27 janvier 2013

Si peu d'endroits confortables - Fanny Salmeron


Publié en 2010, "Si peu d'endroits confortables" est le premier roman de l'écrivaine française Fanny Salmeron, également auteure des romans "Le Travail des nuages" (2011) et "Les Etourneaux" (2013).

Joss et Hannah errent tels deux âmes en peine dans ce Paris "sombre", "minuscule", "bruyant", "brouillon", qui "rend tout le monde invisible". Lui y cherche sa place, elle y a perdu la sienne.
Leurs solitudes se rencontrent et se reconnaissent.
Hannah compte les dimanches qui la séparent d'*, son amour parti à Londres sans elle. Elle lui écrit ses chagrins et ses espoirs dans un carnet bleu et marque les bancs, les arbres, les trottoirs de sa détresse à l'aide de ces quelques mots "Il y a si peu d'endroits confortables".
Josh est peintre et espère trouver à Paris l'inspiration qui lui faisait défaut. Frappé au coeur par la fragilité d'Hannah, il accepte de venir s'installer chez elle, de remplacer l'absente dont Hannah ne cesse d'espérer le retour.
Parviendra-t-il à obtenir sa place dans ce coeur partagé entre attente et souvenirs ? Hannah et Joss se suffiront-ils l'un à l'autre ?

" Je ne sais pas si deux solitudes s'annulent, je ne sais pas si elles se consolent. Je ne sais pas si au contraire elles ne forment pas un vide encore plus grand." p.89

J'ai acheté ce roman uniquement sur base de la citation ci-dessus, relevée un jour lors de mes errances sur le net. Il est de plus en plus rare que je laisse mon seul instinct présider à l'achat d'un livre. Or dans ce cas-ci, ni avis, ni billet tentateur, tout juste une vague idée de l'histoire qui m'attendait.
Néanmoins, au moment de commencer ce roman, une petite appréhension devant son manque d'épaisseur  : encore une déception à venir ?
A présent, je peux vraiment dire que ce petit roman m'aura prise par surprise du début à la fin...
Hannah et Joss s'expriment à tour de rôle et apparaissent comme deux enfants confrontés à la dureté du monde adulte.
Hannah ne parvient pas à "passer à autre chose", à oublier cet amour absolu et trop lourd à porter. Joss a beaucoup d'amour à offrir et fait tout ce qu'il peut pour rendre le sourire à Hannah, toujours en respectant sa détresse.
Mais l'aimerait-il autant si elle n'était justement pas cette Hannah là, cet être si fragile tout dévoué à son chagrin ?

" Tu comprends, j'ai besoin d'un autre nous. De quelque chose de plus doux. De plus simple. Sans les complications du corps. Sans la sueur et sans la faim, sans toutes ces choses épuisantes. Juste les jolies lumières de l'amour élémentaire.
Je n'ai plus envie d'être amoureuse. De toute façon tu prends toute la place. Je veux juste aimer simplement. Sans plus jamais mêler le ventre à ça." p.88

Malgré que le sort d'Hannah et de Joss soit scellé dès les premières lignes, j'ai cru jusqu'au bout au pouvoir guérisseur de la tendresse, peu importe la profondeur de la blessure ou le temps qu'elle prendrait à cicatriser.

" Oui, je saurais bien mieux être un enfant, mais je ne voudrais pas du tout redevenir une petite fille, parce que c'est être faible face au monde et ce n'est pas toujours une vie rêvée.
Quand on est faible les gens qu'on aime prennent des trains et ne reviennent plus pendant cent mille dimanches. Ils ne reviennent pas non plus les jours d'après." p.132

Je me suis retrouvée totalement prise au dépourvu, ne sachant pas trop ce qui m'arrivait durant ma lecture.
Une écriture pourtant assez simple voire enfantine dont certaines phrases m'ont rappelée le Mathias Malzieu des grands jours. Une fin rageante et triste à pleurer pour conclure une de ces histoires comme on en entend souvent mais qui malgré tout m'est allée droit au coeur.
L'impression d'avoir 15 ans durant 156 pages. Une parenthèse douce et amère hors du temps.
Que dire de plus ?
 

24 janvier 2013

Barbe bleue - Amélie Nothomb


Publié en août 2012, "Barbe bleue" est le 21ème roman de l'écrivaine belge Amélie Nothomb, notamment auteure de "Hygiène de l'assassin", "Cosmétique de l'ennemi", "Le Voyage d'hiver" ou encore d'"Une forme de vie".

Saturnine, jeune femme belge de 25 ans, se retrouve dans une salle d'attente au milieu d'une quinzaine d'autres candidates convoitant une colocation à petit prix dans un hôtel de maître parisien.
Une femme l'entretient de l'étrange propriétaire et assure à Saturnine que celle-ci obtiendra l'appartement, tout comme les 8 femmes précédentes ayant mystérieusement disparu...
Comme annoncé, en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, Don Elemirio Nibal y Milcar convie Saturnine à s'installer dans ses appartements, à la seule condition que la jeune femme ne pénètre jamais dans sa chambre noire.
Saura-t-elle résister à la tentation de céder à la curiosité ?

Amélie Nothomb reprend ici la trame du célèbre conte de Perrault mais en lui insufflant les petites touches personnelles qu'on lui connaît : noms à coucher dehors (Térébenthine ou Digitaline cette fois), goût prononcé pour le champagne dont on se souvient notamment dans "Le fait du prince", importance donnée à l'esthétique, rapport étrange et presque mystique au corps et à la nourriture le tout saupoudré d'une fine dose de morbide, situations incongrues, mise en balance de principes moraux établis.
Contrairement au conte (que j'ai relu dans la foulée) où la jeune femme tombait rapidement dans le panneau et réfléchissait ensuite ("Anne, ma soeur Anne, ne vois-tu rien venir ?"), Saturnine fait preuve de beaucoup plus de jugeote.
Esprit indépendant opposé au mariage, elle ne se laisse pas facilement conter fleurette malgré les multiples attentions de cet esthète espagnol qui lui confectionne une jupe en or, lui fait la cuisine et met à sa disposition un frigo à champagne (c'est du Nothomb hein, fallait pas s'attendre à du Martini blanc).
Devant la réticence et les interrogations de la jeune femme, Don Elemirio est conquis et trouve enfin en une femme une compagne intellectuellement à son niveau.
Agacée par la complaisance de cet homme dont le seul métier est de rester digne à plein temps, Saturnine ne se montre pourtant pas complètement insensible à son charme.
Les tentatives de séduction de l'un se veulent accueillies par l'impertinence de l'autre, chacun essayant de faire douter l'autre de sa moralité.

"Barbe bleue" se profile plus comme une suite de joutes verbales (qui aura donc le dernier mot ?) portant sur des questions mythologiques, esthétiques, culinaires et...chromatiques abordées de façon incongrue, que comme une discussion.
Au centre de ce face à face : la notion de jardin secret. Jusqu'où se situe le droit à la vie privée ? Est-il possible de conserver une vie intime en vivant sous le même toit ?
Les situations conflictuelles, intérieures comme dans "Biographie de la faim" ou "Cosmétique de l'ennemi" ou partagées avec un autre comme dans "Hygiène de l'assassin", abondent dans les romans de Nothomb et se déclinent bien souvent en de nombreuses phrases péremptoires prononcées par les adversaires.

" Tomber amoureux est le phénomène le plus mystérieux de l’univers. Ceux qui aiment au premier regard vivent la version la moins inexplicable du miracle : s’ils n’aimaient pas auparavant, c’était parce qu’ils ignoraient l’existence de l’autre.
Le coup de foudre à retardement est le plus gigantesque défi à la raison. " p.52
" Le rôle de l’art est de compléter la nature et le rôle de la nature est d’imiter l’art. La mort est la fonction que la nature a inventée dans le but d’imiter la photographie. Et les hommes
ont inventé la photographie pour capter ce formidable arrêt sur image qu’est l’instant du trépas." p.70

J'ai beaucoup aimé la façon dont Nothomb donnait une direction nouvelle à la personnalité de la cruche jeune femme du conte.
Je me suis délectée de la vivacité des échanges entre Saturnine et son logeur mais, là où le bas blessait parfois, c'est lorsqu'il me semblait être tenue à l'écart par ces mêmes échanges (les allusions bibliques par exemple), la frontière entre loufoque et intelligible s'avérant plutôt mince par moments.
Pas de déception cuisante mais pas non plus un coup de coeur pour ma part.
A croire que je ne connaîtrai plus jamais avec cette auteure l'engouement de mon adolescence.

D'autres avis : Argali - Mélusine - Lili Galipette - Mango - Sandrine - Géraldine - Brize - Stephie 

                                                                                    
 


21 janvier 2013

La petite Chartreuse - Pierre Péju


Publié en 2002, "La petite Chartreuse" est un roman de l'écrivain et essayiste français Pierre Péju, notamment auteur de "La petite fille dans la forêt des contes", "La Diagonale du vide" ou encore de "Marée basse".

Par une pluvieuse après-midi de novembre, le libraire Etienne Vollard fauche accidentellement une petite fille avec sa camionnette. Sous le choc, après avoir erré des heures durant à travers les bois, il se rend aux urgences pour prendre des nouvelles d'Eva, plongée dans le coma.
Il fait alors la rencontre de Thérèse Blanchot, mère distante et instable qui n'a toujours pas réalisé qu'elle avait un enfant avec toutes les responsabilités que cela implique.
Tandis que Thérèse s'éloigne de plus en plus d'Eva, Etienne Vollard navigue entre sa librairie "Le Verbe Etre" et les visites à l'hôpital lors desquelles il récite à Eva des passages provenant de ses nombreuses lectures.
La petite fille se réveille, retrouve l'usage de ses membres mais reste enfermée dans un profond mutisme.
Les mots du libraire suffiront-ils à la sauver ?

" Tout peut avoir lieu, donc le pire. Car il rôde lui aussi dans la meute des possibles. La hyène du pire trottine au hasard dans la banalité." p.13

Si le roman débute par le récit de l'accident, il opère plusieurs retours en arrière nécessaires aux descriptions des trois personnages.
La petite Eva a l'habitude d'attendre sa mère à la sortie de l'école mais cette fois-ci, sur un coup de tête, elle s'est enfuie de la garderie pour retrouver Thérèse. 
Tous les matins, Thérèse Blanchot se dépêche de conduire sa fille à l'école puis s'empresse de partir le plus loin possible.
Durant la journée, elle s'évade, erre sans but sur les routes ou dans les gares, avant de rebrousser chemin à contrecoeur pour récupérer sa petite fille qu'elle élève seule.
Curieux personnage que voilà. Une femme qui se nourrit de distance, de vitesse, d'éphémère, essayant des vêtements et des parfums qu'elle ne portera jamais, notant des impressions fugaces dans son cahier à spirales. Autant dire qu'elle ne tient pas en place bien longtemps.
Le libraire Vollard a lui aussi toujours mené une existence solitaire. A la fois martyrisé et admiré par les autres enfants, il n'a jamais eu d'autres compagnons de route que les livres dont il conserve une mémoire étonnante.
Ce personnage m'a beaucoup fait penser à Hagrid physiquement. Très grand et robuste, il semble encombré par son corps imposant et réfréner une certaine violence en lui.

L'accident a pour effet chez les 3 personnages d'amplifier une détresse intérieure déjà palpable avant le drame. Le mutisme d'Eva l'éloigne davantage de sa mère et place Thérèse et le libraire face à un vide que chacun d'eux gère à sa manière : elle par la fuite, lui en le comblant avec des mots qui ne sont pas les siens mais qui s'imposent à lui.

Malheureusement, je n'ai jamais véritablement réussi à entrer dans ce livre à l'ambiance glaciale (ah cette neige qui n'en finit pas de tomber !) dans lequel le temps semble en flottement, anesthésié.
Les dialogues sont plutôt rares, comme si ces paysages mélancoliques de la Chartreuse parlaient pour les personnages. 
Je regrette de n'avoir pas pu identifier les extraits choisis par le libraire car je pense que cela a également du contribuer à ma déception.
Dernière chose : le narrateur externe est une lointaine connaissance de Vollard. Je n'ai pas trouvé logique qu'il détaille certaines choses intimes seulement connues par ce dernier. Aurais-je du m'en tenir à l'aspect conte de ce roman sans me soucier de la crédibilité ?
Vu les nombreux avis positifs vus sur la toile, je pense que je suis peut-être simplement passée à côté de ce roman.

D'autres avis : Lili Galipette - Clara - Mélusine   

17 janvier 2013

Les séparées - Kéthévane Davrichewy


En librairie depuis le 12 janvier 2012, "Les séparées" est le 3ème roman, après "Tout ira bien" et "La mer Noire", de l'écrivaine française d'origine géorgienne Kéthévane Davrichewy.

1981. Alice et Cécile ont 16 ans et sont les meilleures amies du monde. Inséparables, elles se disent tout.
Vraiment tout ?
30 ans plus tard, chacune a fait sa vie, s'est mariée, a eu des enfants. L'une exerce la profession d'architecte, l'autre est devenue designer.
Attablée à la terrasse d'un café, Alice feuillette un magazine qui la ramène aux souvenirs d'époque tandis que Cécile, plongée dans un profond coma à la suite d'un accident, s'adresse en pensée à cette complice d'un autre temps devenue sa meilleure ennemie.

" Je ne serai plus jamais seule. Après cette certitude, l'émoi amoureux ne fut rien, ni la terreur qu'il m'échappe et me laisse pantelante, inassouvie. Ton amitié faisait rempart. La mienne te suffisait." p.27

Le temps d'un chapitre, l'auteure nous dresse le portrait d'une amitié fusionnelle que rien ne semble pouvoir ébranler. Et pourtant, on sent rapidement que quelque chose s'est immiscé entre elles, un soupçon de jalousie, petite brèche qui ne cessera de grandir au fil des années, les éloignant toujours un peu plus.
Le malaise est palpable entre les lignes : quelque chose de fort, d'important les a séparées.
Nul doute qu'il faille être très proches pour se déchirer autant.
Mais pourtant une proximité malgré la distance, une connexion invisible, une histoire commune, se devine entre ces deux femmes malgré les reproches, les non-dits au goût de trahisons, les maladresses de chacune.
Le lecteur ressent à la fois tout ce qui les sépare et les unit. Souvent ces deux notions en viennent subtilement à se confondre.
Le style enlevé de l'auteure, que je n'avais pas fort apprécié dans la première partie de "La mer Noire" s'adapte ici parfaitement au récit et nous emmène au coeur de l'intimité de ces deux femmes.
Mais dans la dernière partie, une première révélation tombe comme un couperet lorsqu'Alice revoit Philippe, le demi-frère de Cécile. Une première déception, un coup de théâtre sorti de nulle part, superflu et très mal présenté.
Ensuite arrive la ligne finale et me voilà atterrée. Quel gâchis que cette amitié soldée par une si plate vengeance ! Comme si l'usure du temps ne pouvait justifier à elle seule la destruction d'une amitié. Non, il a fallu que l'auteure s'en sorte avec une pirouette facile au parfum de scandale.
Je n'en dirai pas plus mais je pense que vous aurez mesuré l'âpre déception qui fut finalement la mienne...

" Les méfaits du temps courent, cimentent, perdurent. Pourtant, c'est vers toi que je tends. Je cherche un sens à notre lien, un tissu, rare, déchiré au centre. Irrécupérable. Une quête dérisoire." p.43


D'autres avis : Lili Galipette - Leiloona - Clara - Theoma - Kathel - Stephie



12 janvier 2013

Bonne année 2013 ! Récap' et coups de coeur de 2012

Nous sommes déjà le 12 janvier mais qu'à cela ne tienne ! A ceux et celles que j'aurais oublié par courrier, Facebook, textos, bouteilles à la mer, hiboux,... Je vous souhaite une année 2013 pleine de fantaisies, de découvertes, d'évasions, de câlins (ben oui quand même) mais surtout une santé de fer !

L'année 2012 aura été pour moi une année aussi calme d'un point de vue bloguesque et littéraire qu'agitée sur le plan personnel.
Davantage de boulot mais toujours de super collègues, un nouvel appartement et son lot de travaux, un second déménagement, pas de vacances (je désespère), une nouvelle vie à 2 (ou disons à 5 avec les félins), le décès du chien de mon enfance le lendemain de Noël (16 ans, autant dire jamais assez) et le passage à la 3ème dizaine (ceux qui me côtoient sur Facebook n'auront pas manqué mes photos de Marie-Antoinette guillotinée...).

Comme vous l'aurez peut-être constaté, mon activité sur ce blog et mes interventions chez les copines ont fortement diminué, faute de temps malheureusement.
J'en arrive donc à ma seule résolution pour cette nouvelle année : accepter que les journées ne fassent pas plus de 24 heures et en conséquence, ne plus m'escrimer à vouloir tout faire en risquant de m'éparpiller. En somme, parvenir à un certain équilibre...
Sur le plan de mes lectures, de plus en plus d'avis tièdes voire négatifs sur lesquels je ne reviendrai pas, mais tout de même 12 ouvrages qui pour moi se sont vraiment distingués par le soin apporté par leurs auteurs à la psychologie des personnages (cliquez sur le(s) titre(s) si vous souhaitez (re)lire mes billets).

- Les filles de l'ouragan de Joyce Maynard
- Ru de Kim Thuy
- Le dernier homme de Margaret Atwood
- Le journal secret d'Amy Wingate de Willa Marsh
- Barbara, claire de nuit de Jérôme Garcin
- Le livre des brèves amours éternelles d'Andreï Makine
- Un autre amour de Kate O'Riordan
- Xingu d'Edith Wharton
- Les revenants de Laura Kasischke
- Petit oiseau du ciel de Joyce Carol Oates
- L'étrange cas du Dr Jekyll et de Mr Hyde de Robert Louis Stevenson
- Le jeu des ombres de Louise Erdrich

Du côté de la PAL, pas de baisse significative (call me Amy Bookhouse) : si le nombre de mes craquages en librairie a diminué, ce fut aussi le cas de mes lectures.
Pas moins de 400 ouvrages attendent encore leur tour dans mes tablettes... J'ai beau avoir l'impression que beaucoup de titres et de genres ne me tentent absolument pas, je ne sais pas comment je fais pour encore trouver mon bonheur.
Etant donné que ma bibliothèque commence à montrer ses limites, il va me falloir faire un tri et pour cela, lire :)

Rendez-vous l'année prochaine et d'ici là, bonnes lectures à tous/toutes !