29 septembre 2010

Ecrivains - Antoine Volodine


Paru le 2 septembre, "Ecrivains" est le 19ème roman de l'écrivain français Antoine Volodine, également connu sous les pseudonymes d'Elli Kronauer, de Manuella Draeger et de Lutz Bassmann.
7 chapitres, 7 personnages et autant de destins croisés. Placé en maison de santé, Mathias Olbane a pour habitude de jouer à la roulette russe avec son arme et, arrivé au décompte final, repousse sans cesse son suicide.
Linda Woo, enfermée dans une prison, évoque le post-exotisme et l'engagement politique des écrivains. Une femme nue du nom de Maria trois-cent-treize improvise en prison une conférence sur l'image. Un homme, torturé par ses compagnons d'asile, se rappelle ses souvenirs d'enfance pour échapper à la violence des coups et de cette fin qu'il sait toute proche.
Un autre remercie toutes les personnes ayant chacune contribué à leur façon à enrichir sa vie comme son oeuvre.
Bogdan Tarassiev commet plusieurs assassinats tandis que Nikita Kouriline qui s'est toujours senti coupable de la mort de sa mère, décédée en le mettant au monde, enquête sur les circonstances réelles de cette disparition pour en faire un roman qui ne sera jamais publié.

"Ecrivains" dresse une galerie de portraits d'écrivains plutôt atypiques, anonymes en raison d'un manque d'intérêt pour leurs publications ou parce que leurs tentatives de rédaction sont restées inabouties.
Sur le déclin, ils sont tous unis par cette même solitude engendrée par l'écriture comme par l'emprisonnement et l'inaccessibilité au monde extérieur.
Personnages en souffrance parfois malades, écrivains-justiciers voire kamikazes, ils touchent de près à la mort qu'ils savent inéluctable, une situation qui permet à l'auteur de revenir sur leurs antécédents.
Si les différents chapitres composant ce roman peuvent se lire comme des nouvelles, les personnages qui s'y retrouvent convergent tous vers ce que l'auteur dénomme le post-exotisme qui désigne une certaine forme de marginalité vis-à-vis des courants littéraires existants, concept qui se trouve d'ailleurs inscrit dans le reste de son oeuvre.

" Les écrivains post-exotiques n'étaient pas des scribouilleurs de pacotille, ils se sont engagés en politique avec des armes, ils ont pris le chemin de la clandestinité et de la subversion, et sans craindre ni la folie ni la mort ils se sont lancés dans une bataille où ils n'avaient qu'une chance minime de gagner, une chance infinitésimale, et ils se sont ainsi retrouvés soldats et solitaires, dérisoirement peu nombreux sur le front d'une guerre où, combat après combat, ils perdaient tout." p.32


" Ils se sont mis à ruminer sur les promesses non accomplies et ils ont inventé des mondes où l'échec était aussi systématique et cuisant que dans ce que vous appelez le monde réel.
(...) Leur parole a retenti dans un espace où les vivants se raréfiaient, dit-elle avec difficulté. Ainsi et seulement ainsi doit être perçue la littérature post-exotique : comme un dernier témoignage inutile et imaginaire, prononcé par des épuisés ou par les morts et pour les morts. Notre parole." p.36

Vous l'aurez compris, les portraits décrits ici se veulent majoritairement sombres et angoissants.
Or il arrive aussi qu'en écho au désespoir de chacun des protagonistes, un humour acerbe se manifeste de façon timide ou plus prononcée comme c'est le cas dans le chapitre "Remerciements" qui m'a valu plusieurs rictus.

" Parmi les personnes à qui je suis formidablement redevable de m'avoir soutenu dans les moments difficiles, une place toute particulière doit être réservée à Tatiana Vidal, à son mari Olaf et même à leur bébé Carmelita, pour les encouragements qu'ils m'ont prodigués alors que, songeant à me défenestrer, j'avais déjà enjambé le rebord du balcon de leur vingt-deuxième étage.
Sans leurs paroles réconfortantes, intelligentes et appropriées, et sans les sanglots stridents de Carmelita, je crois bien que je n'aurais jamais terminé mon roman Macbeth au paradis." p.76

" Sans établir de hiérarchie dans le mérite, je remercie ici vivement les codétenus avec qui j'ai partagé les quarante semaines de mon incarcération à Jogjakarta, et, en particulier, le chef de cellule Muslim Bang, qui a interdit aux prisonniers de l'étage de me sodomiser et m'a enseigné les subtilités de l'emploi des retardateurs plantés dans un pain de plastic, subtilités qui se sont développées dans Adieu nuages." p.78

"Ecrivains" est un roman qui requiert une attention minutieuse de la part du lecteur car si l'auteur ne fait pas l'économie du détail pour nous transmettre ces portraits fictifs et pourtant plus vrais que nature, son univers imaginaire est si particulier qu'il nécessite une immersion totale de la part du lecteur, chose à laquelle je ne suis pas toujours parvenue.
Une lecture que je qualifierais donc d'exigeante mais dont l'originalité du propos m'a troublée à plus d'un titre.

D'autres avis : Mobylivres - Sarawasti

Un grand MERCI à Hélène et à la librairie Dialogues !

16 commentaires:

  1. Il est noté, mais je ne sais si ce sera un livre pour moi qui préfère le léger au complexe...

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  2. Je l'avais déjà repéré, je l'ai eu en main en librairie l'autre jour, j'ai hésité... et ton avis me donne encore plus envie. Merci!

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  3. @Jules : ce n'est pas une lecture inaccessible mais certains passages m'ont semblé moins abordables que d'autres.
    Mieux vaut donc le feuilleter en librairie avant de te décider...

    @Daniel : je suis sûre qu'il te plairait !

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  4. lecture attentive c'est sûre ...je n'ai pas adhéré du tout même si effectivement il écrit plutôt bien ..mais parfois il force le trait jusqu'à l'absurde et au nihilisme..déstabilisant comme certains productions de l'Art contemporain...recherche authentique ou volonté d'exister à travers une oeuvre provocatrice et élitiste ????????

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  5. @Sarawasti : on est effectivement tentés de voir en ce roman une tentative de l'auteur de se démarquer par rapport à la production actuelle.
    Le post-exotisme évoqué semble être chez lui un thème récurrent. Peut-être faudrait-il lire ses autres romans pour en décrypter les mécanismes internes...

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  6. faut voir...mais, pas trop tentée pour l'instant...je "digère" lentement celui-ci !

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  7. Euh mouais quoi ! (ben oui je n'ai rien de plus à dire ;-) )

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  8. c'est l'écrivain de la rentrée ! j'ai vu qu'il publiait au moins deux romans cette année !

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  9. Je mentirais en disant que je suis tentée .. pas trop mon genre.

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  10. Manifestement pas pour moi en ce moment mais je vais être attentive à ce qu'il écrit désormais. Je n'en avais pas encore entendu parler!

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  11. @Manu : oui je me disais bien qu'avec un avis pareil, je ne récolterais pas tous les suffrages ^^

    @George : 3 même, c'est un écrivain très productif et ce pour chacun de ses pseudos...

    @Aifelle : oui, c'est un roman assez particulier

    @Restling : héhé je m'en doutais ;)

    @Mango : je ne le connaissais pas non plus mais je ne regrette pas cette lecture

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  12. De cet auteur j'ai lu "Biographie comparée de Jorian Murgrave", qui ne date pas d'hier (un vieux Présence du Futur) que j'ai beaucoup aimé, mais c'est un univers très spécial quand même.

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  13. Bof, bof, pas vraimen tentée par le sujet.

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  14. J'ai presque envie de reproduire le commentaire d'Alex, ci-dessus : "bof bof...." ;-)
    Je vais moi aussi passer mon tour pour ce roman !

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