5 mars 2010

Chagrin d'école - Daniel Pennac


"Chagrin d'école" est un essai de l'écrivain français Daniel Pennac, publié et détenteur du prix Renaudot en 2007.
L'auteur revient sur ses années passées sur les bancs de l'école, sur cette étiquette de cancre qui le poursuivit durant toute sa scolarité et lui valut un passage en pensionnat, sur la lecture, sur ces quelques professeurs qui l'ont sauvé de leurs enseignements et sur cette volonté de devenir à son tour, bien des années plus tard, enseignant.

L'auteur nous livre au détour d'anecdotes son expérience d'enfant en difficulté scolaire, la douleur de vivre en marge du savoir et de ses camarades ainsi que l'incompréhension et les réactions de ces générations entières de parents inquiets que leurs enfants ne fassent rien de leur vie plus tard.
A la lumière de cette tranche de vie et en tant que "rescapé" comme il le dit lui-même devenu professeur, il partage ses vues sur un enseignement qu'il conçoit comme tributaire d'une faculté d'écoute et d'accompagnement.
" Je me faisais l'effet d'un maître-nageur. Les plus faibles avançaient en peinant, la tête hors de l'eau, segment par segment, accrochés à la planche de mes explications, puis ils nageaient seuls, quelques propositions d'abord, jusqu'à s'offrir bientôt une longueur de paragraphe, sans lire, de tête." p.165

Je trouvais intéressant de mettre en parallèle l'expérience du cancre et celle du professeur, toutes deux vécues par la même personne et présentées comme étant les deux faces d'une pièce.
Malheureusement - et ce sentiment ne m'a pas quittée durant toute ma lecture - j'ai ressenti un profond décalage entre la "cancre attitude" vécue par Pennac et le constat d'échec scolaire actuel.
Et au vu de ce qui se raconte autour de moi, notamment par des ami(e)s profs, à défaut d'utiliser le terme de "maître-nageur" pour qualifier le professeur actuel, je serais tentée de lui préférer celui de "gardien de zoo" tant les évocations telles que "ne savent pas se tenir tranquilles" ou "insultent et balancent des craies" affluent dans les discussions...
Je ne pense pas qu'à l'époque actuelle, l'enseignant que Pennac était autrefois récolterait tant d'attention de la part d'un élève en lui parlant grammaire (à cet effet, j'ai d'ailleurs trouvé certains passages assez "geek" et longs...) ou "pensée magique"...

Aussi, bien que j'ai adhéré à plusieurs idées de l'auteur ( l'utilité en français d'apprendre certains textes par coeur pour mieux en mesurer l'intensité comme c'est le cas pour le théâtre, la comparaison des élèves habillés par les marques en hommes/femmes sandwiches ou encore l'importance de casser le prisme de l'échec par l'encouragement), j'ai trouvé que les pistes qu'il proposait étaient quelque peu naïves voire dépassées vu le contexte actuel.
Bien que j'ai nettement préféré la partie consacrée au "Pennac cancre" qu'au "Pennac prof", j'ai ressenti à travers l'écriture de l'auteur une vraie âme de pédagogue ainsi qu'une infinie tendresse pour ces générations de jeunes qui furent ses élèves.

Les chapitres sont plutôt courts en ce qu'ils contiennent un bon nombre d'anecdotes entremêlées de contenu à caractère plus "sociologique" et teintées de petites touches d'humour.

" Quand j'étais adolescent, nous étions au moins deux à le faire exprès : Pablo Picasso et moi. Le génie et le cancre. Le cancre ne faisait rien et le génie faisait n'importe quoi, mais exprès, tous les deux. C'était notre seul point commun. " p.202

"
- Les profs, ils nous prennent la tête , m'sieur !
- Tu te trompes. Ta tête est déjà prise. Les professeurs essayent de te la rendre." p.227

Une lecture intéressante et qui fut loin d'être déplaisante même si, vu le sujet, j'ai eu l'impression d'être restée en retrait.
Il faut dire que je ne suis ni professeur, ni mère, ni amie d'une mère d'adolescent. Je n'ai pas non plus été un cancre à proprement parler. J'étais très bavarde, facilement distraite mais malgré mes faiblesses en math et en sciences, je réussissais toujours à garder la tête hors de l'eau ou presque...

"Quelle que soit la matière qu'il enseigne, un professeur découvre très vite qu'à chaque question posée, l'élève interrogé dispose de trois réponses possibles : la juste, la fausse, l'absurde. J'ai moi-même passablement abusé de l'absurde pendant ma scolarité." p.178

Il ne fut pas le seul. Je me souviens de quelques exemples, notamment lors d'un cours de physique durant lequel ma prof tentait tant bien que mal de m'expliquer heu...je ne sais plus quoi...Bref elle me dit "Mais enfin Cynthia, ça n'est pas compliqué! Tu as 8 morceaux de saucisson. Tu en places 3 dans un tunnel et 5 dans un autre, combien y a t-il de morceaux au bout du compte?".
J'avais trouvé sa question tellement débile et insultante en regard de ma volonté à comprendre son cours que je lui ai répondu "Je ne sais pas madame, je n'ai jamais croisé de saucisson dans les tunnels...".

Hum...Soit. Peut-être envisagerais-je ce livre d'une toute autre façon d'ici quelques années...

D'autres avis chez Bob !

L'interview de l'auteur et 3 extraits lus

"Chagrin d'école" était une lecture commune avec Abeille et Bladelor dont je file lire les billets !

14 commentaires:

  1. et bien je ne suis pas encore attirée par une lecture de Pennac. Mais si je devais commencer par un roman je pense que je choisirais celui-ci, car ton billet est très bien rédigé et donne envie

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  2. Euh ... l'histoire du saucisson, là j'ai du mal? Pourquoi dans un tunnel? Prof bizarre?
    A part ça j'ai lu ce livre, un peu inquiète au départ. Car ce "cancre" n'a pas quitté l'école si vite que cela! je pense à ceux qui eux n'ont aucun diplome et aucun boulot...
    Mais la dernière partie m'a parue plutôt bien faite.
    Ceci étant, mon quotidien de prof me laisse désarmée face à un ado en crise de refus...ou qui croit encore qu'il a le droit de quitter l'école à 13 ans pour devenir charpentier. Hélas non. Il deviendra charpentier (je l'espère pour lui, c'est un beau métier) mais il devra rester à l'école...

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  3. héhé le saucisson!
    je n'ai pas lu celui ci et je ne compte pas le lire depuis ma rencontre désastreuse avec l'auteur

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  4. Je suis pliée de rire avec ton hsitoire de saucisson dans le tunnel !

    Pour les tenues des élèves, hélas,je constate que des affinités entre gamins se font par rapport à ceux qu'ils portent sur le dos...

    Et quand je me suis insurgée à ce propos lors d'une réunion à l'école, j'étais la seule Parent à demander que cette surenchère cesse.

    Un gros flop pour moi...sans compter les remarques désoligeantes des autres parents.

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  5. Bien aimé ce livre, jusqu'à ce que je devienne prof. Comme l'a dit Keisha, il était peut-être cancre mais ça ne l'a pas empêché de décrocher son bac et sa maîtrise.
    Et puis je suis d'accord avec toi, ça laisse sceptique. Impression globale qu'il a réussi à intéresser les élèves à la lecture, lui, trop fort! Je me demande quand même s'il finissait ses programmes, ce brace monsieur Pennacionni.
    Après, je trouve que l'intérêt du livre est aussi de rappeler que l'élève en refus scolaire est aussi en souffrance par rapport au savoir. C'est bien d'avoir un témoignage de ça.

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  6. @Lael : si c'était à refaire, je crois que j'opterais plutôt pour "Comme un roman" pour commencer. Cela dit, je ne regrette pas cette lecture ;)

    @Keisha : Oui, penses-tu j'ai eu du mal aussi à conceptualiser le machin ^^
    Effectivement Pennac a tout de même fait une licence en lettres et une maitrise...
    J'ai trouvé ces élèves encore très dociles par rapport à ce qu'on voit maintenant...et je suppose que tu vois très bien de quoi je parle ;)

    @esmeraldae : une rencontre désastreuse? Il faudra m'en dire plus ^^

    @Clara : le sujet de la tenue à l'école est délicat je trouve. D'un côté le retour à l'uniforme serait une bonne chose pour mettre tout le monde "à égalité" et d'un autre, un ado a besoin de s'exprimer à travers ses vêtements et en ce sens, je trouve que l'uniforme laisse peu de place à la créativité...

    @Mélusine : oui tout à fait ! Le Pennac cancre m'a émue autant que le Pennac prof ne m'a pas convaincue. J'ai trouvé ses pistes trop idéalistes pour le monde scolaire d'aujourd'hui...

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  7. Bon, j'ai lu ton billet et puis commencé à regarder l'interview de Pennac (merci pour le lien, très intéressant), le temps a filé, j'ai dû m'absenter, et donc me voilà pour te laisser un petit message ! ;-)
    Bref, je partage à quelques détails près ton avis et je peux comprendre ton ressenti. Je pense effectivement que l'on ne doit pas percevoir ce livre de la même façon selon l'âge et l'expérience de la vie que l'on a, et il est certain que plusieurs choses me gênent dans le discours de Pennac. Mais, il me semble que Chagrin d'école ne se veut pas une réponse pragmatique aux difficultés que les enseignants rencontrent dans les classes, il est davantage une réflexion sur l'attitude des uns et des autres face à l'échec scolaire. Cela étant, son point de vue me semble à sens unique, ce qui m'a déplu.
    Malgré cela, j'ai aimé cette lecture.

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  8. Gardien de zoo, oui, c'est bien ça pour certains. :/

    Sinon je l'ai lu, et même si je l'a trouvé moins drôle que ses autres livres, j'ai aimé certains passages.

    Quant à cette histoire de saucisson, comme dans chaque métier, il y a des gens bizarres ! :D

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  9. J'ai aimé tout ce que j'ai lu de Pennac, faisant même de la sage Malaussene un de mes meilleurs souvenirs. Cependant, ce livre ne m'intéresse pas vraiment. J'étais loin du cancre et ma mère m'a rapidement dégoutée du métier d'enseignante (et je ne l'en remercierai jamais assez ;-) )

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  10. Bien d'accord avec ton avis, même si je crois avoir moins adhéré que toi...

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  11. C'est plutôt étrange, mais je n'ai jamais été attirée par cet auteur ! Je ne me l'explique pas ... "Chagrin d'école" nous parle quand même d'une période où les élèves, même cancres, sortaient et trouvaient du travail ! Et pour un cancre, je pense que Daniel Pennac s'en est plutôt bien sorti. Je côtoie des adolescents qui sont en situation d'échec scolaire, et cela me fait plus penser à un zoo ou un parc animalier qu'à de mauvais élèves. Ils ont décidé de ne plus rien faire et rien, ni personne ne les fera changer d'avis. C'est dramatique pour eux et un échec pour l'éducation !

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  12. Il est fort probable que, comme tu le dis, les solutions qu'il propose sont assez naïves dans le contexte actuel. Mais personnellement ce livre m'a vraiment touché parce qu'il détruit un peu le mythe de l'élève qui ne réussit pas parce qu'il est paresseux et puis c'est tout; donne une autre image du "cancre", voilà une belle réussite !

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  13. Excellente l'histoire du saucisson ! Et je me reconnais parfaitement dans le portrait que tu dresses de toi à l'époque scolaire !

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  14. J'ai envie de le lire depuis un certain temps. Par curiosité tout simplement. C'est un sujet très riche, il y a beaucoup à dire, après jepeux comprendre tes réserves!

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