas les nôtres. Ce doit être une sorte de guerre des vivants. Quant aux autres, ceux qui ne peuvent pas tricher, on les dissimule comme on peut..." p.36

Astreinte à vouer aux livres un amour secret, et ce par crainte d'être taxée de fainéantise par une classe sociale entièrement tournée vers le travail manuel, elle se révélera pour Jade une aide précieuse dans le perfectionnement de son roman tandis que sa petite-fille lui offrira l'assistance et la douceur de sa jeune compagnie.

Je dois avouer que ce roman ne m'a pas emballée dès les premières pages.
Si j'ai pu aisément comprendre les réticences de la grand-mère à exposer sa passion pour la lecture aux yeux de tous, j'ai eu un peu plus de mal à imaginer les raisons de ce silence vis-à-vis de sa famille et à me représenter cette femme feignant l'inculture pour satisfaire au rôle que l'on attendait d'elle. Je n'ai pu m'empêcher de soupeser la frustration et la solitude que celle-ci devait éprouver au quotidien.
Le récit se partage entre ces deux femmes, tour à tour narratrices, et se décline sous la forme de monologues intérieurs qui me donnaient au départ l'impression d'être plongée dans un épisode des "Feux de l'amour", une série qui a le chic pour faire penser les personnages à voix haute, chacun dans leur coin.
Mais la comparaison s'arrête là car à mesure du récit, Jade et sa grand-mère s'apprivoisent, se découvrent des points communs, s'enrichissent au contact de l'autre.
Ce que je prenais au départ pour une relation d'apprentissage à sens unique entre une petite-fille et sa grand-mère assortie de plusieurs coïncidences façon lapin sous le chapeau ("Oh mais tu lis ça tombe bien moi j'écris!") s'est peu à peu nuancée.
Au fil de leurs confidences et de leurs expériences respectives, c'est une relation de femme à femme qui s'établit. Les rôles s'équilibrent, un dialogue se met en place et la tendresse qui unit ces deux femmes en vient à gommer les années qui les séparent.
La lecture tient une place de choix dans ce roman ! Bien que j'ai été déçue que l'auteure n'évoque que superficiellement les lectures de Jeanne, j'ai apprécié de découvrir tant de passages dédiés aux sensations procurées par la lecture, notamment celui-ci consacré aux lectrices.

"Albert m'a aujourd'hui expliqué que la plupart des lecteurs de romans sont des lectrices et je crois moi que si les femmes lisent tant c'est parce qu'elles peuvent entendre ce qui n'est pas dit et qu'elles n'ont jamais peur que les sentiments laissent sur elles ces traces qui existent déjà dans leur coeur." p.372

Finalement, l'épilogue m'a offert la surprise de découvrir que cette histoire s'avérait moins lisse que je le pensais !
"La grand-mère de Jade" est un roman tout en douceur qui nous fait dire que le fossé intergénérationnel n'est finalement qu'une question de point de vue et surtout de personne.

" Selon Mamoune, ce n'était pas la jeunesse qui passait avec le temps. C'était une certaine façon de le considérer." p.140

Du coup, j'ai bien envie de revoir "La Boum".



Lecture commune avec Manu, "La grand-mère de Jade" est également le 4ème titre lu dans le cadre du Challenge Coups de coeur organisé par Theoma.
Il s'agissait du choix de Liliba qui l'a d'ailleurs désigné dans sa sélection française pour le prix QD9 2010 organisé par Cécile.








Beaucoup d'autres avis chez BOB !

15 juillet 2010

La solitude des nombres premiers - Paolo Giordano


"La solitude des nombres premiers" est le premier roman, paru en 2009, du jeune écrivain italien Paolo Giordano.
Alors que Viola, la peste du lycée, l'oblige à désigner le garçon qui lui plaît le plus, Alice jette son dévolu sur Mattia, un jeune homme surdoué, réservé et maladroit dans son rapport avec les autres auxquels il préfère largement les mathématiques et qui comme elle retourne sa souffrance contre son propre corps.
Cette rencontre signera le début d'une relation à demi-mot entre ces deux adolescents dont les blessures d'enfance peinent à cicatriser au fil du temps.

Acheté dès sa sortie en librairie, ce roman a pourtant du attendre plus d'un an avant de quitter les rangs de ma (scandaleuse) pile à lire. Pour quelle raison? Sans doute parce que ce sujet tristement beau me faisait appréhender cette lecture.

Le roman s'ouvre sur le récit des drames vécus par Alice et Mattia, lesquels, malgré un mal-être pressenti comme antérieur à ces épisodes, sonneront comme le point de départ d'un traumatisme qui les hantera durant toute leur vie.
Alice est anorexique. Victime d'un accident de ski qui lui laissera une jambe boiteuse, elle ne cesse d'imposer à son corps de nouvelles limites.
Mattia ne se remet pas de la disparition de sa soeur jumelle abandonnée dans un parc afin qu'il puisse se rendre seul à un anniversaire et éviter ainsi que cette soeur retardée lui fasse honte une fois encore.
La culpabilité le ronge à ce point qu'il s'auto-mutile et se réfugie dans les chiffres.

" Les années du lycée avaient constitué une blessure ouverte, que Mattia et Alice avaient jugée trop profonde pour qu'elle cicatrise. Ils les avaient traversées en apnée; lui, refusant le monde; elle, se sentant refusée par le monde, et ils s'étaient aperçus que cela ne faisait pas beaucoup de différence. Ils s'étaient construit une amitié bancale et asymétrique, composée de longues absences et de grands silences, un espace vide et propre où ils avaient tout loisir de reprendre haleine quand les murs du lycée se rétrécissaient au point de les étouffer." p.127

A la suite de ces deux premiers chapitres, je m'attendais à une intervention de la part de la famille ou à un suivi chez un psy mais il n'en est rien.
Leurs parents respectifs apparaissent peu loquaces, comme résignés à cette fatalité qui pèse sur la vie de leurs enfants. Constat qui contamine d'ailleurs peu à peu le lecteur.
Au détour de chapitres présentant alternativement les deux héros à travers de grands sauts dans le temps, l'auteur se restreint à ne nous livrer que les moments clés qui jalonnent les existences de ces personnages anesthésiés par leurs souvenirs et incapables de passer outre pour pouvoir se construire une vie.
Alice devient photographe tandis que Mattia quitte l'Italie pour enseigner les mathématiques à l'étranger.
Si Mattia m'a donné l'impression d'un jeune homme mort le jour de la disparition de sa soeur jumelle, le personnage d'Alice m'a semblé plus nuancé et porteur d'un certain espoir.
Sans oublier Mattia, peu réceptif à ses initiatives, ou tenter de remédier à son anorexie, Alice s'offre une chance d'être heureuse tout en sachant au fond d'elle que cette tentative se soldera par un échec.

" Mattia. Voilà. Elle pensait souvent à lui. De nouveau. Il était une des maladies dont elle ne voulait pas vraiment guérir. On peut tomber malade d'un souvenir; elle, elle était tombée malade de cet après-midi-là, dans la voiture, devant le parc, quand elle avait placé son visage devant le sien pour lui ôter de la vue ce lieu d'horreur." p.271

Si les personnages de ce roman ne m'ont pas bouleversée tel que je m'y attendais, c'est sans doute parce que l'auteur, au détour d'une écriture froide qui se veut plus descriptive qu'explicative, n'a pas semblé vouloir les rendre attachants en apitoyant le lecteur sur leur sort.
Au terme de cette lecture, j'ai ressenti en eux une souffrance inaccessible qu'ils semblent seuls à comprendre et à partager, une tension ambigüe à chaque rencontre mais que leur aphasie mutuelle tend à réprimer. Des personnages complexes qui m'ont un peu fait penser à Sophie et Julien, les deux héros de "Jeux d'enfants" (assurément l'un de mes 10 films préférés).

" Car Mattia et elle étaient unis par un fil élastique et invisible, enseveli sous un fatras insignifiant, un fil qui ne pouvait exister qu'entre deux individus de leur espèce, deux individus qui avaient reconnu leur solitude dans celle de l'autre." p.294

Même si mon avis semble peu encourageant, je ne regrette absolument pas cette lecture qui bénéficie selon moi d'une qualité d'écriture incontestable !

"La solitude des nombres premiers" était une lecture commune avec George et Pascale dont je vais de ce pas découvrir les avis !

Plein d'autres avis chez BOB !

9 juillet 2010

La Reine des lectrices - Alan Bennett


"La Reine des lectrices" est un roman de l'écrivain et scénariste anglais Alan Bennett, publié en 2007 et traduit en français en 2009.
Ce court roman débute dans les jardins de Buckingham Palace où la reine d'Angleterre a l'habitude de promener ses chiens. Alertés par un bruit inhabituel, ceux-ci la conduisent au bibliobus, une sorte de bibliothèque itinérante gérée par un certain Mr Hutchings.
La reine y fait la connaissance de Norman, un commis de cuisine qui deviendra rapidement son précieux tabellion (assistant littéraire chargé de lui choisir ses lectures).
De découvertes en découvertes, la reine finit par prendre goût à la lecture au détriment des obligations qui incombent à sa fonction.
La cour se chargera de rappeler à sa Majesté que sa place se trouve ailleurs que dans une bibliothèque...Y entendra-t-elle de cette oreille?

Ayant apprécié l'humour de l'auteur dans "Soins intensifs" et étant donné que le sujet de ce roman avait de quoi éveiller mon intérêt, je n'ai donc pas hésité à me le procurer.
Idée cocasse que de s'intéresser à la vie a priori ennuyeuse de ce personnage discret et tout en retenue qu'est la reine d'Angleterre.
L'auteur s'est plu à imaginer le quotidien d'une souveraine devenue boulimique de lecture.

" Elle découvrait également que chaque livre l'entraînait vers d'autres livres, que les portes ne cessaient de s'ouvrir, quels que soient les chemins empruntés, et que les journées n'étaient pas assez longues pour lire autant qu'elle l'aurait voulu." p.27

Au fil de ce court roman, nous suivons le cheminement personnel de la reine, sa solitude de lectrice, ses doutes, ses interrogations, jusqu'à la remise en question de sa royale personne qui de "lectrice passive" souhaitera faire entendre sa propre voix grâce à l'écriture.
Si je me suis volontiers laissée attendrir par la souveraine lectrice, l'aspirante écrivain m'a plutôt agacée. Subitement réveillée par un sursaut de culture, elle se sent investie d'une ambition de changer le monde grâce à ses Mémoires. De quelle façon? On ne sait pas trop...

" Si on lui avait demandé : " Les livres ont-ils enrichi votre vie?", elle se serait sentie obligée de répondre : "Oui, sans l'ombre d'un doute" - tout en ajoutant avec la même conviction qu'ils l'avaient également vidée de tout sens. Avant de se lancer dans ces lectures, elle était une femme droite et sûre d'elle, sachant où résidait son devoir et bien décidée à l'accomplir, dans la mesure de ses moyens. Maintenant, elle se sentait trop souvent partagée.
Lire n'était pas agir, c'était depuis toujours le problème.
Et malgré son grand âge, elle restait une femme d'action.
Elle ralluma sa lampe de chevet, saisit son carnet et nota rapidement : "On n'écrit pas pour rapporter sa vie dans ses livres, mais pour la découvrir."" p.103

L'auteur profite ainsi de ce récit pour dénoncer une monarchie fantoche, de plus en plus absente des décisions concernant le pays au profit d'un entourage politique pressenti comme hypocrite et incompétent.

" On me crédite généralement d'un solide bon sens, ce qui est une autre façon de dire que je n'ai guère d'autres atouts. En conséquence de quoi, je me suis vue contrainte, sur les instances de mes divers gouvernements, d'entériner - ne serait-ce que de manière passive - des décisions que je considérais comme mauvaises et souvent même indignes.
Ce qui m'a parfois donné le sentiment de tenir le même rôle qu'une bougie parfumée, destinée à chasser les relents de la politique - la monarchie n'étant plus de nos jours qu'un vague déodorant, au service du gouvernement." p.119

Une lecture ma foi sympathique qui comporte quelques passages amusants dans lesquels chaque lecteur/lectrice assidu(e) se reconnaîtra aisément mais, compte tenu des nombreuses critiques vantant l'humour truculent de l'auteur, je dois bien avouer une légère déception.
Je m'attendais à un peu plus de fantaisie de la part de l'auteur qui reste tout de même cantonné dans le politiquement correct (sauf à la fin mais je n'en dirai pas plus...).

D'autres avis : Soukee - Manu - Choco - Ys - Keisha - George - Anneso - Lasardine - La plume et la page - Emilie - Leiloona - Fashion - Liliba - Clara

5 juillet 2010

Le mec de la tombe d'à côté - Katarina Mazetti


"Le mec de la tombe d'à côté" est le second roman - publié en 1998 et traduit en français en 2006 - de la journaliste et écrivaine suédoise Katarina Mazetti à qui l'on doit notamment" Le petit chaperon rouge et le loup, c'est fini" ou "Les larmes de Tarzan".
Un cimetière est-il un endroit propice aux rencontres amoureuses? Apparemment oui (Célibataires de tous bords : le rayon surgelés c'est mort, optez pour le gothic look et les chrysanthèmes).
C'est même en ce lieu que vont tomber amoureux Désirée et Benny, deux trentenaires amenés à se croiser régulièrement devant les tombes voisines de leurs proches.
Elle est une citadine qui a choisi de vivre en compagnie des livres et dont le défunt mari biologiste s'est fait renverser à vélo. Lui vit entouré de vaches, a perdu sa mère atteinte d'un cancer et s'échine à faire tourner tout seul la ferme familiale.
A priori, tout semble opposer "le Forestier" et "la femme beige". D'ailleurs, ils se sont méprisés dès le premier regard...

Voici un roman qui me tentait déjà depuis un bon bout de temps et que j'aurais lu beaucoup plus tôt si j'avais su ce qui m'attendait ! Une fois commencé, je n'ai pas pu le lâcher avant d'en avoir tourné la dernière page !
L'histoire de ce couple mal assorti se décline en un récit à deux voix qui permet d'alterner les points de vue des deux personnages sur un vécu commun.

" Je sortis mon calepin du fourre-tout. C'est un petit carnet bleu à la couverture rigide avec la photo d'un voilier sur une mer bleue. J'écrivis :

Evidemment que les bords de la plaie luttent pour se refermer et que l'horloge voudrait qu'on la remonte.

Je sais pertinemment que ce n'est pas de la Poésie que j'écris. J'essaie simplement de saisir l'existence en images. Je le fais pratiquement tous les jours, un peu comme d'autres dressent des listes de choses à faire pour agencer leur quotidien. " p.21

(...)

" Qui est cette femme qui prend des notes devant une tombe? Est-ce qu'elle tient le registre des maris qu'elle a tués? Tout à coup elle me lorgne et j'entends un bref reniflement autoritaire : elle a vu que je l'observais. Pour me venger de son attitude arrogante, j'essaie de me l'imaginer avec une perruque de boucles synthétiques turquoise et des bas résille. Des seins laiteux, fortement comprimés, jaillissent d'une guêpière en vinyle noir et brillant. Je lui laisse les cils blancs et le ridicule bonnet de feutre avec des champignons." p.27

Je me suis attachée à ces deux personnages dès les premières lignes ! Désirée est une bibliothécaire qui vit dans un appartement où tout aspire à l'ordre et la sobriété. Mais c'est aussi une femme qui se révèle pleine de fantaisie, une jeune veuve empreinte de doutes sur le couple qu'elle formait autrefois avec son mari et sur sa capacité à plaire aux hommes. Ses pensées intérieures sont souvent loufoques, notamment lorsqu'elle évoque ses ovaires et son horloge biologique.
Benny affiche un côté rustre de prime abord mais il est moins bête qu'il en a l'air. C'est un romantique malgré lui, un Tanguy qui ne s'est jamais vraiment remis de la mort de sa mère et cherche une femme solide pour la remplacer à ses côtés.

" Elle est restée dormir chez moi, et quand j'ai mis des draps propres, elle a dit qu'elle avait ses règles et qu'elle espérait qu'il n'y aurait pas de fuite.
Aucun problème, je ferai avec, ai-je pensé, parce que j'aimais bien qu'elle dise ça. Ca faisait très intime, oui, ça dégageait un bien-être confortable. On ne se pointe pas chez des amants temporaires quand on vient d'avoir ses règles. Elle m'a pour ainsi dire élevé au statut de permanent. Faire l'amour, ça pouvait attendre, elle n'était pas venue pour ça.
D'ailleurs, je crois que ça me plairait d'avoir une tache d'elle sur mes draps. Il y a sans doute un nom latin pour ce genre de perversion." p.107

J'ai partagé leur maladresse de collégiens, leur tendresse post-coïtale, leurs discussions orageuses, leurs extrémités et leur incapacité à faire des concessions pour intégrer l'autre dans leur projet de vie.
Ce sont des êtres entiers qui ne trichent pas, ni avec eux-mêmes, ni avec les autres.
J'ai retrouvé en eux la spontanéité, l'impertinence et le franc-parler des personnages de "Quand souffle le vent du nord" (sans le côté agaçant).
Résultat? Des répliques aussi cinglantes que succulentes, un récit sans temps mort qui, sous le couvert de l'humour, aborde la question des différences sociales et culturelles sans toutefois verser dans les gros clichés rats des villes-rats des champs et "Vas-y que je vous rote à la tronche ma p'tite dame".

" Et une petite bibliothécaire exaspérante m'a demandé ce que les paysans faisaient en hiver. " Tu veux dire pendant l'hibernation des vaches?" ai-je sifflé et ça a tout de suite refroidi l'ambiance à notre table." p.184

"
Il me demanda si je faisais mon pain moi-même, et je répondis que j'avais toujours cru qu'on cueillait le pain sur les arbres, des petits pains au début qu'on pouvait aussi laisser grossir en miches bien mûres.
Il rit, mais ça semblait un peu forcé." p.86

Un coup de coeur, c'est un livre dont on sent qu'il a modifié un petit quelque chose en nous. Et celui-ci, entre larmes de tristesse et de joie, m'a fait voir l'amour autrement, avec moins de paillettes et plus d'authenticité.

" On s'est habillés chaudement et on est sortis trouver un sapin à couper. Naturellement, on n'a pas su se mettre d'accord. Je préférais un des petits arbres tordus qui ne fourniraient jamais du bois correct et elle voulait un sapin Disney. Finalement on en a trouvé un tellement laid qu'elle l'a pris en pitié, il a pu venir avec nous à la maison et comme ça on était contents tous les deux." p.175

Je crois que si je tombais sur l'auteure, je la prendrais sans doute dans mes bras...(et m'en ramasserais une avant d'avoir pu lui dire "merci").

Petit détail, la couverture m'a fait penser à ce clip.




"Le mec de la tombe d'à côté" était une lecture commune avec Manu, Clara, Calypso, Anjelica et Ankya qui, je l'espère, l'auront appréciée autant que moi !

D'autres avis : Pimprenelle - Saxaoul - Clarabel - Sarawasti - Amanda Meyre - Aurore - Theoma

2 juillet 2010

Classement Wikio culture de ce mois de juin






















1Fubiz
2Blog-O-Book
3Ufunk - gadgets japonais et arts
4Le blog de Celsmoon
5Jeu d'écriture(s)
6Le blog de Herisson08
7Cynthia et ses contes défaits
8Mille et une pages
9Mon coin lecture
10en lisant en voyageant
11Bric à Book
12TrendsNow
13Geekiz
14A LIRE AU PAYS DES MERVEILLES
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Femmes - Sebastian Mihail


"Femmes" est un roman de l'écrivain roumain Sebastian Mihail publié en 1933 et paru en français en 2007 aux éditions de l'Herne. Il est suivi du récit "Fragments d'un carnet trouvé".
Comme le titre le laisse aisément deviner, il est ici question de femmes.
Renée, Marthe, Odette, Emilie, Maria...Toutes ont croisé la route, toujours sous la forme d'allers-simples, du jeune Stefan Valeriu.
Seule Arabella, une intrigante artiste de cirque, réussit à le retenir... Mais pour combien de temps?

Quand Babelio a proposé ce roman dans le cadre de son opération Masse Critique, j'ai tout de suite été intriguée par ce titre simple et évocateur.
Toutes les femmes qui peuplent ce récit ne sont que de passage dans la vie et le coeur de ce jeune dandy froid, insaisissable et qui, en bon manipulateur qu'il est, sait se montrer attentif aux détails, cerner les moindres faiblesses pour pouvoir mieux en jouer. Toujours l'air de rien, soufflant le chaud et le froid jusqu'à ce qu'elles cèdent ou que du moins, le doute s'immisce en elles.

" Dommage qu'il ne pleuve pas. Tête nue, le col ouvert, les manches retroussées, il resterait sous la pluie, adossé à un tronc d'arbre, il la laisserait dégouliner dans ses cheveux, sur son front, sur ses joues, il finirait par sentir qu'il est pareil à l'herbe, qu'il s'intègre à la nuit de la terre, à son insensibilité absolue, qu'il échappe à jamais aux scrupules et aux remords, à l'obsession des fenêtres chichement éclairées, là-haut, où la pathétique Renée brûle d'un amour excessif." p.60

" J'avoue avoir d'instinct un léger goût pour la cruauté. Sans aller jusqu'à la torture, j'aime bien, lorsque je fais la fête, trouver un objet de jeu, la cible accessoire de quelques méchancetés.
C'est vulgaire, je le sais. Mais c'est ainsi. Ce soir-là, je n'eus pas à inventer la cible, elle s'imposait. Je ne fis d'ailleurs qu'assister, amusé, à un jeu auquel les autres, Mado la première, auraient joué de toute façon, avec ou sans moi." p.89

Mais que reste-t-il passé ces histoires éphémères si ce n'est ce qu'elles eurent en commun, lui, Stefan Valeriu?
Au fil de cette galerie de portraits féminins se dessine donc celui du jeune homme décrit tour à tour par un narrateur externe, par lui-même ou par l'une de celles qui lui aura préféré un autre.
J'ai été particulièrement sensible à ce passage dans lequel Maria explique à Stefan sa relation avec Andrei, l'homme qui partage sa vie.

" Faire durer! Voyez-vous, cela a dû être dans mes rapports avec Andrei, mais également avec tout le monde et avec la vie-même, mon erreur la plus grave. Faire durer ! Je suis prise d'effroi à l'idée que quelque chose peut être anéanti, qu'un objet, un être humain, un sentiment ou juste une habitude peut disparaître du jour au lendemain; je ne suis obsédée, dans le passage des choses, que par leur éternité possible, par le signe qui pourrait les arrêter, les faire demeurer.
Ce qu'il y avait de déchirant pour moi dans la présence d'Andrei, c'était son air incessant de provisoire, son air de type entré par hasard dans une maison, le chapeau sur l'oreille, sans savoir s'il allait repartir, s'il allait revenir, s'il allait rester. J'étais parfois tentée, de manière puérile, de lui poser la main sur l'épaule et de lui demander le plus sérieusement du monde :

- Tu es là?

N'allez pas croire que mon désir de permanence était tyrannique ou même exigeant.
Je savais bien qu'Andrei devait remuer, trahir et - comment vous l'expliquer? - je pense que c'est précisément pour cela que je l'aimais, car il était du côté du vent et du grand large, tandis que j'étais du côté de l'attente et de l'éternité. " p.130

Jusqu'à l'arrivée d'Arabella, les portraits esquissés me firent l'effet d'une masse opaque et indifférenciée. Aucune de ces femmes ne semblaient avoir laissé une empreinte. Qu'elles lui aient ou non accordé leurs faveurs, toutes ont fini par partir sans que Stefan ne cherche à les retenir.
On ne sait pas vraiment comment Arabella réussit à faire la différence. Sans doute Stefan traversait-il à ce moment-là une phase de lassitude qui le faisait pencher vers la sécurité.
Tous deux s'installent ensemble immédiatement. Arabella se plaît en maîtresse de maison, ce qui ne semble pas déranger Stefan. Mais au bout de quelques mois, l'argent vient à manquer et Arabella lui soumet l'idée d'un duo scénique. Le succès est au rendez-vous.
Mais si Stefan se plie volontiers à toutes les exigences de sa compagne, on ressent dès le départ qu'il y est à peine plus attaché qu'à ses précédentes conquêtes.
Chassez le naturel...comme on dit.
De l'indignation que suscitait en moi les agissements de Stefan, je suis passée à la pitié, plaignant cet homme hermétique à tout sentiment et enclin à zapper une femme du jour au lendemain.

"Fragments d'un carnet trouvé" est composé de plusieurs extraits d'un journal trouvé par l'auteur.
Difficile de résumer le contenu de ce que Mihail qualifie lui même d' "Etrange lecture, fatigante par endroits, avec des passages obscurs, des annotations étrangères ou absolument contraires à ma pensée".
Pourquoi les éditions de l'Herne ont-elles pris le parti de joindre ce récit au roman? Pour ma part, j'y ai vu une pièce jointe, une façon d'envisager ce qui pourrait être l'envers du décor de la vie de Stefan, le pendant de son indifférence, la solitude.

" Si j'ai vécu ma vie telle qu'elle fut, bonne ou mauvaise, si je me suis plongé dans toutes ses humiliations, si je me suis soumis à toutes ses misères, celles que je connais et celles que j'ignore, si j'ai consenti à endosser les guenilles de cette triste existence, ce fut parce que j'étais sûr que personne ne saurait, et si on le savait que personne ne comprendrait ceci : je resterai finalement seul, plus seul qu'un astre dans le ciel, plus seul qu'un boeuf dans son étable." p.224

J'ai trouvé intéressant le choix d'un schéma narratif qui offre des points de vue à la fois différents - chaque chapitre étant consacré au portrait d'une femme - et convergents en ce qu'ils permettaient d'inscrire le personnage de Stefan dans la durée.
Si l'écriture froide de l'auteur calque parfaitement à la personnalité de son personnage, j'ai trouvé qu'elle contribuait également à me maintenir à distance.
Ainsi, même si cette lecture fut loin de me laisser sans réaction, je ne pense pas qu'elle me laissera autre chose qu'une contagieuse indifférence.

D'autres avis : Alexiel - Le journal de Chrys - csapin


Un grand MERCI à et aux de m'avoir offert ce livre !