25 février 2010

Fume et tue - Antoine Laurain


"Fume et tue" est le second roman de l'écrivain français Antoine Laurain, paru en 2008.
Fabrice Valantine a 50 ans. Il est marié à Sidonie, à son boulot mais surtout à la cigarette dont il consomme allègrement 2 paquets par jour.
Pour faire plaisir (ou faire taire c'est selon) à sa femme, il accepte de se rendre chez un hypnotiseur qui le fera renoncer à la cigarette. Et ça marche, enfin...le plaisir de fumer disparaît mais reste néanmoins l'envie... Perturbé par ce "changement de vie", Fabrice se demande comment retrouver ce plaisir qui lui manque tant.
Une nuit, dans le métro, un homme tente de s'en prendre à lui. Fabrice se défend et envoie l'agresseur sous les rails du métro. Pris de panique, il court jusque chez lui et allume une cigarette. Le plaisir de fumer lui revient instantanément mais disparaît à nouveau peu de temps après.
Lui faudra-t-il dès lors éliminer systématiquement une vie pour prendre plaisir à s'en griller une?

Bon sang, je tuerais pour une cigarette! Non pas moi (enfin si parfois, pfiou c'est compliqué...), Fabrice Valantine.
Voilà un homme que l'on sait, dès l'ouverture de ce roman, condamné à la prison.
" Si je devais me pencher sur ma vie, au risque d'en éprouver un certain vertige, je dirais qu'avant les événements qui la bouleversèrent j'étais un homme sans histoires, presque banal.
J'avais une femme, une fille, un métier dans lequel j'étais connu et reconnu et un casier judiciaire aussi vierge qu'une feuille de Canson achetée chez un marchand de couleur. Quelque temps plus tard, on tenta de m'évincer de mon poste, ma femme me quitta, et j'avais quatre meurtres à mon actif. Ce parcours atypique, s'il me fallait le résumer en une formule accessible au plus grand nombre, je dirais que tout cela est "une histoire de cigarettes." p.11

Le décor est planté et passé ces premières phrases (extrait que j'aurais d'ailleurs bien imaginé en quatrième de couverture), corrigez-moi si je me trompe, on a forcément envie d'en savoir plus !
Le récit narré à la première personne nous emmène dans le passé de Fabrice Valantine. Un passé rempli de souvenirs tabagiques au point que l'on ne peut s'empêcher de se dire que toute la vie de cet homme tourne autour de la cancerette.
Elément systématiquement associé à des rencontres agréables et des moments clés de la vie de Fabrice Valantine (rencontre avec sa femme et son patron, découverte du sexe, souvenir du père,...), la cigarette est la vraie vedette de ce roman.
La nicotine est présente à chaque ligne. Elle se devine dans les moindres mots et même dans le nom de famille du personnage. Ses effets sont développés, poétisés, encensés. Ses détracteurs et leurs prêchis-prêchas sont rabroués. Ah ils ne comprennent donc rien !

" Cette idée de ne plus jamais refumer de ma vie m'attristait, je dois en convenir, et c'est empli d'une douce nostalgie que je répondis :

- J'ai tout de même l'impression d'avoir perdu une partie de moi-même.

- La plus dangereuse, Fabrice, me répliqua ma femme avec gravité.
Pouvait-elle comprendre que mes paquets m'avaient accompagné toute ma vie, que mes cigarettes étaient mes amies fidèles, toujours à portée de main quand j'avais besoin d'un réconfort. Je venais de divorcer de cette compagne, sans accord mutuel. J'aurais souhaité une sorte de compassion, une minute de silence." p.104
Je me suis tellement retrouvée dans ce passage comme dans tout le roman d'ailleurs. Dans cet adieu nécessaire qui n'est jamais assez long. Dans ce changement de vie radical. Devoir casser les habitudes, rompre les associations, compenser sans y arriver, combler l'absence. Lutter contre ces petites cellules de mon cerveau qui me disaient "au secouuuuuuurs, donne nous à manger !"
Me réveiller toutes les nuits. Chercher quelque chose sans savoir quoi. Pleurer et pester tant tout cela me paraissait ridicule. Et puis cette impression que la vie manquait subitement de saveur alors même que mes papilles retrouvaient le vrai goût des choses. Le goût amer qui avait disparu et qui pourtant subsistait sous une autre forme.
Renoncer à la cigarette équivaut à lutter contre soi-même. C'est très dur et je suis d'autant plus contente d'y être arrivée et de pouvoir répondre à qui me demande une cigarette : "non désolée, j'ai arrêté" :)

Enfin bref. Revenons-en au roman. Et les meurtres dans tout ça? Je dirais qu'ils ont résonné en moi tels des exemples de la mauvaise foi du personnage. Des prétextes au maintien de sa dépendance façon " Vous voyez ce que ça donne quand j'essaie d'arrêter de fumer? Je pète un sérieux câble et je tue des gens. En fait, je n'aurais jamais du essayer d'arrêter. Maintenant c'est pire."
Oui, malgré les meurtres, on rit. On rit parce que le lien de causalité entre cigarette et meurtre est présenté de façon assez cocasse et apparaît comme une dérive des plus extrêmes mais aussi parce que l'air de rien on s'attache à ce personnage intelligent, drôle et cynique à qui l'on souhaite de retrouver la paix intérieure.

Les fumeurs (et de manière plus générale, "les accros", que ce soit de chocolat, de café, de vin, de coca, de rognures d'ongles et j'en passe) rient parce qu'ils se retrouvent dans les réflexions de Fabrice Valantine sur la dépendance.
Les anciens fumeurs dont je fais partie (et qui ne deviendront jamais des non-fumeurs tant, apparemment, l'envie de fumer reste toute la vie :/) se souviendront avec nostalgie de leur ancienne compagne disparue, regretteront parfois (oui enfin sans doute pas les files chez le libraire ou les sprints nocturnes pour trouver un night-shop encore ouvert) mais ne replongeront pas pour autant (yes we can!)
Quant à ceux qui ne sont accros à rien (ça existe?), passez votre chemin et vous irez au ciel bande de...je plaisante hein!

Une douce drogue qui a su me rendre accro durant quelques heures. Un précis d'humour noir qui a su me faire rire. Un nième aurevoir qui me laissera un souvenir ému.
Une vraie pépite en somme et qui mérite les avis dithyrambiques dont elle a fait l'objet !

D'autres avis aussi enthousiastes chez BOB !


Merci à Cécile de l'avoir conseillé et de m'avoir prêté son exemplaire ! Vous pouvez lire son interview de l'auteur ici

Last but (certainement pas) not least, "Fume et tue" faisait partie de la sélection officielle du prix 2009 QD9 mis en place par Cécile et dont le jury était composé de 9 brillantes personnalités (dont moi-même ^^).
Après des semaines d'intense réflexion et de lectures (parfois...comme pour les grands prix quoi...), nous avons mis en place une sélection francophone et une sélection étrangère, le best du best de nos lectures de 2008 que vous pouvez consulter ici
Hé bien il se trouve que justement, "Fume et tue" se trouve être le grand gagnant francophone du prix QD9 !!! Bravo à Antoine Laurain pour ce succès mérité et remporté haut la main !

Bon, l'heure est maintenant venue de dévoiler le gros scoop de la soirée ! Antoine Laurain ainsi que son éditeur seront tous deux présents à la remise des prix concoctée par Cécile.
L'occasion de rencontrer l'auteur, de lui poser toutes vos questions, de faire dédicacer votre/vos livre(s) ou paquet(s) de clopes mais aussi de rencontrer les sympathiques membres du jury (soupirs, je ne pourrai être présente :/) et d'échanger avec eux autour des livres et d'un bon repas !
Pour les détails de cette fabuleuse soirée prévue à Paris le 19 mars, cliquez

En tout cas, ce qui est certain c'est que je rempile pour l'année prochaine et que je tuerai quelqu'un si il le faut pour assister à la prochaine remise des prix !

18 commentaires:

  1. Oh double tentation : celle du livre et celle de la cigarette !

    RépondreSupprimer
  2. La cancerette : jamais vu ce mot, qui dit bien des choses...
    En tant que non fumeuse (t'inquiète, je n'ai jamais eu la volonté de vraiment m'y mettre, de plus mes parents me donnaient les cigarettes, même pas la joie de l'interdit, alors ...)j'ai aussi adoré ce bouquin!!!
    Et je précise que je suis addict au thé, si je n'ai pas ma dose, je dors...

    RépondreSupprimer
  3. Énormément aimé ce roman à l'écriture jubilatoire. Félicitations d'avoir arrêté de fumer, tu peux être fière de toi, il est plus facile de s'y mettre que de s'en défaire !

    RépondreSupprimer
  4. J'ai beaucoup aimé aussi ce bouquin et pourtant je suis non-fumeuse.

    RépondreSupprimer
  5. Bon, je le note dans ma LAL mais ce bouquin ne sera pas une priorité. Si je le lis l'année prochain ce sera bien...

    RépondreSupprimer
  6. @ Clara : je te conseille l'un (le livre) et pas l'autre (la clope). Pourquoi ne viendrais-tu pas à la remise de prix pour un exemplaire dédicacé ?

    @ Cynthia : heureuse que tu aies aimé le livre et merci à toi de relayer l'info sur le prix et la soirée du 19. N'hésite pas à passer commande si tu veux un exemplaire dédicacé par l'auteur !

    RépondreSupprimer
  7. Ah ben, j'avais déjà envie de lire ce roman et là tu me convaincs :-)

    Mais dis-moi, c'était un peu tôt pour lire ce roman ? ;-)

    RépondreSupprimer
  8. Alors bravo à ceux qui ont voté pour ce livre, il m'a bien plu aussi. Je fumais quand je l'ai lu et là, ça fait bien dix jours que je n'ai pas tiré sur une clope... dur, très dur...

    RépondreSupprimer
  9. Impossible pour moi de lire ce livre. Ex fumeuse depuis deux ans, mais toujours pas guérie. Même quand un acteur en allume une dans un film, je me dis que je la fumerais bien avec lui. ALors un livre qui évoque ne serait -ce qu'une fois la cigarette : no way !

    RépondreSupprimer
  10. Je l'ai ajoute a ma LAL il y a bien longtemps celui-la, mais je n'ai pas encore eu l'occasion de le lire ! Mais ton billet me donne envie... de le lire hein, pas d'une cigarette !

    RépondreSupprimer
  11. Toujours pas tentée par ce livre décidemment même si tu en parle très bien !
    Ok je sors et je prends mon billet pour le ciel ^^

    RépondreSupprimer
  12. Je suis horriblement tentée par ce livre depuis très longtemps mais jusqu'à présent, je trouvais que je n'étais pas sevrée depuis assez longtemps (10 mois). Là j'hésite...
    Et sinon, je suis entièrement d'accord avec tous tes propos d'ancienne fumeuse. L'arrêt a été très dur et j'ai toujours du mal à envisager certaines situations en pensant que je n'aurais pas de cigarette.
    Petite anecdote : quand ma fille aînée avait 18 mois, j'avais arrêté de fumer et nous avons appris qu'elle devait se faire opérer des reins quelques mois plus tard. En attendant l'opération, je me suis remise à fumer car je ne me sentais pas capable d'affronter l'attente pendant l'opération sans cigarette... Comme quoi, ça a été une sacrée béquille pendant longtemps. Maintenant ça va mieux, j'ai eu d'autres situations difficiles mais j'ai su gérer. *fierté immense*

    RépondreSupprimer
  13. @Clara : ah non hein! Le livre seulement nomého! ;)

    @Keisha : des parents qui donnaient des cigarettes, ça aurait été mon rêve lol
    Je suis aussi accro au thé ^^Premier geste en arrivant au boulot le matin : allumer la bouilloire !

    @Bladelor : Oh que oui! Je me suis débarrassée de la cigarette mais si je pouvais supprimer aussi de l'envie de fumer :/

    @Aifelle : Oui, je suppose qu'il doit être aussi savoureux "vu de l'extérieur"!

    @La plume et la plage : comme tu le sens ;)

    @CécileQD9 : commande passée ;)

    @Manu : oui et non, je pense que ce sera toujours trop tôt ^^

    @Ys : Je te conseillerais bien de trouver un substitut mais franchement à ce jour je n'ai pas encore trouvé d'équivalent, je ne crois pas qu'il y en ait d'ailleurs.
    La cigarette est un monde à part...

    @Géraldine : j'y pense aussi pendant un film mais je suis sûre que si j'en fumais une, je tousserais comme quelqu'un qui n'a jamais fumé.
    J'ai cette petite phrase "Oui mais de toutefaçon c'est dégueulasse" qui m'accompagne ^^

    @Liyah : dans ce cas n'hésite plus ;)

    @Choco : et pourtant je pense qu'il pourrait te plaire! Tu n'as qu'à imaginer du Galak speculoos à la place de la cigarette ^^

    @Restling : tu es sevrée depuis plus longtemps que moi mais les sensibilités sont toutes différentes.
    Disons que ce livre m'a fait sourire quant à mes anciennes attitudes tabagiques.
    Ca n'est pour ça que je suis retournée au night shop me chercher un paquet.
    A toi de voir comment tu le sens ;)

    RépondreSupprimer
  14. PS à Restling : J'ai arrêté à une mauvaise période aussi et j'ai dû m'accrocher car la tentation de la cigarette "consolatrice" était bien là.
    J'ai du garder en tête que la cigarette ne rend pas plus heureux, ne fait revenir personne, ne résout pas les problèmes et, contrairement à ce que l'on pense, ne détend absolument pas!

    RépondreSupprimer
  15. Et bien même pas... D'ailleurs j'ai trouvé un nouveau modèle de chocolat et ton galak c'est du pipi de chat à côté ! ^^

    RépondreSupprimer
  16. Je découvre ce livre, et j'ai maintenant très envie de le lire! Quant à la cigarette, moi aussi j'ai arrêté ;)

    RépondreSupprimer
  17. J'ai déjà noté ce livre dans ma lal, mais toujours pas eu le temps de le lire ! grrr !
    En tant que fumeuse repentie (difficilement), je devrais adorer ! ;-)

    RépondreSupprimer
  18. euh je n'ai jamais fumé, mais j'avoue que le contenu du roman m'interpelle! par contre je pense que j'attendrais sa sortie éventuelle en poche

    RépondreSupprimer