"Soie" est un roman de l'écrivain italien Alessandro Baricco publié en 1996.
Lavilledieu, 1861. Hervé Joncour a 32 ans et exerce la profession de négociant séricicole.
Chaque année, parce que les élevages européens sont infestés, Hervé s'en va quelques mois, le temps de franchir la Méditerranée et de ramener des oeufs sains dont la vente leur assure, à lui et à sa femme Hélène, une vie paisible le reste de l'année.
Mais l'infection se propage au-delà de l'Europe et le seul territoire encore en mesure de lui fournir des oeufs viables est le Japon, une contrée encore hostile à la venue de l'étranger.
Hervé n'a pas d'autre choix que de voyager vers l'inconnu. Les expéditions se soldent par de francs succès, faisant d'Hervé un homme riche.
Mais une guerre se déclare au Japon et pourtant Hervé ne peut se résoudre à rester au pays, d'autant que là-bas, à des milliers de kilomètres de lui, réside une femme qui a su le troubler...
Il peut m'arriver parfois de ressentir une envie subite et précise de relire un livre que j'ai particulièrement aimé. La chose est rare, tant je privilégie les lectures qu'il me reste encore à découvrir, mais se produit de temps à autre.
Dans ces moments-là, je laisse tout en plan. La vaisselle, le ménage, parfois même le repas, se voient dès lors remis à plus tard.
C'est ainsi que j'ai laissé le temps suspendre son vol il y a quelques jours et que j'ai décidé de relire "Soie". Et, une chose en entraînant une autre, j'en ai profité pour découvrir le film qui en avait été tiré et sorti en août dernier.
Mais le livre d'abord, toujours.
Et là, alors que je m'apprête à vous vanter les mérites de ce livre qui m'a tant émerveillée, je me rends compte que j'ai du mal à en parler. J'ai l'impression que quoi que j'en dise, mes propos ne pourront jamais être à la hauteur de l'oeuvre.
Mais si je me contentais de vous dire "Lisez-le", je ne sais pas si ces 3 syllabes suffiraient à elles seules à vous faire vous précipiter en librairie pour acquérir ce petit bijou.
Considérez donc ce billet comme un essai, une tentative presque désespérée de vous faire découvrir ce qui est assurément l'une de mes plus belles lectures.
"Soie", c'est l'histoire d'un couple qui traverse le temps et les absences. Hélène est une femme qui aime son mari au point de le laisser partir tout en guettant impatiemment son retour, souffrant en silence de le retrouver plus absent à chaque retour qu'il ne l'était avant de partir.
C'est un être tout en dévotion mais néanmoins une épouse qui est loin d'être crédule.
Hervé aime sa femme mais c'est un homme qui ne s'ancre nulle part, partagé entre deux mondes, le réel symbolisé par le quotidien avec Hélène, cette facette de sa vie qu'il pense acquise et éternelle, et l'inaccessible incarné par cette femme mystérieuse dont il ne sait rien.
"Etendue près de lui, la tête posée sur ses genoux, il y avait une femme. Ses yeux n'avaient pas une forme orientale, et son visage était celui d'une jeune fille. Baldabiou écouta, en silence, jusqu'à la fin, jusqu'au train à Eberfeld. Il ne pensait rien. Il écoutait. Il eut mal d'entendre, à la fin Hervé Joncour dire doucement - Je n'ai même jamais entendu sa voix. Et un instant plus tard : - C'est une souffrance étrange. Doucement - Mourir de nostalgie pour quelque chose que tu ne vivras jamais. " p116Hervé Joncour est un homme qu'on aurait envie de secouer comme un prunier, une sorte d'âne de Buridan qui subit sa vie au lieu de la prendre en main. On peut se demander si il a un jour été heureux tant son esprit ne semble jamais connaître la tranquillité.
" A acheter et à vendre des vers à soie, Hervé Joncour gagnait chaque année une somme suffisante pour assurer à sa femme et à lui-même ce confort qu'en province on tendrait à nommer luxe. Il jouissait avec discrétion de ses biens, et la perspective, vraisemblable, de devenir réellement riche, le laissait tout à fait indifférent. C'était au reste un de ces hommes qui aiment assister à leur propre vie, considérant comme déplacée toute ambition de la vivre. On aura remarqué que ceux-là contemplent leur destin à la façon dont la plupart des autres contemplent une journée de pluie." p.13La force de ce roman réside sans doute dans sa capacité à dire beaucoup en peu de mots, à faire parler les silences, à laisser le lecteur imaginer ce qu'il souhaite de la vie de chacun des personnages dont les états d'âme se devinent plus qu'ils ne s'étalent.
Le style est épuré, tout en concision. Les chapitres numérotés et espacés rappellent les haïku japonais.
Pas de fioritures s'illustrant dans des descriptions sans fin des aller-retour d'Hervé. Juste la redondance de quelques phrases rappelant ces longs trajets jusqu'au bout du monde (mais qui sonnent pourtant comme de fausses routines).
L'histoire de ce roman a beau être triste, on en ressort étrangement serein, métamorphosé, peut-être même grandi.
Loin pourtant de verser dans une fable moralisatrice sur l'importance des priorités dans l'existence, "Soie" touche à l'essentiel en initiant une profonde réflexion sur la place que tiennent nos proches dans notre vie et qu'il ne faut jamais tarder à aimer.
Tout est inscrit entre les lignes, remis entre les mains du lecteur. Et c'est bien là ce qu'il y a de magique avec ce livre. Il y a autant de lectures qu'il y a de lecteurs et plusieurs lectures pour chacun d'entre eux.
C'est sans doute pour cette raison que ce livre peut être relu et conseillé à souhait : parce qu'il touche à l'infini. Mille merci Monsieur Baricco.
Un livre tout simplement Magnifique. Bref. Lisez-le :)
Le film
Evidemment, en tenant compte de mon haut degré d'appréciation du roman, mes attentes vis-à-vis de l'adaptation cinématographique n'en pouvaient être que proportionnelles.
J'éprouvais également une certaine curiosité à l'égard de ce film qui se défendait de pouvoir transposer en 1h47 une oeuvre courte et dense en même temps.
Ce n'est qu'après m'être insurgée contre le choix des acteurs ("Keira Knightley l'insipide, ai-je bien lu? Non c'est pas possible! Michael Pitt et sa tête de jeune riche toxico? Naaaaa!) que j'ai découvert les premières images du film.
Les dialogues (peu nombreux dans le livre) ont été fidèlement retranscrits et l'esprit du roman fut globalement respecté ( je dis globalement parce que le réalisateur n'a quand même pas pu s'empêcher de vouloir "combler les trous" ici et là).
Hormis deux erreurs de casting confirmées (cf. les deux susnommés), j'ai bien aimé le jeu des acteurs et plus particulièrement la prestation d'Alfred Molina (aka le mari de Frida Kahlo dans le film éponyme) dans le rôle de Baldabiou et de...heu...(excusez du peu, les noms asiatiques c'est pas ma tasse de thé au jasmin) dans celui de Madame Blanche.
Le réalisateur a toutefois pris quelques libertés en jugeant bon de faire joujou avec la chronologie (ce qui en soi n'était pas dérangeant) mais s'est également permis de couper tout l'aspect, si pas sensuel, érotique, de la lettre adressée par... (ah merde je ne peux pas dévoiler l'identité de l'expéditeur, je vous spoilerais votre bon plaisir) à Hervé.
Du coup, l'histoire s'achève dans un esprit bon enfant, mièvre, moralisateur, bref toutes les facilités auxquelles échappait le livre.
Moralité (et généralité) : préférez-lui le roman. Néanmoins, pour qui n'a pas lu le roman, ce film reste passable...
D'autres avis chez BOB !
"Soie" était ma première lecture dans le cadre du Challenge Lunettes noires sur Pages blanches organisé par Fashion.