31 août 2011

Des bleus à l'âme - Françoise Sagan


Publié en 1972, "Des bleus à l'âme" est le 9ème roman de l'écrivaine française Françoise Sagan, notamment auteure de "Un peu de soleil dans l'eau froide", "Bonjour Tristesse", "Un certain sourire", "Les merveilleux nuages" ou encore du journal "Toxique".

Sébastien et Eléonore Van Wilhem, frère et soeur issus de l'aristocratie suédoise, débarquent à Paris sans un sou.
Sébastien, soucieux d'offrir une vie royale à Eléonore, réussit sans peine à rentrer dans les bonnes grâces de la riche Nora Jedelman, tandis que sa soeur passe le plus clair de son temps dans leur petit appartement, à lire des romans policiers en attendant impatiemment son retour.
Mais Eléonore s'ennuie, les journées sont longues sans Sébastien, jusqu'au jour où leur ami Robert la présente à Bruno Raffet, jeune premier du cinéma qui tombe rapidement dans ses griffes...

" Ce ne sont pas les plages qui se dévident dans des décors de rêve, ce n'est pas le Club Méditerranée, ce ne sont pas les copains, c'est quelque chose de fragile, de précieux que l'on saccage délibérément ces temps-ci et que les chrétiens appellent "l'âme". (Les athées aussi, d'ailleurs, sans employer le même terme).
Et cette âme, si nous n'y prenons pas garde, nous la retrouverons un jour devant nous, essoufflée, demandant grâce et pleine de bleus...
Et ces bleus, sans doute, nous ne les aurons pas volés." p.132

Voici en quelques lignes le résumé de cette histoire dont la trame ne surprendra en rien les lecteurs de Sagan.
Sébastien et Eléonore m'ont parfois fait penser au vicomte de Valmont et à la marquise de Merteuil, les deux héros des "Liaisons dangereuses", en raison de leur personnalité aventureuse qui ne s'embarrasse pas de scrupules.
Complices blasés, "incapables capables de tout", tous deux vivent au jour le jour, se laissant volontiers entretenir par leurs amants de passage et éprouvant un plaisir cynique à plaisanter de leur situation.
Bien qu'ils soient conscients de leurs actes, ils gardent toutefois une certaine insouciance et ne se doutent pas des effets dévastateurs que leurs combines peuvent avoir sur des vies.
Si j'ai rapidement été exaspérée par leur parasitisme, j'ai également pris en pitié ces deux êtres toujours indifférents à ceux qui les entourent et auxquels Sagan se charge d'ailleurs bien de faire payer le prix fort...
Jusque là, rien de bien neuf sous le soleil me direz-vous...

" Il avait trop d'atouts, elle n'en avait plus assez, il tenait trop à ceux qu'il avait, elle ne tenait plus à ceux qui lui restaient.
Dans les rapports passionnels, il faut bien considérer que le seul "Panzer" indestructible, le seul canon à très longue portée, la seule mine inévitable et en plus, horreur, la seule bombe qu'on ne puisse pas jeter à la tête des autres, celle qui, du même coup, prolonge affreusement le combat, c'est l'indifférence.
Elle en avait derrière elle un stock suffisant pour ravager les champs meubles qu'étaient la poitrine de ce garçon et ses flancs, ses flancs semés de poils dorés comme autant de moissons; elle avait assez de canons fatigués pour viser droit ce coeur battant dans le noir, près du sien." p.121

Mais, là où "Les bleus à l'âme" sort des sentiers habituellement empruntés par la romancière, c'est lorsque celle-ci, en marge de son récit, prend la plume en son nom, se raconte et assume ses doutes, ses colères sur des sujets aussi variés que Dieu, l'argent, l'égalité entre les sexes, la mort, la drogue, l'alcool, le couple, le nouveau roman, son rapport à l'écriture, à ses lecteurs ou encore aux critiques.

" Eléonore et le jeune homme dansaient dans une boîte de nuit...
Catastrophe ! Qu'ai-je dit ? Me voici retombée dans le petit monde de Sagan et des boîtes de nuit...
En ce moment il est curieux, pour moi qui lis les journaux, de voir à quel point un auteur, qu'il s'appelle Troyat ou Jardin, ou n'importe qui, à l'instant où il fait entrer ses personnages dans une boîte de nuit, évoque aussitôt aux yeux des critiques mon joli nom.
Il semblerait que je sois devenue l'Hélène Martini de la littérature." p.107

"Des bleus à l'âme" offre une construction hétérogène, qui suit le fil des pensées de l'auteure, partagée entre son envie de "digresser" sur des sujets qui lui viennent spontanément à l'esprit, et la nécessité d'avancer dans l'écriture de son roman.
Durant ma lecture, j'ai souvent eu l'impression que l'oeuvre fictionnelle n'était qu'un prétexte pour l'auteur à parler d'elle ouvertement, un moyen de se soustraire un temps à son rôle d'écrivain.
Et je m'en réjouissais, tant Sagan m'est apparue comme une femme libre, réfléchie, modeste, franchement cynique, moqueuse (y compris envers elle-même) et bien plus profonde que ses romans le laissent croire !
Il m'était facile de me la représenter assise à sa table de travail, perdue dans ses pensées, se rappelant de temps à autre que ses personnages attendaient leur sort.
J'ai particulièrement aimé cette fin habile orchestrée par Sagan pour rencontrer ses personnages !

"Des bleus à l'âme" est un roman assurément autobiographique - tant la fiction semble ici secondaire - et qui, à mon sens, ravira tout lecteur curieux d'en découvrir davantage sur la personnalité riche de Sagan, à travers ses propres mots.
Un vrai coup de coeur qui vient d'ailleurs de détrôner "Un peu de soleil dans l'eau froide" au rang de favori et que je suis certaine de relire plus d'une fois, tant nombreux de ses mots ont trouvé écho en moi :)

" Il est évident aussi que je n'en ai pas pour autant la moindre estime pour moi-même, n'ayant jamais cultivé vis-à-vis de moi que le goût infernal et incessant de plaire. Jamais celui d'être respectée.
Le respect m'est complètement indifférent, et cela tombe bien, d'ailleurs, car entre mes Ferrari conduites pieds nus, les verres d'alcool et ma vie débridée, il serait bien extravagant que quelqu'un me considérât comme respectable - à moins que, parfois, une phrase, dans un de mes livres, ne l'ait atteint et qu'il s'en souvienne et me le fasse savoir.
Mais là, il me semble toujours que cette phrase, ce projectile affectif a été tiré par moi au hasard, comme par un fusil au canon coudé, et que j'en suis aussi peu responsable que de l'air du temps." p.126

D'autres avis : Delphine - George - Lili Galipette - Anne (de poche en poche) - Asphodèle


28 août 2011

Indignez-vous ! - Stéphane Hessel


Publié en 2010, "Indignez-vous !" est un court essaiLien signé par Stéphane Hessel, ancien résistant et chef de cabinet d'Henri Laugier, secrétaire général adjoint des Nations-Unies et secrétaire de la Commission des Droits de l'Homme.

" Il nous appartient de veiller tous ensemble à ce que notre société reste une société dont nous soyons fiers : pas cette société des sans-papiers, des expulsions, des soupçons à l'égard des immigrés, pas cette société où l'on remet en cause les retraites, les acquits de la Sécurité sociale, pas cette société où les médias sont entre les mains des nantis, toutes choses que nous aurions refusé de cautionner si nous avions été les véritables héritiers du Conseil National de la Résistance." p.9

Tout un programme me direz-vous ! Sauf que chez Hessel, celui-ci s'avère à peine plus étoffé que le refrain de "Heal the world"...
Fort de son parcours de résistant, Stéphane Hessel fustige le pouvoir de l'argent et toutes les formes de déséquilibres qui en découlent.
On apprend donc que les palestiniens sont victimes des israéliens, que les riches sont de plus en plus riches et qu'il en va de même pour les pauvres, que les sans papiers c'est mal, que les expulsions c'est mal, que la réforme des retraites c'est mal, que la drogue c'est...pfiou non, déjà trop de sujets à aborder en 13 pages.
"Avant, c'était mieux" semble nous dire Hessel.

" Le motif de base de la Résistance était l'indignation.
Nous, vétérans des mouvements de résistance et des forces combattantes de la France libre, nous appelons les jeunes générations à faire vivre, transmettre, l'héritage de la Résistance et ses idéaux. Nous leur disons : prenez le relais, indignez-vous ! " p.11

Celui-ci évoque le rôle prépondérant joué par le Conseil de la Résistance dans la création de la Sécurité sociale, le droit à l'instruction pour tous, l'indépendance de la presse, érigeant la Résistance en un modèle dont la société actuelle devrait s'inspirer.
Le tout dans la non-violence, comme durant la Résistance quoi...
De quelle façon ? Aucune idée, ce sera peut-être pour le prochain livre ?

"Indignez-vous !" m'a avant tout fait penser à un ordre du jour de réunion, présentant en vrac les différents points à discuter, sans aller plus loin.
Après démerdez-vous hein, regardez autour de vous et vous trouverez bien une chose contre laquelle vous indigner (pour ma part, je compte militer pour l'interdiction des couvercles sécurisés "poussez et tournez en même temps", chacun son combat, mes pancartes sont prêtes).

Vous l'aurez compris, ce popuscule (nouveau mot inventé par moi pour désigner un texte riquiqui qui ne parle de rien mais fait parler beaucoup de monde) m'est apparu comme une succession de portes ouvertes.
Comment expliquer son succès en librairie ? Peut-être parce que le message qu'il véhicule se veut des plus fédérateurs (qui ne voudrait pas d'un monde plus juste et pacifique ?) et parce que pour la modique somme de 3 euros, chacun pourra se targuer d'avoir fait sa BA, en campant le rôle du citoyen responsable pendant...20 minutes.

Je vous recommande vivement la lettre ouverte de Joseph Bialot parue dans le Magazine des livres de juillet-août, réponse "indignée" au texte de Stéphane Hessel.

D'autres avis : Cécile QD9 - Lili Galipette - Zarline

24 août 2011

Arrêt Wagram - Samuel Delage


Publié en 2010, "Arrêt Wagram" est le second roman de l'écrivain français Samuel Delage, également auteur de "L'étage le plus haut" et de "Code Salamandre", la suite d'"Arrêt Wagram" qui paraîtra le 6 octobre prochain.

Métro de Paris, arrêt Wagram. Yvan Sauvage, expert en art et commissaire-priseur, se voit menacé d'une arme par un homme qui semble le connaître.
Après lui avoir remplacé ses papiers d'identité, l'homme fait savoir à Yvan qu'il est tenu de suivre ses ordres à la lettre, si celui-ci tient à la vie de sa fille, kidnappée un an plus tôt.
Sans glisser un mot à ses proches, Yvan Sauvage, devenu Neils Lowell, embarque à contre-coeur dans un avion pour New-York, avec la ferme intention de récupérer sa fille, quitte à verser dans l'illégalité...

Voilà un résumé qui avait tout pour attiser ma curiosité. Malheureusement, mon enthousiasme fut de courte durée.
Dès les premières lignes, Samuel Delage nous plonge au coeur de l'action. Pas le temps de faire connaissance avec Yvan Sauvage que celui-ci se fait déjà menacer.
Son épouse et son collègue s'inquiètent durant des pages et des pages, la voisine est victime d'un accident domestique pas si accidentel que ça. Yvan et sa femme Lise se retrouvent chacun de leur côté sous l'étroite surveillance de malfrats peu recommandables. Yvan subit plusieurs maltraitances. Une petite fille, que l'on suppose rapidement être sa fille, est retenue quelque part en secret. Deux chercheurs placés sous la houlette d'une sulfureuse généticienne travaillent sur un projet top-secret financé par un magnat véreux du nom de James Clark.
Pendant ce temps, Yvan se rend complice de trafic d'oeuvres d'art pour le compte de Chang, également employé par James Clark.
So what ? Arrivée à la moitié du roman, je ne savais toujours pas ce qu'on voulait au juste à Yvan Sauvage.
Je tournais les pages avec l'espoir que les différents aspects de ce thriller se recoupent à un moment donné mais malheureusement, arrivée à la dernière ligne, mes questions demeuraient toujours sans réponse et ce malgré le coup de théâtre final.
Quel était le rapport entre le kidnapping d'Aurelia et celui d'Ivan ? Je serais ravie qu'on me l'explique...

J'ai également déploré que l'auteur s'arrête aussi longtemps sur les états d'âme, les pensées intérieures et les souvenirs de ses personnages, ainsi que sur certaines scènes assez dispensables selon moi - je pense à la partie de jambes en l'air entre Clark et sa secrétaire, au souvenir de la rencontre entre Lise et sa meilleure amie sur les bancs de la fac ou encore à la scène domestique provoquée par les révélations de la voisine.
Ainsi, malgré les chapitres courts, j'ai eu tout au long de ce thriller, l'impression de piétiner dans un roman brassant beaucoup d'air au détriment d'une intrigue des plus obscures. Tout cela manquait de liant !

J'ai également été désarçonnée par une incohérence constatée dans un passage durant lequel Yvan se trouve dans un musée afin d'y échanger une statuette. On le retrouve ensuite dans les rues de New-York puis à nouveau dans le musée comme si de rien n'était...Pouf...

Enfin, je n'ai pas apprécié cette mise en page chaotique qui faisait l'impasse sur les espaces entre les scènes et ne faisait qu'accentuer le sentiment d'agacement et de confusion qui m'envahissait.
Au bout du compte, malgré la révélation finale, ce thriller fut donc pour moi une déception à plus d'un titre.

Je remercie toutefois Samuel Delage de m'avoir fait parvenir ce livre.

Edit de 22h15 : bien que cela ne changera pas mon impression à chaud sur ce roman, je tiens à saluer ici l'humilité de l'auteur qui a pris le temps de me fournir les éclaircissements nécessaires à la bonne compréhension de l'intrigue.
Ce genre de démarche est assez rare que pour être soulignée :)

Un autre avis : Pimprenelle


21 août 2011

Le meurtre et autres nouvelles - John Steinbeck


"Le meurtre et autres nouvelles" est un ensemble de 4 nouvelles extraites du recueil "La grande vallée", publié en 1938 par le romancier américain John Steinbeck, célèbre pour ses romans "Les raisins de la colère", "Des souris et des hommes" ou encore "A l'est d'Eden".

Le harnais relate l'histoire de Peter Randall, un fermier qui suite à la mort de sa femme, prétend se sentir soulagé de pouvoir mener sa vie comme il l'entend. Plongé dans le travail, il décide de semer sur sa terre des pois de senteur, entreprise risquée car les plantes sont capricieuses. A l'étonnement général, la récolte est un vrai succès. Mais Peter est-il pour autant heureux ?
Dans Le meurtre, il est question de Jim Moore et de sa femme Jelka, épouse belle et dévouée mais peu disposée à converser avec son mari.
Un jour, Jim la surprend au lit avec son propre cousin qu'il abat de sang-froid. Jelka pourra-t-elle lui pardonner son geste ?
Le serpent nous entretient du Dr Philips, un jeune scientifique qui travaille sur la reproduction des étoiles de mer et se voit un jour interrompu dans ses recherches par une femme étrange, venue lui acheter un serpent à sonnette.
La femme souhaite revenir de temps à autre pour nourrir son serpent. Le jeune homme se demande si elle tiendra parole.
Fuite est le récit de la fugue de Pépé, un jeune garçon devenu homme le jour où il en a abattu un autre. Avec la complicité de sa mère, il quitte le domicile familial pour échapper à une mort certaine.

Si je m'étais prodigieusement ennuyée à la lecture des "Raisins de la colère", le bon souvenir de "Des souris et des hommes" m'avait empêchée de renoncer définitivement à cet auteur.
Quant à "La perle" et "Le poney rouge", les ayant lu très jeune, je n'en garde que de lointains souvenirs.
Comme j'aime les nouvelles, je me suis dit que ce recueil pourrait peut-être me plaire.
Loupé.
Bien que ces 4 nouvelles présentent des histoires différentes, celles-ci, en plus de toutes se situer dans la région de Monterrey, offrent des personnages aux caractéristiques assez similaires.
Dans chaque récit apparaît un homme plutôt rustre - figure récurrente chez Steinbeck - subissant l'influence d'une femme mystérieuse qui l'amène à commettre quelque folie.
Sans elles, ces hommes se retrouvent démunis et se réfugient dans la solitude de la nature ou de leur ferme isolée dans les hauteurs des collines.
Comme à son habitude, Steinbeck inscrit ses personnages dans un décor sauvage, hostile qui s'avère être un piège qui se referme sur eux. La narration se veut neutre, dénuée de tout jugement moral.
Bien que mon intérêt pour ces histoires fut plutôt modéré, ma déception va surtout aux chutes qui m'ont semblé retomber à plat. J'avais à chaque fois le sentiment qu'une question demeurait en suspension dans l'air, sans toutefois éprouver l'envie de lui trouver une réponse.
Une lecture qui m'a finalement laissée de marbre et ne m'a pas encouragée à relire l'auteur...


"Le meurtre et autres nouvelles" était une lecture commune avec Canel et Manu dont je file voir les billets !










16 août 2011

Raison et sentiments - Jane Austen


Publié en 1811, "Raison et sentiments" est le premier roman de Jane Austen, romancière anglaise également auteure du célèbre "Orgueil et préjugés" ou encore de "Lady Susan".

Sur son lit de mort, Henry Dashwood fait promettre à John, son fils aîné, de veiller aux intérêts de sa belle-mère et de ses 3 demi-soeurs, Elinor, Marianne et Margaret.
Subissant l'influence de son épouse, John se laisse convaincre de ne leur octroyer aucune rente et s'installe à Norland Park avec l'intention de les faire déménager.
Fort heureusement, l'un de leurs cousins, John Middleton, les invite à venir s'établir dans le cottage qui jouxte sa demeure de Barton.
Cependant, alors que la famille Dashwood s'apprête à quitter le Sussex pour le Devonshire, Elinor se rapproche de son beau-frère, Edward Ferrars tandis que sa soeur Marianne succombe aux charmes de John Willoughby.
La mère Dashwood se réjouit d'avance de ces deux unions qui pourraient largement contribuer à améliorer leur condition.
Mais les événements se dérouleront-ils comme prévu?

"Raison" et "sentiments" en réfèrent directement aux caractères respectifs des deux personnages principaux que sont Elinor et Marianne.
Elinor, l'aînée, se veut toute en retenue et apte à conserver son calme en toute circonstance. On pourrait aisément dire d'elle qu'elle est "bonne", sauf qu'en deux siècles, l'expression a fait du chemin...
Elle trouve en la personne d'Edward Ferrars, un homme pourtant timide et dénué d'ambition, la droiture et la sincérité qu'elle recherche chez un homme.
Marianne se révèle quant à elle une âme romanesque encline à laisser son coeur faire fi des convenances pour choisir l'élu de son coeur. Willoughby représente pour elle l'homme idéal, sûr de lui, bavard, animé par les mêmes passions qu'elle.
Toutes deux aimeront un homme qui leur vaudra mille inquiétudes et les décevra, et chacune d'elle vivra son désarroi au gré des vicissitudes de son caractère.
Hormis les deux hommes qui occupent toutes leurs pensées, autour d'elles gravitent une mère qui ne cessera de les soutenir dans leurs sentiments mais aussi le colonel Brandon, homme taciturne et grave qui passe pour un célibataire endurci et Mrs Jennings, marieuse bienveillante mais maladroite, toujours à l'affût du moindre commérage.
Cette galerie de personnages évolue dans un paysage vallonné, pittoresque - tel que l'affectionnait Jane Austen - où l'on se promène volontiers pour s'isoler dans son chagrin ou pour échanger des confidences.
Tous évoluent dans des cercles fermés dans lesquels tout finit un jour par se savoir, tant il est de mise de se mêler de la vie des uns et des autres, sans discrétion aucune.
Les conversations tournent presque exclusivement autour des unions à venir et du confort matériel que celles-ci représenteront pour les jeunes gens concernés.
C'est un monde superficiel que Jane Austen nous dépeint à nouveau ici. Mais Elinor et Marianne se démarquent de ce milieu sans scrupules par leur simplicité, leur noblesse de coeur, leur intégrité et leur volonté commune de faire avant tout un mariage d'amour.

Il est connu que les scénarios élaborés par Austen aboutissent à des dénouements heureux. Les "méchants" récoltent ce qu'ils ont semé et les bonnes actions finissent par être récompensées.
Mais ce qui est particulièrement intéressant chez Austen, c'est la façon dont elle met à l'épreuve ses personnages, "pour leur bien", afin d'examiner quelle incidence le chagrin peut avoir sur leur nature profonde.
Le chagrin d'Elinor est intérieur, silencieux là où la douleur de Marianne transparaît dans ses moindres faits et gestes. Et pourtant, toutes deux souffrent du même mal.

J'ai retrouvé avec plaisir le phrasé majestueux de Jane Austen, cette aisance dans l'écriture qui laisse pourtant, à nous contemporains, l'impression que chaque phrase se veut recherchée, façonnée.
Cependant, malgré la tendresse éprouvée pour ces deux soeurs (et surtout pour ce pauvre colonel Brandon!), j'ai trouvé qu'il leur manquait quelque force de volonté.
Si j'ai été sensible à leurs situations respectives, je me suis parfois ennuyée à voir leurs atermoiements durer sur des pages et des pages.
En cela, j'ai largement préféré "Orgueil et préjugés" et ses figures intransigeantes !
Une légère déception donc en regard de certaines longueurs mais un plaisir toujours vif à lire la prose de Jane Austen.


"Raison et sentiments" était une lecture commune avec Soukee, Marion, Sofynet, Mélusine, Frankie, Reveline, Sabbio, L'Ogresse de Paris et Michel dont je file voir les billets !

8 août 2011

Le Chuchoteur - Donato Carrisi


Publié en 2009 et traduit en 2010, "Le Chuchoteur" est le premier roman de l'écrivain italien Donato Carrisi.

Tout commence par la découverte d'un cercle formé de 5 petites fosses contenant les bras gauches de petites filles âgées entre 9 et 13 ans.
L'équipe de l'inspecteur Roche est dépêchée sur place et s'adjoint les services de l'agent Mila Vasquez, spécialisée dans les disparitions d'enfants.
Les enquêteurs progressent de découvertes en découvertes et accumulent les fausses pistes.
Lorsqu'un 6ème bras est retrouvé, le doute plane : la 6ème victime serait-elle encore vivante ?
Comment retrouver la trace du Chuchoteur qui n'a laissé aucune empreinte et semble avoir tout planifié d'avance ?

J'avais beaucoup entendu parler de ce thriller sur les blogs. Aussi avais-je hâte de m'y plonger à mon tour.
Je ressors un brin mitigée de cette lecture. "Le Chuchoteur" est un roman insaisissable tant les rebondissements vont bon train. Dans les 50 dernières pages, je ne savais plus où donner de la tête tant la profusion de nouveaux éléments m'embrouillait les idées. Un vrai feu d'artifices !
Il m'a d'ailleurs fallu reposer le livre plusieurs fois pour m'assurer que j'arrivais encore à suivre l'auteur.
Pourtant dieu sait que j'aime être manipulée par un livre et son auteur (mes hommages à Victor Rizman si il passe par ici ;)) mais dans le cas présent, j'ai trouvé que l'auteur en faisait un peu trop.
La progression des enquêteurs m'a semblé un peu étrange. Tous agissaient de façon purement intuitive, fonçant tête baissée sur chacun des indices qui s'offraient à eux pour émettre des hypothèses parfois saugrenues (comme examiner une scène de meurtre et songer que la réponse se trouve peut-être dans le ciel...).
Je m'épuisais à trouver du sens à ce qui se déroulait devant mes yeux, tout ça pour déboucher sur un énième cul-de-sac.
Certes, le roman est bien documenté et nous éclaire sur certains aspects médico-légaux d'une enquête ainsi que sur la psychologie des serial-killers (en particulier sur "les chuchoteurs" dont Charles Manson faisait apparemment partie).
Pas étonnant lorsque l'on jette un coup d'oeil au parcours de l'auteur.
Bien que le personnage de Mila se trouve au centre du récit, le Docteur Goran, Sarah Rosa, Stern et Boris font tous l'objet d'un double portrait qui rend à la fois compte de leur professionnalisme et d'une sensibilité particulière qui se révèle durant l'enquête.

Au final, ce thriller me semblait progresser à vitesse grand V lorsque l'auteur partait sur une nouvelle piste. Je tournais alors avidement les pages dans l'espoir de pouvoir assembler quelques pièces du puzzle.
Et puis patatra, la déception pointait le bout de son nez et je me retrouvais pour ainsi dire à la case départ.
J'ai donc achevé cette lecture avec une impression de "roman tape à l'oeil", comme si l'auteur avait voulu donner tout ce qu'il avait pour s'assurer de frapper fort avec son premier roman.


MERCI à et aux éditions de m'avoir offert ce livre !


D'autres avis : Pimprenelle - Stephie - Calypso - Lasardine - Anne (De poche en poche) - Alex (Mots à Mots) - Canel - Marion


3 août 2011

Les merveilleux nuages - Françoise Sagan (livre audio)


Publié en 1961, "Les merveilleux nuages" est le 5ème roman de l'écrivaine française Françoise Sagan, auteure de "Bonjour Tristesse", "Un certain sourire" , "Un peu de soleil dans l'eau froide" ou encore de "Toxique".

Josée et Alan sont mariés depuis 2 ans mais leur couple bat de l'aile. Josée, qui pensait avoir épousé un Américain bien tranquille, étouffe du fait de la jalousie constante d'Alan qui l'assène de questions à longueur de temps.
Excédée par son chantage affectif, Josée finit par provoquer ce qu'Alan redoute le plus.
Malgré l'adultère de sa femme, Alan n'imagine pas sa vie sans elle et Josée n'a pas la force de le quitter.
Quand Alan se remet à la peinture, la jeune femme voit dans cette nouvelle occupation une promesse de liberté. Mais peut-elle avoir confiance en son mari ?

Comme souvent chez Sagan, le titre de ce roman est emprunté à un homme de lettres qui fait l'objet de son admiration.
"Les merveilleux nuages" sont ainsi tirés du poème "L'étranger" de Baudelaire :

" Qui aimes-tu le mieux, homme énigmatique, dis ? Ton père, ta mère, ta soeur ou ton frère ?
- Je n'ai ni père, ni mère, ni soeur, ni frère.
- Tes amis ?
- Vous vous servez là d’une parole dont le sens m'est restée jusqu'à ce jour inconnu.
- Ta patrie ?
- J'ignore sous quelle latitude elle est située.
- La beauté ?
- Je l’aimerais volontiers, déesse et immortelle.
- L’or ?
- Je le hais comme vous haïssez Dieu.
- Eh ! qu'aimes-tu donc, extraordinaire étranger ?
- J'aime les nuages... les nuages qui passent... là-bas... là-bas... les merveilleux nuages !"

"Les merveilleux nuages" évoquent un amour dévorant, inépuisable, dans lequel s'enlisent mari et femme.
Alan est prisonnier de son amour maladif, absolu pour Josée à qui il ne laisse pas le moindre répit.
Josée souffre de la situation mais ne se décide pas pour autant à le quitter, refusant d'être un prétexte tout trouvé à la décrépitude de son mari. Elle voudrait tant qu'il puisse exister sans elle.

Il ne semble guère exister d'amour heureux chez Sagan. Les romans que j'ai pu lire jusqu'à présent font état de couples dont l'amour ne tient qu'à un fil tant il se veut bien souvent dicté par des motifs futiles.
Les personnages de Sagan ont a priori tout pour être heureux : oisiveté, soleil, beauté, insouciance et assez de temps pour ne penser qu'à eux-mêmes.
Et pourtant les couples se font rapidement posséder par l'ennui, se déchirent et ne prennent fin que lorsque l'un des deux partenaires est définitivement à bout.
Les ruptures ne sont jamais faciles, même lorsqu'elles sont l'évidence même.
Pas de préambule, le couple présenté au départ de chaque roman est pour ainsi dire condamné dès la première ligne, emprisonné dans ce huis-clos que l'auteure affectionne tant.
Le reste du roman visera à déterminer qui se lassera le premier et de quelle façon il quittera l'autre (et pour qui).
Le soleil, les fréquentations et distractions de la vie parisienne ne sont qu'illusions destinées à mettre en relief cette longue agonie qu'est le couple chez Sagan.

J'ai été happée (effrayée aussi !) par ce récit lancinant, à l'ambiance toujours tendue, qui laisse une large place aux dialogues acerbes échangés entre Alan et Josée.
Chacune des phrases d'Alan semble être un piège destiné à confondre Josée. De son côté, Josée pêche par désespoir, s'échappant dans les bras d'autres hommes, se raccrochant en vain à cet amour qui l'exténue de plus en plus, en attendant l'impulsion qui la fera définitivement partir.

J'ai beaucoup aimé le timbre et le rythme vif choisi par Sophie Chauveau pour coller au phrasé fugitif de Françoise Sagan !
5 sur 5 pour ce roman (mais suis-je vraiment objective concernant Sagan ? :))

En faisant quelques recherches, j'ai appris que le personnage de Josée était déjà présent dans le roman " Dans un mois, dans un an".
N'ayant pas encore découvert ce titre, je n'ai toutefois pas eu l'impression de lire ici une suite.

D'autres avis : Asphodèle - Lily

Une vidéo dans laquelle Sagan évoque son roman.

MERCI à et aux de m'avoir offert ce livre !