24 septembre 2013

Fiançailles - Chloé Hooper




En librairie depuis le 12 septembre, "Fiançailles" est un roman de l'écrivaine australienne Chloé Hooper, également auteure de "Grand homme" et "Un vrai crime pour livre d'enfant".

Autrefois architecte à Londres où elle a accumulé un certain nombre de dettes, Liese Campbell vit à présent à Melbourne, travaillant pour son oncle agent immobilier.
Elle fait la rencontre d'Alexander Colquhoun, riche propriétaire terrien qui cherche un appartement.
Au fil de leurs rendez-vous, Liese et Alexander entament une liaison...rémunérée, l'occasion idéale pour Liese de rembourser ses dettes et quitter l'Australie.
Juste avant son départ, Alexander lui propose une coquette somme d'argent en échange d'un weekend passé avec lui dans sa ferme du bush.
Autant dire que Liese est loin de soupçonner ce qui l'attend...

" Un froid glacial m'envahit. Je l'avais invité dans ma pièce la plus intime. Une fois dedans, il s'était emparé de mon fantasme et l'avait complètement désarticulé.
Jusqu'à ce que, par le plus grand, le plus improbable des hasards, je comprenne que je m'étais échouée dans un endroit froid, humide, inconnu.
J'étais dans la pièce qui se trouvait à l'intérieur de sa tête à lui et il avait fermé la porte à clé." p.149


Durant quatre mois, Liese et Alexander ont prétexté une recherche d'appartement pour se voir régulièrement et assouvir leurs fantasmes dans des appartements de location.
Et pour pimenter encore plus les choses, tous deux s'adonnent à un jeu de rôles façon "Pretty Woman", elle s'improvisant prostituée issue des bas fonds et lui, riche chevalier l'arrachant à une vie de misère.
A ce jeu-là, ils se révèlent plutôt mauvais acteurs. Liese n'ayant jamais versé dans la prostitution avant lui et Alexander affichant une curiosité timide, comme si il n'assumait pas vraiment leur relation.
La situation prend rapidement une autre tournure lorsque Liese le rejoint dans sa ferme.
Non seulement le décor se veut des plus austères et des plus glauques mais en plus, contrairement à Liese qui s'évertue à conserver son rôle, Alexander commence à se détacher du sien.
Il semblerait que, loin de la considérer comme une vulgaire prostituée, Alexander se soit réellement entiché d'elle et ait envie de la connaître. Au point de se montrer très intrusif et beaucoup plus sûr de lui, ce qui n'est pas vraiment du goût de Liese.

Et là on s'imagine déjà tomber dans un de ces thrillers au scénario vu et revu. Un huis-clos oppressant mettant en scène Liese séquestrée dans une ferme sinistre au milieu de nulle part par un psychopathe qui va lui en faire baver.
Il faut dire que tout vise à encourager le lecteur dans cette voie : l'ambiance malsaine dont est imprégné tout le roman, le comportement de plus en plus bizarre d'Alexander et une série de détails troublants qui s'accumulent.
Et pourtant...les choses ne vont pas se dérouler comme prévu. L'auteure affectionne vraisemblablement les twists et autres procédés censés embrouiller le lecteur.
Arrivée à la dernière page, je ne savais pas trop quoi penser et j'ai même relu les pages de fin pour m'assurer que je n'avais pas loupé quelques détails en passant.
Au final, les personnalités des deux héros demeurent insaisissables et je me demande encore où se trouvait la limite entre jeu et réalité, à supposer qu'il y en ait une...
De la façon dont je l'ai compris, tout ça m'a semblé trop tiré par les cheveux mais comme vous le voyez, je reste perplexe. Je ne me verrais donc pas vous recommander ou vous déconseiller ce roman.
Si un lecteur passe par ici, je serais curieuse de connaître sa version de l'histoire :)


Je remercie la librairie Dialogues de m'avoir envoyé ce livre.


22 septembre 2013

Contes cruels - Nadine Monfils


Publié en 2008, "Contes cruels" est un recueil composé de 15 nouvelles nées de la plume de l'écrivaine belge Nadine Monfils, notamment auteure de "Les vacances d'un serial-killer" et de "La petite fêlée aux allumettes".

"- Faites attention de ne pas vous perdre hein, mémé, qu'il a dit le gros con, en espérant le contraire
- T'inquiète, que je lui ai dit, j'ai mes hémorroïdes qui font boussole." p.11

Au cours d'une promenade, "La vieille qui marchait dans la merde" croise la route d'un maître-nageur. Une rencontre des plus sulfureuses...
François reçoit la visite de son vieil ami André, accompagné par une femme qui ne ressemble en rien à son épouse. Preuve qu'"Il faut toujours ranger sa femme avant de partir".
"Le bonheur est dans le puits" ou comment Will et Jeanneke se font prendre à leur propre piège.
Marcel et Germaine vivent avec Mémé Josette et désespèrent de la voir mourir pour pouvoir enfin profiter de la "Télé de mes zamours !"
Et si une nounou du nom de "Juju Mackintosh" inspirait un tueur en série ?
"Le messager squetté" évoque la reconversion d'Hubert en annonceur de mauvaises nouvelles.
On peut être à la fois le meilleur ami des animaux et le pire ennemi des femmes, en somme "Un garçon bien élevé".
Parce qu'il a perdu la mémoire, le vieux Joseph fait appel à une sorcière et à un marchand de souvenirs. Or il semblerait que seule "La fée pin-up" soit en mesure de lui venir en aide.
Prostituée en fin de carrière, Conchita devient rectolingothérapeute sur les conseils d'un marabout. En contrepartie de son succès, celle-ci devra réaliser de bonnes actions. Pourquoi ne pas ouvrir "Les restos du cul" ?
Martha et Norbert sont mariés depuis de longues années mais ne couchent pas ensemble. "Vive les poupées gonflables !"
Une jeune fille rend visite à sa tante Philomène au home "Rue de la Verge Noire", occupé par des pensionnaires qui aiment particulièrement jouer avec la nourriture.
Le petit Bubble, fasciné par les braquages de banque et le braqueur Boulette, est loin de soupçonner ce que son "Bon anniversaire, Boulette" aura pour conséquences.
Gérard vit encore chez sa mère et aime se déguiser en femme durant la nuit. Malheureusement, on risque gros à traîner ses talons au bois de Boulogne, comme passer pour "Le tueur en jogging".
"Lolitas cherchent pervers pépères". Papy Marcel s'ennuie dans son home, jusqu'à ce qu'il croise la route d'une nymphette qui l'invite à le suivre chez elle. Ses soeurs se joignent à eux. Qu'attendent-elles au juste du vieil homme ?
"Petit caca Noël" ou comment Johnny, déguisé en Père Noël en vue de braquer plusieurs villas, va réaliser le voeu le plus cher du "petit" Lucien.

" Pour moi, la poésie, c'est comme péter dans un arc-en-ciel." p.48

Mon dieu comme cette couverture est laide, on dirait un vieux Stephen King.
Je ne connaissais encore ni l'univers ni la plume de Nadine Monfils et je dois dire que je suis plutôt satisfaite de cette première rencontre.
Autant vous dire que "Contes cruels" n'est pas à laisser entre toutes les mains...Bien que le côté abracadabrant de certains textes comme "La fée pin-up" ou "Rue de la Verge Noire" puisse faire songer à du Roald Dahl, les histoires qui nous sont contées ici sont généralement malsaines voire assez trash et il est rare que l'une d'entre elles échappe à une anecdote d'ordre sexuel.
On y croise volontiers des femmes castratrices (au sens propre comme au figuré), des braqueurs de banques, des petits vieux, des tueurs, des prostituées et beaucoup de Tanguy ! Bref autant de antihéros sortis du haut du panier et qui font ici figure de cas sociaux pas franchement sains d'esprit.
Le lecteur appréciera ou non l'humour macabre, l'écriture familière de l'auteure ainsi que les nombreux jeux de mots et belgicismes cachés entre les lignes. Pour ma part, j'en redemande :)

" Ma première femme, je l'ai empoisonnée avec de l'arsenic et un mélange de bave de crapaud, pour qu'on ne retrouve pas de trace dans son estomac.
C'est une vieille recette que j'ai trouvée dans le livre de cuisine de ma grand-mère, derrière le boeuf Strogonoff.
La deuxième, je lui ai mis du cyanure dans ses éclairs au chocolat. J'injectais patiemment quelques gouttes, tous les jours, avec une seringue trouvée sous le Pont-Neuf.
La troisième, je l'emmenais chaque midi au McDo. Ca a suffi." p.50



2 septembre 2013

La nostalgie heureuse - Amélie Nothomb (livre audio)


En librairie depuis le 21 août, "La nostalgie heureuse" est un texte autobiographique de la romancière belge Amélie Nothomb, notamment auteure de "Stupeur et tremblements", "Le Voyage d'hiver" ou plus récemment de "Barbe bleue".

"La nostalgie heureuse" est le sentiment qu'éprouve Amélie Nothomb à l'issue de son retour au Japon en avril 2012, un pays dont elle fut arrachée à l'âge de 5 ans, qu'elle retrouve brièvement une fois  diplômée (son expérience fut racontée dans "Stupeur et tremblements") et où elle n'avait plus mis les pieds depuis 16 ans.
Sollicitée pour un reportage, l'auteure revisite les lieux de son enfance en compagnie d'une équipe de télévision. Ce reportage - "Amélie Nothomb, Une vie entre deux eaux" - a d'ailleurs été diffusé sur France 5 l'an dernier.
A la joie des retrouvailles se mêle l'appréhension de confronter ses souvenirs à la réalité d'un pays malmené par le séisme de 2011 et de renouer avec Nishiosan - plus qu'une nounou, une mère de coeur - et Rinri, le fiancé autrefois éconduit et évoqué dans "Ni d'Eve ni d'Adam".

" Les retrouvailles sont des phénomènes si complexes qu'on ne devrait les effectuer qu'après un long apprentissage ou bien tout simplement les interdire."

Je me souviens encore très bien du reportage de France 5. De ce fait, je ne comprends pas trop l'appellation de "roman" utilisée pour qualifier "La nostalgie heureuse" car pour moi, il s'agit plutôt d'une incursion dans les coulisses de l'émission, voire d'un arrêt sur images commenté et augmenté de scènes coupées au montage.
Amélie Nothomb se livre ici sans filets et sans passer par le truchement d'un personnage.
L'enjeu de ce voyage était double. Non seulement elle allait revoir le Japon avec lequel elle vécut "une idylle parfaite", Nishiosan dont elle n'avait plus de nouvelles depuis le tremblement de terre de Kobe, et Rinri dont elle craint la réaction.
Mais elle espère également que ce retour aux sources lui fournira des preuves de son existence, de ce passé nippon tellement embelli par ses souvenirs d'enfant.
Arrivée sur les lieux, le choc est de taille. Le pays a visiblement perdu de sa superbe lors du séisme, et le quartier modeste de son enfance est devenu une banlieue chic.

" Je suis trop occupée à contenir mon coeur brisé. Plus un chagrin est banal, plus il est sérieux. Tout le monde connaît cette expérience cruelle. Découvrir que les lieux secrets de la haute enfance ont été profanés, qu'ils n'ont pas été jugés dignes d'être préservés et que c'est normal, voilà."

Les nouvelles images se heurtent aux souvenirs. La douleur liée au déracinement refait surface mais les repères d'autrefois semblent avoir disparu.
Heureusement, Nishiosan et Riri n'ont pas changé, ils ont simplement vieilli.
Les retrouvailles avec sa nounou sont déchirantes (elles m'avaient décoché une larme lors du reportage et ce fut pire cette fois-ci) et trop brèves, comme un ultime adieu. Avec Rinri, la romancière retrouve la complicité mais aussi "la gêne" éprouvée autrefois.
Il y aura d'autres visites : Kyoto "la plus belle ville du monde" aux dires de l'auteure, Tokyo et ses "cols blancs", Fukushima et sa centrale nucléaire fantôme.
Mais aussi un rendez-vous houleux avec son éditeur japonais.
J'ai d'ailleurs appris que suite à la parution de sa nouvelle "Les Myrtilles" dont les bénéfices furent reversés aux sinistrés du séisme 2011, le Japon - qui boudait ses livres depuis la parution de "Stupeur et tremblements" - avait recommencé à la traduire depuis...
Par contre, pas question de reparler de "Stupeur et tremblements".

J'ai beaucoup aimé ce petit voyage au pays du Soleil Levant, raconté avec beaucoup d'émotion, de modestie (elle évoque souvent son "japonais de cuisine") et de dérision (l'anecdote sur le bonsaî ressuscité par Martin Scorcese est des plus savoureuses, de même que sa réflexion au sujet des noms farfelus donnés à ses personnages).
Amélie Nothomb fait ici montre d'une capacité d'émerveillement et d'une sagesse contagieuses.
Si elle confesse être une nostalgique dans l'âme, elle nous invite néanmoins à prendre le passé pour ce qu'il est.

S'agissant du livre audio en lui-même, j'ai trouvé l'écoute fort agréable. Le texte, régulièrement entrecoupé de mélodies nipponnes, est mis en paroles par Cathy Min Jung, une lectrice d'origine asiatique.
Un choix judicieux sachant que de nombreux mots japonais parsèment le récit.

"La nostalgie heureuse" ravira certainement les fans. En revanche, je me demande si cette intimité partagée avec l'auteure intéressera les autres. Pour ma part, j'avoue avoir été conquise et j'ai ressenti moi aussi cette nostalgie heureuse de mon adolescence, largement bercée par les romans d'Amélie Nothomb et que je ne retrouvais pas dans ses précédents romans.

Si vous avez l'occasion de regarder le reportage avant, c'est encore mieux !

D'autres avis : Argali - Hérisson - Mango - Géraldine

Cliquez ici pour en découvrir un extrait audio

Je remercie les éditions Audiolib de m'avoir envoyé ce livre !

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